jeudi 1 décembre 2022

Objectif garanti d'origine

Objectif garanti d'origine

Combien avons-nous payé l’Italie et la Suède pour atteindre notre objectif de 23% ?

 Jean Pierre Riou

En complément de l'article L'amende de trop

http://lemontchampot.blogspot.com/2022/11/lamende-de-trop.html 

 

État des lieux

Par la DIRECTIVE 2009/28/CE DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL du 23 avril 2009 la France s’était engagée à consommer une part de 23% d’origine renouvelable (EnR) de sa consommation finale d’énergie en 2020. Dans son article 6, cette Directive prévoit que « Les États membres peuvent convenir du transfert statistique d’une quantité définie d’énergie produite à partir de sources renouvelables d’un État membre à un autre État membre », la quantité cédée par l’un d’eux étant alors retranchée de sa propre consommation.

C’est ainsi que la ministre a déclaré que « le fait de ne pas avoir atteint ses objectifs de développement des énergies renouvelables oblige la France à acheter pour 500 millions d’euros de mégawatts statistiques cette année ; nous sommes en négociation avec l’Italie et avec la Suède à ce sujet ».

Notons que cette quantité d’énergie devrait s’exprimer en « MWh statistiques » et non en MW, (ou megawatts statistiques), ainsi que cela a été dit par la ministre et repris par toute la presse, et qui correspondraient alors à une puissance de production et non une quantité d’énergie, objet du litige.

 

D’autre part, la Directive européenne n’a pas pour objet la part d’EnR produite, mais celle consommée, et précise également que « Les garanties d’origine, délivrées aux fins de la présente directive, serviraient uniquement à prouver au client final qu’une part ou une quantité déterminée d’énergie a été produite à partir de sources renouvelables. Une garantie d’origine peut être transférée d’un titulaire à un autre, indépendamment de l’énergie qu’elle concerne ».

 

Ce label « renouvelable » de l’électricité produite et/ou consommée est attesté et comptabilisé par Powernext. Ses activités ont été intégrées au sein de EEX, bourse européenne de l’énergie, le 1er janvier 2020. EEX illustre ci-dessous la déconnexion matérielle entre les GO et l’énergie renouvelable dont elles sont issues.

Pour chaque MWh renouvelable produit, Powernext délivre ainsi une garantie d’origine (GO) valable pendant un an après la fin de la période de production à laquelle elle s'applique. Et précise « Il est possible de transférer des GO actives au sein du registre national d'un titulaire de compte à un autre. Comme EEX est membre de l'AIB (Association of Issuing Body), ses titulaires de compte peuvent importer et exporter des garanties d'origine par voie électronique depuis et vers d'autres pays européens ».

Selon l’Observatoire de l’industrie électrique, l’Italie, avec 11%, la Suisse (15%) et la Suède (11%) ont été les principaux émetteurs de l’UE de GO en 2018, derrière la Norvège (29%). L’hydraulique représentant alors 67% de des GO européennes.

Selon Gazelec, ces GO se seraient négociées en France à 2.25 €/MWh en 2022.

Faut-il y voir une fébrilité française sur le marché français des GO, sachant que la note de synthèse sur les GO publiée conjointement par l’ADEME et l’UFE notait « en 2019, le prix de la GO oscillerait autour de 50 c/MWh en France et autour de 80 c€/MWh en Italie ».

 

Les 19,3% d’EnR français

Les chiffres du ministère indiquent que la part d’EnR de la consommation finale française aurait été de 19,3% en 2021, selon la méthodologie de la nouvelle DIRECTIVE (UE) 2018/2001 DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL du 11 décembre 2018. Et selon le suivi de laquelle la France aurait consommé 339 TWh renouvelables sur un total de 1778 TWH – correspondant à 19,06% si on s’en tenait à une simple règle de 3 –

 Au lieu, donc, de grosso modo 404 TWh pour atteindre l’objectif fixé de 23%.

