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samedi 23 novembre 2024

Perseverare diabolicum

 

Perseverare diabolicum

A l’instar du développement des énergies renouvelables, l’échec cuisant de l’ARENH illustre la difficulté de se sortir d’un bourbier qu’on a soi-même créé de toutes pièces

Jean Pierre Riou

Pour respecter les règlements de la Commission européenne, la loi du 7 décembre 2010 (NOME) a créé l’obligation pour EDF de vendre le quart de sa production nucléaire  à un tarif avantageux, sous forme d’un « accès régulé au nucléaire historique » (ARENH)  au tarif de 42 €/MWh, afin de stimuler l’essor d’une concurrence, alors quasi-inexistante, afin de lui  permettre d’investir dans ses propres moyens de production.

Quinze ans plus tard, l’incitation aux investissements des fournisseurs alternatifs est un échec cuisant pour n’avoir pas respecté les injonctions de l’Autorité de la concurrence, et les 42 €/MWh sont toujours en attente du décret prévu par la loi pour en calculer la revalorisation.

 

Une « rente nucléaire » qui dérange

 

En 2010, le parc nucléaire d’EDF, déjà amorti financièrement, lui conférait un avantage considérable sur sa concurrence encore quasi inexistante, avec à peine plus de 10 GW sur un total de 135 GW exploités sur le territoire par EDF. Cet avantage, alors nommé « rente nucléaire » fut convoité par le gouvernement Ayrault qui proposa en 2013 de la détourner au bénéfice du financement des énergies renouvelables, au lieu de permettre à EDF d’affecter le fruit de ses investissements passés dans le renouvellement de son parc.

L’esprit ARENH : un dispositif transitoire et dégressif

En 2014, l’Autorité de la concurrence rappelait  «  La durée du dispositif, près de 15 ans, ne doit pas conduire à en minimiser le caractère transitoire. En effet, cette durée, qui doit permettre l’adaptation du parc de production des concurrents d’EDF, ne paraît pas excessive au regard du temps nécessaire aux investissements importants qu’impose cette activité économique très capitalistique. Dès lors que le caractère transitoire de l’ARENH est inscrit dans la loi, il est essentiel de préparer son extinction. Dans son avis de 2010, l’Autorité insistait sur ce point en indiquant qu’il était important « que la période de régulation intègre dans son déroulement une sortie progressive du mécanisme administré d’approvisionnement mis en place, afin de revenir par étapes aux conditions d’approvisionnement d’un marché normal. » L’objectif est d’obliger les fournisseurs à se

préparer à l’échéance du 31 décembre 2025, à laquelle ils ne pourront plus se procurer de l’électricité à des conditions de prix et de volumes hors marché. À défaut, une pression forte existerait de la part de fournisseurs pour obtenir une reconduction ou une prolongation du dispositif (…), au terme de la période régulée. » (avis n°10-A-08 précité, points 58 et s.)

Dans ce but, l’Autorité avait recommandé d’inscrire dans la loi « une diminution progressive du plafond fixé pour le volume maximal d’électricité régulée, qui serait échelonnée sur la période de 15 ans ». L’article L. 336-2 du code de l’énergie, issu de la loi NOME, indique que : « Ce volume global maximal, qui demeure strictement proportionné aux objectifs poursuivis, ne peut excéder 100 térawatt heures par an.»

Un tarif réexaminé chaque année

L’article L 337-14 du code de l’énergie prévoit que « Afin d'assurer une juste rémunération à Electricité de France, le prix, réexaminé chaque année, est représentatif des conditions économiques de production d'électricité par les centrales nucléaires mentionnées à l'article L. 336-2 sur la durée du dispositif mentionnée à l'article L. 336-8. »

 

Qui tient compte de l'addition : 

« 1° D'une rémunération des capitaux prenant en compte la nature de l'activité ;

2° Des coûts d'exploitation ;

3° Des coûts des investissements de maintenance ou nécessaires à l'extension de la durée de l'autorisation d'exploitation ;

4° Des coûts prévisionnels liés aux charges pesant à long terme sur les exploitants d'installations nucléaires de base mentionnées à l'article L594-1 du code de l'environnement »

 

C'est-à-dire une évaluation « de manière prudente, les charges de démantèlement de leurs installations ou, pour leurs installations de stockage de déchets radioactifs, leurs charges de fermeture, d'entretien et de surveillance. Ils évaluent, de la même manière, en prenant notamment en compte l'évaluation fixée en application de l'article L. 542-12, les charges de gestion de leurs combustibles usés et déchets radioactifs, et les charges de transport hors site ».

