mercredi 10 juillet 2019

Problématique sanitaire de l'exposition chronique aux éoliennes industrielles

Problématique sanitaire de l'exposition chronique aux éoliennes industrielles

Annexe n° 2 à mon audition devant la commission présidée par le député Julien Aubert
http://videos.assemblee-nationale.fr/video.7769994_5cf8fe6480bbb.impact-economique-industriel-et-environnemental-des-energies-renouvelables--m-ludovic-grangeon-et-6-juin-2019



Constat et prospective

Constat
TOUTES les études s’accordent pour constater le grand nombre de plaintes des « victimes sanitaires » des éoliennes et la réalité de leurs symptômes.
Les troubles décrits étant les mêmes dans le monde entier : nausées vertiges angoisse, acouphènes, perte de concentration.
Une étude de Santé Canada [1] observe que :
 « -Un lien statistique a été établi entre le désagrément associé au bruit des éoliennes et plusieurs effets sur la santé auto déclarés par les répondants, y compris l'hypertension, les migraines, les acouphènes, les vertiges, les résultats obtenus au PSQI (Pittsburg Sleep Quality Index) et le stress perçu.        
-Un lien statistique a été établi entre le désagrément associé au bruit des éoliennes et les concentrations de cortisol dans les cheveux, (marqueur de stress) ainsi que la tension artérielle systolique et diastolique. ».

De nombreuses études ont proposé une explication du mécanisme physiologique entraînant ces symptômes, notamment P. Schomer [2], A. Salt [3] et M. Alves Pereira [4].

On sait, bien évidemment, que le caractère psychosomatique intervient dans toutes les pathologies, ce qui ne peut qu’exacerber l’effet cumulatif lié à l’exposition permanente des riverains d’éoliennes à leurs flashes lumineux, à la rotation obsédante du rotor, à leurs vibrations solidiennes, ainsi qu’à l’atteinte qualitative du cadre de vie et du patrimoine immobilier.

D’autre part, plusieurs études ont objectivé les conséquences sanitaires de l’exposition d’animaux aux éoliennes. Notamment des oies [5] et des porcs [6] en fonction de la distance de leur élevage aux machines. La proximité des éoliennes a été mise en accusation en regard de scandales sanitaires pour des chevaux, au Portugal, pour des visons, au Danemark et pour plusieurs élevages bovins, notamment en France.

Pourtant, bien que l’Académie nationale de médecine ait constaté, dans son dernier rapport, une atteinte à la qualité du sommeil dans un rayon de 1500 mètres des éoliennes, ce qu’elle reconnait, par voie de conséquence, comme altérant la santé, son avis, comme celui de l’ANSES n’objectent que la qualité insuffisante du niveau de preuves du lien de cause à effet entre éoliennes et symptômes décrits par les riverains.
Elles évoquent la responsabilité d’un « effet nocebo », inverse nocif de l’ « effet placebo », qui résulterait de la peur des riverains d’être affectés par les éoliennes, de leur opposition de principe aux énergies renouvelables, ainsi qu’aux études alarmantes sur le sujet diffusées sur le web par les opposants aux éoliennes.

Ce véritable déni de la réalité du problème, constant dans chaque affaire sanitaire, a notamment suscité un rapport accusateur de l’épidémiologiste Carl V. Phillips *, après qu’il ait lutté contre les mêmes biais dans sa lutte contre le tabac.
Dans son rapport “Properly Interpreting the Epidemiologic Evidence About the Health Effects of Industrial Wind Turbines on Nearby Residents” Il dénonce :

«  ll y a des preuves accablantes que les éoliennes causent de graves problèmes de santé chez les riverains, dans une proportion non négligeable et dont l’origine est généralement liée au stress.
La preuve de cette évidence réside dans des milliers de rapports. »
Il considère que  « Les tentatives de négation de ces preuves ne peuvent être considérées comme un désaccord scientifique honnête mais représentent soit une incompétence grossière soit une partialité intentionnelle. »

Comble d’ironie, pour tenter de réfuter les travaux de M. Alves Pereira que celle-ci avait transmis à l’ANSES [P.J.], cet organisme évoque, dans son dernier rapport [7], une étude de l’équipe même que coordonne M. Alves Pereira et dont les conclusions renforcent au contraire de façon explicite ses précédents travaux.
En effet, cette étude met précisément en évidence le rôle de la combinaison des basses fréquences et des vibrations, propres à la « Maladie Vibro Acoustique » sur laquelle M. Alves Pereira travaille depuis 30 ans et au sujet de laquelle elle a été amenée à incriminer les éoliennes.

D’autre part, la littérature scientifique sur le sujet s’accorde pour considérer qu’à puissance égale, le bruit éolien se situe parmi les plus dérangeants.
Cette caractéristique, reconnue notamment dans le rapport de l’AFSSET 2008, est illustrée par le graphique ci-dessous extrait de E.Pedersen “Perception and annoyance due to wind turbine noise”



Et cela notamment en raison de l’importance des composantes de basse fréquence du bruit éolien, mise en évidence par de nombreux auteurs comme J.Punch qui montre notamment la corrélation entre l’augmentation progressive de la puissance des machines et l’abaissement de leur spectre sonore.

Mais aussi en raison de son caractère impulsionnel, sa grande variabilité et la circonstance aggravante qu’il émerge la plupart du temps dans un environnement silencieux.