Les 65 TWh « statistiques » manquants et correspondent ainsi à 146 millions d’euros au cours français de la GO à 2,25 € en 2022. Ce qui demande des éclaircissements pour comprendre le prix avancé de 500 millions.

 

Mécanismes de soutien des EnR

Dans sa délibération du 15 juillet 2020 relative aux prévisions des charges du service public d’électricité 2021, la CRE évalue le soutien de 70,8 TWh d’énergies renouvelables (CRE annexe 1) à 5685 M€ (CRE délibération) soit un soutien public des EnR d’une moyenne de 80,3€/MWh.

C'est-à-dire une somme plus de 10 fois supérieure, même aux 500 millions évoqués, pour consommer une quantité d’EnR comparable.

 

L’emballement du marché qui a particulièrement affecté la France en raison du sous dimensionnement de sa puissance disponible de production a bouleversé ces prévisions en faisant grimper les cours bien au-delà des tarifs d’achat prévus notamment pour les EnR.

Pour autant, les prévisions doivent faire relativiser le surcoût des MWh, virtuels ou non, négociés avec l’Italie et la Suède destinés à éviter l’amende de la Commission européenne.

 

France/Allemagne : match nul 19,3-19,3

Il reste enfin important de préciser que l’Allemagne n’a AUCUNE avance sur la France en matière d’énergies renouvelables, contrairement à ce qu’on peut entendre dans les médias, mais une part de 19,3% en 2020, strictement identique à la nôtre en 2021, malgré l’avantage d’une part bien supérieure dans la production d’électricité : 45% en 2020 d’ailleurs en baisse avec 41,1% en 2021 (part renouvelable du total de la production électrique allemande).

 

Pour qui veut aller plus loin, le ministère propose notamment l’accès à la méthodologie du décompte européen de ces parts d’EnR, leur suivi statistique étant assuré par Eurostat qui chiffre notamment la moyenne 2020 de la zone euros à 20,9%.

Mais l’Allemagne avec 19,3%, respecte son engagement de 18%, l’Italie, avec 20,3% celui de 17% et la Suède, avec 68,1%, détient une confortable avance sur son objectifs de 49%, qui lui permet notamment de distribuer ses GO.

 

Le marché prometteur des GO

« EEX a été désignée à partir du 1er janvier 2019 entité en charge de l’organisation des enchères pour
les GO issues des installations de production bénéficiant d’obligation d’achat ou de complément de
rémunération. L’Etat sera l’unique vendeur au cours de ces enchères. La première enchère a eu lieu
en Septembre 2019 ».

« Toute société Titulaire de compte du Registre peut participer à l’enchère Il n’est pas nécessaire d’avoir une entité en France pour accéder au Registre et à l’enchère ».

 

Origo permet aux collectivités ou entreprises qui le souhaitent de verdir leur consommation d'électricité, sans changer de fournisseur. Dans son résumé de la question, il constate que « Le marché européen des GO pour l’activité 2017 reste dominé par la Norvège en tête des pays émetteur et exportateur de GO. En termes d’utilisation et d’importation des GO, l’Allemagne est en première place. Le Power Purchase Agreement (PPA) accord bilatéral entre entreprise et producteur du renouvelable se développe de plus en plus dans l’espace AIB ».

Selon Montel, la Commission européenne mise sur le développement de ces PPA pour parvenir à 40% d’énergie consommée en 2030. Ces contrats de long terme peuvent se conclure à travers les frontières sous la forme des cross-border PPA.

 

 

Pour l’anecdote, l’Italie avait été épinglée par la Commission européenne pour avoir refusé des GO provenant notamment de France.

2 commentaires:

  1. Merci pour votre remarquable travail d'analyse. Bien que naturellement centré sur la France, il est très utile aussi pour la compréhension de la situation des ENR dans l'ensemble de l'Union Européenne.
    Patrice

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  2. Merci pour votre attention !
    Jean Pierre Riou

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