lundi 29 septembre 2025

L'atteinte à la santé protégée par la loi.

 

Éoliennes 

L'atteinte à la santé protégée par la loi.

Jean Pierre Riou 

Depuis que le roi fit « Très expresses inhibitions et défenses  (aux corps judiciaires) de prendre à l'avenir connaissance d'aucunes affaires qui peuvent concerner l'État, l'administration et le gouvernement d'icelui que nous réservons à notre seule personne ».  ( Édit de Saint Germain 1641)

Ce privilège que s'est octroyé LOUIS XIII pour asseoir son autorité face au pouvoir judiciaire des Parlements perdure aujourd'hui notamment en matière d'éoliennes en privant leurs riverains de la protection du droit commun.

En effet, si la reconnaissance et l’indemnisation des troubles de voisinage et de leurs conséquences sur la santé relèvent du tribunal judiciaire, en matière d’éoliennes la décision de faire cesser les troubles dépend uniquement du tribunal administratif, ainsi que vient de le confirmer la jurisprudence qui est l'objet de cet article.

Des atteintes à la santé dûment constatées

C’est ainsi que La Cour d'appel de Toulouse, 3ème chambre, 8 juillet 2021, n° 20/01384 avait formellement reconnu l’existence d’un syndrome éolien et la responsabilité des éoliennes dans les troubles sanitaires occasionnés en condamnant leur exploitant à indemniser  les 2 victimes à hauteur de 4.000 € à chacun au titre du pretium doloris, et 2.216,25 € au titre de la réparation de leur déficit fonctionnel temporaire dont les « Souffrances endurées avant consolidation: (…) tenant compte de l’hospitalisation en urgence, du suivi médical, de la réalisation d’examens complémentaires, de la prise de traitements ponctuels et du retentissement psychologique. »

La condamnation totale de l’exploitant, notamment pour préjudice moral perte de valeur du bien et trouble de jouissance, s’était élevée à 110.582 euros, en plus de la condamnation aux dépens.

Pour autant, ces riverains d’éoliennes « ont également saisi le préfet de l’Aude afin que soient prises toutes mesures permettant de faire cesser ces mêmes troubles et ont demandé réparation des préjudices dont ils estiment être victimes. Confrontés au refus du représentant de l’État de faire droit à leurs demandes d’annulation et d’indemnisation par l’État, ils ont demandé à la cour administrative d’appel de Toulouse, compétente en premier et dernier ressort, de se prononcer sur le litige les opposant au préfet de l’Aude. » ainsi que le rappelle le jugement Cour administrative d’appel de Toulouse – 4ème chambre Arrêt n° 23TL01482 du 25 septembre 2025.

Mais par cet arrêt, « la cour a rejeté leurs demandes après avoir considéré que les conditions de fonctionnement du parc éolien n’imposaient pas la prise de mesures complémentaires dès lors notamment que les études acoustiques ne révélaient pas de non-conformité au regard des exigences réglementaires applicables » La Cour dégage également l’État de toute responsabilité dans les troubles avancés par les requérants.

Une dichotomie propre au droit français

En effet « le principe de la séparation des autorités administratives et judiciaires » s'oppose à ce que le juge judiciaire substitue sa propre appréciation à celle que l'autorité administrative a portée sur les dangers ou inconvénients que peuvent présenter ces installations » et qu’en conséquence, « les tribunaux judiciaires ont compétence pour se prononcer tant sur les dommages-intérêts à allouer aux tiers lésés par le voisinage d'une telle installation classée que sur les mesures propres à faire cesser le préjudice que cette installation pourrait causer dans l'avenir, à condition que ces mesures ne contrarient pas les prescriptions édictées par l'administration en vertu des pouvoirs de police spéciale qu'elle détient ». (http://www.juricaf.org/arret/FRANCE-COURDECASSATION-20170125-1525526)

La jurisprudence de cette dichotomie juridique est développée dans Éoliennes et droit de propriété, qui rappelle notamment l’origine de cette particularité du droit français dans l’édit de Saint Germain.

Un problème de santé publique

 

Un rapport de l’Agence européenne pour l’environnement estime que les nuisances sonores contribuent chaque année à 48 000 nouveaux cas de maladies cardiaques et à 12 000 décès prématurés en Europe.

Ce même 25 septembre, les députés européens ont soutenu à l’unanimité une pétition demandant que la Commission européenne fournisse des éclaircissements supplémentaires sur les mesures qu'elle peut prendre pour améliorer la mesure et la gestion du bruit des éoliennes.

(Voir l’enregistrement de la séance entre 9h59 et 10h25)

Dans son discours de politique générale du 1er octobre 2024, Michel Barnier s’était déjà engagé à mieux mesurer tous les impacts des énergies renouvelables, en ajoutant « je pense en particulier aux éoliennes ».

 

Des lacunes réglementaires…

 

Rappelons que les limites légales, repoussées par l’arrêté du 26 août 2011, dispensent les machines du respect du code de la santé publique en les autorisant à porter à elles seules le bruit ambiant à 35dBA au lieu de 30dBA dans ce code, tandis que les protocoles de mesurage de leur bruit souffrent de nombreuses carences qui occultent les aspects les plus dérangeants de leur bruit, comme les basses fréquences et leur modulation d’amplitude. Aucun protocole depuis 2011 n’ayant jamais réuni les conditions nécessaires de consensus et d’enquête publique lui permettant de prétendre constituer une norme. Le protocole actuellement employé dans les études d’impact ayant été censuré pour cette raison par le Conseil d’État.

 

… Pour mesurer un trouble que nul n’ignore

Personne n’ignore pourtant que les limites réglementaires appliquées aux éoliennes sont insuffisantes pour protéger la santé des riverains et qu’une partie non négligeable de ceux-ci sont affectés par le bruit lorsque les éoliennes atteignent les limites autorisées. Ce qui est le cas dès qu’il y a du vent dans la mesure où un plan de bridage est généralement prévu pour rester exactement à cette limite. Les incertitudes de mesurage ne bénéficiant même pas aux riverains.

La filière industrielle n’en ignore rien, ainsi qu’elle l’a explicitement reconnu lors d’une conférence sur le sujet en 2004 en considérant que « Les limites de bruit sont généralement adaptées aux limites de bruit industriel et reposent sur le principe selon lequel un pourcentage donné de la population se sentira gêné lorsque la limite sera exactement respectée », ainsi que l’illustre la capture d’écran ci-dessous d’une de ses diapositives.



L'égalité devant la loi

On sait que le bruit des éoliennes dérangera certains riverains, on sait que leur bruit entraînera des symptômes attestés par des médecins, et même par les juges. On sait que les limites actuellement autorisées sont insuffisantes pour l’éviter.

Mais on sait surtout que même en cas d’atteinte avérée à la santé, ces limites, et les protocoles de mesure permettant de considérer qu’elles ne sont pas dépassées, permettront au juge administratif de s’opposer aux mesures susceptibles de réduire une atteinte à la santé pourtant avérée par le juge judiciaire. 

L’émergence du bruit des éoliennes est d’autant plus importante que les zones rurales de leur implantation sont calmes, et les témoignages de souffrance de leurs riverains sont innombrables.  

Dans un souci constitutionnel de garantir l’égalité devant la loi, le législateur vient de renoncer à interdire aux « gueux » d’entrer en ville avec leurs vieux véhicules.

Il serait temps que ce même souci d’égalité accorde aux riverains d’éoliennes la protection du code de la santé publique et du droit commun d'être un justiciable comme les autres.

 

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