Contribution à l'enquête publique sur le SRADDET de Bourgogne-Franche-Comté
Jean Pierre Riou
Contribution déposée sur le registre dématérialisé de l'enquête, close au 16 janvier.
Je suis hostile à l’ambition de développement éolien du
SRADDET de Bourgogne Franche Comté et tiens à apporter les précisions factuelles qui suivent concernant la
motivation de mon avis
Dans « L’hyper-ruralité : valoriser sa
rareté ou la priver du peu qui lui reste ? »[1]
j’avais publié le contenu de mon audition devant le groupe de travail
Aménagement du Territoire du Sénat du 1er décembre 2016[2].
Je m’efforce d’y montrer que le prix a payer pour sa banalisation et son
artificialisation ne sera pas circonscrit à ces territoires ruraux mais
affectera également toutes les petites métropoles qui y puisent leur identité
et viennent s’y ressourcer.
Et que ce prix est bien plus considérable qu’on imagine
souvent, car il accélère notamment la désertion des centres-villes des
agglomérations dont le territoire a perdu son attrait.
Un panneau publicitaire n’est ni beau ni plus laid en soi qu’un
rond point, une zone commerciale ou même une usine. Mais leur multiplication
dénature assurément les territoires de leur implantation en modifiant leur
identité.
Et c’est le fait d’en être préservés qui fait la rareté
des territoires hyper-ruraux de notre région.
Son absence notoire de vent implique la nécessité des
plus hauts modèles d’éoliennes.
Or leur impact visuel n’a rien de subjectif, et le
rapport Burette de 2004 précise « En
pratique, l’impact visuel croit exponentiellement avec la hauteur de
l’éolienne. De nombreux calculs sur des exemples réels montrent, qu’en moyenne,
l’impact visuel double lorsque la hauteur de l’éolienne augmente de 10m. L’impact
visuel d’une éolienne de 150 mètres est 300 fois supérieur à celui d’une
éolienne de 50m, alors qu’entre les deux, le rapport de puissance n’est
même pas de 1 à 10 »
La rotation des pales ajoute à cet impact en dissuadant
l’œil de s’en détourner.
Une étude conjointe de l’Institut Leibnitz et plusieurs
universités allemandes, de janvier 2019, et portant sur plus de 2,7 millions de
transactions entre 2007 et 2015 [3]
a établi une dévalorisation immobilière de 23% sur les habitations rurales
anciennes (antérieures à 1949).
Elle corrobore celle de la London School of Economics [4]
qui portait sur 12 ans de transactions.
Et force est de convenir de l’interaction entre cette
dévalorisation immobilière et celle de leur territoire, transformé en zone
industrielle sans emplois.
En second lieu, l’Allemagne a montré que des moyens
intermittents ne permettaient pas de réduire la puissance installée en moyens
pilotables. Et quels que soient ses records ponctuels de production éolienne,
elle a conservé la totalité de ses moyens thermiques en remplaçant un peu de
nucléaire et de charbon par la puissance strictement équivalente de gaz et de
biomasse. Car les gestionnaires de réseaux allemands misent sur une garantie de
production inférieure à 1% de la puissance installée pour les éoliennes, et,
bien entendu, sur 0% pour le solaire.
Les économies d’énergie et la gestion de la flexibilité
de la demande permettent de réduire cette puissance pilotable.
La flexibilité des centrales nucléaires leur permet de
suivre au plus près les variations saisonnières et journalières de la demande. [5]
Mais cette flexibilité est désormais dévoyée vers le suivi de la production
intermittente avec pour résultat d’en affecter la rentabilité et de ruiner le
marché du MWh qui s’effondre jusque des prix négatifs quand le vent souffle. Le
rapport du gestionnaire du réseau européen (ENTSOE) sur le passage de l’hiver
2019/2020 est catégorique à la fois sur cet effacement de nos centrales
nucléaires et sur le risque de rupture d’approvisionnement français et belge en
cas de températures inférieures à moins 5°, même en cas d’importations
disponibles.
