Nucléaire & Éolien
Étude comparée de démantèlement
Suivi d'une annexe sur le retour d'expérience allemand
http://lemontchampot.blogspot.fr/2017/06/demantelement-eolien-en-allemagne.html
Suivi d'une annexe sur le retour d'expérience allemand
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Jean Pierre Riou
Où il apparaît que
le démantèlement éolien risque de coûter plus cher que le démantèlement
nucléaire, mais pourrait surtout incomber à des personnes qui ne s’attendent
pas à devoir l’assumer
Les hypothèses du présent article pourraient être utilement
approfondies, notamment par une Mission parlementaire telle que celle qui vient
de se prononcer sur la faisabilité du démantèlement nucléaire.
Démantèlement
nucléaire
La problématique
Le démantèlement nucléaire recouvre les 58 réacteurs à eau
pressurisée (REP) actuellement en exploitation et 9 anciens réacteurs à l’arrêt.
Les difficultés techniques du démantèlement de ces anciens
réacteurs sont considérables.
Le petit réacteur expérimental à eau lourde de Brennilis
multiplie surcoûts et délais, notamment rallongés par l’annulation, par le
Conseil d’Etat, du décret qui autorisait la procédure de démantèlement, après
qu’il eut été saisi par le réseau « Sortir du nucléaire ».
De même, les difficultés concernant les 6 réacteurs à uranium
naturel graphite gaz (UNGG), ont amené EDF à changer de stratégie et accumuler
surcoûts et retards.
Ces filières des débuts de l’aventure nucléaire française ont
été abandonnées au profit des réacteurs à eau pressurisée actuels.
Ajoutons enfin le cas de Superphénix, pour lequel
l’anticipation des limites des ressources en uranium avait entrainé la volonté
politique de développer ce prototype de surgénérateur.
Il avait été exploité par le consortium européen Nersa.
Après sa meilleure année de fonctionnement, c’est à nouveau
la volonté politique qui en a décidé la fermeture.
EDF est resté seul actionnaire de Superphénix à l’annonce de
son arrêt définitif et assume, depuis, la charge de son démantèlement dans des conditions
jugées satisfaisantes par l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN).
La versatilité politique a transformé l’aventure en gouffre
financier.
Le surgénérateur BN 800 de Rosatom en a fait la « meilleure
centrale nucléaire au monde ».
Son financement
Après 40 ans de fonctionnement, le parc actuel de REP aura
produit un peu plus de 17000 milliards de kWh (en considérant les 77% de taux
de charge de ses 63,130 GW).
Le coût total du démantèlement, première génération
comprise, est estimé par EDF à 60 milliards d’euros et correspond ainsi à une
charge de 0,35 centimes d’euro par kWh.
Ce qui représente une quantité négligeable quand bien
même cette évaluation devrait être doublée, comme tente de le suggérer l’accusation
de Greenpeace au vu d’un audit commandé par elle au cabinet Alpha Value.
Cependant, la
question n’est pas de savoir si on doit, ou non, démanteler les premiers
réacteurs de l’épopée nucléaire française, mais de se prononcer sur la
pertinence stratégique du surcoût du démantèlement des réacteurs actuels (REP)
et futurs, en regard du service attendu de la filière nucléaire.
Or la faisabilité et les coûts du démantèlement de ceux-ci
bénéficient déjà d’un retour d’expérience, notamment américaine, qui met en
évidence la maîtrise technologique et financière du problème.
Une Mission parlementaire a rendu ses conclusions sur ce
sujet en février 2017
Il y apparait que
les coûts de référence pour le démantèlement des réacteurs à eau pressurisée se
situent, selon les exemples retenus, entre 439,7 €/kW, 537,8 €/kW
et 550 €/kW.
EDF vient
d’ailleurs de démontrer sa propre expertise avec le démantèlement
du REP de première génération de Chooz A. Et confirme sa
capacité à respecter une telle fourchette de prix, comprise entre 350 et 500
millions d’euros pour un réacteur d’1 GW.
Quel coût par unité d’énergie produite ?
Un REP d’1 GW peut,
au minimum, fonctionner 40 ans et être prolongé à 50 ou 60 ans.
La Suisse notamment, qui vient d’opter pour une sortie
progressive du nucléaire, a décidé par référendum
l’an dernier de prolonger ses réacteurs en état de fonctionnement au-delà de 45 ans.
Le parc nucléaire français, qui représente d’ailleurs moins de la moitié de la puissance de
production électrique totale, (63,130GW
pour un total de 130,818GW) ne fonctionne qu’avec le taux de charge moyen
de 77%.
