jeudi 16 mars 2023

L’Australie, colosse des énergies renouvelables

 

L’Australie, colosse des énergies renouvelables

Avec 73,3% d'électricité d'origine fossile

 Jean Pierre Riou

L’Australie, nouveau géant des énergies renouvelables selon l’État français, est fréquemment citée en exemple en tant que modèle de transition en matière de mix électrique.


 

Et l’État d’Australie-Méridionale en est le fer de lance avec ponctuellement 100% de sa production électrique d’origine renouvelable.

 

Pour sa sécurité, l’Australie-Méridionale est interconnectée avec les États voisins et ne représente que 6,2% de la consommation totale australienne.

Celle-ci est figurée ci-dessous en jaune sur le site du régulateur australien AER.

(NEM = National Electricity Market)



 L’Australie, grande comme 15 fois la France pour 25,6 millions d’habitants, dont 60% dans les 5 principales métropoles, a misé sur le développement de l’éolien, mais aussi de parcs solaires géants qui bénéficient de vastes étendues non peuplées et d’un fort ensoleillement.

 

Des projets hors norme.

La société Sun Câble avait levé un fonds de 138 millions d’euros pour une liaison sous-marine de 4000 km avec Singapour, fort importateur d’électricité. Ce projet pharaonique privé, du plus grand parc solaire au monde, a pris l’eau financièrement et ses administrateurs ont annoncé leur intention de recapitaliser ou de vendre cette société. Infrastructure Australia, organisme chargé de conseiller le Gouvernement sur les infrastructures nationales, considère toujours en 2023 que ce projet « Power Link » reste un investissement valable pour l’Australie.

 

Un colosse aux pieds d’argile

Parallèlement, le producteur APR Energy décrit le challenge d’une « Stabilité du réseau à risque en raison de la forte dépendance à l’énergie éolienne intermittente », rappelant que « une chute soudaine et significative du vent – qui génère entre 49 et 100% d’électricité en Australie du Sud un jour donné – a déstabilisé le réseau électrique de l’Australie-Méridionale, plongeant tout l’État dans l’obscurité » le 16 juillet 2016.

C’est en effet cette occurrence ponctuelle de 100% d’énergie renouvelable qui fait également citer spécifiquement l’Australie-Méridionale parmi les modèles à suivre. Et pour lequel APR Energy s’est vu confier en 2017 l’installation de neuf turbines à gaz mobiles GE TM2500 Gen 8 d’une capacité de production de 276 MW à capacité de démarrage rapide afin de « soutenir la forte dépendance de l’Australie du Sud à l’égard des énergies renouvelables intermittentes ».

D’autre part, le gestionnaire de réseau d’Australie-Méridionale Electranet développe le projet Energyconnect pour augmenter la capacité d’interconnexion avec les États voisins de Victoria et de Nouvelle-Galles du Sud, actuellement de 820MW pour l’import et 700MW export.

En juin dernier, le régulateur de l’énergie australien a pris le contrôle du réseau électrique national, et suspendu un système de marché en proie à la flambée des prix et à la menace de coupures généralisées.

 

73,3% de production fossile

Il est en effet plus facile de se débarrasser de productions intermittentes aléatoires en les exportant que de les utiliser pour réduire la production fossile.

Or depuis l’année 2013-2014, où la consommation était sensiblement égale à celle de 2021, la production fossile a été réduite de 212,4 TWh à 194,7 TWh, soit - 8,3% en 7 ans, ce qui n’est pas négligeable mais bien insuffisant, le site du Gouvernement australien indiquant encore 73,3% de production électrique d’origine fossile pour l’année fiscale 2020-2021, dont 52,8% de charbon (& lignite) avec 140,311 TWh sur une production totale de 265,554 TWh.

Pire, cette production fossile est sensiblement la même qu’en 2000 où elle était de 192,062 TWh.

 

Et ce n’est qu’au sein de l’ensemble du marché électrique australien (NEM) qu’il faut comprendre les « prouesses » de l’Australie du Sud, qui produit cependant encore 5,5 TWh de gaz, soit 37,6% des 14,6 TWh de production totale.

Ou 47% des 11,7TWh de sa consommation. Et 48,8% fossile si on ajoute les 126 GWh de produits pétroliers.