 

Le dérapage des volumes

 

La CRE en dresse un bilan qui fait état de 60,8 TWh d’ARENH en 2012, l’introduction d’un volume supplémentaire, à partir de 2014 destiné à couvrir les pertes des gestionnaires de réseaux, et, après une année 2016 sans la moindre demande en raison du prix du marché qui lui était inférieur,  une augmentation progressive du volume jusqu’à 122,9 TWh en 2024.

Le cas 2022 :

 En 2022, la production nucléaire est tombée à 279 TWh en raison des nombreux arrêts préventifs de réacteurs liés au problème de corrosion sous contrainte. Cette conjoncture exceptionnelle a entraîné un solde importateur net d’électricité pour la première fois depuis au moins 1990. Cette pénurie s’est accompagnée d’une hausse considérable de demande d’ARENH qui n’ont pas pu être toutes satisfaites, mais se sont accompagnées de l’allocation de 20 TWh supplémentaires au prix de 46,2 €/MWh. », soit un total selon la CRE de 151 TWh d’ARENH en 2022, soit bien plus de la moitié de la production nucléaire d’EDF cette année là.

 

Un manque à gagner pour EDF

 

Il est édifiant de calculer le manque à gagner par rapport à l’évaluation de la Cre qui considérait que « Le prix spot base moyen pour l’année 2022 a connu une hausse exceptionnelle par rapport à 2021 pour s’établir à 275,9 /MWh en moyenne sur l’année ». En cédant 151 TWh ARENH à vil prix, c’est en effet à une hauteur de pas moins de 34 milliards d’euros qu’EDF aura ainsi contribué malgré lui au bouclier tarifaire. De son côté, EDF confirme dans son rapport d’activité 2022 « Le recul de la production nucléaire, essentiellement lié aux contrôles et réparations de la corrosion sous contrainte, a un impact estimé à - 29 137 millions d’euros en EBE (1), compte tenu des achats rendus nécessaires dans un contexte de prix de marché très élevés. »

(1)    Versus - 32 Mds€ publiés dans le CP du 27 octobre 2022 sur la base des prix à terme au 7 octobre 2022 qui ont fortement baissé depuis )

 

L’étonnante raison de la stagnation à  42€/MWh

 

Dans sa délibération du 10 février 2022 la CRE déclare :

« Depuis l'année de livraison 2012, le prix auquel EDF cède les volumes d'électricité nucléaire au titre de l'ARENH s'établit à 42 €/MWh, tel que prévu par l'arrêté des ministres en charge de l'économie et en charge de l'énergie du 17 mai 2011.
La définition d'une méthodologie de calcul du prix rendue possible par l'
article L. 337-15 du code de l'énergie n'ayant jamais été précisée, la CRE ne dispose d'aucune référence méthodologique règlementaire sur laquelle fonder son objectivation des facteurs justifiant une évolution du prix de l'ARENH. »

En effet, cet article renvoie à Article L336-10 qui stipule :

« Un décret en Conseil d'État, pris après avis de la Commission de régulation de l'énergie, précise les conditions d'application du présent chapitre, notamment : […] 2° Les conditions dans lesquelles la Commission de régulation de l'énergie calcule et notifie les volumes et propose les conditions d'achat de l'électricité cédée dans le cadre de l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique en application du présent chapitre et les conditions dans lesquelles les ministres chargés de l'économie et de l'énergie arrêtent ces conditions d'achat. »

Un décret jamais paru

En décembre 2017, la Cour des Comptes en dévoilait l’explication en écrivant : « La loi prévoit qu’un décret détermine les modalités de calcul du prix de l’ARENH (article L. 337-15 du code de l’énergie). Le projet de décret, élaboré en 2014 par la direction générale de l’énergie et du climat (DGEC), a fait l’objet d’échanges avec la Commission européenne. Ces échanges n’ont pas abouti à une solution acceptée par les deux parties sur le mode de calcul. Le projet n’a pas été modifié et le décret n’est jamais paru. Le prix de l’ARENH qui doit, d’après les dispositions de l’article L.337-14 du même code, être révisé chaque année, est inchangé à 42 €/MWh depuis 2012 ».

