lundi 8 août 2022

Anticiper et quantifier le risque d'incendie

 

Anticiper et quantifier le risque d’incendie

 Jean Pierre Riou

La presse britannique relate l’incendie d’une éolienne anglaise toute proche de la ville de Hull ce 3 août 2022.

La vidéo publiée par le Mail on line donne la mesure de la violence des flammes et de leurs projections, liées à la grande quantité d’huile contenue dans la nacelle.

 (Source Dailymail online)

Cet incendie fait suite à celui de l’éolienne frappée par la foudre à Crowell au Texas, le 23 juillet, ainsi qu’à celui de l’éolienne d’Ardrossant en Écosse 2 jours plus tard et qui fut lui-même immédiatement suivi par celui, plus médiatisé en France, de Bourbriac, dans les Côtes d’Armor.

A ces occasions, la question de la propagation se pose lorsque le milieu est boisé, comme le montre l’embrasement d’une éolienne dans l’État de Washington qui avait détruit plus de 300 acres, soit 120 hectares, en juillet 2019.

Le classement ICPE

On sait que depuis 2011 les éoliennes sont  soumises à autorisation au titre de la rubrique 2980 de la législation des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) c’est--à-dire  « susceptibles de créer des risques ou de provoquer des pollutions ou nuisances, notamment pour la sécurité et la santé des riverains ». C'est la raison pour laquelle l'évaluation de ces risques doit pouvoir s'appuyer sur une base de données exhaustive et publique des incidents et prendre en compte l'évolution prévisible des risques qui leur sont liés.

Et le réchauffement du climat et l’aggravation des sècheresses en France doivent inciter les pouvoirs publics à publier ce document afin d’éclairer les populations et les décideurs lors de chaque implantation d’éoliennes en lisière de forêt, à fortiori en plein milieu des bois au prétexte de « Conjuguer sylviculture et potentiel éolien ».

Or, « Il n’existe actuellement aucune base de données officielle recensant l’accidentologie dans la filière éolienne ».

Ce constat de carence figure dans le Guide technique « Élaboration de l’étude de dangers dans le cadre des parcs éoliens » de mai 2012 sous l’égide de France énergie éolienne (FEE) et du Syndicat des énergies renouvelables (SER) ainsi que dans la quasi-totalité des études d’impact, notamment dans l’étude de dangers du projet de Sepmes de mars 2022.

Ce guide récapitule les principaux événements accidentels (couleur foncée) et leurs causes (couleur claire).


 

Ce guide reconnaît par ailleurs que « L’accidentologie éolienne mondiale manque de fiabilité car la source la plus importante (en termes statistiques) est une base de données tenue par une association écossaise majoritairement opposée à l’énergie éolienne ».  le guide fait allusion au site Caithness Windfarm Information Forum. Mentionnons également l'excellent Wind-Watch qui s'efforce de donner les sources de chaque événement rapporté.

Cette illustration de notre Guide technique indique que les ruptures de pales représentent moins de 40% des événements. Elles sont estimées à 3800 par an par le site de référence Windpower.

Soit plus de 10 par jour. Ce qui doit donner une idée de la fréquence des événements classés dans la rubrique "incendies".

Précisons que selon l'entreprise "Cotes" (solutions technologiques destinées notamment à l'éolien), la première cause externe de défaillance d'éoliennes serait la collision avec des oiseaux.

FIRETRACE International, dont le siège est en Arizona, se présente comme le leader mondial des solutions spécialisées dans l’extinction des incendies, son siège européen se situe à Londres.

Selon lui, son système de protection équiperait déjà plus de 23 000 éoliennes.

 

Or, dans une publication de 2019, FIRETRACE International évoque le problème majeur de l’incendie des aérogénérateurs et cite un rapport qui place l'incendie en 2ème cause la plus fréquente d’incidents éoliens (15%). 

Mais surtout, sa comparaison des chiffres obtenus lui suggère le fait que 91% des incendies d’éoliennes ne seraient pas signalés. Dans un article faisant le bilan de la question, il l’explique par le fait que « les rapports peuvent être incomplets, biaisés ou contenir des données non accessibles au public ».

FIRETRACE mentionne notamment en février 2021 3 incendies d’éoliennes dans le seul mois de décembre précédent : Roundhouse Wind Farm dans le Wyoming, Harvest II Wind Farm dans le Michigan et  Locust Ridge Wind Farm en Pennsylvanie.

Anticiper et quantifier

Le propos n’est pas de comparer l’enjeu d’un incident nucléaire avec celui d’un incendie d’éolienne. Mais sans aller jusqu’à la publication de la détection du moindre écart à la norme d’exploitation de chaque réacteur imposée par l’ASN, une connaissance plus précise et facilement accessible au public des différents incidents comme les chutes de pales, mais surtout les départs d’incendies semble nécessaire en regard de ce défi majeur que le climat semble devoir nous lancer, parallèlement à celui de la gestion de l'eau.

Les services de l’État sont d’ailleurs vigilants et refusent les permis éoliens lorsqu’ils considèrent que la végétation présente des risques d’embrasement, comme en atteste la fiche de jurisprudence de la DREAL Auvergne-Rhône-Alpes, reproduite ci-dessous.

Cette fiche précise que le Préfet du Gard avait refusé les permis « au motif que ces éoliennes sont susceptibles de faire obstacle à l’intervention des moyens aériens de lutte contre le feu, en raison de leur hauteur », et que cet arrêt « s’inscrit dans une jurisprudence constante » depuis que le Conseil d’État en a tranché le litige et considéré notamment que « l’intervention des moyens aériens de lutte contre les feux de forêt ne pourra être assurée dans un rayon de six cents mètres autour de chacune des éoliennes ».

 

Malgré la montée en puissance du développement des énergies renouvelables, le spectre d’une multiplication de destructions forestières par l’embrasement d’éoliennes n’est pas de nature à remettre en question l'éventuel bien fondé de leur développement.

 

Pour autant, le changement rapide des conditions climatiques demande d’anticiper l’évolution prévisible des zones à risque d’incendie et mettre en garde envers tout manque de transparence et d'anticipation  sur la réalité de ce risque.

Annexe : Confrontée à l'absence de banque de données et "dans un objectif d’améliorer la prévention des accidents de travail", une étude canadienne a réalisé sa propre enquête afin d'élaborer un document sur les "Risques et sécurité au travail" dans le secteur éolien, "Puisqu’à ce jour, (selon elle) aucune étude portant sur la santé et la sécurité du travail dans le secteur éolien n’a pu être recensée".

Dans ce cadre, l'étude a exclu les événements tels que les défaillances de pales ou projections de glace qui concernent le public en général et a restreint son étude aux seuls travailleurs.

Le nombre des machines installées explique notamment le nombre de décès de travailleurs (35) dont la première lecture peut surprendre.

Pour autant, ce nombre, rapporté à la quantité d'électricité produite explique le classement contre-intuitif de la mortalité par source d'énergie.

(Source Our World in Data)

L'étude remarque d'ailleurs que:« Ce manque d’information sur les accidents de travail dans le monde éolien est similaire au manque d’information sur les feux d’éolienne (Starr, 2011). Dans cet article non scientifique, la base de données du CWIF est aussi utilisée comme base de référence même si l’auteur mentionne que cette base sous-estime le nombre d’éoliennes ayant été référencées. Les raisons de cette sous-estimation (isolement des sites, appel non systématique des services d’urgence, absence de registres officiels quelle que soit la taille du sinistre, etc.) ne peuvent pas être transposées directement aux accidents du travail, mais semblent similaires »