Pour un moratoire immédiat sur l’éolien
Le spectre d’une surcapacité
Jean Pierre Riou
Quand l’encombrante production renouvelable donne déjà des sueurs froides à RTE
Les 15 premiers jours d’avril 2025 ont déjà connu 13 journées à épisodes de prix négatifs. Avec plus de 350 heures en 2024, ces épisodes se multiplient chaque année en France à chaque coup de vent sur fond de faible consommation, notamment chaque weekend. Et chaque fois, le nucléaire module à la baisse notamment jusqu’à plus de 10 GW le 05/04 à 13 h 45, au plus bas du cours du MWh. Chaque fois, les EnR (solaire & éolien) sous contrat de complément de rémunération ont cessé de produire pour profiter de la rémunération prévue en pareil cas, chaque fois les EnR sous tarif d’obligation d’achat (TOA), dont la totalité de l’éolien en mer, continuent de produire un courant dont il s’avère que personne ne veut, même en étant payé pour le prendre. Mais surtout leur production aléatoire excédentaire est à l’origine, depuis le début de ce mois, de messages d’alerte de RTE en raison de la dégradation de la sécurité de l’équilibre du réseau. Pour en comprendre les raisons, il convient de revenir sur le fonctionnement du marché.
Les responsables d’équilibre
Les responsables d’équilibre (RE), au nombre de 277en France, ont pour mission d’assurer l’alimentation d’un périmètre défini par contrat avec les gestionnaires de réseau, RTE ou Enedis, eux-mêmes en étant parties prenantes. On y trouve aussi bien des producteurs de tous horizons, comme SEFE (ex Gazprom) ou Iberdrola, que des consommateurs ou des investisseurs comme la banque Stanley Morgan. EDF y dispose d’une filiale : EDF Trading, et d’une autre : EDF OA, spécifiquement chargée de gérer les contrats avec les énergies renouvelables. Leur rôle est d’équilibrer l’interface entre les contrats qu’ils ont conclus avec les producteurs et ceux avec les consommateurs afin d’alimenter le périmètre dont ils sont responsables. En dernier recours, c’est RTE qui procède à l’ajustement en activant des offres sur le marché de l’ajustement, et en répercute les coûts aux RE via le mécanisme de règlement des écarts.
L’alerte du 11 avril
Un message d’alerte de RTE daté du 11 avril à l’intention des RE fait état d’une dégradation quotidienne de l’équilibre du réseau et de la difficulté pour RTE de maintenir l’indispensable équilibre entre production et consommation, équilibre hors duquel tout écart peut entraîner une panne générale par l’effet domino de l’écroulement du réseau.
Ce message informe : « RTE est actuellement confrontée à une situation extrêmement tendue pour assurer sa mission de service public de gestion de l’équilibre offre/demande en temps réel ce qui rend l’usage des offres d’ajustement insuffisant quasiment quotidiennement et l’amène a émettre des messages de mode dégradé pour in fine devoir recourir à des moyens post marché exceptionnels et coûteux. »
Le message de RTE s’explique tout en bas de son site « Capacités d’équilibrage » par le lien qui indique : « Avis de passage en mode dégradé ». Ceux-ci ont pour en tête « Messages de manques d'offres concernant le mécanisme d'ajustement » et font état de plusieurs passages par jour en mode dégradé, quasiment tous les jours depuis le 5 avril. Chaque fois le déséquilibre est indiqué dans le sens d’une demande inférieure à l’offre , notamment au 5 avril : « dégradé_Equilibreoffre/demande_baisse_12:30_18:00 ».
Dans son bilan de sûreté 2023, RTE décrit les enjeux de ce mode dégradé en considérant « Autant l’activation de moyens à la hausse permet de renforcer le niveau de services système présents (en démarrant des groupes de production), autant les activations à la baisse peuvent dégrader ce niveau en entraînant l’arrêt des groupes qui participaient aux services système.» Ces services système comprennent en effet le réglage automatique de la fréquence par l’inertie des énormes turboalternateurs des centrales conventionnelles qui tournent de façon synchrone à 50 Hz sur le réseau. Et ce déséquilibre peut entraîner des reports de flux, des transits imprévus et surcharges localisées qui susceptibles de provoquer des déconnexions automatiques, reportant les flux sur d'autres ouvrages et créant un effet domino. RTE cite le 9 avril 2023, où il a dû faire appel hors de ses frontières àTerna, Amprion et Swissgrid pour compenser une partie de l’écart de réglage de RTE et pouvoir restaurer la fréquence sous les 50,05 Hz le temps que les groupes français effectuent leur ajustement à la baisse.
