lundi 28 octobre 2024

Production d’électricité : Pourquoi il est nécessaire de dégraisser le mammouth

 

Production d’électricité :

Pourquoi il est urgent de dégraisser le mammouth


Jean Pierre Riou

Seconde partie

Aller à la première partie  http://lemontchampot.blogspot.com/2024/10/production-delectricite-pourquoi-il-est.html

Rappel : Le parc de production d’électricité d’EDF a représenté un modèle mondial et constitué l’atout majeur de la France en termes de compétitivité et de souveraineté énergétique. La mise en place par l’Europe de la libéralisation du marché de l’électricité et de l’obligation de parvenir à une part croissante de production renouvelable intermittente, lui ont porté un coup mortel en entraînant un invraisemblable engraissement des structures de notre sécurité d’approvisionnement, ainsi qu’un formidable enchérissement de leurs coûts.

Cet article vise à les détailler. La complexité du sujet est la raison des 2 parties de son analyse

Première partie

-          Le marché

-          L’écrêtage des EnR

-          Les charges du service public

Seconde partie

-          Le raccordement des EnR

-          La restructuration du réseau

-          Le stockage

-      L'inutilité du doublon intermittent

-          Les risques induits par ce doublon intermittent

Seconde partie

Raccordement

La CRE a rédigé un dossier sur le financement du raccordement des EnR. Leur quasi-totalité est raccordée au réseau Enedis (lignes HTA) qui doit créer des postes sources pour pouvoir en refouler la production sur le réseau de transport de RTE (lignes HTB), qui doit lui-même procéder au renforcement de ces lignes HTB dont le TURPE assure le remboursement des frais engagés, tandis que les producteurs s’inscrivant dans le Schéma de raccordement (S3REnR), se répartissent une quote-part, validée par le préfet, des coûts induits pour Enedis, notamment la création du poste source. La CRE illustre cette répartition ci-dessous



Les premiers appels d’offre d’éolien en mer avaient été conclus à un tarif jugé ensuite excessif, pour être 5 fois supérieurs au prix du marché. Selon Challenges, Olivier Dussopt, secrétaire d’État aux comptes publics, avait calculé que les six parcs éoliens en mer allaient ainsi coûter 41 milliards d’euros aux contribuables, pour seulement 3 GW. Ces contrats avaient été ensuite renégociés grâce à un nouveau cadre législatif qui a élargi la responsabilité de RTE en matière de raccordement des parcs en mer en lui demandant de prendre désormais en charge l’ensemble des dépenses de raccordement via le TURPE, et d’être maître d’ouvrage sur l’ensemble du raccordement, y compris le poste en mer. Pour raccorder les 10 GW prévus en mer d’ici 2035, RTE prévoit un coût compris entre 7 Md€ et 8 Md€.

Avant la modification du cadre législatif, ces coûts étaient donc à la charge du producteur.

Un rapport du gestionnaire européen de réseau Entsoe fait état de 400 Md€ pour le seul raccordement de l'éolien en mer européen prévu pour 2050, dont un minimum de 144,5 Md€ de convertisseurs en mer et 115,4 Md€ de câbles.

Dans ses « Éléments de prospective à 2050 », Enedis expose clairement le fait que « Le coût d’adaptation du réseau à ces transformations dépend du taux de pénétration des énergies renouvelables dans le mix de production». Et prévoit « entre 1,5 et 2 milliards par an pour le raccordement de nouvelles installations selon le scénario de « continuité » et entre 6 et 8 milliards sur la période 2020 2050 « suivant les hypothèses d’une transition écologique très exigeante pour le réseau de distribution », c'est-à-dire 240 milliard d’euros dans un scénario de développement ambitieux en termes d’EnR contre « seulement » 60 milliards dans le scénario prévu actuellement pour les seuls raccordements des installations d’EnR.

Restructuration du réseau

La décentralisation des moyens de production a demandé au réseau de distribution d’Enedis de marcher sur la tête pour permettre d’en refouler les 2/3 sur le réseau de transport ainsi que c’est illustré dans l’article L’éolien : une énergie locale ?