Ce qui ne peut que poser question sur les conditions dans lesquelles les éoliennes ont été dispensées du code de la santé publique, alors que le texte mis en consultation des services de l’État prévoyait sont strict respect moins d’un mois avant la signature de l’arrêté du 26 aout 2011 qui les en dispense.
Le classement ICPE qui accompagne cet arrêté ne saurait en être la raison puisque les éoliennes sont exclues du régime acoustique ICPE de façon explicite [8], contrairement à la réponse qui avait été faite à Mme la Sénatrice A.C. Loisier à la suite de sa question au Gouvernement sur ce sujet  [9].

L’amendement défendu notamment par M. Bal pour le syndicat des énergies renouvelables lors de la séance du 8 aout du Conseil supérieur de l’Énergie (P.J) et qui réclame cette dérogation en élevant de 5 dBA le seuil de bruit ambiant à partir duquel la responsabilité des éoliennes peut être engagée, pose question en matière de santé publique.
Ce seuil est en effet de 30 dBA dans le code de la santé publique, et donc, désormais de 35 dBA pour les éoliennes.

D’autre part, le passage des pales devant le mât entraîne une modulation d’amplitude importante du bruit éolien.
A la suite du volumineux rapport d’un groupe d’experts présenté par le député Chris Heaton Harris, [10] le Gouvernement britannique en a reconnu le caractère particulièrement dérangeant et entrepris des travaux visant à réformer la réglementation.
A l’inverse, la filière professionnelle française incite à faire remplacer la notion d’émergence du bruit éolien par celle d’un « indicateur statistique d’émergence » qui vise à faire disparaître les pics sonores instantanés.
C’est ainsi que les travaux concernant le projet de norme de mesurage Pr NF 31-114, qui figure pourtant dans l’arrêté encadrant le bruit éolien (26 aout 2011) ont été suspendus par faute de consensus entre les différents experts chargés de sa rédaction, et celle-ci devrait être remplacée par un Guide de mesurage rédigé par le CEREMA, établissement public à caractère administratif, notamment engagé dans la promotion des énergies renouvelables. [11]
Enfin, le contrôle des émergences spectrales des basses fréquences (obligatoire dans le code de la santé publique) a disparu des obligations réglementaires de mesurage du bruit éolien, malgré le caractère particulièrement sensible de ces émergences.

Prospective
La protection élémentaire des riverains exige désormais :

1 Que le problème soit quantifié, ainsi que l’ont réclamé à plusieurs reprises l’Académie de médecine et l’ANSES, en mettant en œuvre une étude épidémiologique.

Car le bruit, avec plus de 10 000 décès prématurés par an, est considéré la 2ème cause sanitaire environnementale. (European Environnement Agency, report 10/2014, p 5).
Ces décès prématurés sont liés au stress et à l’altération de la qualité du sommeil.
Ceux liés au stress provoqué par le bruit éolien ne peuvent plus être occultés par l’évocation d’un effet « nocebo » dont les riverains d’éoliennes seraient eux-mêmes responsables.

2 Qu’une méthode de contrôle des émergences instantanées soit mise en œuvre et que les inévitables incertitudes de mesurage ne soient pas systématiquement versées au crédit de l’exploitant, ainsi que c’est actuellement le cas.
Car s’il est en effet logique de ne sanctionner celui-ci qu’en cas de certitude de dépassement des valeurs réglementaires, la gestion du risque ne permet pas pour autant que cette incertitude puisse mettre en danger la santé du riverain.
Cette méthode de contrôle devra permettre de vérifier que les valeurs réglementaires ne sont effectivement pas dépassées, contrairement aux pratiques actuelles qui s’apparentent davantage à une méthode statistique destinée à optimiser les plans de bridages acoustiques mais font disparaitre dans une moyenne différents pics sonores notamment susceptibles d’interrompre le sommeil.

3 Le retour de la protection stricte du code de la santé publique, pour les riverains d’éoliennes, impliquant le retour du contrôle des émergences spectrales de ces machines, ainsi que le retour au seuil de 30 dBA de bruit ambiant à partir duquel l’émergence excessive du bruit éolien peut être caractérisée.

4 La mise en œuvre d’une commission scientifique pluridisciplinaire et indépendante, chargée d’améliorer les connaissances relatives aux différentes caractéristiques de l’exposition chronique aux éoliennes industrielles.
Et notamment dans les domaines de la psycho acoustique, des très basses fréquences et infrasons, des vibrations, des modulations d’amplitude, du caractère cumulatif de ces critères et des durées d’exposition.

5 Dans l’attente des conclusions de cette commission, qu’une distance de précaution de 2 km entre éoliennes et habitations soit instaurée, ainsi que l’a proposé l’Institut polonais de Santé publique [12] après l’étude de 487 publications sur le sujet [13].
Ou de 10 fois la hauteur des machines, comme en Bavière.

6 Qu’aucune opération de « repowering » ne soit autorisée sans nouvelle étude d’impact.
Pour la raison que l’augmentation de puissance électrique des machines s’accompagne généralement de celle de leur puissance acoustique (jusqu’à 107 dBA pour 3 MW contre 104dBA pour la plupart des 2 MW), mais aussi en raison d’un abaissement de leur spectre sonore lié à la moindre vitesse de rotation.
Cet abaissement est décrit comme plus impactant pour les riverains par de nombreuses études. [14]


* titulaire d'un doctorat en politique publique de l'Université d'Harvard. Il a enseigné à l'Université d'Harvard, l'Université du Minnesotta, l'Université du Texas et l'Université de l'Alberta. Consultant sur les politiques économiques et sanitaires, ses travaux sur les méthodes épidémiologiques ont été récompensés par de nombreux prix, dont le "Kenneth Rothman Epidemiologic Price"
Rapport publié le 18 juillet 2011 dans la revue scientifique http://bst.sagepub.com/content/31/4/303