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vendredi 14 juin 2024

Qualité de l’air et énergies renouvelables

 

Qualité de l’air et énergies renouvelables

Jean Pierre Riou

Le Conseil européen a décidé de durcir les normes environnementales afin de respecter les dernières lignes directrices de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Malgré la diminution des polluants depuis 1990, les émissions liées à l’activité humaine seraient encore responsables de 300 000 décès prématurés en Europe chaque année.

La première cause en serait les particules fines PM2,5 responsables selon lui de 238 000 décès, et la seconde serait le dioxyde d’azote (NO2) avec 49 000 décès prématurés, liés au fait que le NO2 réduit la fonction pulmonaire et aggrave notamment les symptômes de l’asthme.

PM2,5 et EnR

Or la première source d’émission de PM2,5, devant l’industrie ou les transports, est le chauffage individuel au bois, qui se trouve être en même temps la première source d’énergies renouvelables en France, devant l’hydraulique et l’éolien. Ce paradoxe du concept « renouvelable » qui ne serait pas synonyme de « durable » en raison de ses effets sur la santé, est notamment la raison de la volte face de la Commission européenne, dont la dernière directive limite l’usage de la biomasse ligneuse et prévoyait même d’en interrompre sa progression sous la pression d’organismes de santé qui avaient alerté le Parlement européen sur ce scandale sanitaire avant l’adoption, le 14 septembre 2022, d’une proposition de directive sur le sujet visant à interdire que cette part de biomasse ligneuse soit à l’avenir supérieure « à la part de la consommation énergétique globale que représente la moyenne de ces combustibles pour la période 2017-2022 ».

Ce qui avait provoqué la colère de la filière bois, inquiète de la fin des subventions à une énergie considérée jusqu’alors comme la principale source renouvelable.

NO2 et EnR

Le second paradoxe concerne la quantité de dioxyde d’azote émise par les centrales thermiques selon leur régime de fonctionnement. En effet les oxydes d’azote (NOx) - monoxyde d’azote (NO) et dioxyde d’azote (NO2) - sont présents dans tous les processus de combustion des énergies fossiles, en raison de la présence d’azote (N) dans l’air, et ajoutent leur émission au CO2 + H2O résultant de la combustion du gaz naturel (CH4) en présence d’oxygène (O2).

Or des mesures de terrain, notamment celles de Duke Energy ont révélé une forte augmentation des émissions de ces oxydes d’azote lorsque des à coups de fonctionnement ou régimes partiels sont imposés à ses turbines à gaz par la production cyclique du solaire. Au point que Duke Energy avait dû demander un assouplissement de ses contraintes environnementales pour pouvoir continuer à fonctionner. Notamment lors de sa demande au North Carolina Division of Air Quality (NCDAQ) de nouveaux standards d’exigences d’émissions reproduite ci-dessous.


Source https://nsjonline.com/article/2019/08/duke-energy-application-points-finger-at-solar-for-increased-pollution/

Kim Crawford, représentant Duke Energy avait fait savoir que ses centrales à cycle combiné à gaz (CCG) étaient particulièrement sensibles à ces régimes partiels pour lesquels elles ne sont pas conçues, et qu’au lieu de 264 livres de NOx émises quotidiennement par celles-ci en régime optimum, leur suivi obligé des cycles du photovoltaïque entraînait des émissions de plus de 624 livres chaque jour.

La nécessaire étude d’impact basée sur des mesures de terrain

La question posée par la sénatrice A.C. Loisier sur les études de terrain qui auraient mesuré les conséquences de ces à-coups de fonctionnement et régimes partiels imposés aux centrales thermiques n’a pas permis au ministère de citer d’autre étude que celles, purement théoriques de RTE ou de l’Ademe, fondées en permanence sur le même facteur d’émission par défaut.

La demande d’assouplissement de Duke Energy consacre le fait que le couplage d’EnR avec ses centrales thermiques amène celles-ci à dégrader la qualité de l’air.