Dans son schéma décennal de développement du réseau 2024 (SDDR2024), actuellement en consultation, RTE considère que « En première analyse, les perspectives d’investissements d’ici 2040 sont de l’ordre de 100 milliards d’euros, en intégrant le renouvellement des infrastructures qui devra être mené même en l’absence d’un agenda de transition énergétique et qui constitue aujourd’hui le premier poste d’investissements de RTE ». Le retard qui compromet la sûreté du réseau semble en effet progresser plus vite que les moyens mis en œuvre pour le combler, à l'instar des loop flows évoqués ci-après.

Car l’indispensable mutualisation des moyens de production aléatoires a imposé à RTE de multiplier les interconnexions avec nos voisins pour refouler toujours plus loin des quantités toujours plus grandes de surplus aléatoires. Le cas des flux de bouclage allemands qui engorgent ces interconnexions illustre la dégradation des conditions de sécurité malgré les centaines de milliards investis dans la flexibilité du réseau européen, ainsi que c’est décrit dans l’article « Focus sur les loop flows ».

Stockage

Dans son rapport sur « Les solutions flexibles », RTE illustre ci-dessous le fait que le stockage par batteries est infiniment plus coûteux encore que le renforcement du réseau. Celui-ci ne permettant d’ailleurs que de refouler de plus en plus loin les surplus indésirables pour tenter de les valoriser, tandis que l’écrêtage de la production EnR ne mène qu'à l'obligation d'un soutien financier de surplus indésirables croissants.



L'inutilité du doublon intermittent

Les énergies intermittentes n’ont permis aucune réduction du parc pilotable européen depuis 2000, et l’Allemagne finance notamment des centrales thermiques pour qu’elles restent, hors marché, à la disposition du réseau en cas de période prolongée sans vent ni soleil. Ce qui est supposé permettre d’éviter de brûler des combustibles fossiles. Tandis que la France a décidé de relancer sa filière nucléaire et utilise moins de 10% de combustibles fossiles depuis 1990.

Les flexibilités mises en place auraient permis d’optimiser le fonctionnement de son parc nucléaire/hydraulique et de se passer complètement de fossile depuis longtemps si elle n’avait pas opté pour des énergies intermittentes, en délaissant le renouvellement de son parc pilotable comme l’avait demandé l’ASN en 2007.

Malgré l‘exception catastrophique de 2022, qui n’est pas étrangère aux conséquences de ce choix, la France est le plus gros exportateur d’électricité mondial pratiquement chaque année depuis 1990 (Enerdata ; electricity ; trade), notamment en 2023, dont elle vient encore de pulvériser l’excédent sur les 12 derniers mois, selon les douanes françaises.

La consommation, pourtant appelée à augmenter, ne cesse de diminuer depuis 2011 et a atteint son niveau le plus bas depuis 2005 en 2023.

Le parc de production, décarboné à plus de 90% depuis 1990, doit voir ses réacteurs prolongés à 60 ans voire davantage et de nouveaux EPR sont programmés.

Mais le coût marginal nul de l’éolien et du solaire entraine des modulations à la baisse du nucléaire (voir première partie), qui émet pourtant respectivement 4 fois et 10 fois moins de CO2 qu’eux sur l’ensemble de son cycle de vie (ACV), et voit son modèle économique compromis par ce type de fonctionnement.

Il faut se demander l’intérêt de lui adjoindre un doublon intermittent, et ne pas s'imaginer que ce doublon permette de se passer de quelque puissance pilotable installée que ce soit. Le scénario de référence de l’Institut Fraunhofer pour le parc allemand est édifiant sur ce point.



Source Institut Fraunhofer

L’Allemagne a donc fait le choix d’entretenir des centrales à gaz pour pallier les absences durables de vent et de soleil, malgré l’augmentation parallèle de 500% de son parc éolien/solaire intermittent.

Sa fuite en avant doit cesser d’être un modèle pour la France.

Les risques induits par ce doublon et leurs coûts

L’effondrement du réseau

A ces coûts de restructuration vient se greffer l’inconnue de la baisse de stabilité dynamique du réseau liée à l’augmentation des EnR, en raison la diminution du nombre de turboalternateurs tournant de façon synchrone à 50 Hz. Ce qui réduit le temps disponible pour remédier à tout incident.  Dans une étude prospective du 6 décembre 2021, le gestionnaire du réseau européen Entsoe alertait sur la dégradation de la stabilité dynamique du réseau et évaluait son manque d’inertie à combler, en termes d’hypothétiques centrales conventionnelles, à 100 GW supplémentaires avant 2025 et 500 GW en 2040. Ce qui correspond par exemple à 2000 unités de 250 MW supposées disposer chacune d’une constante d’inertie de 5 secondes.

