samedi 2 avril 2016

Question au gouvernement



Question au Gouvernement de Mme la Sénatrice A.C. Loisier


Mme la sénatrice A.C. Loisier avait posé une question à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.
Par cette question  " Elle lui demande donc quelle autorité sanitaire a validé à la fois l'élévation du seuil à partir duquel l'infraction peut être constituée pour les éoliennes - en le portant à 35dBA au lieu de 30dBA - ainsi que la suppression de tout contrôle de leurs émergences de basses fréquences et sur quel fondement cette dispense du respect du code de la santé publique a été autorisée."

C’est le ministère de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargé des relations internationales sur le climat qui vient d’en publier la réponse.


Prenons donc acte qu’au prétexte que les éoliennes sont désormais classées installations industrielles « ICPE » le ministère n’évoque la consultation d’aucune autorité de santé susceptible d’avoir approuvé la pertinence de la privation de la protection du code de la santé publique pour tous leurs riverains.

3 remarques s’imposent :

En 1° lieu, la priorité de la politique européenne est clairement axée autour de la protection de l’environnement. Des centaines de milliards d’euros d’argent public sont affectés à la réduction de la pollution de l’air, qui représente notamment la première cause environnementale de mortalité.
Mais la pollution sonore, avec plus de 10 000 décès prématurés chaque année, reste cependant en 2° position dans ce triste bilan (Européan Environnement Agency, report 10/2014) et est au centre d'un plan d'action européen. Après un ultimatum en 2011, la France a d'ailleurs reçu une mise en demeure de la Commission le 31 mai 2013. Actu Environnement rappelle que "l'élaboration de cette stratégie se fait pourtant urgente, au regard des risques de sanction qui pèsent sur la France, mais également du fait de l'impact des nuisances sonores sur la santé humaine."

Or, les insuffisances du code de la santé publique pour protéger la santé des riverains d’éoliennes ont été dénoncées par l’ensemble de la communauté scientifique, notamment l’agence française de sécurité sanitaire (AFSSET) qui déplore, dans son rapport de mars 2008, « Impacts sanitaires du bruit généré par les éoliennes » la sous estimation de la gêne imposée aux riverains par ses mesures qui utilisent la pondération A (dBA).
Ce même rapport confesse la difficulté à prendre en compte le réel impact des éoliennes en ces termes : « En particulier le domaine de validité des critères d'émergence (en termes de niveaux et de dynamique des bruits) n'a pas été vraiment exploré, et la plus totale ignorance est de règle quant à l'existence d'effets de seuil, de validité spectrale, d'application aux bruits impulsionnels, de validité en fonction de la durée d'exposition, et de limitations diverses(p 93)
Mais ce rapport indique également (p 10) que «  L'application de la réglementation du bruit de voisinage aux éoliennes apparaît pour la plupart des développeurs comme trop contraignante » et constate notamment des difficultés à respecter les émergences spectrales réglementaires lors des contrôles. (p 13)

Lors de leur classement en installations industrielles (ICPE), l’arrêté du 26 août 2011 a donc dispensé les éoliennes du respect de cette réglementation « trop contraignante » et supprime le contrôle des émergences spectrales sans que la moindre autorité sanitaire ait été consultée.

En 2° lieu, signalons que l’arrêté de 1997 auquel fait allusion le ministère est assorti d’un arrêté préfectoral qui fixe au cas par cas les seuils à ne pas dépasser en « limite de propriété de l’établissement concerné », en fonction de l’importance du bruit de fond, et qui ne peuvent excéder en aucun cas 60/70dBA selon les périodes nuit/jour.
La filière éolienne avait confessé qu’une telle mesure, en limite de propriété industrielle: " ferait peser des contraintes acoustiques insurmontables", rapport AFSSET mars 2008 p 42.

L’arrêté du 26 août 2011 leur est donc spécifique et leur accorde un seuil, en limite de propriété industrielle, privé de l’arrêté préfectoral, ce qui lui enlève toute portée comme le déplore le Conseil National du Bruit (CNB) dans l’avis qu’il avait rendu le 29 juin 2011 sur le projet de texte.
Le propos n'étant d'ailleurs pas de prétendre qu'un tel arrêté aurait forcément été pertinent.

La 3° remarque est qu’on ne comprend toujours pas bien en quoi cette nouvelle réglementation ICPE propre aux éoliennes impliquait de porter le seuil à partir duquel l’infraction est constituée à 35dBA au lieu des 30dBA du code de la santé publique et de supprimer le contrôle des émergences spectrales, ainsi que s’étonne la sénatrice A.C. Loisier.
De façon étonnante, le 29 juin 2011, le CNB constatait, ce même 29 juin, que « Les rédacteurs de ces arrêtés ont souhaité se rapprocher au plus près de la réglementation existant auparavant (code de la santé publique) plutôt que de s'aligner sur le droit commun des installations classées (l'arrêté du 23 janvier 1997 relatif à la limitation des bruits émis dans l'environnement par les ICPE). » et jugeaient que «  le basculement des éoliennes dans le dispositif des installations classées n'entraine, en conséquence, aucune baisse d'exigence en matière de protection des riverains. »

Le CNB ayant probablement rendu son avis sur le même projet de texte que celui visé par le Conseil supérieur de la prévention des risques technologiques la veille (28 juin 2011), dont l’article 26 mentionne encore 30dBA et non 35dBA ainsi que le contrôle des émergences spectrales dès 125Hz.

Ce projet de texte montre, en tout état de cause, que le passage ICPE n’avait pas imposé à ses rédacteurs la suppression du contrôle des émergences spectrales ni du seuil des 30dBA dans la réglementation éolienne.
Le passage ICPE aura ainsi été l’occasion de la dispense du code de la santé publique, non la raison, comme le laisse entendre le ministère.

Selon l'article 511-1 du Code de l'Environnement, les installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) sont « les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique ».

En quoi le fait que les éoliennes industrielles soient ainsi réputées être susceptibles de « présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques » justifierait à lui seul une dispense autoritaire du code de la santé publique, sans consultation préalable d’une autorité sanitaire, dans le seul but de permettre d’en légaliser la généralisation des nuisances à proximité immédiate des habitations ?

Il est regrettable qu'une telle atteinte à l'environnement provienne du ministère chargé de sa protection.

Le ministère fait allusion à des conclusions à venir de l’ANSES sur la problématique des basses fréquences et infrasons éoliens qui n’est qu’un aspect du problème et dont s’est passé, en tout état de cause, l’arrêté du 26 aout 2011 pour baisser les exigences en matière de protection des riverains par rapport au code de la santé publique.


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