Hitzeflaute
Quand la complémentarité nucléaire/renouvelable s’avère être celle de la chèvre et du chou
Jean Pierre Riou
Après les dunkelflaute hivernaux, les hitzeflaute estivaux s’invitent sur le marché de l’électricité pour le malmener au préjudice du climat. Contrairement aux premiers qui sont des périodes prolongées sans vent ni soleil, les hitzeflaute ne concernent que la partie des journées lumineuses où le soleil se couche après avoir permis des records de production photovoltaïque à son zénith.
Le stockage de ses excédents du midi n’étant pas près d’assurer la consommation d’un pays durant plusieurs heures pour un coût acceptable par la collectivité, les centrales pilotables prennent alors le relai, notamment les centrales thermiques conventionnelles. L’exemple allemand, illustré ci-dessous par le site Energy Charts, indique une pointe de production du gaz strictement située quotidiennement entre 20 h et 21 h.
Le point remarquable de cette illustration est la ligne noire supérieure qui indique la capacité active installée, c’est-à-dire celle qui est connectée au réseau en préchauffe, prête à fournir l’énergie nécessaire. En effet, le graphique montre le redémarrage quotidien d’environ 5000 MW de gaz destiné à compenser le déclin du photovoltaïque. Il en va d’ailleurs de même pour le charbon et le lignite.
Ces redémarrages ont un coût, qui se répercute sur le marché, en tant que dernier moyen appelé, comme le montre le site Eco2Mix qui fait état de prix négatifs quasiment chaque jour au plus fort du soleil, et d’une envolée du prix à 20 h. Le 1er juillet en est le climax, avec un cours de 476 €/MWh en Allemagne.
Ce cours s’explique par l’illustration ci-dessous du site Energy Charts, qui montre au coucher du soleil de ce 1er juillet l’augmentation de la production hydraulique, en bleu, mais surtout du gaz, en ocre, du charbon, en noir, et du lignite, en gris. On voit également que cette production ne suffit pas à satisfaire la consommation (ligne noire supérieure) et l’évolution du prix spot day ahead, en rouge.
Les prix négatifs qui se généralisent avec la croissance des productions aléatoires dont on ne sait que faire, ont pour fonction d’inciter les producteurs à éteindre leurs centrales malgré l’importance des coûts que cela implique, car ils devraient payer plus cher encore pour ne pas les fermer. On comprend donc la raison de cette envolée des cours nécessaire pour les inciter à les redémarrer pour quelques heures seulement.
Quel que soit le développement envisagé pour les EnR en France, les interconnexions permettront aux acteurs du marché d’acheter là où c’est le moins cher, à fortiori là où le prix est négatif en raison d’une offre localement supérieure à la demande, comme c’est le cas au plus haut du soleil estival ou de l’éolien hivernal. Et le développement exponentiel envisagé pour leurs capacités installées ne laissera aucune place aux productions pilotables lorsque l’aléa météorologique leur sera favorable. En tout état de cause, les EnR devront alors être d’autant plus sévèrement écrêtées que leur puissance installée sera importante, et cet écrêtement devra leur être compensé par des fonds publics.
Le modèle économique du gaz sera alors incontestablement mieux adapté aux quelques heures quotidiennes qui lui seront dévolues lors des hitzeflaute estivaux et dunkelflaute hivernaux.
Et on voit mal quelle réglementation du marché pourrait l’éviter.
Mais le sujet mérite d’être creusé, il en va de la pérennité de notre nouveau nucléaire.
Merci Monsieur Riou, pour ce brillant article (comme d'habitude!). On se demande comment un pays développé s'entête dans un modèle qui conduit à un échec évident. Le philosophe Samuel Fitoussi vient de publier "Pourquoi les intellectuels se trompent". En fait ce n'est pas l'apanage des intellectuels.. Continuez à nous éclairer avec vos articles remarquablement documentés.
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