Malgré cette restriction de puissance et une durée de vie
abrégée à 40 ans, un réacteur de 1 GW produira ainsi 77% de 1GW pendant les 8760
heures de chacune des 40 années de son fonctionnement, soit 269 808 GWh.
En retenant la fourchette haute de 500 millions d’€, son
démantèlement reviendra ainsi à 1853€
par GWh produit, c'est-à-dire un surcoût de 1,85€ par MWh (ou 0,185
centimes d’euro par kWh)
Tandis que la fourchette basse (350 millions), pour un
réacteur fonctionnant 50 ans avec 87% de taux de charge, comme la plupart des
réacteurs au monde, diviserait ce coût par 2 avec 0,09 centime d’euro de
surcoût pour chacun des 381 milliards de kWh produits.
Remarque importante
L’exception
française : une trentaine de réacteurs sur les 58 du parc nucléaire sont
engagés dans la participation au « service système » du réglage
primaire et secondaire du réseau et aux mécanismes d’ajustement.
A cet effet, ils fonctionnent de façon réduite afin de
conserver une marge de manœuvre pour la modulation de puissance, grâce à leur
possibilité de la faire varier jusqu’à 80%
en plus ou en moins en moins d’une demi heure.
C’est ainsi que, pour suivre les besoins de la consommation,
notre parc nucléaire a effectué en 2015 plus de 140 variations d’amplitude
supérieures à 5000 MW, contre moins de 60 en 2008.
(Source SFEN : « Introduction
accrue d’énergie renouvelable dans le système électrique : quelles
conséquences sur le parc nucléaire ? »)
Ce qui permet au parc nucléaire français de suivre au
plus près les besoins de la consommation, contrairement à une idée bien ancrée.
(Source Analyse Jean
Paul Hulot d’après données consolidées RTE)
Le service rendu par un tel fonctionnement, qui semble constituer
une exception mondiale, demande une juste rémunération.
On peut également considérer le manque à gagner, pour EDF,
par rapport au taux de charge de 10% supérieur de la plupart des parcs
nucléaires, notamment de son voisin allemand.
La délibération
de la CRE du 2 mars 2017 portant sur
la rémunération du surdimensionnement des installations nécessaire à ce « service
système » ne semble pas répondre à l’importance de l’enjeu.
Le manque à gagner pour EDF d’un tel fonctionnement qui
représente une baisse de 10% de taux de charge moyen, entraîne en effet une
moindre production d’environ 55 TWh chaque année, soit une moindre recette annuelle de 2,3 milliards d’euros (en retenant
le seul prix Arenh de 42€/MWh)
Si cette exception
française trouvait toute sa justification dans le cadre d’un monopole,
l’ouverture du marché de l’électricité exige le respect des lois de la
concurrence qui s’accommodent mal d’une rivalité entre un tel service et des
producteurs intermittents subventionnés qui, de surcroit, cassent les prix du
marché lorsque le vent souffle ou que le soleil brille.
Démantèlement
éolien
Il est régi par l’arrêté du 26 août 2011 qui en prévoit le
provisionnement à hauteur de 50 000 euros par machine.
Les développeurs de projet évoquent généralement eux même
des sommes entre 2 et 3 fois supérieures, tandis que le retour d’expérience
semble indiquer un coût réel 8 fois plus important, dépassant 400 000
€ pour une machine (hors enlèvement du massif en béton !)
Quel coût par unité d’énergie produite ?
Avec un taux de charge moyen de 23% pendant les 20 ans de sa
durée de vie, une éolienne de 2,3MW aura produit 92,680 GWh.
La seule somme officiellement provisionnée pour son
démantèlement correspond donc déjà à un minimum de 539,49€ par GWh produit,
tandis que le retour d’expérience (400 000€) évoque un coût de 4315 € par GWh (ou 4,3€ par MWh
produit).
Le démantèlement d’un réacteur à eau pressurisée ne
représentant, rappelons le que 1853€ par
GWh produit, (1,8€/MWh) en considérant la fourchette haute, et la moitié
pour la fourchette basse.
Cette comparaison ne prend pas en considération la
différence de service rendu entre un MWh disponible à la demande et un MWh
intermittent qui
implique d’importants surcoûts.
Mise en perspective
La Mission
parlementaire dénonçait l’insuffisance du provisionnement nucléaire avec encore
seulement 36 milliards d’euros de provisions constituées par EDF au 31
décembre.
En tout état de cause, le taux de charge des réacteurs et
leur durée d’exploitation en conditionneront la rentabilité et le poids relatif
du démantèlement pour EDF.
