Évolution des capacités électriques installées
en Europe
Où il apparaît que le backup de l’intermittence remplace un charbon par un autre
Jean Pierre Riou et Bernard Durand
Selon les statistiques
Enerdata,
la consommation électrique européenne est relativement stable depuis une
dizaine d’année, avec 1,7% d’écart entre notamment
3386 TWh en 2008 et 3396 TWh et 2017,.
Cette consommation a peu augmenté depuis 2000 où elle
n’était que de 2952 TWh.
La stabilité des
incontournables moyens pilotables
Entre 2000 et 2012, les capacités pilotables
installées ont progressé de 13%, c'est-à-dire strictement dans la même
proportion que cette évolution de la consommation.
Le tableau ci-dessous récapitule les données Eurostat sur
l’évolution de ces capacités et montre que non seulement
le formidable développement des énergies
intermittentes n’a pas permis la fermeture de la moindre capacité pilotable
installée depuis 2000, mais s’est accompagné d’une augmentation de 53,6 GW de
celle-ci.
Source
https://ec.europa.eu/eurostat/statistics-explained/index.php?title=File:Maximum_electrical_capacity,_EU-28,_2000-2017_(MW).png
Pour autant, depuis 2012, on assiste à une légère érosion
de ces moyens pilotables, avec une réduction de 38,6 GW.
Cette érosion, pour faible
qu’elle soit, a été dénoncée le 10 octobre 2018, par les 10 principaux
électriciens européens en raison de la menace qu’elle fait peser sur la
sécurité de l’alimentation électrique. Leur communiqué
de presse mentionnait le risque de la fin de la solidarité européenne en cas de difficulté d’approvisionnement.
En effet, le gestionnaire du
réseau européen ENTSO-E prévoyait, dans son Winter Outlook 2019/2020,
que l’équilibre ne serait pas assuré
en
cas de période de froid rigoureux. Et montrait dans l’illustration de la
situation que presque la moitié des pays membres (19 sur 43) risquerait alors
de dépendre des importations
au même moment, notamment en semaine 2 et 3
de janvier, où la France et l’Allemagne connaîtraient en même temps un déficit,
importations comprises.
Le charbon caché de l’Union européenne
Cette érosion des moyens pilotables européens et
l’augmentation de la part d’intermittence ont amené l’UE à renforcer la
puissance de son réseau et développer notamment des interconnexions toujours
plus lointaines pour évacuer ses surplus, mais aussi pour sécuriser son
approvisionnement.
Le discret retour
du charbon
Le système d’échange de quotas d’émissions de l’Union
européenne
(SEQU-UE) a
pour objectif de favoriser la compétitivité des énergies non carbonées. Il
concerne les 28 pays de l’UE plus Islande, Lichtenstein et Norvège.
Or l’UE renforce également ses interconnexions hors de
ses frontières, vers des pays qui ne payent pas de taxe sur le carbone et où
c’est le charbon le plus compétitif.
Selon le
rapport Sandbag “Comment le charbon s’infiltre
dans l’UE”, plus de 57 GW de centrales à charbon ont été récemment
construites ou sont planifiées dans des pays connectés à l’Entsoe ou en passe
de l’être, notamment 34 GW en Turquie. Une augmentation de 31% de ces capacités
d’interconnexion est programmée avec des pays hors UE.
D’ici 2025, 5 nouveaux pays devraient être connectés à
l’Entsoe : Égypte, Tunisie, Libye, Israël et Moldavie, aucun ne paye de
taxe carbone.
Une taxe aux frontières semblerait
nécessaire pour éviter d’inciter ces pays à produire plus de charbon pour
alimenter l’UE, mais surtout, ces échanges doivent éclairer les maigres progrès
de l’UE sur sa réduction de moyens pilotables, puisqu’elle se ménage ainsi une
réserve de backup pour l’intermittence de sa production, tout en incitant ses
voisins à construire de nouvelles centrales à charbon.
La fuite en avant
Dans le cadre de la coopération UE / Méditerranée l’Union
européenne
étudie
une extension des interconnexions afin de permettre des échanges avec 15
voisins de l’UE, au Moyen Orient, Afrique du Nord et Balkans.