Ce décret aurait dû permettre, à minima, la révision annuelle de son tarif, pour tenir compte delà la simple inflation qui aurait dû porter à 52 € 2024, selon France-inflation.com, le tarif ARENH 2012 de 42 €/MWh, mais aussi de la flambée du cours du MWh en 2022 et des charges supplémentaires d’EDF liées au durcissement des normes de sûreté.

 

L’échec cuisant de l’ARENH

 

Par delà ce gel étonnant, il importe de constater les conséquences de l’absence totale de la dégressivité du mécanisme pourtant prévue. Le Rapport parlementaire 1695 de 2023 est accablant pour l’ARENH qui, au lieu d’encourager de nouveaux investissements, « met en péril la souveraineté énergétique de la France en freinant les investissements nécessaires à sa sécurité d’approvisionnement électrique. » et précise « Non seulement l’ARENH n’a pas incité les fournisseurs alternatifs à développer de moyens de production qui leur sont propres, mais en plus ce dispositif a pénalisé les investissements d’EDF par le manque à gagner et l’endettement ». Et confirme ce point en citant la Cour des comptes : « les investissements des fournisseurs alternatifs dans des moyens de production de base sont inexistants et aucun contrat de long terme n’a permis à ces derniers de préparer la fin de l’ARENH après 2025 ». Déplorant les allers-retours des fournisseurs alternatifs  entre ARENH et marché selon les fluctuations de ce dernier leur permettant des offres alléchantes à de nouveaux clients qu’ils abandonnent en disparaissant quand le marché leur est défavorable, sans avoir investi quoi que ce soit dans le système.

Le rapport cite le commentaire accablant de l’ancien PDG d’EDF H. Proglio : « Pour un industriel, l’idée même d’accepter de céder sa propre production à ses concurrents virtuels, qui n’ont eux-mêmes aucune obligation de production, est surréaliste. Nous avons fait la fortune de traders, non d’industriels »

Quand l’EDF d’avant était en avance d’un temps

Désormais le dos au mur, il est difficile d’abandonner en rase campagne la myriade de fournisseurs alternatifs inutiles et leurs millions de clients en avouant qu’on s’est trompé. Et c’est désormais la fuite en avant de quinze nouvelles années d’ARENH qui se profile, pour le plus grand profit des traders, sans que les fournisseurs alternatifs n’aient de raison supplémentaire d’investir, en se contentant de priver EDF de ses moyens de le faire.

 On trouvera alors d'autres justifications pour justifier le mécanisme de l'ARENH, ainsi qu'on évoque désormais l'urgence de répondre aux besoin d'électrification pour justifier celui du développement des EnRi, dont l'objectif premier était de sécuriser le système électrique, baisser les coûts et réduire l'impact sur l'environnement.

Comment ne pas évoquer, une fois encore, la vision de Marcel Boiteux dans Futuribles  : « Mais, après qu’à travers les siècles le pouvoir des plus riches l’ait peu à peu emporté sur celui des plus forts ne peut-on penser qu’un jour viendra où le pouvoir de l’argent sera lui-même sublimé par une forme de pouvoir dont les motivations seront plus élaborées ? […] là où monopoles naturels et coûts de transaction prévalent, réapparaîtront des entreprises publiques chargées efficacement des missions que le système du marché permet mal de remplir. 

 Alors l’EDF d’avant aura été seulement en avance d’un temps ... »

mardi 19 novembre 2024

Le pari risqué du doublon intermittent

 

Le pari risqué d'un doublon intermittent

 Jean Pierre Riou

Après 1/4 de siècle de développement, les énergies renouvelables intermittentes (EnRi) n'ont toujours pas remplacé 1 seul MW électrique pilotable installé en Europe, pour une consommation pourtant équivalente.

Si leur modèle n'est pas dénué d'intérêt au sein de mix électriques fortement carbonés, il importe de se poser la question des conséquences à long terme de leur doublon sur un parc électrique fortement nucléarisé. 

Quand bien même on en accepterait le prix et le risque qu'elles induisent sur le système électrique.


Les EnRI ne remplacent rien,

Selon Eurostat, avec 2824 TWh en 2022, la production brute d’électricité de l’Union européenne est inférieure à celle de 2004 qui était de 2908 TWh. Cette baisse est observable quels que soient les repères choisis. Dans son bilan de 2023, RTE observe d’ailleurs une baisse plus forte encore, avec la consommation la plus basse enregistrée depuis 2004, montrant que les économies d’énergie ont plus que compensé la croissance de la consommation liée à l’électrification des usages prévue, même en termes de consommation corrigée qui occulte la part de réduction liée au réchauffement des températures.



