Anticiper et quantifier le risque d’incendie
Jean Pierre Riou
La presse britannique relate l’incendie d’une éolienne anglaise toute proche de la ville de Hull ce 3 août 2022.
La vidéo publiée par le Mail on line donne la mesure de la violence des flammes et de leurs projections, liées à la grande quantité d’huile contenue dans la nacelle.
(Source Dailymail online)
Cet incendie fait suite à celui de l’éolienne frappée par la foudre à Crowell au Texas, le 23 juillet, ainsi qu’à celui de l’éolienne d’Ardrossant en Écosse 2 jours plus tard et qui fut lui-même immédiatement suivi par celui, plus médiatisé en France, de Bourbriac, dans les Côtes d’Armor.
A ces occasions, la question de
la propagation se pose lorsque le milieu est boisé, comme le montre
l’embrasement d’une éolienne dans l’État de Washington qui avait détruit plus
de 300 acres, soit 120 hectares, en juillet 2019.
Le classement ICPE
On sait que depuis 2011 les éoliennes sont soumises à autorisation
au titre de la rubrique 2980 de la législation des installations classées pour la
protection de l'environnement (ICPE) c’est--à-dire
« susceptibles de créer des risques ou
de provoquer des pollutions ou nuisances, notamment pour la sécurité et la
santé des riverains ». C'est la raison pour laquelle l'évaluation de ces risques doit pouvoir s'appuyer sur une base de données exhaustive et publique des incidents et prendre en compte l'évolution prévisible des risques qui leur sont liés.
Et le réchauffement du climat et l’aggravation des
sècheresses en France doivent inciter les pouvoirs publics à publier ce document afin d’éclairer les populations et les
décideurs lors de chaque implantation d’éoliennes en lisière de forêt, à fortiori en plein milieu des bois au prétexte de « Conjuguer
sylviculture et potentiel éolien ».
En effet :
FIRETRACE International, dont le siège est en Arizona, se présente comme le leader mondial des solutions spécialisées dans l’extinction des incendies, son siège européen se situe à Londres.
Selon lui, son système de protection équiperait déjà plus de 23 000 éoliennes.
Or, dans une publication de 2019, FIRETRACE International évoque le problème majeur de l’incendie des aérogénérateurs et cite un rapport qui place l'incendie en 2ème cause la plus fréquente d’incidents éoliens (15%).
Mais surtout, sa comparaison des chiffres obtenus lui suggère le fait que 91% des incendies d’éoliennes ne seraient pas signalés. Dans un article faisant le bilan de la question, il l’explique par le fait que « les rapports peuvent être incomplets, biaisés ou contenir des données non accessibles au public ».
FIRETRACE mentionne notamment en février 2021
3 incendies d’éoliennes dans le seul mois
de décembre précédent : Roundhouse Wind Farm dans le Wyoming, Harvest II Wind Farm
dans le Michigan et Locust Ridge Wind
Farm en Pennsylvanie.
Anticiper et quantifier
Le propos n’est pas de comparer l’enjeu d’un incident nucléaire avec celui d’un incendie d’éolienne. Mais sans aller jusqu’à la publication de la détection du moindre écart à la norme d’exploitation de chaque réacteur imposée par l’ASN, une connaissance plus précise et facilement accessible au public des différents incidents comme les chutes de pales, mais surtout les départs d’incendies semble nécessaire en regard de ce défi majeur que le climat semble devoir nous lancer, parallèlement à celui de la gestion de l'eau.
Les services de l’État sont d’ailleurs vigilants et refusent les permis éoliens lorsqu’ils considèrent que la végétation présente des risques d’embrasement, comme en atteste la fiche de jurisprudence de la DREAL Auvergne-Rhône-Alpes, reproduite ci-dessous.
Cette fiche précise que le Préfet du Gard avait refusé les permis « au motif que ces éoliennes sont susceptibles de faire obstacle à l’intervention des moyens aériens de lutte contre le feu, en raison de leur hauteur », et que cet arrêt « s’inscrit dans une jurisprudence constante » depuis que le Conseil d’État en a tranché le litige et considéré notamment que « l’intervention des moyens aériens de lutte contre les feux de forêt ne pourra être assurée dans un rayon de six cents mètres autour de chacune des éoliennes ».
Malgré la montée en puissance du développement des énergies renouvelables, le spectre d’une multiplication de destructions forestières par l’embrasement d’éoliennes n’est pas de nature à remettre en question le bien fondé de leur développement.
Pour autant, le changement rapide des conditions climatiques demande d’anticiper l’évolution prévisible des zones à risque d’incendie et mettre en garde envers tout manque de transparence et d'anticipation sur la réalité de ce risque.