jeudi 16 mars 2023

L’Australie, colosse des énergies renouvelables

 

L’Australie, colosse des énergies renouvelables

Avec 73,3% d'électricité d'origine fossile

 Jean Pierre Riou

L’Australie, nouveau géant des énergies renouvelables selon l’État français, est fréquemment citée en exemple en tant que modèle de transition en matière de mix électrique.


 

Et l’État d’Australie-Méridionale en est le fer de lance avec ponctuellement 100% de sa production électrique d’origine renouvelable.

 

Pour sa sécurité, l’Australie-Méridionale est interconnectée avec les États voisins et ne représente que 6,2% de la consommation totale australienne.

Celle-ci est figurée ci-dessous en jaune sur le site du régulateur australien AER.

(NEM = National Electricity Market)



 L’Australie, grande comme 15 fois la France pour 25,6 millions d’habitants, dont 60% dans les 5 principales métropoles, a misé sur le développement de l’éolien, mais aussi de parcs solaires géants qui bénéficient de vastes étendues non peuplées et d’un fort ensoleillement.

 

Des projets hors norme.

La société Sun Câble avait levé un fonds de 138 millions d’euros pour une liaison sous-marine de 4000 km avec Singapour, fort importateur d’électricité. Ce projet pharaonique privé, du plus grand parc solaire au monde, a pris l’eau financièrement et ses administrateurs ont annoncé leur intention de recapitaliser ou de vendre cette société. Infrastructure Australia, organisme chargé de conseiller le Gouvernement sur les infrastructures nationales, considère toujours en 2023 que ce projet « Power Link » reste un investissement valable pour l’Australie.

 

Un colosse aux pieds d’argile

Parallèlement, le producteur APR Energy décrit le challenge d’une « Stabilité du réseau à risque en raison de la forte dépendance à l’énergie éolienne intermittente », rappelant que « une chute soudaine et significative du vent – qui génère entre 49 et 100% d’électricité en Australie du Sud un jour donné – a déstabilisé le réseau électrique de l’Australie-Méridionale, plongeant tout l’État dans l’obscurité » le 16 juillet 2016.

C’est en effet cette occurrence ponctuelle de 100% d’énergie renouvelable qui fait également citer spécifiquement l’Australie-Méridionale parmi les modèles à suivre. Et pour lequel APR Energy s’est vu confier en 2017 l’installation de neuf turbines à gaz mobiles GE TM2500 Gen 8 d’une capacité de production de 276 MW à capacité de démarrage rapide afin de « soutenir la forte dépendance de l’Australie du Sud à l’égard des énergies renouvelables intermittentes ».

D’autre part, le gestionnaire de réseau d’Australie-Méridionale Electranet développe le projet Energyconnect pour augmenter la capacité d’interconnexion avec les États voisins de Victoria et de Nouvelle-Galles du Sud, actuellement de 820MW pour l’import et 700MW export.

En juin dernier, le régulateur de l’énergie australien a pris le contrôle du réseau électrique national, et suspendu un système de marché en proie à la flambée des prix et à la menace de coupures généralisées.

 

73,3% de production fossile

Il est en effet plus facile de se débarrasser de productions intermittentes aléatoires en les exportant que de les utiliser pour réduire la production fossile.

Or depuis l’année 2013-2014, où la consommation était sensiblement égale à celle de 2021, la production fossile a été réduite de 212,4 TWh à 194,7 TWh, soit - 8,3% en 7 ans, ce qui n’est pas négligeable mais bien insuffisant, le site du Gouvernement australien indiquant encore 73,3% de production électrique d’origine fossile pour l’année fiscale 2020-2021, dont 52,8% de charbon (& lignite) avec 140,311 TWh sur une production totale de 265,554 TWh.

Pire, cette production fossile est sensiblement la même qu’en 2000 où elle était de 192,062 TWh.

 

Et ce n’est qu’au sein de l’ensemble du marché électrique australien (NEM) qu’il faut comprendre les « prouesses » de l’Australie du Sud, qui produit cependant encore 5,5 TWh de gaz, soit 37,6% des 14,6 TWh de production totale.

Ou 47% des 11,7TWh de sa consommation. Et 48,8% fossile si on ajoute les 126 GWh de produits pétroliers.