 

Des publicités trompeuses

Les Green PPA (Power Purchase Agreement) sont des contrats d’électricité renouvelable à long terme. La production peut, bien sûr avoir lieu hors du site du consommateur et définir la quantité d’énergie achetée à un site précis, ou même être « hors site virtuel » c'est-à-dire achetée sur le marché de gros de l’énergie verte. Les électrons vendus étant mélangés avec ceux des autres productions sur le réseau, bien entendu.

C’est ainsi que des entreprises ou des villes entières peuvent se déclarer alimentées par 100% d’énergies renouvelables, comme les villes de Sydney ou Melbourne, ou le port de Newcastle, donnant l’impression trompeuse que si une ville peut le faire, un pays le peut aussi.Mais vendre

 

Mais l’électricité du « nouveau géant des énergies renouvelables » n’en carbure pas moins encore à 73% d’énergies fossiles.

 

Ukraine : le nucléaire meilleure arme contre la guerre

 

Ukraine : le nucléaire meilleure arme contre la guerre

Ukraine : le nucléaire meilleure arme contre la guerre

De façon contre-intuitive, la guerre en Ukraine a mis en lumière la formidable résilience que peut conférer l’énergie nucléaire, aussi bien civile que militaire.  Son analyse doit faire comprendre les conséquences potentiellement dévastatrices de leur abandon et, par delà les exigences climatiques, la nécessité impérieuse de conserver une économie forte et souveraine, tant l’Histoire est peu clémente pour les vaincus. 

La Commission d’enquête en cours sur ce sujet montre un peu plus chaque jour que notre politique énergétique visant à réduire notre production nucléaire menait à une impasse que nul n’ignorait.

L’Ukraine et le nucléaire

Trois ans après que l’indépendance ukrainienne avait été actée et reconnue par la Russie, lors des accords de Minsk, l’Ukraine, affaiblie économiquement, acceptait de se débarrasser de son arsenal militaire nucléaire [1] en échange d’une aide financière des États-Unis et de la reconnaissance de son intégrité territoriale. Les quelques 1500 ogives nucléaires de cet arsenal, aujourd’hui braquées sur les États-Unis selon Le Monde de l’époque [1], dotaient alors l’armée ukrainienne de la 3ème puissance nucléaire au monde.

S’il est stérile de vouloir réécrire l’Histoire, il n’en apparaît pas moins que la dissuasion d’une riposte aura fait défaut, il y a tout juste un an, quelle qu’ait pu être l’erreur d’appréciation du Kremlin sur la résistance ukrainienne à une invasion. 

Les traités de démilitarisation ne sont crédibles que lorsqu’ils ne livrent aucun de leurs signataires dans la gueule du loup. Raison pour laquelle la Corée du Nord risque de se faire attendre aux tables de négociations, tandis que l’accès à cette dissuasion nucléaire est un atout convoité par des pays tels que l’Iran. 

Et force est de constater que les promesses du Memorandum de Budapest No. 52241 [2] qui engageait la Fédération de Russie, le Royaume Uni, l’Irlande du Nord et les États-Unis d’Amérique à garantir l’intégrité territoriale de l’Ukraine, se sont révélées insuffisantes pour empêcher un conflit dont on connaît le caractère dévastateur.

Mais une hyperinflation, chute de production et l’asphyxie économique liée à l’achat de son gaz en devises fortes à Moscou, ainsi que l’analysait un reportage de l’époque [1], avait paralysé le pays, et amené le Président Kravtchouk à accepter de troquer son arsenal militaire contre une aide financière.

Le nucléaire sous les bombes

Le nucléaire civil a mis en évidence sa capacité à résister à des tirs de missiles, à des coupures totales de courant [3], et même à l’occupation de la centrale de Zaporijia par une armée ennemie en tout lieu décidée à martyriser le pays. 

Pour la première fois, une centrale nucléaire, la plus grande d’Europe, a été une cible militaire, notamment touchée par 12 missiles dans le seul weekend du 19 et 20 novembre [4], sans que la moindre contamination radioactive ait pu être détectée, notamment par les experts de l’AIEA dépêchés sur place [5].

Ce qui confirme la robustesse des enceintes en béton, que le spectaculaire crash test d’un F4 américain propulsé à 800km/h [6] n’avait pas réussi à percer, contrairement aux missiles qui ont frappé le barrage du réservoir de Karatchpuniv [7], entraînant l’inondation de 112 maisons et jardins ukrainiens.

L’ironie de Poutine

Lors d’un forum économique à Berlin, le 26 novembre 2010, Vladimir Poutine aurait cyniquement déclaré [8] : « Les Allemands, on ne sait pourquoi, n’aiment pas l’énergie nucléaire … je ne comprends pas comment vous allez vous réchauffer. Vous ne voulez pas de gaz, vous ne développez pas l’énergie nucléaire. Vous allez brûler du bois ? Mais pour ça aussi, il va vous falloir vous approvisionner en Sibérie, puisque vous n’avez pas de bois non plus. »

 Lire la suite dans European Scientist ....

https://www.europeanscientist.com/fr/opinion/ukraine-le-nucleaire-meilleure-arme-contre-la-guerre/

lundi 6 mars 2023

Mix énergétique : la charrue devant les boeufs

 

Mix énergétique français : La charrue devant les bœufs

Mix énergétique français : La charrue devant les bœufs

Jamais la production d’énergie n’aura fait l’objet d’une telle remise en question devant le double défi planétaire qui s’impose aujourd’hui : celui de l’accès aux ressources et celui de son impact sur l’environnement. Jamais l’indispensable vision à long terme n’aura été aussi difficile à percevoir.

« Mettoyt la charrette devant les bœufz » ordonnait Gargantua en 1534, attestant l’ancienneté d’une erreur récurrente.

Confondant  vitesse et précipitation, la politique énergétique européenne multiplie en effet des objectifs ambitieux avant d’en évaluer la pertinence et les moyens de les atteindre. C’est ainsi que les prérogatives accordées aux productions électriques intermittentes au détriment de la rentabilité d’autres moyens décarbonés compromettent l’équilibre du système électrique sur lequel repose notre unique  alternative, sans même qu’on sache si on saura un jour stocker l’électricité à grande échelle pour un coût acceptable par la collectivité.

Faute d’une évaluation rigoureuse,  cette politique perd de vue la voie objective du moindre impact comme celle du moindre risque.

Le réacteur le plus sûr est celui qu’on ne construit pas

Appliqué à lui-même, le principe de précaution s’interdirait tout seul tant il est dangereux, car les risques inhérents aux nouvelles technologies permettent bien souvent à celles-ci d’en éviter de plus grands encore.  Pourtant ce principe, énoncé dans l’article 5 de la Charte de l’environnement, a pris valeur constitutionnelle en 2005. Amplifiée par les marchands de peur et tout une constellation d’opposants à l’atome [1], cette défiance de l’innovation est en passe de ruiner la production française d’électricité, qui menace dans sa chute la pérennité du système électrique européen.

D. Finon et D. Grenêche en ont montré les conséquences sur la spécificité de la conception française de la sûreté nucléaire, qui diffère du principe international ALARA (as low as reasonably achievable), soit « raisonnablement possible », bien que l’article L110-1 du code de l’environnement évoque des mesure « proportionnées visant à prévenir un risque de dommages graves et irréversibles à l’environnement à un coût économiquement acceptable ».

Dans leur analyse[2], les auteurs décrivent l’escalade de normes de sûreté redondantes et injustifiée imposées par une Autorité de sûreté nucléaire (ASN) qui n’a de comptes à rendre à personne sur le gain apporté par chaque nouvelle exigence en termes du sûreté, tandis que leurs coûts et l’indisponibilité du parc  qui en résulte sont de nature à paralyser définitivement la filière.

En octobre 2019, Jean-Martin Folz remettait son rapport sur la construction de l’EPR de Flamanville [3]. Le chapitre « Un contexte réglementaire en évolution continue » mérite le détour pour prendre conscience des conditions kafkaïennes générées par l’évolution des critères à respecter, au fur et à mesure de l’avancée des travaux. Notamment l’arrêté de décembre 2005 sur la réglementation des Équipements Sous Pression Nucléaire (ESPN), dont la doctrine d’application « ne sera que progressivement publiée , le très attendu « guide 8 » pour l’évaluation de la conformité des ESPN est publié en 2009 et révisé en 2012 , et l’arrêté lui-même est révisé en 2015 puis codifié en 2018 tandis que les fabrications des équipements sous pression se poursuivent et que les industriels comme les organismes de contrôle s’efforcent de s’adapter aux nouvelles règles. »

La face cachée du risque 0

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Lire la suite dans European Scientist 

https://www.europeanscientist.com/fr/opinion/mixe-energetique-francais-la-charrue-devant-les-boeufs/

 

lundi 9 janvier 2023

Psychanalyse de l'atome

 

Psychanalyse de l’atome

Des limites de la démocratie

Par delà une défiance récurrente de toute innovation technologique, l’opposition à l’énergie nucléaire, qui  cristallise les fantasmes les plus irrationnels, est le cœur de cible privilégié de la manipulation de l’opinion. Pour la double efficacité d’un amalgame trompeur avec la réalité physique d’une bombe atomique, et des conséquences incalculables du discrédit de la spécificité du mix énergétique français.

Car l’énergie nucléaire se prête mal à la compréhension des informations objectives susceptibles d’éclairer un choix pertinent, seul capable d’éviter d’être manipulé par des intérêts qui ne sont pas les nôtres et devenir,  en quelque sorte, leur « idiot utile ». Retour sur la genèse de soixante-dix ans d’activisme.

L’amour, pas la guerre

La remise en question de l’ordre établi tente de bousculer les convenances depuis que le monde est monde. « Celui qui n’est pas communiste à vingt ans n’a pas de cœur » disait G.B. Shaw. Car la générosité du partage, en vue d’un monde meilleur, insuffle naturellement un sentiment de révolte aux cœurs purs qui découvrent l’ampleur des inégalités. Cette juste révolte enfle encore dès que l’ordre établi prend les armes, pour tirer sur son peuple, ou sur un autre, en vertu de l’éternel prétexte de libérer la démocratie, pour le plus grand bénéfice des marchands de canons et colonisateurs de tout poil. La réhabilitation des 639 fusillés pour l’exemple de la grande guerre symbolise une trop rare reconnaissance de la détresse d’une jeunesse martyrisée pour une cause qui était rarement la sienne.

La génération qui a suivi la seconde guerre mondiale s’est mobilisée contre l’impérialisme de la guerre au Vietnam, et contre la guerre tout court avec le fameux slogan « faites l’amour, pas la guerre ». 

L’arme atomique, employée par les américains sur Hiroshima et Nagasaki représentait alors le mal absolu, contre lequel se sont dressées les premières organisations antinucléaires.

Et l’amalgame avec le nucléaire civil s’est greffé sur cette révolte de la jeunesse.

Vers un autre type de société

Didier Anger, militant antinucléaire de la première heure et membre fondateur du parti des Verts, résume parfaitement, dans Bastamag [1], l’essence même de cette opposition à l’industrie nucléaire :

 « Mai 68 convertit en quelques sortes la contestation marginale du nucléaire, essentiellement réduite à son utilisation militaire, en un sujet beaucoup plus global. En tant qu’énergie centralisée, dans laquelle le citoyen est tenu très loin des circuits de décision, le nucléaire entre en contradiction avec les revendications montantes d’autogestion et de démocratie participative. La critique d’abord scientifique du nucléaire, rencontre un bruit de fond plus général, une atmosphère propice à la défense d’un autre type de société ».

C’est ainsi que la contestation de l’ordre établi achoppe encore aujourd’hui au caractère techniquement complexe de l’énergie nucléaire, tandis que les énergies dites renouvelables (EnR) dont le caractère décentralisé se prête à des « projets citoyens participatifs » d’une consommation  faussement prétendue locale [2], semblent promettre un autre modèle de société, qui unirait dans un même combat les valeurs de la gauche et de l’écologie.

La production abondante du nucléaire, dont le stock actuel de plus de 5000 ans de combustible [3] pour des réacteurs à neutrons rapides de type Superphénix, est particulièrement honnie par l’aile la plus radicale de l’écologie qui prône la décroissance.

L’idiot utile 

Le nucléaire, c’est aussi un avantage compétitif déterminant de notre pays sur ses voisins dont l’intérêt économique objectif est de faire en sorte que la France en réduise la puissance. Ce qui est d’ailleurs assumé textuellement [4] dans le rapport franco-allemand AGORA IDDRI :  « L‘Energiewende et la transition énergétique à l’horizon 2030 ».

Lors de son audition devant l’Assemblée nationale [5], H. Proglio, ancien patron d’EDF dénonce en ces termes [6] le rôle de l’Allemagne dans la dégradation de notre souveraineté énergétique : « Comment voulez-vous que ce pays qui a fondé sa richesse, son efficacité, sa crédibilité sur son industrie accepte que la France dispose d’un outil compétitif aussi puissant qu’EDF à sa porte ? 

L’obsession des Allemands depuis 30 ans, c’est la désintégration d’EDF. Ils ont réussi ! »

C’est dans ce contexte que la sénatrice A.C. Loisier a interrogé le Gouvernement [7] sur la présence des intérêts allemands et des fabricants d’éoliennes au sein même du ministère de l’écologie. Et que la fondation Heinrich Boell, fondation politique allemande proche du parti écologiste Alliance90/Les verts  et partenaire du ministère français de l’écologie et de l’Ademe, travaille en France à promouvoir les projets d’EnR « participatifs et citoyens [8], et communique régulièrement sur la situation « à haut risque » de la prolongations de nos réacteurs [9]. Elle diffuse notamment le message que « Le manque d’anticipation du vieillissement du parc nucléaire français et les difficultés financières d’EDF ont réduit les marges de sûreté face au risque d’accident grave.» Cette fondation multiplie également les sondages [10] montrant aux Français qu’ils préfèrent les énergies renouvelables au nucléaire.

L’intérêt financier .....

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Quand le souffle éolien éteint 10 réacteurs

 Quand le souffle éolien éteint dix réacteurs nucléaires

 Jean Pierre Riou

Équilibrer un réseau, c'est suivre en temps réel les besoins de la consommation, mais c'est aussi suivre les caprices du vent

Alors que le parc nucléaire se trouve diminué par les travaux du grand carénage et à ceux liés au phénomène de corrosion sous contrainte, la combinaison d’un vent généreux avec des températures clémentes a entraîné la fermeture de pas moins de 10 réacteurs.

  

Ainsi que l’a publié l’autorité de sureté nucléaire (ASN), le réacteur n°4 de la centrale du Tricastin avait été arrêté pour maintenance et rechargement de combustible le 13 aout 2022. « A l’issue de cet arrêt, il a été redémarré et a atteint sa puissance nominale le 10 novembre 2022 ».

Selon RTE, une nouvelle « indisponibilité de production planifiée » a été programmée pour ce réacteur du 23/12/2022 19:30:00 au 09/01/2023 06:00:00. 

Selon EDF « Cet arrêt, de courte durée, permet d’optimiser la gestion du combustible contenu dans le réacteur et d'assurer la disponibilité de cette unité de production pour l'hiver. »

Ce qui ne manque donc pas de surprendre, sauf à comprendre qu’il s’agit de l’hiver 2023/2024, puisque le combustible neuf étant renouvelé partiellement par tiers ou par quart tous les 12 à 18 mois, le rechargement de ce réacteur venait ainsi d'avoir lieu.

 

Selon le Figaro, EDF aurait même ajouté, que «Juste avant Noël», plusieurs réacteurs ont été ainsi arrêtés «sur de courtes périodes», avec «un pic à 10 réacteurs le week-end dernier, arrêtés pour modulation», lesquels ont presque tous repris au 2 janvier. Ajoutant que le réacteur de Tricastin 4, à l’arrêt jusqu’au 9 janvier, restait «immédiatement disponible», en cas de besoin.

En effet, l’excellent site Grafana donne un aperçu en temps réel de la puissance nucléaire disponible, à partit des données de RTE. Et il indique bien 15 réacteurs à l’arrêt le 13 décembre, 24 réacteurs à l'arrêt le samedi 31 décembre et 13 réacteurs le 6 janvier.

Durant cette période, l’éolien aura été bien plus généreux que l’an dernier, régulièrement au dessus de 10000MW avec des pics supérieurs à 15000MW et la douceur des températures a réduit la consommation, RTE estimant que « chaque degré perdu à l’échelle nationale entraîne une hausse de la consommation de 2,4 GW en moyenne ».

Les 10 réacteurs ainsi arrêtés correspondent à la réduction de la consommation liée à douceur des températures et, éventuellement aux économies d’énergie.

Mais il est important de noter qu’ils correspondent également à l’exacte puissance éolienne dans la même période. Le suivi de charge permettant l’équilibre du réseau devant rester au plus près de la consommation en temps réel, mais aussi, en creux, au plus près des productions aléatoires.

Dans « Nucléaire et suivi de réseau » C. Acket avait montré en 2009 comment la grande flexibilité du nucléaire  lui permettait de répondre, à lui seul, aux variations de la consommation. Et que la présence de l’hydraulique de barrage français facilitait encore largement ce suivi.

L’Arlésienne du stockage

Les capacités de stockage par stations de pompage (STEP) culminent désespérément à 5GW depuis des années. Les autres technologies de stockage demeurent anecdotiques et/ou expérimentales depuis ¼ de siècle que leur nécessité s’est imposée aux EnR intermittentes.

Il devient évident que ces « énergies déversoir », comme les nomme C. Ackert ne sont pas seulement incapables de contribuer au suivi de réseau, mais plutôt, à l’opposé, qu'elles le compliquent.

Car elles maintiennent la nécessité des centrales thermiques pilotables, augmentent la dépendance aux interconnexions avec nos voisins et donc, en l’occurrence, augmentent le recours à la flexibilité du parc nucléaire, ainsi que l’avait d’ailleurs annoncé le rapport franco-allemand « L‘Energiewende et la transition énergétique à l’horizon 2030 » (« En 2030, un parc nucléaire maintenu à des niveaux élevés devra opérer plus fréquemment en suivi de charge, contribuant à la flexibilité du système électrique ».

Ces 10 réacteurs nucléaires soufflés d’un coup par un fort besoin de flexibilité, lié à une faible consommation mais aussi à une forte production d’«énergies déversoir », donnent la mesure des difficultés qui attendent l’équilibrage du système électrique européen.

Et de la rentabilité de notre parc nucléaire si nous décidons de le conserver.

Gouverner c’est prévoir

Ce 9 janvier, avec 12 réacteurs en arrêt pour maintenance, 78,6% des réacteurs sont opérationnels avec une puissance de production de 45,2GW dont 2,4GW de réserve pour modulation du suivi de charge.

Avec Dampierre 2 début janvier, ce sont déjà 10 réacteurs qui ont terminé leur grand carénage depuis 2020 et 5 autres réacteurs auront terminé leur maintenance avant la fin du mois pour permettre au parc d’affronter février où sont attendues les plus fortes pointes de consommation par le gestionnaire du réseau européen ENTSOE.


Le spectre des grands froids anticycloniques

Parallèlement, début décembre 2022 aurait été l’une des périodes les plus froides depuis 10 ans. L’éolien français n’a pas été capable d’atteindre 3000MW de toute la 2ème semaine de décembre, tombant même parfois à moins de 1000MW.

Avec 19099MW installés, il représente pourtant grosso modo le tiers de la puissance de notre parc nucléaire. Celui de notre modèle allemand, plus puissant que notre parc nucléaire avec 66,23GW, n’en tombait pas moins à moins de 2GW effectifs cette même 2ème semaine de décembre.

Mais du moins, quand le vent souffle Outre Rhin, l’Allemagne économise son charbon.

La France, elle, arrête ses réacteurs nucléaires.

Épilogue

La production éolienne n'a pas faibli lors du retour de Tricastin 4 sur le réseau. Sa puissance et sa régularité ont même été remarquables


Et le 12 au matin, Tricastin 4 était de nouveau arrêté sans que la cause habituelle ( Foreseen Maintenance / Maintenance prévue ou  Failure / Défaillance ) ne figure. La seule indication étant mystérieusement "Cause de l'arrêt  Complementary information / information complémentaire" 

Le retour étant prévu après le weekend, le 16 janvier à 2 heures du matin.

Ce même samedi 14 janvier, Cruas 2, Bugey 4 et Chinon 2 étaient également mis en arrêt programmé sur le site RTE, avec la même absence d'indication sur la cause, avec retour prévu respectivement le dimanche16h30 et 17h30, soit parallèlement à la montée en puissance du pic de consommation du soir et le lundi 5h pour Chinon 2, à la reprise de la consommation. A noter que d'autres réacteurs sont partiellement indisponibles sans qu'aucune indication de cause ne figure.

Enfin, par delà ces "indisponibilités" pour cause d'indésirabilité, qui affiche ainsi 44,1GW disponibles, la puissance effective, ce dimanche généreusement venté, n'était que de 34,2GW, selon le site Grafana (ci-dessous)

Tombant même à 31,6GW à 6heures, selon le site Eco2mix de RTE, soit 12,5GW de modulation à la baisse pour les réacteurs qui n'avaient pas été complètement arrêtés.

Interrogés le 13 par courriel au sujet de Tricastin 4, EDF et RTE n'ont pas encore répondu. Leur réponse, quelle qu'elle soit, fera l'objet d'une mise à jour dès réception.