Sur la même période, les chiffres de Eurostat montrent que pas 1 MW de puissance pilotable installée  n’a pu être retirée, avec 609 GW en 2003 (puissance totale moins éolien/PV) et 638,5 GW « pilotables » en 2021 malgré les 324,7 GW éolien-solaire ajoutés à ce parc.



Les EnRi forcent la modulation à la baisse des centrales pilotables

La combinaison de ces 2 paramètres donne la mesure de l’impact des EnRi sur les centrales pilotables. Si la baisse ainsi avérée de leur facteur de charge a permis de brûler moins de combustible fossile en Allemagne, leur effet sur le parc nucléaire français demande à être observé attentivement. 

C’était prévu

En 2018 un rapport franco allemand « L’Energiewende et la transition énergétique à l’horizon 2030 » publié conjointement par AGORA et IDDRI analysait les implications croisées du développement visé en matière d’énergies renouvelables sur les parcs électriques des 2 pays. Quel que soit le réalisme de l’ambition de cette analyse en matière d’EnR, les conclusions étaient sans appel pour le nucléaire français. Le rapport notait : « En France, le développement visé des énergies renouvelables et le réinvestissement dans le parc nucléaire au-delà de 50 GW comporterait un risque important de coûts échoués dans le secteur électrique. » Et, considérant que « En 2030, un parc nucléaire maintenu à des niveaux élevés devra opérer plus fréquemment en suivi de charge, contribuant à la flexibilité du système électrique » et concluait : « Avec un parc nucléaire élevé, la production d’électricité est en hausse, mais les coûts du parc augmentent en raison d’une plus faible production ramenée à la capacité de production. De plus, ces productions supplémentaires sont vendues à des niveaux inférieurs car le maintien d’une capacité de production nucléaire plus importante a un effet dépressif sur les prix de marché de l’électricité. » Le rapport chiffre ces coûts selon la puissance installée en évaluant qu'avec 63 GW, le facteur de charge ne serait que de 71% (contre 79% à 40 GW), mais surtout que le nucléaire ne serait marginal que 27% du temps contre 74% avec 40 GW. (figure 30)

Le rapport dresse, page 86, le tableau économique, ci-dessous, de son exploitation selon les scénarios avec un prix de vente moyen de 52 €/MWh avec 40 GW contre 23 €/MWh avec 63 GW, avec, en ce cas, un bilan de moins 9 Md€ par an contre  un bénéfice de 3 Md€/an avec 40 GW.


 

Un effet déjà visible

Ce scénario prévu pour 2030 est déjà largement observable aujourd’hui, notamment sur le site de l’institut Fraunhofer dans la mesure où le nucléaire (en rouge) se trouve en bas laissant mieux apparaitre ses modulations à la baisse à chaque pic quotidien de production solaire (en jaune), 2 fois plus importantes que les baisses nocturnes liées à celle de la consommation. Cette modulation apparaît amplifiée par la production éolienne (en gris).

 



Le contre emploi du nucléaire

Par delà sa perte de rentabilité, le nucléaire doit s’adapter aux aléas de la météo, au lieu de programmer sereinement son calendrier de maintenance/rechargement en fonction des besoins, et profiter de la flexibilité du système pour rechercher les régimes optimums de chaque réacteur.

Par ailleurs, les à-coups de fonctionnement qui lui sont imposés, y compris par des arrêts complets, augmente la fatigue des différents composants du circuit secondaire (turbine, alternateur, condenseur, poste d’eau) par leurs variations de pression et de températures.

Un récent rapport du cabinet Kpler a dénoncé le risque accru de coûts de maintenance plus élevés et de pannes imprévues en raison de ces modulations.

Les liens incestueux entre EnRi et gaz

Le parc nucléaire d’EDF a permis à la France d’être 1er exportateur mondial, quasiment chaque année depuis 1990, d’une électricité parmi les moins chères et les moins carbonées d’Europe. La prolongation à 60 ans et plus, désormais envisagée pour ses réacteurs, et les EPR2 prévus permettent d’envisager d’autant mieux la prolongation de ce modèle que le monde nous envie, que l’augmentation de la consommation  par l’électrification des usages semble contenue jusqu’alors par les économies d’énergie. Les énergies intermittentes sont incapables d’apporter la moindre garantie lors des prochains pics de consommation qui sont les soirs d’hiver de grands froids anticycloniques, généralement sans vent ni soleil. L’Allemagne en a fait la cruelle expérience le 6 novembre 2024, où les 71 720 MW éoliens n’ont quasiment rien produit de la journée, tombant même à 44,2 MW à 14 h, soit un facteur de charge de 0,06%.

