Le défi du nucléaire français
Jean Pierre Riou
Flexibilité nucléaire
Contrairement à une idée reçue, les réacteurs nucléaires français sont capables de varier de puissance jusqu'à 80% à la hausse ou à la baisse en moins de 30 minutes pour suivre les besoins de la consommation.
Les variations du réacteur Cattenom 2 sont visibles sur le graphique ci dessous :
Source SFEN
Et contrairement au parc nucléaire allemand, qui fonctionne uniquement en "base" avec un taux de charge compris entre 85% et 91%, le parc nucléaire français adapte constamment sa production, aussi bien aux variations saisonnières que journalières de la consommation.
(Source analyse J.P.Hulot sur les données consolidées de RTE)
La Société française d'énergie nucléaire cherche à verdir l'image de cette filière en montrant que cette flexibilité pourrait, de surcroît, permettre d'intégrer une part croissante de production intermittente provoquée par le développement de l'énergie éolienne.
Aléas éoliens
En effet, les aléas météorologiques ne permettent pas à cette production de prétendre rendre les mêmes services qu'une production pilotable telle que le nucléaire.
Pour s'en convaincre, le graphique ci dessous est éloquent et montre, en bleu, la production éolienne du mois écoulé et, comme en miroir, les exportations, en gris.
Ce qui fait comprendre l'évidente corrélation entre la production non contrôlable des éoliennes et la quantité d'électricité exportée au même moment.
(Source http://www.rte-france.com/fr/eco2mix/eco2mix-mix-energetique)
Bien évidemment, la production éolienne n'est pas le seul paramètre qui conditionne le volume de nos exportations.
Pour autant, le lien entre celles ci et les excédents aléatoires éoliens semble difficile à nier.
Conséquences sur les autres filières
En Allemagne, les énergies renouvelables intermittentes (EnRi) ont principalement entraîné une diminution du taux de charge des centrales à gaz et à charbon, mais quasiment sans affecter le taux de charge du lignite, plus compétitif, ni celui du nucléaire, pour lequel le coût du combustible reste très marginal (à peine un euro par MWh).
Mais pour autant, cette formidable puissance intermittente n'a pas même permis de fermer le moindre MW de centrale pilotable.
La dérive annoncée
Pour répondre aux engagements de la loi de transition énergétique pour une croissance verte (LTECV), l'avenir du nucléaire consiste désormais, sans l'ombre d'un doute, à réduire sa production pour la calquer sur le fonctionnement chaotique des éoliennes jusqu'à ne plus représenter que 50% de la production totale, au lieu de 77% actuellement.
Sa puissance installée correspondant déjà à moins de 50% (48,3%).
Pour un intérêt sur lequel il est permis de s'interroger
Les 3 principales conséquences de ce fonctionnement chaotique étant la fragilisation des réacteurs, l'augmentation de la quantité d'effluents radioactifs et la ruine de la rentabilité de leur exploitant.
Les allemands viennent de s'en mordre les doigts avec l'incident de la centrale de Brokdof pour avoir voulu jouer ainsi avec le feu.
Et tandis que l'hydraulique avait vocation à faciliter ce suivi de la consommation, nucléaire comme hydraulique doivent désormais dévoyer leur remarquable flexibilité vers le suivi des caprices de la météo, comme le 15/10/2017, où l'erreur de prévision de la production éolienne, visible sur le graphique de droite, au moment crucial de la pointe de consommation du soir du graphique de gauche
(Source RTE)
correspond, comme providentiellement à la montée en puissance ultra rapide du réacteur St Alban 1
(Source RTE)
Ce parc nucléaire/hydraulique génère, selon les années, entre 87% et 90% de la production totale du parc électrique français.
Sa formidable flexibilité permet de réduire au maximum tout recours aux énergies fossiles.
Son développement avait été planifié avec la volonté de libérer le pays des menaces géostratégiques liées à la dépendance au pétrole et au gaz.
C'est ainsi la raison de notre notre meilleur indice mondial de performance climatique
(Climat change performance index)
Les raisons d'un objectif
Dans une contribution pour France Stratégie, l'ancien Directeur de l'Agence internationale de l'énergie Claude Mandil introduit son propos en ces termes:
"Pourquoi et comment soutenir le développement de la production d’électricité renouvelable ?
Écartons l’argument tautologique : parce que l’Europe s’est donné un objectif de
pénétration ambitieux ; on fait parce qu’on a décidé. Certes, mais pourquoi a-t-on décidé ?"
Et si on commençait par répondre clairement à cette question...pour voir?
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