Une étude environnementale chiffrant les éléments de cette problématique semble incontournable dans le cadre des lignes directrices sur la qualité de l’air pour permettre une politique énergétique consciente des enjeux sanitaires.

jeudi 16 mai 2024

De la Jurisprudence éolienne à la responsabilité du bailleur

 

De la Jurisprudence éolienne à la responsabilité du bailleur

Jean Pierre Riou

La jurisprudence de Toulouse

La Cour d'appel de Toulouse, 3ème chambre, 8 juillet 2021, n° 20/01384 a formellement reconnu l’existence d’un syndrome éolien et la responsabilité des éoliennes dans les troubles sanitaires occasionnés en condamnant leur exploitant à indemniser  les 2 victimes à hauteur de 4.000 € à chacun au titre du pretium doloris et 2.216,25 € au titre de la réparation de leur déficit fonctionnel temporaire dont les « Souffrances endurées avant consolidation: (…) tenant compte de l’hospitalisation en urgence, du suivi médical, de la réalisation d’examens complémentaires, de la prise de traitements ponctuels et du retentissement psychologique. »

La condamnation totale de l’exploitant, notamment pour préjudice moral perte de valeur du bien et trouble de jouissance, s’est élevée à 110.582 euros, en plus de la condamnation aux dépens.

De la responsabilité du propriétaire foncier

Lors de tels recours, la victime peut agir contre l’auteur du trouble, même s’il n’est pas propriétaire ; locataire ou entrepreneur ou contre le propriétaire, même s’il n’est pas l’auteur du trouble car il répond du locataire ou de l’entrepreneur. Le propriétaire, le locataire et l’entrepreneur étant solidairement responsables selon les analystes de la question.

En effet, en matière de trouble de voisinage, la documentation juridique Dalloz précise : « l’absence de faute ne permet pas d’échapper à une condamnation (Civ. 3e, 4 févr. 1971, n° 69-12.528) ». Ce qui semble d’autant plus inquiétant pour tout recours du propriétaire du foncier que la jurisprudence précise « lorsque le trouble de voisinage émane d'un immeuble donné en location, la victime de ce trouble peut en demander réparation au propriétaire, qui dispose d'un recours contre son locataire lorsque les nuisances résultent d'un abus de jouissance ou d'un manquement aux obligations nées du bail » (Cour de Cassation, Chambre civile 2, du 8 juillet 1987, 85-15.193).

Cette disposition rend en effet problématique un tel recours du propriétaire foncier contre l’exploitant, dès lors que le trouble anormal de voisinage n’aurait pas mis en évidence un manquement à cette réglementation. La jurisprudence de Toulouse est de nature à inciter un nombre croissant de riverains d’éoliennes à réclamer la compensation financière de leur préjudice. Que le propriétaire du foncier soit un particulier ou une municipalité, leur responsabilité semble ainsi solidairement engagée aux côtés de l’exploitant, dans une action au civil les mettant en cause, et qui n’est même pas supposée rechercher la conformité administrative, ou non, des éoliennes querellées.

Les condamnation seraient d’ailleurs d’autant plus lourdes en cas d’action de groupe telle que celle jugée par la Cour d’Appel de Rennes du 12 mars 2024, qui ordonne à l’exploitant, pour la réparation des troubles anormaux de voisinage subis réclamée par les plaignants, de verser 633.400 euros aux 13 plaignants au titre de la dépréciation immobilière, en plus des frais d’expertise et de 5 000 euros de dépens par plaignant.

samedi 17 décembre 2022

 Pour le maintien du bridage acoustique des éoliennes

 Pour le maintien du bridage acoustique des éoliennes

 Jean Pierre Riou

Mise à jour le 19/12/2022

Contribution à la consultation publique sur le Projet d’arrêté portant modification de la réglementation relative aux éoliennes terrestres

A l’occasion de leur classement ICPE  du 26 aout 2011, les éoliennes ont été autorisées à déroger au code de la santé publique, contrairement à son strict respect qui était prévu dans le projet de texte soumis pour avis aux différents services de l’État (1).

Cette dérogation autorise ainsi les éoliennes à porter à elles seules le bruit ambiant à 35 dBA, au lieu de 30 dBA dans ce code.

