vendredi 14 août 2020

Consultation européenne sur les EnR

Consultation européenne sur les énergies renouvelables [1]

Contribution au nom du Collectif Science Technologies Actions (STA)

Une fuite en avant dont les conséquences ont été mal appréciées

 

La politique européenne a confondu objectifs et moyens en fixant pour objectif des parts d’énergies renouvelables dans le mix énergétique. Elle a ainsi participé à la dangereuse augmentation des énergies renouvelables intermittentes dans la production d’électricité avant même qu’on sache la stocker.

 

Dès lors, l’augmentation de cette capacité intermittente n’est toujours pas parvenue à réduire le nombre de centrales pilotables connectées au réseau européen, ainsi que le détaille l’article « Intermittence et charbon » [2]. Mais cette politique a compromis l’équilibre du marché du MWh et privé de visibilité les décisions et investissements lourds et de long terme qui sont indispensables à toute alternative pérenne. C’est ainsi que cette politique compromet notamment le modèle économique de la filière nucléaire qui reste pourtant la seule, avec l’hydraulique, à fournir une énergie décarbonée et se passer du secours d’énergies fossiles comme le gaz et le charbon, ainsi que le rappellent, sans exception, les émissions de CO2 de tous les mix énergétiques mondiaux. [3]

 

La politique allemande, dont on nous propose pourtant le modèle, relève du dangereux pari d’un recours à l’hydrogène et à la méthanation à horizon 2050 pour alimenter un parc de centrales à gaz au moins aussi puissant que la totalité de son parc pilotable d’aujourd’hui. [4] On sait pourtant qu’avec le doublement récent du gazoduc Nord Stream et l’entreprise Gazprom Germania destinée à permettre à l’Allemagne d’être la plate forme européenne du gaz à horizon 2035 que la sortie du gaz fossile n’est pas à l’ordre du jour outre Rhin.

Le risque d’ériger l’intermittence de production électrique en objectif européen n’est pas acceptable tant qu’on ne dispose pas d’un modèle économique viable pour produire le « gaz vert » promis ou toute autre solution de stockage en masse pour un coût acceptable par la collectivité.

Ce qui reste indispensable, mais toujours hors de portée.

Le succès de l’impressionnante sortie du charbon au Royaume-Uni [5] doit se comprendre à la lumière du pragmatisme de ses taxes sur le CO2.

Les objectifs en termes d’énergies renouvelables  sont malheureusement de nature à en corrompre l’efficacité, notamment en France [6] où le système électrique est pourtant déjà décarboné à plus de 90% depuis ¼ de siècle [7].

 

La Cour des Comptes a récemment évalué  à 121 milliards d’euros, en euros courants,  le surcoût pour le contribuable/consommateur des seules énergies renouvelables électriques dont les contrats ont été conclus avant fin 2017, ainsi que l’illustre le graphique n°9 de son rapport [8].

 

Ce qui représente une imposition de plus de 4000€ pour chacun des 29 millions de ménages français, à payer jusqu’en 2046.

Le collectif STA s’oppose donc fermement à ce projet, sauf pour la Commission européenne à produire un document démontrant sur des arguments scientifiquement vérifiés par  des experts vraiment indépendants,  qu'il est plus efficace pour le climat, moins coûteux pour le consommateur, et moins nuisible pour l'environnement que le système actuel, en particulier pour les pays où l'électricité est déjà très décarbonée comme la  France, la Norvège, la Suisse ou la Suède.

 Cette contribution est publiée par la Commission européenne sous le lien

https://ec.europa.eu/info/law/better-regulation/have-your-say/initiatives/12553-R-gles-de-l-UE-en-mati-re-d-nergies-renouvelables-r-examen/F543483

1 https://ec.europa.eu/info/law/better-regulation/have-your-say/initiatives/12553-Revision-of-the-Renewable-Energy-Directive-EU-2018-2001

1 http://lemontchampot.blogspot.com/2020/05/intermittence-et-charbon.html

3 http://lemontchampot.blogspot.com/2018/03/debat-public-sur-la-ppe.html

4 http://lemontchampot.blogspot.com/2020/08/energiewende-ca-sent-le-gaz_7.html

5 http://lemontchampot.blogspot.com/2020/07/le-systeme-electrique-au-royaume-uni.html

6 http://www.economiematin.fr/news-eloge-taxe-carbone

7 http://lemontchampot.blogspot.com/2019/01/2019-la-fuite-en-avant.html

8 https://www.ccomptes.fr/fr/publications/le-soutien-aux-energies-renouvelables

vendredi 7 août 2020

Energiewende : ça sent le gaz

 Energiewende : ça sent le gaz

 Jean Pierre Riou

L’Institut pour le système d’énergie solaire (Fraunhofer ISE) a récemment publié une étude sur la faisabilité technique et l’acceptabilité sociale de la neutralité carbone du système électrique allemand à horizon 2050.