Les apprentis sorciers
L’Entsoe venait de publier une nouvelle alerte concernant ce manque d’inertie du réseau européen en raison du développement des EnR. Les apprentis sorciers qui prétendent réduire encore cette inertie par l’augmentation de la part d renouvelable en France, en attendant que l’électrification des usages en absorbe la production, ne semblent pas comprendre l’immédiateté des besoins dans le réglage de l’équilibre, ni le rôle de l’inertie dans la marge nécessaire aux actions d’ajustement.
Le prix de la chimère
RTE a présenté son schéma de développement du réseau qui chiffre à 100 milliards d’euros en 15 ans ses besoins de restructuration, dont 37 milliards pour 22 GW de raccordement d’éolien en mer.
Dans ses éléments de prospective à horizon 2050, Enedis prévoit entre 1,5 à 2 milliards et 6 à 8 milliards par an pour le raccordement de nouvelles installations entre 2020 et 2050, selon l’importance de la part d’énergie renouvelable dans le scénario envisagé. Soit un total compris entre 45 et 240 milliards sur 30 ans, pour leur seul raccordement et sur le seul réseau de distribution.
Pour autant, de telles sommes n’ont pas vocation à dimensionner le réseau pour transporter l’intégralité des encombrants records de production éphémères quel qu’en soit le lieu de production et l’état du réseau. Des congestions sont déjà fréquentes aujourd’hui, et le producteur est alors rémunéré par RTE pour sa production non écoulée.
RTE en explique en effet le mécanisme de compensation ci-dessous dans sa publication « Indemnisation des limitations d’ENR terrestres par RTE »
Le caractère aléatoire de la production électrique des EnR est appelée à entraîner une croissance exponentielle des excès de production. Par delà les risques qu’elles font peser sur le réseau, il faut bien comprendre que ces productions inutiles sur fond de marché écroulé, seront forcément soutenues financièrement par l’argent public, que ce soit pour n’avoir pas pu être écoulée, pour compenser l’écart entre le prix contractuel et celui du marché pour une encombrante production écoulée, ou pour rémunérer une installation qui ne produit rien pour cause de prix négatifs.
Une seconde partie de cet article montrera les effets néfastes de cette coûteuse et dangereuse surcapacité sur notre parc nucléaire ainsi que le fait qu’elle est incapable d’en remplacer le moindre MW installé.
L’électrification des usages est une priorité, l’enchérissement du kWh électrique en est le principal frein.
Les taxes croissantes qui en sont l’unique cause trouvent leur origine dans l’accise, notamment destinée au soutien des EnR, et le TURPE destiné à restructurer le réseau pour lui permettre de les accueillir. L’effet contre productif de ces sommes, elles mêmes frappées par la TVA, doit faire comprendre la nécessité d’un moratoire immédiat sur le développement de l’éolien.
Mise à jour du 20/04/2025
Montel News a donné des précisions sur le coût des "moyens post marché exceptionnels et coûteux" que RTE déclarait devoir employer quasiment quotidiennement en raison de l'insuffisance des offres d'ajustement, en indiquant que le 2 mars RTE avait payé presque 12000€/MWh aux gestionnaires de réseaux voisins pour exporter l'électricité excédentaire.
On peut regretter que les données de prix et de volume de ces moyens post marché ne semble pas accessible de façon transparente par RTE au public non professionnel. Ces coûts sont en effet au cœur de la viabilité des énergies intermittentes dans un marché libéralisé de l'électricité et le citoyen est en droit de comprendre le bien fondé de l'utilisation de ses impôts.
Mise à jour du 24/04/2025
Thomas Veyrenc, directeur économie stratégie et finance de RTE a publié un démenti de cette information sur Linkedin assurant qu'il s'agissait d'une erreur de l'analyse de Montel Analytics, qui a publié une réponse sur le même réseau.
Tout porte à croire que ce chiffre de 12 000 €/MWh n'est pas fondé.
Pour autant, le gestionnaire du réseau européen Entsoe alertait le lendemain même (sans qu'il faille y voir quelque causalité que ce soit) sur les difficultés prévisibles d’équilibrer le réseau soumis à un afflux excessif d'énergie solaire avec l'arrivée des beaux jours par un communiqué au titre explicite "Sunny spring and risks of electricity surplus"
Ces risques sont passés en revue dans l'excellent bilan de l'année 2024 publié par Dexter energy.
"Enedis prévoit entre 1,5 à 2 milliards et 6 à 8 milliards par an pour le raccordement de nouvelles installations entre 2020 et 2050" les 1,5 à 2 sont ils pour 2020 et les 6 à8 pour 2050 ou bien y a t'il une autre façin de lire ceci ?
RépondreSupprimerBonjour, désolé il faut lire "entre 2020 et 2050 Enedis prévoit entre 1,5 et 2 milliards par an minimum pour le raccordement des EnR, et jusqu'à 6-8 milliards si leur programme de développement est ambitieux"
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