Ce même arrêté autorise également les éoliennes à déroger au régime acoustique des autres ICPE qui prévoit notamment (2) : « Les mesures sont effectuées selon les dispositions de la norme AFNOR NF S31-010 " Caractérisation et mesurage des bruits de l'environnement. - Méthodes particulières de mesurage " (décembre 1996), complétées par les dispositions ci-après.

Cette norme fixe deux méthodes de mesure se différenciant par les moyens à mettre en œuvre et par la précision des résultats. La méthode de mesure à utiliser est la méthode dite " d'expertise " définie au point 6 de la norme. Cependant, un simple contrôle du respect des prescriptions peut être effectué selon la méthode dite de " contrôle " définie au point 5 de la norme. »

Or cette méthode de contrôle était précisément réclamée avec insistance par les représentants des riverains lors de la tentative avortée d’élaboration de la norme NF S31-114 avant la dissolution, par le ministère de l'environnement de l'époque, du groupe d’experts chargés de la rédiger (3). Le consensus étant la condition indispensable à la finalisation de toute norme AFNOR.

D’autre part, la norme NF S31 010 prévoit, au paragraphe 6-5-2-2, des bornes d’intégration « de l’ordre de 100 ou 125 millisecondes » au lieu de 1 seconde, en présence de bruits impulsionnels tels que ceux des éoliennes ( augmentation significative des niveaux sur une durée très courte (généralement < 1 s)

En ne respectant pas strictement cette norme, le mesurage du bruit des éoliennes ne rend pas compte de la modulation d’amplitude de leur bruit (4).

En dérogeant ainsi au régime acoustique des ICPE, l’arrêté du 26 aout 2011 a ainsi autorisé jusqu'au 10 décembre 2021, les éoliennes à faire référence à une norme non légale. En l’espèce à la norme NF S31-114, dans sa version de juillet 2011, puisque celle-ci n’a jamais fait l’objet du consensus nécessaire pour obtenir la mise à enquête publique précédant toute validation par la direction de l’AFNOR.

Par décision du 10 décembre 2021, la Direction générale de la prévention des risques a reconnu un protocole de mesure de l’impact acoustique d’un parc éolien terrestre dans sa version du 21 octobre 2021 est reconnu au titre de l'article 28 de l'arrêté ministériel.

Un nouveau protocole a été reconnu par décision du 31 mars 2022. Ce dernier a été élaboré sous la tutelle du gouvernement, notamment par le truchement des travaux du Cerema.

Ce protocole maintient la notion d'"indicateur d'émergence" qui était contesté par les riverains, pour la raison que la médiane qu'il représente ne rend pas compte de la gêne des émergences instantanées qui sont ainsi lissées, notamment par la possibilité d'intégrer des émergences négatives, c'est-à-dire des mesures lors desquelles le bruit ambiant est moins important avec les éoliennes que lors d'une mesure équivalente avec les éoliennes arrêtées.

En plus des dérogations évoquées, le mesurage du bruit des éoliennes se dispensera donc également du strict respect d'une norme quelconque.

«La santé est un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d'infirmité».

Cette définition qui figure dans le Préambule à la Constitution de l'Organisation mondiale de la Santé, tel qu'adopté par la Conférence internationale sur la Santé, New York, 19 juin -22 juillet 1946, n’a pas été modifiée depuis (5).

 

Le développement des éoliennes dans des zones jusqu’alors silencieuses multiplie les situations où leur bruit altère cet état de complet bien être d’un nombre croissant de riverains.

Pour circonscrire ces potentiels impacts sanitaires, certaines autorisations ont été conditionnées à un bridage acoustique.

Je ne saurais être favorable à leur dérogation.

Epilogue

https://slideplayer.fr/slide/490793/


1 https://www.senat.fr/questions/base/2016/qSEQ160722904.html

2 https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/LEGITEXT000005623125 

3 http://lemontchampot.blogspot.com/2017/01/norme-de-mesurage-du-bruit-eolien-nf-31.html

4 http://lemontchampot.blogspot.com/2021/11/caracterisation-du-bruit-des-eoliennes.html  

5 https://www.who.int/fr/about/frequently-asked-questions