mercredi 22 mars 2017

L'exception française

L'exception française


Jean Pierre Riou

Plus gros exportateur mondial
Le parc de production d'électricité français n'a pas d'équivalent dans le monde.
Il est l'un des moins émetteurs de CO2 alors que le pays ne dispose pas de ressources naturelles comme l'hydraulique norvégien ou costaricain. Il permet à la France de disposer d'un des kWh les moins chers du continent et d'être le plus gros exportateur mondial d'électricité. (12 fois sur ces 15 dernières années, source Enerdata)

Un fonctionnement nucléaire unique au monde
Ses centrales thermiques sont réduite à une portion si congrue que ce sont ses réacteurs nucléaires qui se chargent du suivi de la consommation.
L'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques avait publié un rapport indiquant que (depuis au moins 2002), "seules 10 tranches sur les 58 du parc électronucléaire d’EDF fonctionnent en base. Les 48 autres voient leur puissance modulée en fonction des besoins du réseau."
Ce suivi de charge comporte cependant 2 inconvénients majeurs, la perte de rentabilité de réacteurs qui pourraient produire plus pour des coûts quasi identiques et la fragilisation des installations liée aux variations de régime. 
Selon ce rapport, le suivi de charge par le nucléaire français est unique au monde.
 Mais il constate qu' "Aucune des personnes auditionnées à l’étranger n’a émis le moindre doute sur le fait que les variations de réactivité, de température et de pression entraînées par le suivi de charge ne peuvent qu’accélérer le vieillissement des composants d’une centrale".

La encore, l'expertise française en limite les effets par le surdimensionnement des principaux points de sollicitation, dès la conception des réacteurs. Pour autant, malgré l'absence d'observation d'éléments concret attestant d'une dégradation accrue des tranches fonctionnant en suivi de charge, les responsables français constatent que "les expériences conduites en laboratoire montrent une dégradation plus importante des composants avec le suivi de charge."

D'autre part, le fonctionnement en suivi de charge entraîne une augmentation des effluents radioactifs, nécessitant des filtrations supplémentaires et donc d'avantage de concentrats à enfûter.  


Mais c'est ce parc unique au monde qui a permis à notre production d'électricité, alors monopole d’État, de s'affranchir tout à la fois des pays producteurs de pétrole - lors du 1° choc pétrolier - de la dépendance de l'Agence internationale de l'énergie (AIE) et des tensions géostratégiques menaçant les approvisionnements de gaz.

L'ouverture à la concurrence
En 2007, l'ouverture du secteur de l'électricité à la concurrence a bouleversé la donne, les subventions aux énergies renouvelables ont fait le reste.
Et la production d'EDF est désormais concurrencée par des opérateurs et investisseurs étrangers, tels que les allemands RWE ou E.ON, notamment spécialisés dans l'éolien.
Et alors que leurs MWh intermittents sont bien incapables de rendre les mêmes services que des MWh pilotables, la priorité qui leur est accordée sur le réseau contraint les autres à s'adapter.

Et, au nom d'un engagement pour le climat, ces "intermittents de l'énergie" provoquent des contraintes supplémentaires sans offrir pour autant la contre partie d'un quelconque avantage, notamment en raison de l'impossibilité de se passer de la moindre puissance installée pilotable en échange de l'installation de moyens intermittents, quelle qu'en soit la puissance.

Et derrière le slogan médiatique de la réduction du nucléaire à 50% de la production au lieu de plus de 75% actuellement, c'est bien une unique diminution du taux de charge nucléaire qui se profile sans que cette coûteuse révolution puisse permettre la fermeture du moindre réacteur.

Les faits sont têtus.  

La gestion des risques
Le propos n'est pas de nier les risques inhérents à l'énergie nucléaire, même civile.
Ni de les comparer avec celui d'un avion de ligne s'écrasant sur une capitale, un grand barrage hydraulique cédant lors d'un tremblement de terre ou avec les 20 000 morts survenus lors de l'explosion de l'usine chimique d'Union Carbide à Bhopal et la contamination qui s'en est suivie.
Ou plus simplement avec les milliers de morts provoqués chaque année par le charbon.

Mais la peur est mauvaise conseillère et le principe de précaution, appliqué à lui même, s’exclurait du domaine de la gestion des risques tant il y serait dangereux.
Les avantage de chaque activité humaine doivent être mis en regard de leurs inconvénients.
Un rapport du NASA Goddard Institute de 2013 estimait que l'énergie nucléaire avait évité 1,84 million de morts par rapport aux autres moyens de production d'électricité.

Pour autant, comment ne pas approuver la réduction d'un risque dès lors qu'elle est proposée et qu'elle ne s'accompagne pas de la création d'un risque plus grand encore?

Mais en matière de gestion des risques, il ne suffit pas de prétendre que l'énergie du vent est capable de faire faire baisser la part du nucléaire pour démontrer que cela servirait à quoi que ce soit !

L'autoflagellation
Et l'exception française la plus marquante reste sa propension à l'autoflagellation.
Car sans la contre partie de la fermeture de certains réacteurs - ce dont la pertinence reste encore à démontrer - on peut s'interroger sur l'avantage que procurera la baisse des taux de charge de nos réacteurs qui n'aura donc pour effet que de les fragiliser et de priver EDF des ressources financières nécessaires à leur entretien et leur renouvellement.
Et si on peut comprendre que l'opinion publique puisse être manipulée, particulièrement par les marchands d'angoisse, et se gargarise des 50 ou 100 milliards d'euros nécessaires au grand carénage de nos réacteurs sans les mettre en regard des 18 milliards d'euros de production électrique annuelle, avec un simple taux de charge de 75% et une production au prix ARENH de 42 €/MWh.
Ou avec les 150 milliards déjà dépensés par l'Allemagne pour ses énergies renouvelables, alors que ses quelques 11,6 GW nucléaires supprimés en 15 ans ont été intégralement compensés par + 8 GW de gaz et + 6 GW de biomasse sans avoir pu réduire son parc électrique d'1 seul MW pilotable installé.
Mais il est plus troublant de constater que c'est EDF lui même, ainsi que la Société française d'énergie nucléaire (SFEN) qui vantent la complémentarité des réacteurs nucléaires avec l'intermittence des éoliennes grâce à la possibilité des réacteurs de faire varier plus encore leurs taux de charge pour suivre, de surcroît, les caprices chaotiques du vent.

Par tradition révolutionnaire le français aime bien faire table rase.

Surtout de ce qui fonctionne bien.















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