 

Des publicités trompeuses

Les Green PPA (Power Purchase Agreement) sont des contrats d’électricité renouvelable à long terme. La production peut, bien sûr avoir lieu hors du site du consommateur et définir la quantité d’énergie achetée à un site précis, ou même être « hors site virtuel » c'est-à-dire achetée sur le marché de gros de l’énergie verte. Les électrons vendus étant mélangés avec ceux des autres productions sur le réseau, bien entendu.

C’est ainsi que des entreprises ou des villes entières peuvent se déclarer alimentées par 100% d’énergies renouvelables, comme les villes de Sydney ou Melbourne, ou le port de Newcastle, donnant l’impression trompeuse que si une ville peut le faire, un pays le peut aussi.Mais vendre

 

Mais l’électricité du « nouveau géant des énergies renouvelables » n’en carbure pas moins encore à 73% d’énergies fossiles.

 

Ukraine : le nucléaire meilleure arme contre la guerre

 

Ukraine : le nucléaire meilleure arme contre la guerre

Ukraine : le nucléaire meilleure arme contre la guerre

De façon contre-intuitive, la guerre en Ukraine a mis en lumière la formidable résilience que peut conférer l’énergie nucléaire, aussi bien civile que militaire.  Son analyse doit faire comprendre les conséquences potentiellement dévastatrices de leur abandon et, par delà les exigences climatiques, la nécessité impérieuse de conserver une économie forte et souveraine, tant l’Histoire est peu clémente pour les vaincus. 

La Commission d’enquête en cours sur ce sujet montre un peu plus chaque jour que notre politique énergétique visant à réduire notre production nucléaire menait à une impasse que nul n’ignorait.

L’Ukraine et le nucléaire

Trois ans après que l’indépendance ukrainienne avait été actée et reconnue par la Russie, lors des accords de Minsk, l’Ukraine, affaiblie économiquement, acceptait de se débarrasser de son arsenal militaire nucléaire [1] en échange d’une aide financière des États-Unis et de la reconnaissance de son intégrité territoriale. Les quelques 1500 ogives nucléaires de cet arsenal, aujourd’hui braquées sur les États-Unis selon Le Monde de l’époque [1], dotaient alors l’armée ukrainienne de la 3ème puissance nucléaire au monde.

S’il est stérile de vouloir réécrire l’Histoire, il n’en apparaît pas moins que la dissuasion d’une riposte aura fait défaut, il y a tout juste un an, quelle qu’ait pu être l’erreur d’appréciation du Kremlin sur la résistance ukrainienne à une invasion. 

Les traités de démilitarisation ne sont crédibles que lorsqu’ils ne livrent aucun de leurs signataires dans la gueule du loup. Raison pour laquelle la Corée du Nord risque de se faire attendre aux tables de négociations, tandis que l’accès à cette dissuasion nucléaire est un atout convoité par des pays tels que l’Iran. 

Et force est de constater que les promesses du Memorandum de Budapest No. 52241 [2] qui engageait la Fédération de Russie, le Royaume Uni, l’Irlande du Nord et les États-Unis d’Amérique à garantir l’intégrité territoriale de l’Ukraine, se sont révélées insuffisantes pour empêcher un conflit dont on connaît le caractère dévastateur.

Mais une hyperinflation, chute de production et l’asphyxie économique liée à l’achat de son gaz en devises fortes à Moscou, ainsi que l’analysait un reportage de l’époque [1], avait paralysé le pays, et amené le Président Kravtchouk à accepter de troquer son arsenal militaire contre une aide financière.

Le nucléaire sous les bombes

Le nucléaire civil a mis en évidence sa capacité à résister à des tirs de missiles, à des coupures totales de courant [3], et même à l’occupation de la centrale de Zaporijia par une armée ennemie en tout lieu décidée à martyriser le pays. 

Pour la première fois, une centrale nucléaire, la plus grande d’Europe, a été une cible militaire, notamment touchée par 12 missiles dans le seul weekend du 19 et 20 novembre [4], sans que la moindre contamination radioactive ait pu être détectée, notamment par les experts de l’AIEA dépêchés sur place [5].

Ce qui confirme la robustesse des enceintes en béton, que le spectaculaire crash test d’un F4 américain propulsé à 800km/h [6] n’avait pas réussi à percer, contrairement aux missiles qui ont frappé le barrage du réservoir de Karatchpuniv [7], entraînant l’inondation de 112 maisons et jardins ukrainiens.