Différents scénarios y sont analysés, y compris comprenant une diminution de la consommation d’électricité.

L’évolution des capacités installées de chacun de ces scénarios figure sur le sitedu Fraunhofer. Le scénario de référence fait état de 676 GW d’énergies intermittentes, éolien et solaire, soit une multiplication par 6 de leur puissance actuelle et correspondant à un peu plus de 10 fois la puissance de notre parc nucléaire, avant même la fermeture de Fessenheim.

Chacun de ces scénarios repose sur l'augmentation des capacités d’interconnexions, notamment avec 40 GW dans le scénario de référence, contre moins de 17 GW aujourd’hui, afin de pouvoir refouler les excédents et importer en cas de besoin. Le rapport concède (page 20) qu’on considère acquise l’acceptation de ces interconnexions, mais oublie d’évoquer le risque de pénurie de courant chez les pays voisins supposés lui en fournir aux moments les plus sensibles.

Mais surtout, non seulement cette formidable puissance intermittente ne permet pas de diminuer la puissance des centrales conventionnelles, mais celle-ci augmente de 50% dans le scénario de référence avec notamment un objectif de 158 GW de centrales à gaz en 2050 contre moins de 30 GW aujourd’hui.

Source Fraunhofer                                                                                                                                Notons que si la sortie du charbon est quantifiée sur ce graphique, les données concernant le nucléaire; le fuel, la biomasse et l'hydraulique ne figurent pas. 

Une part importante de ces centrales à gaz est prévue au méthane (87 GW) et à l'hydrogène (4 GW).

Dans son analyse de fin 2018, France Stratégie laisse entendre combien ce pari est risqué en avertissant "Pour atteindre la neutralité carbone en 2050, il faut cesser de recourir au gaz d’origine fossile. Et parce qu’on ne peut attendre pour agir de savoir si le pari du gaz renouvelable sera gagné, il faut chercher dès maintenant à restreindre l’usage du gaz en misant sur d’autres énergies décarbonées, électricité et biomasse en tête".

Car c'est bien d'un pari incertain qu'il s'agit, notamment dénoncé par l'Académie des Technologies dans son rapport de juillet 2020, en ce qui concerne celui de l'hydrogène produit à partir d'énergies renouvelables, dans le but d'en restituer une partie de la puissance sur le réseau électrique (P2G2P). En notant :

« L’utilisation massive d’hydrogène comme stockage intermédiaire d’énergie électrique intermittente (éolien et solaire) dans la chaîne Power-to-Gas-to-Power se heurte à des obstacles rédhibitoires tenant aux volumes considérables des stockages d’hydrogène requis et au faible facteur de charge des électrolyseurs et piles à combustible de la chaîne « conversion-stockage-conversion » qui obère considérablement les coûts. »

« 1.4 : L’Académie recommande de développer des démonstrateurs industriels de systèmes de stockage et de distribution 100 % hydrogène notamment pour l’approvisionnement énergétique des zones non interconnectées (ZNI) ou pour l’exportation. Cependant le stockage massif d’hydrogène pour produire de l’électricité dans la logique Power-to-Gas-to-Power n’a pas de modèle économique convaincant d’ici 2050. »

Par contre, l'Allemagne a clairement montré sa volonté d'être la plate-forme européenne du gaz d'ici 2035 en manœuvrant contre l'intérêt de ses voisins pour finaliser la réalisation du gazoduc Nord Stream 2, afin de conforter son entreprise Gazprom Germania, renforçant du même coup la dépendance européenne au gaz russe. 

La fuite en avant du développement des énergies intermittentes en Allemagne semble effrénée, son coût démesuré en est désormais assumé, mais le pari sur lequel elle repose apparaît bien risqué.

A moins, bien sûr, que son but inavoué soit essentiellement de vendre du gaz.