Pour comparaison, ces 500 GW supplémentaires représentent la moitié de la puissance de production  électrique de l’Union européenne en 2017, renouvelables compris. Le risque identifié étant l'éventualité d'un blackout  sur la totalité de l’Europe continentale. L'Entsoe précisait que dans un tel cas, l’absence de tout réseau voisin « vivant » capable de restaurer le système compliquerait alors grandement la tâche.

La leçon britannique

Quatre ans après le blackout britannique, survenu au moment précis où la Grande Bretagne battait son record éolien en titrant malencontreusement "It's wind o'clock", EDF avait publié une édifiante analyse dans laquelle il rappelle que « Si les réacteurs ont été conçus pour être résilients face à des événements survenant sur le réseau, le lien entre sûreté du système électrique et sûreté nucléaire ne doit pas être sous-estimé. » et terminait « En conclusion, j’incite Nuclear Operations à mieux se prémunir des perturbations du réseau britannique et les Français à tirer les enseignements de tout incident Outre-Manche, précurseur de ce que l’arrivée massive des ENR provoquera sur le continent. »

Or cette sûreté se dégrade selon la mise en garde de l’Entsoe qui cible clairement le développement des EnR sur le réseau. Il convient de prendre la mesure de son préambule :

« Il est important de souligner qu’une définition claire du « risque acceptable », lié à une scission du système et à ses conséquences, est toujours en attente. Ce rapport ne vise pas à proposer une telle définition car il s’agirait d’une décision politique autant que technique ».

On aimerait savoir quelle autorité politico-technique aurait considéré que le coût d'un tel risque serait acceptable pour la collectivité.

 

 

 

 

 

 

 

 

vendredi 25 octobre 2024

Production d’électricité : Pourquoi il est nécessaire de dégraisser le mammouth

 

Production d’électricité :

Pourquoi il est urgent de dégraisser le mammouth

 

Jean Pierre Riou

 Mis à jour le 27/10/2024

Le parc de production d’électricité d’EDF a représenté un modèle mondial et constitué l’atout majeur de la France en termes de compétitivité et de souveraineté énergétique. La mise en place par l’Europe de la libéralisation du marché de l’électricité et de l’obligation de parvenir à une part croissante de production renouvelable intermittente, lui ont porté un coup mortel en entraînant un invraisemblable engraissement des structures de notre sécurité d’approvisionnement, ainsi qu’un formidable enchérissement de leurs coûts.

Cet article vise à les détailler, la complexité du sujet est la raison des 2 parties de son analyse

Première partie

-          Le marché

-          L’écrêtage des EnR

-          Les charges du service public

Seconde partie

-          Le raccordement des EnR

-          La restructuration du réseau

-          Le stockage

-          L'inutilité du doublon intermittent

-      Les risques induits par ce doublon et leurs coûts 

Auxquels il convient d'ajouter 2 points traités séparément :

La certification des capacités aléatoires http://lemontchampot.blogspot.com/2024/11/lentetement-une-exception-francaise.html

Le coût des MWh clandestins http://lemontchampot.blogspot.com/2024/11/la-fin-des-mwh-clandestins.html 


 Aller à la seconde partie http://lemontchampot.blogspot.com/2024/10/production-delectricite-pourquoi-il-est_28.html

Première partie 

Le marché

La Commission européenne a misé sur les bienfaits de la concurrence dans tous les domaines, avec l’idée directrice qu’en évitant les monopoles, cette concurrence profitera au consommateur.

Deux raisons majeures plaident pour l’exclusion de l’électricité de ce marché :

1)      Son approvisionnement semble dépendre davantage du même domaine régalien que la sécurité intérieure (police justice) et extérieure (défense diplomatie) et ne pas être livrée aux aléas et à la cupidité du marché.

