Eoliennes européennes : la fin d’une époque

Grâce à leur priorité d’injection permise par leur coût marginal nul, les énergies renouvelables intermittentes (EnRi) jouissent de la plus grande liberté de produire selon les caprices de la météo, sans souci des impératifs du réseau. La remise en cause de ce privilège en janvier dernier par le rapport de l’Entso-e, a été reportée au printemps prochain en raison des tensions qu’on imagine entre les intérêts en présence. Mais quelle que soit la teneur des révisions en cours, il semble que l’âge d’or de la libre injection des EnRi sur le marché, doive irrémédiablement se plier aux impératifs européens d’un réseau qu’on a pourtant restructuré pour elles.
Un régulateur contesté
L’Agence de l’Union européenne pour la coopération des régulateurs de l’énergie (ACER) a pour mission de permettre la plus grande intégration du marché de l’énergie, en veillant notamment à l’application des règlements européens.
Or le transport des surplus des EnRi compromet le fonctionnement du marché de l’électricité en provoquant des engorgements structurels dans ses réseaux dès que le vent souffle, notamment entre la production des éoliennes d’Allemagne du nord et leur consommation par l’industrie allemande du sud. Ces engorgements se traduisent par des MWh clandestins, ou flux de boucle, qui les contournent alors par les réseaux des pays voisins, sans même en demander l’usage puisque leur transaction commerciale ne quitte pas la même zone d’enchère. Le coût du développement des réseaux pour transporter ces surplus, pourtant de moins en moins supportable pour le consommateur, ne suffit plus à empêcher les engorgements de croitre parallèlement à l’augmentation de la puissance intermittente installée. Leurs effets pervers ont été décrits dans l’article « Focus sur les loop flows » [1] qui montre notamment la croissance du retard des réseaux allemands malgré les 460 milliards d’euros prévus entre 2014 et 2045 pour leur renforcement. La prise en charge du coût des MWh « clandestins » évoqués est au cœur de démêlés juridiques lors desquels les gestionnaires de réseau de transport notamment le français RTE et l’allemand Bundesnertzagentur, ont fait condamner la décision du régulateur ACER [2] par la Cour de justice de l’UE, pour sa mise en œuvre autoritaire d’un mode de règlement de ces coûts, après qu’ils s’étaient pourtant révélés incapables d’en proposer une alternative consensuelle eux-mêmes.
Des conséquences « merdiques » pour les voisins.
Il est important de comprendre que l’injection aléatoire des ces EnRi, qui débordent ainsi sur les réseaux de leurs voisins, ruine le principe même du marché de l’électricité en réduisant leur capacité d’importer, et en font du même coup flamber les cours nationaux. L’analyse du pic français du 4 avril 2022 avec un MWh à 3000 € [3], en détaille le mécanisme. Lassés par la répétition de ce phénomène, la Suède et la Norvège viennent de jeter l’éponge en faisant connaitre leur volonté de se déconnecter de ce système qualifié d’«absolument merdique »[4]. Le 16 décembre dernier, la ministre suédoise de l’Énergie Ebba Busch montait d’un cran ses récriminations contre l’Allemagne pour la raison qu’elle ne se contenterait même plus d’empêcher ses voisin de financer leur relance du nucléaire, mais se refuserait à assumer les effets indésirables de ses énergies intermittentes en n’acceptant pas d’en financer les conséquences sur son réseau et refuserait, dans le même temps, de respecter le règlement européen en s’opposant à la nécessité de scinder son marché en 2 zones d’enchères distinctes, selon ses propos rapportés par Euractiv [5]. Ce qui changerait pourtant la donne en la contraignant à réserver le coût du transport entre chacune d’elle.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire