mardi 27 mai 2025

Le prix d’une usine à gaz

 

Le prix d’une usine à gaz

Jean Pierre Riou

Manquement aux obligations dans le trading de l’électricité

 La puissante banque d’affaire JP Morgan SE, vient d’être condamnée à 500 000 € d’amende par le gendarme des transactions sur l’électricité qu’est le CoRDiS. Cette condamnation est l’épilogue d’une longue enquête sur les causes des niveaux de prix atteints par le MWh lors de l’hiver 2022-2023. 

Le CoRDiS prononce en effet des condamnations en cas de violation du règlement REMIT, notamment pour manipulation des cours, ainsi qu’il venait de le faire à l’encontre de 2 société gazières en janvier 2025.

En l’occurrence, JPMorgan SE agit sur le marché de l’électricité en tant qu’intermédiaire ou fournisseur de services d’exécution et de compensation pour des transactions sur les marchés organisés principalement sur l’European Energy Exchange (EEX) en Allemagne. Le groupe financier permet à ses clients d’accéder à ces marchés grâce à une passerelle appelée « Accès Direct au Marché » (DMA), où les clients saisissent directement leurs ordres, ainsi qu’il se définit lui-même dans sa réponse au CoRDiS. JPMSE n’agit pas directement dans les stratégies de négoce de ce marché destinées à équilibrer le réseau, contrairement à ses clients qui sont notamment rémunérés pour assurer l’équilibre entre l’offre et la demande dans les périmètres pour lesquels ils ont conclu un contrat avec RTE. En effet, 278 responsables d’équilibres (RE) se répartissent la charge d’équilibrer  le réseau RTE, et 87 se répartissent le réseau de distribution Enedis.

On trouve parmi eux aussi bien les branches trading d’énergéticiens comme SEFE Market (nouveau nom de Gazprom Germania) ou EDF Trading, que des groupes financiers comme Morgan Stanley, à ne pas confondre avec JP Morgan SE malgré leur histoire commune.

Libéralisation du marché

Cette situation est la conséquence de la volonté européenne de libéraliser le marché de l’électricité en imposant réglementairement la séparation du métier de producteur de celui de distributeur afin d’ouvrir à la concurrence le métier de fournisseur, là où EDF assurait la quasi-totalité du service public de l’électricité, à l’exception de rares entreprises locales de distribution (ELD) et d’une concurrence anecdotique de production, essentiellement assurée par GDF. Les règlements européens ont donc séparé la filiale RTE de la maison EDF, afin de permettre l’utilisation du réseau à tous les nouveaux « fournisseurs alternatifs » auxquels EDF a dû vendre le tiers de sa production nucléaire à prix cassés depuis 15 ans pour leur permettre de lui prendre des parts de marché.

Cette libéralisation ne saurait avoir eu d’effet bénéfique pour le consommateur dans le domaine de la production où la stimulation de la concurrence s’est révélée vaine, en dehors de la niche lucrative des EnR subventionnées, ni dans le domaine du transport qui reste l’exclusivité des 2 filiales d’EDF, RTE et Enedis. L’avantage espéré dans le tiers restant de la facture d’électricité qu’est le métier de fournisseur montre ses limites à travers le caractère lucratif des nouveaux métiers que cette concurrence a induit, celui de trader en électricité et celui de fournisseur de services.

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