Par contre ces EnRi sont parfaitement capables de ruiner le modèle économique du nucléaire en obligeant la France à privilégier un backup fossile, ainsi que le prévoit l’Allemagne dans le scénario de référence de l’institut Fraunhofer, reproduit ci-dessous, qui prévoit 152 GW conventionnels de secours en 2045 contre 82 GW aujourd’hui.


 

 

lundi 4 novembre 2024

Le nucléaire, c’est bon pour la santé !

 Le nucléaire, c’est bon pour la santé !

Jean Pierre Riou 

 

Lire l'article dans "Les voix du nucléaire"

 https://www.voix-du-nucleaire.org/sante-publique/mix-energetique-et-qualite-de-lair-nucleaire-bon-pour-la-sante/

 

Selon le Conseil européen [1], les normes environnementales doivent être durcies pour respecter les dernières lignes directrices de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS). Malgré une diminution drastique des polluants depuis 1990, les émissions liées à l’activité humaine seraient encore responsables de 300 000 décès prématurés en Europe chaque année. De nouvelles normes, actuellement à l’étude, doivent rapidement entrer en vigueur pour respecter les lignes directrices de l’OMS. Les particules fines PM2,5 sont considérées comme les plus dangereuses. 

Figure 1: Morts prématurées de 2005 à 2020 dans l'EU-27 attribuable à la concentration de particules fines au-dessus des lignes directrice de l'OMS et l'objectif européen "zéro pollution"



Cliquer sur l'image pour agrandir
 

I - Renouvelable et qualité de l’air


Cette préoccupation sanitaire conforte la politique européenne de sortie des énergies fossiles et de leur remplacement par l’électrification des usages. Pour autant, elle pose la question du bien fondé du concept même d’énergie renouvelable (EnR). En effet, le chauffage individuel au bois est la première source d’EnR en France, devant l’hydraulique et l’éolien. Or celui-ci se trouve être également la principale source d’émission de particules fines, PM2,5 et PM10, devant l’industrie ou les transports. Plusieurs organismes de santé avaient d’ailleurs alerté le Parlement européen sur ce scandale sanitaire avant l’adoption, le 14 septembre 2022, d’une proposition de directive sur le sujet, destinée à modifier la directive de 2018 et abroger celle de 2015.


Figure 2 : Contribution par secteur aux concentrations annuelles de fond de PM10


source: https://www.drieat.ile-de-france.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/rapport_chauffage_bois_17092020.pdf
 

Contrairement à une idée répandue, certaines études [2] montrent que la biomasse émet davantage de polluants que le charbon et son utilisation n’est pas neutre en carbone, comme le rappelle le Citepa, organisme officiel chargé de l’inventaire des émissions françaises. Cette idée fausse provenant du fait que ses émissions sont comptabilisées dans le secteur de l’utilisation des terres, changement d’affectation des terres et forêts (UTCAFT) et non celui de la consommation d’énergie, où elles sont considérées nulles pour ne pas être comptabilisées 2 fois. Pour autant, la directive d’octobre 2023 stipule que l’utilisation de la biomasse ligneuse doit en permettre la plus haute valeur ajoutée et qu’il ne faut recourir à sa combustion que « Lorsque plus aucune utilisation de la biomasse ligneuse n’est économiquement viable ».

II - La pollution cachée l’intermittence 

Les centrales thermiques sont conçues pour fonctionner en régime optimum, et les régimes partiels et à-coups de fonctionnement que leur imposent les cycles de production photovoltaïque ou les aléas de l’éolien dégradent leurs facteurs d’émission. C’est la raison pour laquelle l’énergéticien Duke Energy a dû demander un assouplissement des normes environnementales en raison des à-coups de fonctionnement imposés à ses centrales à gaz par les cycles de production solaire.

En effet, si la combustion du gaz naturel (CH4) au contact de l’oxygène (O2) entraîne la formation de CO2 + H2O,  les oxydes d’azote (NOx) : monoxyde d’azote (NO) et dioxyde d’azote (NO2) sont présents dans tous les processus de combustion des énergies fossiles, en raison de la présence d’azote (N) dans l’air. Et les données chiffrées de Duke Energy mettaient en évidence leur nette augmentation liée aux régimes partiels imposés à ses centrales à gaz. Or le dioxyde d’azote peut réduire la fonction pulmonaire et aggraver les symptômes de l’asthme.

