Plein gaz
Jean Pierre Riou
Où il apparaît que la comparaison de prix entre un MWh pilotable et un MWh intermittent a d’autant moins de sens qu’il faut ajouter celui du pilotable à celui de l’intermittent
Irsching, le prix de la sécurité
La technologie des turbines à cycle combiné à gaz (CCG) permet de réduire les émissions de CO2 par la récupération des gaz chauds renvoyés vers une autre turbine (TAV) qui permet de tirer davantage d’énergie d’une même quantité de gaz.
Avec une puissance nominale de 846 MW, la centrale allemande CCG d’Irsching 5, mise en service en 2010, est la plus puissante au monde. Avec Irsching 4, (561 MW), ces 2 unités disposent du plus haut rendement énergétique du marché européen.
Le développement des énergies intermittentes et la concurrence du charbon ont amené ces 2 unités à passer le plus gros de leur temps en standby, prêtes à secourir le réseau, en raison des remous induits sur le marché du kWh, jusque des prix négatifs de plus en plus fréquents avec les surproductions des éoliennes.
En effet, cette concurrence est à l’origine d’un contrat avec le régulateur depuis 2014, son propriétaire Eon (Uniper) ayant accepté de ne plus vendre son courant sur le marché mais d’être subventionné pour rester en réserve du réseau.
Ces subventions étant insuffisantes pour ne pas perdre de l’argent, et le contrat initial arrivant à expiration au 1er avril 2016, Eon a notifié le régulateur, un an auparavant, de sa volonté de fermer la centrale et prévenu qu’il était prêt à aller en justice au cas où cette fermeture lui serait refusée.
Après un premier refus, reconduisant cette situation pour 2 ans, l’obligation a été faite à l’opérateur de rester en réserve du réseau pour 13 mois supplémentaires, c'est-à-dire jusqu’au 30 avril 2019.
L’excellent site Energy Charts de l’Institut Fraunhofer publie quantité d’éléments du mix électrique allemand, dont le facteur de charge annuel de chaque centrale électrique.
Sa récente mise à jour n’a malheureusement pas conservé les données concernant cette période.
Mais nous en avions effectué la capture d’écran ci-dessous qui confirme que le facteur de charge d’Irsching 4 a été de 0,4% en 2017, soit l’équivalent de 35 heures de pleine puissance sur les 8760 heures de l’année. A l’instar d’autres centrales à gaz sur ce graphique, le facteur de charge d’Irsching 5 était comparable et inférieur à 1%.
Le rapport des 4 gestionnaires de réseaux faisait alors état d'environ 3,1 GW ainsi placés dans la réserve du réseau, notamment les centrales Irsching 3, 4 et 5, Staudinger 4, Ingolstadt 3, Ingolstadt 4 et Buschhaus.
Après que leur obligation de rester en réserve du réseau
ait été prolongée jusqu’au 4ème trimestre 2021, leur exploitant vient de préférer ramener
Irsching 4 et 5 sur le marché à partir d’octobre 2020, en raison de la
chute des prix du gaz qui lui laissent désormais entrevoir la possibilité d’une
exploitation rentable.
Un nouveau regard sur Energy Charts confirme que ces 2
unités n’ont rien perdu de leurs facultés, avec un passage à 837 MW sur 846
pour Irsching 5 et 558 MW sur 561 MW pour Irsching 4.
Toutefois, les 4 gestionnaires de réseau alertaient en 2019 d’un manque de 5,5 GW pilotables sur le réseau (hors importations) pour garantir la sécurité à horizon 2021 en raison des fermetures programmées de charbon/lignite.
C’est pourquoi le régulateur Tennet vient de lancer l’appel d’offre de 1200 MW supplémentaires destinés à rester en réserve du réseau.
Uniper a soumissionné
et obtenu 300 MW de capacité, sous forme de la construction d’une nouvelle
centrale : Irsching 6, ainsi prévue pour rester en standby hors marché
à compter du 1 octobre 2022.
Épilogue
Le développement des énergies intermittentes ne s’est pas accompagné de la moindre réduction du besoin en capacités pilotables en Europe. Ce besoin reste impératif pour faire face aux exigences de stabilité du réseau électrique. La construction, l’entretien et le fonctionnement de ces capacités ont un coût. Il doit être assumé d’une manière ou d’une autre.
Il est irresponsable de se voiler la face et dénoncer toute subvention aux énergies fossiles, sauf à assumer le fait que l’urgence climatique exige les seuls recours au nucléaire et à l’hydraulique pour sécuriser le réseau électrique.
Car pour ce rôle indispensable, il n’y a pas d’autre alternative connue aux énergies fossiles, les CCG à gaz restant le moindre mal.
Il n’est pas plus responsable de comparer le prix d’un MWh pilotable avec celui d’un MWh intermittent, car celui du pilotable doit s’ajouter à celui de l’intermittent.
Plus précisément, le coût de fonctionnement du MW pilotable installé ne saurait être retranché de celui d’une production intermittente incapable de prospérer sans son secours.
C’est une fantaisie coupable d’imaginer que des éoliennes ou des panneaux photovoltaïques seraient actuellement implantés à la place d’autres moyens de production et non parallèlement à eux, comme le dénoncent les chiffres.
Ubu chez les français
Les doublons intermittents ont d’autant moins de raison d’être dans le mix électrique français, essentiellement hydraulique et nucléaire, qu’il n’y a pas de CO2 à économiser et que le coût du combustible nucléaire est marginal.
Le temps serait venu d’expliquer aux citoyens, qui le financent, quel mystérieux avantage serait donc attendu en contrepartie du coûteux développement éolien/solaire qui envahit nos campagnes en parallèle de nos centrales conventionnelles.
"Le temps serait venu d’expliquer aux citoyens, qui le financent, quel mystérieux avantage serait donc attendu en contrepartie du coûteux développement éolien/solaire qui envahit nos campagnes en parallèle de nos centrales conventionnelles." Bon courage pour expliquer cela ! Il faut obligatoirement en passer par l'hypothèse de la corruption du gouvernement. Mais cette gabegie n'est pas perdue pour tout le monde : les entrepreneurs dans l'éolien et le solaire ont construit des fortunes personnelles considérables.
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