Triptyque énergétique :
EnR, les 3 raisons d’une même impasse, les 4 raisons de payer plus cher
Jean Pierre Riou
Baisse de la stabilité dynamique du réseau, effets pervers sur le marché des surproductions renouvelables, effondrement de la sécurité d’approvisionnement, trois alertes récentes liées à la croissance des EnR électriques dévoilent l’ineptie de leur développement en France.
Ces 3 alertes se sont succédées depuis janvier et font l’objet de 3 analyses distinctes dans « Le Mont Champot » :
- Celle relative au risque d’écroulement du système en raison de l’augmentation des EnR, publiée par le gestionnaire du réseau européen Entsoe date du 9 janvier et fait l’objet de l’article « L’Europe dans le noir »,
- Celle concernant les risques d’une surproduction aléatoire a été diffusée par RTE le 11 avril et fait l’objet de l’article « Pour un moratoire immédiat sur l’éolien »,
- Celle publiée par l’Entsoe sur la dégradation de la sécurité d’approvisionnement à moyen terme date du 7 février et fait l’objet du présent article.
Ces 3 articles forment un même triptyque, les sources des uns justifiant l’analyse des autres, qui servira de préambule à une conclusion sur le prix et les risques de développement des EnR électriques en France.
Les EnR ne remplacent aucun MW pilotable installé
Selon Eurostat, la capacité installée, sur la période 2000-2022 est passée de 613,221 GW à 1046,113 GW, soit + 70,59% d’augmentation en raison du développement des 394,238 GW solaire/éolien supplémentaires dont le facteur de charge est très faible.
Mais surtout, contrairement à une idée reçue, dans le même temps, le parc pilotable est passé de 600,748 GW à 639,403 GW, soit une augmentation de 6,43% du parc pilotable qui correspond exactement à celle de l’augmentation de la production.
En effet, sur cette même période les chiffres d’Eurostat montrent que la production d’électricité de l’UE est restée pratiquement stable avec 2 658 299 GWh en 2000 et 2 824 259 GWh en 2022, soit une augmentation de 6,24% de cette production brute, c'est-à-dire dans les strictes proposrtions de l’augmentation du parc pilotable.
En clair, le développement exponentiel d’un parc intermittent n’a toujours pas permis de se passer de la moindre puissance pilotable installée, pour pouvoir faire face aux périodes prolongées sans vent ni soleil, pour lesquelles aucun stockage n’est envisageable, même à long terme sans technologie de rupture dont rien ne permet d’envisager la découverte.
Pire !
Cette situation ne provient pas d’une difficulté quelconque de fermer des moyens thermiques, mais s’accompagne au contraire de pressions, y compris judiciaires pour éviter leur réduction. Ainsi que l’énergéticien Uniper en a fait la douloureuse expérience en se heurtant à plusieurs reprises à l’interdiction de fermer les unités 4 et 5 de sa centrale ultramoderne à gaz d’Irsching. Celui(ci a dû recourir à la justice pour réévaluer ses indemnités qui ne compensaient même pas ses frais. La difficulté, malheureusement contre-intuitive pour la plupart des écologistes, ne consistant pas à parvenir à fermer les centrales thermiques fossiles, mais bien au contraire à réussir à les laisser ouvertes, pour une cruciale raison de sécurité.
Or non seulement ce parc pilotable n’a pas diminué en 20 ans, mais le gestionnaire du réseau européen Entsoe vient d’alerter sur le risque de son insuffisance.
L’alerte de l’Entsoe
En effet, le 7 avril 2025 l’Entsoe a publié une analyse prospective du réseau européen dont il est gestionnaire dans une « Évaluation de l'adéquation des ressources européennes » (ERAA)et dans laquelle il attire l’attention sur les « risques importants » qui le menacent, en raison de la perte de viabilité économique des capacités pilotables, dites « flexibles » : « Au niveau européen, le risque d'adéquation lié au démantèlement des capacités thermiques en raison d'un manque de viabilité économique demeure, malgré des objectifs politiques ambitieux visant à soutenir les capacités de production d'énergies renouvelables. » L’évaluation des besoins liée à l’augmentation de la consommation confirme « des investissements importants et des prolongations de durée de vie dans les années à venir. D'ici 2035, une augmentation nette de plus de 60 GW de capacité flexible de gaz fossile (OCGT et CCGT) est prévue, les investissements étant stimulés par des prix de rareté peu fréquents. La durée de fonctionnement de certaines nouvelles capacités de gaz serait probablement inférieure à 500 heures à pleine charge. » Et l’Entsoe s’inquiète : « Ces signaux de marché, basés sur seulement quelques heures de prix de rareté par an, pourraient ne pas refléter le comportement des investisseurs peu enclins au risque en matière de capacité de production. Un investisseur peu enclin au risque est plus susceptible de reporter les investissements à haut risque »
Rappelons qu’il est prévu, que ces investisseurs soient pourtant rémunérés pour rester ainsi en réserve du réseau, comme le pratique déjà l’Allemagne. Encore faut-il que ce coût, cumulé aux nombreux autres soit à la fois acceptable par la collectivité et susceptible d’intéresser un investisseur. Dans son rapport, l’Entsoe enjoint les membres du réseaux européen des gestionnaires de réseaux de transport d’électricité (REGRT-E) de mettre en œuvre en priorité une « action urgente » permettant la mise en œuvre de mécanismes de marché à long terme, qui fournissent des signaux de prix efficaces aux investisseurs dans de nouvelles ressources flexibles.
Malheureusement, chaque coup de vent ou de soleil entraîne déjà d’encombrantes surproductions qui font plonger les cours du MWh jusqu’à des prix négatifs, dont les effets délétères sont décrits dans « Pour un moratoire immédiat sur l’éolien ». qui détaille leur véritable dumping subventionné qui affecte également notre parc nucléaire dont la modulation à la baisse affecte la rentabilité.
L’ensemble de ce triptyque a ainsi vocation à préciser la fuite en avant vers une fragilisation croissante du système électrique et la multiplication des couts liées à
- La diminution de la stabilité dynamique du réseau
- La nécessité de conserver l’intégralité de la puissance pilotable
- La difficulté de gérer la croissance des productions aléatoires
- L’incapacité du marché à permettre la pérennité du système
Et fera donc l’objet d’une conclusion distincte, qui résumera pourquoi il faut payer 4 fois pour les EnR, et pourquoi, même en payant, c’est un pari risqué.
Merci et bravo pour toutes vos productions tellement éclairantes et dont la réalité ne cesse d'être confirmée par les faits.
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