Une partie considérable de cette charge provenant des débuts
de l’aventure du nucléaire français et de l’évolution des volontés politiques
qui l’ont accompagnée.
A l’occasion d’une décision politique sonnant le glas des
moyens de production intermittents, notamment en raison de leur incapacité
à remplacer quelque moyen pilotable que ce soit, peut être s’apercevrait on
alors que le véritable problème du démantèlement n’est pas celui qu’on croit,
mais celui des milliers de « Jurassic Parks éoliens» qui défigurent
les campagnes et en bétonnent les sols.
Il semble
nécessaire que d’ici là, les coûts en soient provisionnés dans la plus grande
transparence.
Faute de quoi les propriétaires des terrains sur lesquelles
les éoliennes sont implantées risqueraient d’en faire les frais, puisque la
forme des baux emphytéotiques, comme la législation concernant la nomenclature
ICPE des machines, semblent en faire les propriétaires des machines et seuls
responsables de leur démantèlement et de la dépollution des sols en cas de
disparition de l’exploitant.
Ce problème concerne également les collectivités
territoriales, mais aussi les acteurs des projets participatifs, destinés à en faire
accepter les nuisances aux futurs riverains en leur faisant miroiter l’espoir
de retombées financière mais ne dédouanant pas pour autant du principe
pollueur payeur.
L’éventuelle double
peine d’une déconvenue financière risquant assurément de trouver son apogée
devant le gouffre du démantèlement.
bonjour,
RépondreSupprimerj'ai rédigé un commentaire qui est passé à la trappe par la grâce de Google. ceci est donc un nouvel essai.
(re)bonjour
RépondreSupprimerapparemment j'ai trouvé le moyen de faire fonctionner ce système...
je voulais revenir sur le démantèlement de Brennilis, auquel j'ai participé, au moins au début.
c'était en 1986. l'idée de EDF était de démanteler tout ce qui pouvait l'être dans difficultés, et de laisser la partie difficile, c'est à dire le coeur, en l'état pour 50 ans.
ce n'était pas idiot.
après quelques années de travaux à la carte, réalisés par les entreprises spécialisées, un appel d'offres a été lancé, toujours à l'intention des entreprises spécialisées, pour la pluspart filiales de EDF, CEA, COGEMA.
puis les entreprises du BTP ont pleuré pour intégrer ces travaux. leur idée était de se forger une expérience qui pourrait être utile dans un marché réputé prometteur qui était le marché du DMLT des installations de l'ex-URSS.
d'où annulation du premier appel d'offres, et organisation d'un nouvel AO avec les SUEZ, Générale, Bouygues de l'époque.
ensuite est venu le recours en conseil d'état, et l'annulation à nouveau par l'autorité de Sûreté.
Entre temps , EDF avait changé d'avis sur le principe du DMLT, avec priorité à la déconstruction de la totalité de la centrale. on voit où on en est...
Pour ce qui concerne les réacteurs UNGG, G1, G2, G3, Chinon 1, 2, 3 sont démantelés, et Bugey 1 est en cours.
En ce qui concerne SUperPhoenix, cette centrale n'a jamais fonctionné correctement (Pb de sodium liquide pour l'essentiel). Quand Mitterrand a fait cadeau à VOYNET de SP, il s'agissait bien entendu d'un geste politique, mais aussi le constat d'un echec technologique.
pour en finir, je ne trouve pas que la modulation de puissance des centrales REP soit une bonne chose. Elles sont faites pour fonctionner en nominal, pas pour jouer au yoyo.
d'une façon générale, les grands appareils n'aiment pas les régimes transitoires, et il est évident qu'à minima ce mode de fonctionnement va accélérer leur vieillissement. je crains même que ce type d'action ne soit pas en harmonie avec la philosophie de la Sureté nucléaire.
cordialement
Jean-claude MOREAU
ingénieur en retraite groupe CEA et EDF
administrateur de "gardez les caps" (baie de saint-Brieuc)
cap2i@dbmail.com
0607583681
Bonjour Monsieur Moreau,
RépondreSupprimerEt merci pour vos précisions.
Je pense d'ailleurs, tout comme vous que les centrales REP n'ont pas vocation à "jouer au yoyo".
Et que si, du moins, elles permettent ainsi de moindres émissions de GES en permettant un parc thermique réduit à sa plus simple expression, c'est un non sens d'en augmenter l'amplitude pour accompagner la production aléatoire des éoliennes.
Bien cordialement, Jean Pierre Riou.
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