Les surplus indésirables des énergies intermittentes
trouveront assurément d’autant plus de débouchés que leur valeur s’effondre
jusque des taux négatifs dès que le vent souffle, ainsi que l’a
dénoncé
France Stratégie. Et l’U.E sécurisera, du même coup sa capacité à répondre
aux besoins de sa consommation en feignant d’ignorer l’essor du charbon qu’elle
suscitera.
La focalisation sur la quantité d’énergie renouvelable
produite dans l’Union européenne, ou la part de celle-ci dans le mix électrique
occultera assurément la simple délocalisation du problème.
L'excellent site
Coal Tracker permet de visualiser un certain nombre de ces centrales à charbon actuellement en fonctionnement, en construction ou en projet.
La fragilisation
Cette mutualisation des problèmes laisse craindre une
fuite en avant toujours plus lointaine vers des systèmes de moins en moins
stables.
En effet, le système européen subit des déviations de
fréquence auxquelles il doit remédier constamment, et qui sont provoquées par
les réseaux serbe et kosovar, malgré les injonctions permanentes de l’Union
Européenne et de l’Entsoe, qui
menaçait
déjà de sanctions en 2018 s’il apparaissait que tous les efforts n’étaient
pas faits pour résoudre ce problème.
Après la chute de fréquence du réseau européen du 10
janvier 2020 qui a déclenché la procédure automatique de coupure d’alimentation
des industriels « interruptibles » RTE a
relevé
parmi les causes cette déviation en provenance de la Serbie et du Kosovo.
Mise à jour du 16/09/2022
A la suite du
Brexit, les statistiques européennes « Eurostat » n’ont plus inclus
les données du Royaume-Uni dans celles de l’Union européenne. Elles précisent ne
plus diffuser de nouvelles données pour le Royaume-Uni, ni
par le biais de sa base de données ni dans d'autres produits de diffusion.
Ajoutant que les outils et produits existants, produits avant le 1er janvier
2021, sont progressivement adaptés au fur et à mesure que de nouvelles éditions
sont publiées.
C’est
pourquoi les tableaux plus récents de l’évolution des capacités électriques
installées dans l’UE démarrent
désormais avec une puissance totale de 613 221MW en 2000 au lieu de 691 626MW
dans sa version 2000-2017, la différence correspondant exactement à la puissance
installée du Royaume Uni.
Le plus
récent tableau Eurostat est reproduit ci-dessous :
(Pour une meilleure
lecture, cliquer sur l’image)
La période 2017-2020 montre que la puissance totale a
continué à augmenter, passant de 907,2 GW à 962,6 GW, mais marque une légère
érosion des moyens pilotables.
Soit moins 15 GW
pilotables de moins (fossile hydraulique géothermie et nucléaire) et 70,2 GW supplémentaires éolien et
photovoltaïque.
Malgré une baisse de consommation attendue en raison de
la crise sanitaire, le gestionnaire du réseau européen Entsoe annonçait alors
une situation tendue dans plusieurs pays, avec un risque accru en France,
malgré la reprogrammation des maintenances du parc nucléaire destinée à affronter
l’hiver 2020-2021 dans les meilleures conditions.
Ainsi qu’il le décrit
en préambule
Cette
vulnérabilité française s'explique notamment par l'érosion particulière de la puissance de son
parc pilotable, principalement par une réduction du fioul et du charbon, puis du nucléaire en 2020, avec la fermeture de Fessenheim.
En effet, celle-ci est passée de 117,716 MW
installés en 2012 à 107,232 MW aujourd’hui,
comme l'illustre l'infographie ci dessous reprise des bilans annuels de RTE
Le grand écart franco-allemand
Et illustre le fait qu'en 20 ans, l'Allemagne a réduit sa puissance
pilotable installée de 6,89 GW en augmentant sa puissance intermittente
de 116,56GW.
Équivalent à une confiance de production garantie par l'intermittence de 5,9 %.
Tandis que les 10,48 GW pilotables français supprimés depuis 2012 n'ont été compensés que par 20,92 GW intermittents.
Tablant ainsi sur une garantie de disponibilité de 50 % !
Mise à jour 2024 des tableaux 1 et 3
Qui permet d'actualiser l'évolution en regard de celle de la production d'électricité en Europe
Qui montre sa parfaite stagnation depuis 2008, avec notamment 4 158 955 MWh en 2021.
Durant cette période, 264,6 GW éolien/Solaire ont été ajoutés parallèlement à une réduction de 29,3 GW pilotables, dont 8 nucléaires.
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