2)      L’électricité est une fourniture particulière qui ne se stocke pas, du moins pas à grande échelle pour un coût acceptable par la collectivité, et dont la valeur d’un MWh pilotable ne  saurait être comparée aux services rendus par un MWh intermittent. Pour Marcel Boiteux, elle « cumule pratiquement toutes les exceptions aux heureux effets de l’économie de marché » qui continuait  : « D’où suit qu’on peut militer avec conviction pour la régulation par le marché, et en exclure l’électricité. »

 

Pour permettre cette libéralisation, la Directive européenne 2009/72/CE du 13 juillet 2009 a mis en place des dispositions « visant à assurer une «séparation effective des activités d’approvisionnement et de production, d’une part, et de la gestion des réseaux, d’autre part », démantelant ainsi le quasi-monopole d’EDF pour inviter sur ce marché quantité de nouveaux acteurs : producteurs, fournisseurs, négociants, opérateurs d’effacement ou responsables d’équilibre, dont la CRE décrit le rôle.

La facture du consommateur est composé de 3 parties : l’électricité proprement dite (38%), son transport (30%) et les taxes et contributions (32%). Ce qui interroge déjà sur l’intérêt d’encourager l’essor de fournisseurs qui ne produisent rien, de traders qui profitent de la volatilité des cours, tandis que les coûts d’acheminement explosent pour permettre l’intégration des énergies renouvelable qui exige la restructuration du réseau.

Écrêtage

 

Selon la CRE, les responsables d'équilibre « sont des opérateurs qui se sont engagés contractuellement auprès de RTE à financer le coût des écarts constatés a posteriori entre l'électricité injectée et l'électricité consommée (injections < soutirages) au sein de leur périmètre d'équilibre. A contrario, en cas d’écarts positifs (injections > soutirages), ils reçoivent une compensation financière de RTE. Ils peuvent être fournisseurs d'électricité (français ou étrangers), consommateurs (site d'un groupe, entreprise désignée par un groupe d'entreprises) ou n'importe quel tiers (banque, courtier, etc».

C’est ainsi que 264 responsables d’équilibre sont chargés d’équilibrer l’adéquation du périmètre dont ils sont responsables. EDF trading est l’un d’eux, on y trouve également des gestionnaires de réseau de transport étrangers comme National Grid, des exploitants d’énergies renouvelables comme Iberdrola, ou SEFE market, branche de SEFE energy, qui est le nouveau nom de Gazprom Germania depuis 2022, ou des banques étrangères comme Morgan Stanley.

Ce rôle implique des « flux financiers » entre ces responsables d’équilibre et RTE ou Enedis (GRD) dont la complexité a suscité l’évolution des règles concernant l’écrêtage des EnRi sous obligation d’achat (OA), dont les coûts induits sont affectés au « Compte ajustement écarts » (CAE) par RTE.

En janvier 2024, RTE proposait le schéma ci-dessous pour les flux financiers concernant la flexibilité du réseau de transport (RPT) lors de l’écrêtage nécessaire des EnR sous obligations d’achat.

 


Dans sa délibération du 5 janvier 2023 modifiant le TURPE 6, la CRE incluait « la possibilité de prendre en charge par le TURPE au CRCP*, au cas par cas et sous réserve que RTE ait fait preuve de toutes les diligences requises, les créances irrécouvrables des responsables d’équilibre. »

(*CRCP : compte de régularisation des charges et des produits).

En Allemagne, dont le développement des EnR nous montre la voie, les coûts du maintien de la stabilité du réseau se sont élevés à environ 1,4 milliards d´Euros en 2020, dont plus de la moitié pour l´écrêtement de la production par l´indemnisation des producteurs d´énergies renouvelables, selon Allemagne Energies.

Prix négatifs

A ces écrêtages pour les impératifs du réseau, s’ajoutent les contrats d’EnR établis après 2017 sur la base d’un complément de rémunération fixé par appel d’offre, qui prévoient la rémunération de l’éolien sur la base de 35% de facteur de charge et 70% pour l’éolien en mer, ainsi que 50% pour le photovoltaïque, pour les installations qui s’arrêtent de produire dès que les prix sont négatifs. (Voir les sources dans Le Mont Champot au § Rémunération lors des prix négatifs). La CRE publie chaque mois le bilan des heures négatives. (faire défiler les onglets avec la flèche en bas à gauche, puis sélectionner "Heures de prix > 0.)