Mise à jour du 16 01

Au matin du 16 janvier, RTE avait répondu "Ce n’est pas RTE qui annonce les indisponibilités mais les producteurs. C’est bien sur le site de RTE qu’elles sont réunies (réglementation qui le demande) mais elles viennent des producteurs. Pour la raison de l’arrêt de Tricastin 4 (revenu hier), il faut donc se tourner vers EDF."

Et Tricastin avait confirmé "Le réacteur n°4 a été découplé du réseau afin d’optimiser la gestion du combustible contenu dans le réacteur et d'assurer la disponibilité de cette unité de production pour l'hiver. Le réacteur a été reconnecté ce jour."

Notons que RTE semble indiquer, en creux, ne pas connaître les raisons de telles indisponibilités, ce qui implique qu'il sous-estime mécaniquement la quantité d'énergie nucléaire perdue pour modulation.

En tout état de cause, l'arrêt complet ou même partiel de réacteurs, pour cause d'insuffisance de besoins programmés, semble devoir faire l'objet d'une publication transparente en temps réel, sous peine de fausser le débat public sur la réalité de leur disponibilité.

D'autre part

Par delà leurs arrêts complets, les réacteurs sont capables de suivre avec une grande agilité les variations de la consommation, et même celles de la production renouvelable intermittente

(Source https://www.edf.fr/sites/default/files/contrib/groupe-edf/premier-electricien-mondial/cop21/solutions/pdf/cop21-solutions_flexibilite-nucleaire_vf.pdf )

Force est de s'interroger sur l'intérêt de l'augmentation de l'amplitude de ce précieux suivi de charge de la consommation par celle des variations de production des EnR promises par l'accélération de leur développement

(Sources https://lemontchampot.blogspot.com/2017/03/lexception-francaise.html)
 

 

 

 

lundi 19 décembre 2022

Le nucléaire, cette énergie durable

Le nucléaire, cette énergie durable

Jean Pierre Riou 


Un quart de siècle à dormir sur les lauriers d'un parc nucléaire amorti financièrement, sans la volonté d'un projet politique à long terme sur l'énergie sont en passe de déterminer un choix que nous n'avons pas osé faire pour raison électorale.

La disqualification de l'énergie nucléaire qui en résultera prive malheureusement la France de la seule alternative connue aux hypothèses des énergies renouvelables.

Champion du climat toutes catégories avec moins de 3,7gCO2eq/kWh


Contrairement à une idée largement répandue, la comparaison de l’empreinte carbone des différentes filières tient compte de l’analyse de l’ensemble de leur cycle de vie (ACV), et prend en compte aussi bien les émissions liées à la construction des centrales, à l’extraction des combustibles, au transport et à l’enrichissement de l’uranium, au démantèlement et au stockage des déchets. La dernière étude d’EDF sur le sujet l’illustre ci-dessous pour le cycle du combustible.



 

(Source Plaquette d’information sur l’étude EDF)

 

Cette étude de 88 pages répond aux exigences des normes ISO 14044 et ISO/TS14071, a été validée par un panel d’experts indépendants et prend en compte les différents gaz à effet de serre émis à chaque étape, qu’elle exprime en CO2eq, ou équivalent CO2, (sur une période de 100 ans). Notamment le fameux SF6, dont le potentiel de réchauffement global (PRG) à 100 ans est 23 500 fois supérieur à celui du CO2, selon l’Ademe, et qui est actuellement présent dans tout système électrique, éoliennes comprises.

 

Publiée en juin 2022, cette étude détaille chaque étape de la filière pour évaluer de très nombreux indicateurs de l’impact sur l’environnement, dont celui de l’ « épuisement des ressources », des « radiations ionisantes » et bien d’autres, comme ses effets sur le milieu aquatique ou sur les sols.

L’indicateur « Changement climatique », se focalise donc sur l’équivalent CO2 des émissions de chacune des étapes nécessaires pour produire chaque kWh.

En considérant l’ensemble du parc français pour une durée de fonctionnement de 40 ans, cet indicateur est chiffré à 3,7gCOeq/kWh.

Et moins encore (3,4gCO2eq/kWh), en cas de prolongation des centrales à 60 ans.

 

Ce chiffre de 3,7gCO2eq/kWh est d’ailleurs confirmé par le GIEC (2018) qui donne le maximum, minimum et médiane de chaque filière, les résultats étant différents selon les pays, notamment en raison de la composante carbone de l’énergie nécessaire pour les mettre en œuvre.