Je me suis efforcé d’ étayer cette description de la
situation lors de mon audition de juin 2019 par la commission d’enquête sur les
énergies renouvelables de l’Assemblée Nationale présidée par Julien Aubert.
Et j’ai rendu publiques, dès le lendemain, toutes les
sources des documents incontestables qui en appuyaient l’analyse. [6]
En tout état de cause, cette commission a conclu à
l’inefficacité des énergies renouvelables intermittentes pour participer à la
baisse des émissions de CO2(eq) du parc français de production d’électricité.
Celui-ci étant en effet décarboné à plus de 90% depuis un quart de siècle grâce
à son mix nucléaire/hydraulique.
L’injection croissante d’intermittence amènera fatalement
une dépendance accrue au gaz, pourtant contraire aux objectifs affichés du
SRADDET, les quelques 3 GW charbon restant n’étant plus qu’anecdotiques.
En troisième lieu, la « valorisation des
territoires » par les retombées fiscales liées aux éoliennes semblent le
moteur essentiel de leur acceptation, et même de leur engouement.
Le document ADEME AMORCE de décembre 2017 « ‘L’élu
& l’éolien » chiffre à 10 000€/MW
la totalité des retombées fiscales pour les différentes collectivités. Et fait
état d’un retour d’expérience de 2000€/MW pour le loyer.
Mais parallèlement, la Commission de régulation de
l’énergie (CRE) a évalué le surcoût des éoliennes pour l’année 2020 à 1,1
milliard d’euros.
En admettant une puissance moyenne de 17 GW éoliens sur
l’année 2020, à partir de la base des
15660 MW installés en janvier 2020, le surcoût éolien représentera une moyenne
de 66 000€ par MW installé.
Soit infiniment plus que ce qui est reversé aux
territoires, sous forme d’une curieuse « revalorisation », prise, en
fait, dans l’autre poche via les factures d’électricité et de carburant..
Il semble fâcheux que l’information du public visant l’acceptation
des éoliennes dans les territoires ruraux n’ait pas bénéficié de la transparence
de tous ces éléments car la contrepartie est la détérioration de son cadre de
vie.
L’éolien allemand connaît aujourd’hui un effondrement sans
précédent et des milliers de suppressions d’emplois, en raison notamment de
l’opposition des populations. Pour en améliorer l’acceptabilité, la distance
d’éloignement de 1000 mètres des maisons a été validée en conseil des ministres
fédéraux le 9 octobre 2019 dans le projet de loi sur le climat.
On ne saurait perdre de vue que les lois de l’acoustique
impliquent encore un bruit audible de 33 décibels (dBA) à 1000 mètres pour une
simple éolienne de 2 MW dès qu’elle produit le tiers de sa puissance nominale (104
dBA) [L1000m =
104 dBA- 11-20 log1000 = 33 dBA]
Or le code de la santé publique, dont sont dispensées les
éoliennes) caractérise l’infraction d’une émergence excessive dès le seuil de
30 dBA.
La taille des machines, rendue nécessaire par l’absence
de vent dans notre région, devrait inciter le SRADDET a s’inspirer de l’Allemagne
pour préconiser cette distance minimum, à défaut de la protection plus efficace
et mieux proportionnée de 10 fois la hauteur des machines, en application en
Bavière.
L’illusion d’une énergie locale est démentie par les
échanges entre Enedis et RTE, qui montrent sans ambigüité que les 2/3 de la
production éolienne est refoulée sur le réseau de transport RTE.
Et c’est désormais en fonction des pics de production qu’il
faut dimensionner le réseau à grands frais, et non plus sur les besoins de la
consommation, ainsi que le montrait déjà le rapport Derdevet pour la présidence
de la République en février 2015.
Car le système électrique est étroitement interconnecté
et on se doute que les variations de la consommation ne sont pas corrélées aux
caprices du vent.
C’est pour toutes ces raisons que je considère que l’ambition
éolienne n’a pas de pertinence en Bourgogne-Franche-Comté
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