L’ironie de Poutine

Lors d’un forum économique à Berlin, le 26 novembre 2010, Vladimir Poutine aurait cyniquement déclaré [8] : « Les Allemands, on ne sait pourquoi, n’aiment pas l’énergie nucléaire … je ne comprends pas comment vous allez vous réchauffer. Vous ne voulez pas de gaz, vous ne développez pas l’énergie nucléaire. Vous allez brûler du bois ? Mais pour ça aussi, il va vous falloir vous approvisionner en Sibérie, puisque vous n’avez pas de bois non plus. »

 Lire la suite dans European Scientist ....

https://www.europeanscientist.com/fr/opinion/ukraine-le-nucleaire-meilleure-arme-contre-la-guerre/

lundi 6 mars 2023

Mix énergétique : la charrue devant les boeufs

 

Mix énergétique français : La charrue devant les bœufs

Mix énergétique français : La charrue devant les bœufs

Jamais la production d’énergie n’aura fait l’objet d’une telle remise en question devant le double défi planétaire qui s’impose aujourd’hui : celui de l’accès aux ressources et celui de son impact sur l’environnement. Jamais l’indispensable vision à long terme n’aura été aussi difficile à percevoir.

« Mettoyt la charrette devant les bœufz » ordonnait Gargantua en 1534, attestant l’ancienneté d’une erreur récurrente.

Confondant  vitesse et précipitation, la politique énergétique européenne multiplie en effet des objectifs ambitieux avant d’en évaluer la pertinence et les moyens de les atteindre. C’est ainsi que les prérogatives accordées aux productions électriques intermittentes au détriment de la rentabilité d’autres moyens décarbonés compromettent l’équilibre du système électrique sur lequel repose notre unique  alternative, sans même qu’on sache si on saura un jour stocker l’électricité à grande échelle pour un coût acceptable par la collectivité.

Faute d’une évaluation rigoureuse,  cette politique perd de vue la voie objective du moindre impact comme celle du moindre risque.

Le réacteur le plus sûr est celui qu’on ne construit pas

Appliqué à lui-même, le principe de précaution s’interdirait tout seul tant il est dangereux, car les risques inhérents aux nouvelles technologies permettent bien souvent à celles-ci d’en éviter de plus grands encore.  Pourtant ce principe, énoncé dans l’article 5 de la Charte de l’environnement, a pris valeur constitutionnelle en 2005. Amplifiée par les marchands de peur et tout une constellation d’opposants à l’atome [1], cette défiance de l’innovation est en passe de ruiner la production française d’électricité, qui menace dans sa chute la pérennité du système électrique européen.

D. Finon et D. Grenêche en ont montré les conséquences sur la spécificité de la conception française de la sûreté nucléaire, qui diffère du principe international ALARA (as low as reasonably achievable), soit « raisonnablement possible », bien que l’article L110-1 du code de l’environnement évoque des mesure « proportionnées visant à prévenir un risque de dommages graves et irréversibles à l’environnement à un coût économiquement acceptable ».

Dans leur analyse[2], les auteurs décrivent l’escalade de normes de sûreté redondantes et injustifiée imposées par une Autorité de sûreté nucléaire (ASN) qui n’a de comptes à rendre à personne sur le gain apporté par chaque nouvelle exigence en termes du sûreté, tandis que leurs coûts et l’indisponibilité du parc  qui en résulte sont de nature à paralyser définitivement la filière.

En octobre 2019, Jean-Martin Folz remettait son rapport sur la construction de l’EPR de Flamanville [3]. Le chapitre « Un contexte réglementaire en évolution continue » mérite le détour pour prendre conscience des conditions kafkaïennes générées par l’évolution des critères à respecter, au fur et à mesure de l’avancée des travaux. Notamment l’arrêté de décembre 2005 sur la réglementation des Équipements Sous Pression Nucléaire (ESPN), dont la doctrine d’application « ne sera que progressivement publiée , le très attendu « guide 8 » pour l’évaluation de la conformité des ESPN est publié en 2009 et révisé en 2012 , et l’arrêté lui-même est révisé en 2015 puis codifié en 2018 tandis que les fabrications des équipements sous pression se poursuivent et que les industriels comme les organismes de contrôle s’efforcent de s’adapter aux nouvelles règles. »

La face cachée du risque 0

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https://www.europeanscientist.com/fr/opinion/mixe-energetique-francais-la-charrue-devant-les-boeufs/