Le GIEC retenant respectivement 3,7g/12g/ 110g, pour minimum/médiane/maximum.

Ce qui consacre d’autant mieux le nucléaire français comme le champion toutes catégories du climat, qu’aucune production fossile ou moyen de stockage complémentaire n’est nécessaire pour lisser sa production en fonction des aléas météorologiques.

 

L’adoubement européen

C’est la raison pour laquelle, le 2 février 2022, la Commission européenne a proposé une mesure complémentaire à la taxonomie, (nomenclature permettant de prétendre au « financement vert »)  « Complementary Climate Delegated Act to accelerate decarbonisation » qui inclut le nucléaire (et le gaz) parmi les technologies permettant d’accélérer la décarbonation de l’économie. Et le 6 juillet, Le Parlement européen rejetait une proposition qui s’opposait à cette inclusion des activités nucléaires et gazières à la liste des activités durables sur le plan environnemental.

Pour autant, ces activités n’étaient ainsi validées qu’à titre transitoire, notamment en raison de la problématique des déchets nucléaires et des émissions du gaz.

 

La fermeture du cycle pour un nucléaire durable

Lors de son audition devant l’Assemblée nationale, l’ancien Haut commissaire à l’énergie atomique, Y. Bréchet rappelle ses précédentes conclusions (rapport 2017).

« La fermeture du cycle est une condition indispensable pour un nucléaire durable, quelle qu’en soit la proportion

·     Les RNR sodium sont la technologie la plus mature pour réaliser cette fermeture.

·     Ne pas fermer le cycle contraint le politique à faire par anticipation un choix de sortie du nucléaire, alors même qu’il n’est pas assuré que les technologies pour s’en passer soient disponibles (…)

·     Faire le choix de la fermeture du cycle laisse au politique, à la mesure des progrès dans les ENR, la possibilité de choisir, au lieu de se laisser forcer la main par des doctrinaires

Voilà les informations auxquelles les décideurs politiques avaient accès, quand bien même ils n’auraient pas lu ou fait lire les rapports détaillés qui avaient précédé et que leurs conseillers techniques avaient eus en main. »

 

Ces perspectives, face à l’urgence climatique, sont la raison d’un retour en grâce du nucléaire français qui se trouve malheureusement confronté à 3 chantiers hors normes

-          Celui de l’EPR2 qui accumule des retards après que 25 années concentrées sur la seule maintenance de ses réacteurs et la préparation à leur démantèlement aient altéré son tissu industriel.

-          Celui du grand carénage, destiné à rénover ou remplacer les gros composants arrivant en fin de vie technique, à réaliser les modifications nécessaires à l’amélioration de la sûreté et à assurer la pérennité de la qualification des matériels après 40 ans. (Aux USA, les prolongations vont jusqu’à 80 ans désormais, l’AIEA envisageant même 100 ans).                         Ce chantier est colossal et comprend notamment la construction d’immeubles neufs pour les équipes projets, d’un village pour les prestataires et d’un local de crise. Cette prolongation du parc (long term operation, ou LTO), estimé à 50 milliards d’euros, n’en représente pas moins, et de très loin, la façon la plus économique de produire de l’électricité, selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE), toutes filières confondues. Et permet de disposer d’un parc nucléaire remis à neuf avec des exigences de sécurité encore renforcées, notamment post Fukushima.

 

 



(Source EDF)

Au 9 décembre, 8 unités de 900MW étaient revenues sur le réseau après cette modernisation.

-          Et enfin, le fameux problème de corrosion sous contrainte du circuit conventionnel qui a entrainé la fermeture non planifiée des réacteurs suspectés et la découpe sacrificielle de leurs  tuyauteries pour expertise   Selon Actu Environnement, « EDF a déjà achevé la réparation de six d'entre eux. Trois étaient bien affectés par le phénomène : Chinon B3, Civaux 1 (Vienne) et Flamanville 2 (Manche). En revanche, Cattenom 4 (Moselle), Bugey 4 (Ain) et Tricastin 3 ont été réparés après des contrôles destructifs qui ont montré l'absence de CSC. Cinq autres réacteurs, sur lesquels des indications de CSC ont été détectées, sont en cours de réparation. »  EDF continuera ses contrôles en 2023 et 2024 à l’occasion des arrêts programmés.

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