Ces données font état de 4 heures de prix négatifs en 2017, et une augmentation progressive jusqu'à 338 heures entre le 1 janvier et le 30 septembre 2024, soit 325 heures pendant lesquelles les éoliennes ont été rémunérées sur la base d'un facteur de charge de 35% ou 70% (en mer) pour ne pas produire

Charges du service public de l’électricité (CSPE)

Lors de la crise de 2022, la presse a largement relayé la contribution des EnRi au contrôle des prix du MWh. La délibération du 3 novembre 2022 prévoyait en effet 18,6 Md€ de contribution positive des énergies renouvelables électriques pour la seule année. Pour la 1ère fois de son histoire la France était devenue importatrice nette d’électricité en 2022 et le cours du MWh atteignit ponctuellement le plafond de 3000 €. Pour calculer les charges liées aux contrats accordés aux EnRi, la CRE retranche le coût évité, dont les prévisions, lui étaient alors supérieures. C’est d’ailleurs la raison des résiliations anticipées de contrats d’obligation d’achat et de complément de rémunération, qui se sont multipliées en 2022, avec un pic de plus de 1000 MW résiliés en septembre, le marché devenant plus rentable que ces contrats. (Voir annexe 3)

Dans sa délibération de 2023, la CRE revoyait ce chiffre à la baisse avec 4,6 Md€ pour 2023 au lieu de 18,5 Md€ en raison du retour du marché au taux d’avant la crise. (annexe 1)


 

 

Et dans sa délibération de juillet 2024, la CRE prévoyait le retour d’une charge pour la collectivité en 2024 et 2025.

Cette baisse des charges positives par rapport aux prévisions « s’explique essentiellement par la baisse des prix de gros de l’électricité. Ainsi, s’agissant des contrats d’achat au périmètre d’EDF, le coût évité « énergie » unitaire moyen passe de 235,9 €/MWh à 218,9 €/MWh ». Tandis que dans son l’annexe 1, la CRE confirme cette valeur de 218,91€/MWh pour le coût évité par chaque MWh d’EnRi produit en 2023 en écrivant pour la prévision 2025  « le coût évité unitaire moyen diminue de 218,91 €/MWh en 2023 à 85,72 €/MWh en 2025. »

Cette valorisation du coût évité à 218,9€/MWh pour 2023 ne manque pas de surprendre dans la mesure où le 1° de l’article L. 121-7 du code de l’énergie dispose que les coûts évités à EDF par les contrats d’achat en métropole continentale sont évalués « par référence aux prix de marché de l’électricité » et que selon RTE les prix de l’électricité ont affiché une baisse bien plus significative : « de 276 €/MWh en 2022 à 97 €/MWh en 2023 en moyenne annuelle en ce qui concerne les prix « spot » » et que les données des douanes françaises indiquent que 75,2 TWh ont  même été exportés en 2023 au cours moyen de 90,2€/MWh.

Le calcul de ce coût évité qui permet à une production pourtant aléatoire d’être valorisée avec un tel écart avec son service réellement rendu est précisé en annexe.

Les charges sont déclarées par EDF Obligation d’achat (EDF OA) (annexe 3 page 1)

Dans sa méthodologie, la CRE rappelle en effet que « EDF OA est actuellement le cocontractant unique des contrats de complément de rémunération portant sur des installations de production d’électricité. » Lequel EDF OA est une filiale 100% EDF qui, à l’instar de RTE ou ENEDIS, ont un fonctionnement autonome et n’a pas à prendre en compte la perte financière liée à la modulation à la baisse, pour absence de débouché économique et qui n’est plus à démontrer, de son parc nucléaire (ci-dessous en rouge) lors de chaque pic de production solaire (en jaune) ou éolienne (en gris). 


Source Institut Fraunhofer

En tout état de cause, l’envolée ponctuelle du cours en 2022 explique la parenthèse alors ouverte dans l’accroissement régulier des charges liées aux EnRi, qui s’est refermée en 2024 ainsi que l’illustre la CRE ci-dessous. 

 

 



 

EDF résume la dénomination des taxes de recouvrement de ces coûts au 1 février 2024, ainsi que leur évolution prévue.

  • L’accise sur l’électricité, anciennement nommée CSPE (Contribution au Service Public de l’Electricité) ou TICFE (Taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité)
  • La CTA (Contribution Tarifaire d’Acheminement)
  • La TVA (Taxe sur la Valeur Ajoutée)

Le projet de loi de finance 2025, prévoit une augmentation de 4,6 Md€ du budget « en lien avec la croissance du nombre de projets soutenus et les baisses de prix de marché », à travers le programme 345 du budget général de l’État.