À lui seul, le dioxyde d’azote est considéré responsable de 49 000 décès prématurés en Europe chaque année.

La sénatrice Loisier avait d’ailleurs demandé au ministère quelle étude de terrain aurait cherché à valider les calculs théoriques de RTE sur les émissions évitées grâce aux EnR, sans que celui-ci puisse en citer une seule, alors que tout énergéticien sait bien qu’il en va de même que pour une voiture qui freine et accélère constamment au lieu de conserver un régime optimum permanent.

Figure 3 : Illustration de l'intermittence du solaire et de l'éolien, comparée à la production nucléaire 


Cliquer sur chaque image pour agrandir
Source : https://x.com/TristanKamin/ 

III - Nucléaire et émissions
 

En 2022, EDF publiait une étude sur le cycle de vie du nucléaire français. Celle-ci, qui prend en compte la totalité des émissions, depuis la construction et le minage de l’uranium jusqu’au démantèlement et la gestion des déchets, mettait en évidence le chiffre de 3,7 grammes d’équivalent CO2 pour une exploitation de 40 ans. Et moins encore en cas de prolongation des réacteurs. Mais ce n'est pas cette performance climatique, aussi exceptionnelle soit-elle, qui nous intéresse ici.
Cette étude d’EDF met également en évidence le peu d’impact du parc nucléaire sur l’émission de particules (point 9.2.3 de l'étude), l’eutrophisation des terres, des milieux aquatiques ou l’épuisement des ressources.
L'énergie nucléaire a prouvé son absence quasi-totale d’émissions, autre que la vapeur d’eau, ce qui en fait une source d'énergie parfaitement respectueuse de la qualité de l'air, tout en étant pilotable, qualité essentielle au fonctionnement du réseau électrique.

IV - Une pollution venue d’ailleurs
 

La France a déjà été condamnée pour le dépassement de ses objectifs en termes de particules fines, alors qu’elle respectait leur plafond d’émission, mais pas celui du contrôle de leur concentration dans l’air. Pour l’OMS, les expositions aigües aux PM10 ne doivent pas dépasser le seuil de 50 µg/m3. Il s’avère que l’origine allemande de ces dépassements a formellement été identifiée par le programme européen Copernicus, notamment à Paris le 2 mars 2023, où 4,03 µg/m3 provenaient de Paris même, 4,53 µg/m3 du reste de la France et 16,33 µg/m3 d’Allemagne.

Figure 4 : Pollution des centrales à charbon se propageant à travers l'Europe (2013)

Le site de l’Institut Fraunhofer permet de comptabiliser avec précision les centaines de kilos d’arsenic émis chaque année par les centrales au lignite allemandes, ainsi que leurs tonnes de plomb, de cuivre, de nickel, de mercure ou de zinc relâchés dans la nature au gré des vents.


V - Applications non électriques du nucléaire
 

Alors que les atouts du nucléaire sont bien identifiés pour la production d'électricité, il reste des usages non électriques, ou mobiles, pour lesquels une substitution des énergies fossiles polluantes est nécessaire. En 2021, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et la Nuclear energy agency (NEA) avaient dressé un bilan des perspectives à long terme montrant la pertinence des applications non électriques du nucléaire, notamment sous forme de cogénération, pour le chauffage urbain, le dessalement d’eau de mer, la chaleur industrielle, l’hydrogène ou la propulsion.

Ce rapport s’interrogeait : « Quel est le rôle des pouvoirs publics ? Examinent-ils sérieusement toutes les options nucléaires dans le cadre de leur politique énergétique nationale en faveur de la réduction des gaz à effet de serre et de la sécurité d’approvisionnement en énergie ? ». Nous pouvons clairement ajouter « dans le cadre de l’enjeu sanitaire » !
 

VI - Conclusion

Alors que le charbon est encore, en 2024, la première source de production d'électricité, l'enjeu sanitaire exige la priorité absolue d’une sortie du charbon.

L'énergie nucléaire est à cet effet le meilleur substitut, puisqu'elle est, avec le photovoltaïque, responsable du moins de décès par unité d’énergie produite.

Par son absence d'émissions de produits de combustion, le nucléaire offre une alternative sûre, propre et pilotable, avec des perspectives de nouvelles applications, au-delà de la production électrique, afin de remplacer progressivement les énergies émettrices de polluants, qu'elles soient renouvelables ou fossiles.