Lors de la crise de 2022, la presse a largement relayé la contribution des EnRi au contrôle des prix du MWh. La délibération du 3 novembre 2022 prévoyait en effet 16,5 Md€ de contribution positive des énergies renouvelables électriques pour la seule année. Pour la 1ère fois de son histoire la France était devenue importatrice nette d’électricité en 2022 et le cours du MWh atteignit ponctuellement le plafond de 3000 €. Pour calculer les charges liées aux contrats accordés aux EnRi, la CRE retranche le coût évité, dont les prévisions, lui étaient alors supérieures. C’est d’ailleurs la raison des résiliations anticipées de contrats d’obligation d’achat et de complément de rémunération, qui se sont multipliées en 2022, avec un pic de plus de 1000 MW résiliés en septembre, le marché devenant plus rentable que ces contrats. (Voir annexe 3)

Dans sa délibération de 2023, la CRE revoyait ce chiffre à la baisse avec 1,5 Md€ pour 2023 au lieu de 16,5 Md€ en raison du retour du marché au taux d’avant la crise.

Et dans sa délibération de juillet 2024, la CRE prévoyait le retour d’une charge pour la collectivité en 2024 et 2025.

« en lien avec la croissance du nombre de projets soutenus et les baisses de prix de marché », à travers le programme 345 du budget général de l’État.

Annexe

Pour calculer le coût évité par les productions renouvelables, la CRE distingue, dans son annexe 3, le coût évité par la production dite quasi certaine et celui évité par la production dite aléatoire. Cette production quasi certaine est composée d’un ruban de base, et de trois blocs supplémentaires, nommés « surplus de production », répartis sur le premier trimestre (Q1) et des mois de novembre (M11) et décembre (M12). Les références de coût évité retenues pour chaque bloc de puissance quasi certaine correspondent aux résultats des ventes à terme organisées par EDF OA. Pour le ruban de base, ces ventes de la production 2023 ont été réalisées en 2021 et 2022, les ventes Q1 en 2022, et les ventes de M11 et M12, ont été réalisées courant 2023.

Pour la première fois en 2022, la nouvelle méthodologie mise en œuvre permet de calculer cette puissance quasi certaine de l’ensemble du parc EnR soutenu sans détailler la puissance de production garantie pour chaque filière et permettant notamment de prendre en compte une puissance garantie par l’éolien au prétexte que la cogénération au gaz comblera l’absence de vent. Ce qui explique le passage de 1400 MW quasi certains en 2021 à 2700 MW en 2022.

Une puissance totale de 34,9 GW renouvelable a été soutenue (TOA + compléments de rémunération) dont 30 GW éolien + photovoltaïque, qui en représentent donc la quasi-totalité (annexe 3 p 10). Le tableau 5 de la p 14 fait état d’une puissance « quasi-certaine » de 7600 GW, soit 22% de la puissance totale installée. Quand, selon RTE, le facteur de charge moyen du solaire a été de 14,2% en 2023 et de 26,2% pour l’éolien terrestre. Avec l’obscure explication que cette puissance quasi-certaine est « désormais calculée avec une cible de dépassement de la puissance produite par l’ensemble du parc soutenu sur 10 % des pas de temps ».  

Le parc éolien à terre soutenu représente 14 GW (p 10), sa production quasi-certaine retenue est de 14 006 GWh, soit un facteur de charge de 11,5% pour un coût ainsi évité de 288 €/MWh (4045M€/14006GWh p 15). 

D’autre part, sa production considérée aléatoire est de 7287 GW et a « capturé » un prix de référence de 49,87 €/MWh sur les marchés court terme, permettant à EDF OA le même coût évité.

Pour calculer les charges imputables à l’éolien en 2023, la CRE a ainsi considéré que les 2/3 de sa production ont été vendus 1 ou 2 ans en amont, profitant du même coût de la fébrilité du marché à terme d’alors qui anticipait un MWh 3 fois plus cher qu’il l’a été.

Notons que la CRE organise une consultation sur une méthode visant répartir la prise en compte du prix de ce marché à terme sur 3 ans au lieu de 2 pour limiter ce genre d'incohérence.