In medio veritas
Jean Pierre Riou
L'impact visuel d'un "FAUX !"
Entre des chiffres excessifs prêtés à certains opposants aux énergies renouvelables et l’impact visuel d’un « FAUX ! » supposé informer, la communication de la CRE "démêler le vrai du faux" semble appeler quelques précisions, malgré l’exactitude de ses chiffres.
1- Les factures d'électricité ont-elles doublé en 10 ans ? FAUX !
Dans sa réponse, la CRE confond tarif réglementé et prix de l’électricité en oubliant le prix de l’abonnement.*
En intégrant celui-ci qui est notamment passé de 96,97 €TTC en 2012 à 233,7 €TTC en 2025 pour le tarif base, soit une augmentation de 141% en 13 ans selon les chiffres du service statistique du CGDD, les chiffres d’Eurostat ,montrent que le prix TTC de l’électricité est passé de 0,1207 €/kWh au 2ème semestre 2009 à 0,2926 €/kWh au 2ème semestre 2024, soit une augmentation de 142% en 15 ans. Ramenée en euros constants, cette hausse, reste de l’ordre de 91%.
Ces chiffres sont issus de l’agrégation des données réelles de 95% des parts de marché et non une quelconque extrapolation.
Malgré une baisse attendue en 2025, cette augmentation de 91% en euros constants en 15 ans reste considérable comparée à la baisse en euros constants (2024) sur les 15 années précédentes entre 0,19 €/kWh en 1991 et 0,15 €/kWh en 2007.
En tout état de cause 142% en 15 ans ne veut pas dire 100% en 10 ans, qui ne s’est effectivement jamais produit, mais n'est pas si loin de la réalité qu'on pourrait le croire.
* Voir l’article publié à la suite d’une demande d’information auprès des services statistiques d’Eurostat et du Commissariat général au développement durable (CGDD)
https://lemontchampot.blogspot.com/2025/08/prix-du-kwh-la-quete-de-sources.html
2- Les EnR sont-elles responsables de l'évolution de la facture ? FAUX !
Le soutien des énergies renouvelables par l’État n’est à ce jour pas directement répercuté sur la facture
C’est parfaitement exact, comme l’affirme la CRE, les factures d’électricité n’ont financé les EnR que jusqu’en 2015, faisant passer les taxes de 18,71% en 1991 à 33,82% du prix de l’électricité en 2015, (niveau où elles sont restées depuis). Pour la raison que la CSPE, créée pour financer les EnR en 2003 au taux de 3,3 €/MWh a trop rapidement progressé pour devoir s’élever selon la CRE à 27,05 €/MWh pour financer les charges 2016, soit une augmentation supérieure au seuil légal de 3 €/MWh. S'est alors opérée une bascule vers le financement par le budget de l’État à partir de 2016, ainsi que c’est expliqué dans « Entre pression fiscale et précarité ».
Précisons donc que ce taux de taxes est resté globalement le même depuis 2016 (35,35%) jusqu’à la parenthèse du bouclier fiscal dont le dernier effet s'applique à 2024 (S2) avec 20,04% de taxes.
Mais seule l’augmentation du TURPE peut désormais transparaître sur la facture.
3 – Le tarif d’utilisation des réseaux va-t-il doubler ? FAUX !
« Selon la prévision de la CRE, le TURPE devrait évoluer de manière maitrisée dans les années à venir. Selon ses prévisions à long terme, incluant les investissements annoncés par les gestionnaires de réseaux qui amènent à envisager un TURPE en hausse de l’inflation + 1% par an jusqu’à 2040 pour les clients résidentiels ».
Rappelons cependant que lors du précédent TURPE (6) RTE avait sollicité en 2019 l’autorisation de mobiliser 33 milliards d’euros sur les 15 ans à venir (2020-2035) pour permettre notamment l’intégration des EnR
Et que le président de la CRE avait tout d’abord refusé catégoriquement, jugeant la somme exorbitante.
Et que dans son nouveau SDDR(2025), c’est une somme 3 fois supérieure que sollicite RTE avec ~100 Md€ pour les investissements dans le réseau public de transport d’électricité sur 15 ans. Chaque TURPE recouvre une période de 4 ans, ainsi qu’indiqué ci-dessous par l’illustration de RTE qui montre notamment que la part imputée à la rénovation du réseau, en rouge, est très minoritaire.
La CRE affirme « Après une augmentation en 2025, celui-ci évoluera chaque année de la période à un niveau proche de l’inflation ». Ce qui est logique puisque chaque TURPE est calculé pour 4 ans. Mais il n’apparaît pas pour autant que ce « niveau proche de l’inflation » s’appliquera au TURPE 8. Notamment au vu de l’évolution des besoins et selon les chiffres de RTE qui relève que l’Allemagne prévoit plus de 250 Md€ et la Grande Bretagne plus de 150 Md€ en 10 ans.
La CRE affirme que le TURPE ne va pas doubler, mais se garde de dire avant quelle date en n’évoquant que les 4 ans à venir, période lors de laquelle il sera bloqué.
4 – La France a-t-elle prévu d’investir 300 milliards d’euros pour développer les EnR ? FAUX !
Concernant les 100 Md€ de RTE et les 90 Md€ de Enedis, la CRE considère que
« L’essentiel de ces investissements vise la maintenance, le renouvellement des réseaux existants, le raccordement des consommateurs et des zones industrielles de décarbonation et l’adaptation au changement climatique. »
Cette proportion n’apparait clairement pas dans l’illustration de RTE ci-dessus, où le « renouvellement des réseaux existants, et l’adaptation au changement climatique » sont représentés en rouge, le segment bleu supérieur chiffrant le seul raccordement de l’éolien en mer et le bleu inférieur représentant notamment la mise en service de 40 % des infrastructures prévues pour les EnR terrestres via les « Schémas régionaux de raccordement au réseau des énergies renouvelables » (S3REnR deuxième génération). Quant à Enedis, il ne saurait être plus clair que dans l’en tête du chapitre 4 de ses éléments de prospective à horizon 2050 : « Le développement des énergies renouvelables raccordées au réseau de distribution sera le facteur le plus déterminant pour Enedis » et prévoit de ce fait un besoin pouvant aller de 1,5 Md€ par an à 8 Md€ par an selon la croissance et le scénario de développement des EnR.
En plus de ces coûts, la CRE évoque 50 Md€ d’ici 2060 pour le soutien public aux EnR, mais n’évoque pas ni le manque à gagner d’EDF lié à la modulation forcée à la baisse de son parc nucléaire, chaque fois que le soleil luit, ni les subventions qui seront nécessaires à l’entretien des centrales de secours pour les périodes sans vent ni soleil et dont la perte de rentabilité a motivé une alerte de l’Entsoe en avril dernier dans son « Évaluation de l'adéquation des ressources européennes » (ERAA)et dans laquelle il attire l’attention sur les « risques importants » qui le menacent, en raison de la perte de viabilité économique des capacités pilotables, dites « flexibles », pour la raison que la sécurité exige que l’Europe en conserve l’intégralité.
5 - Le blackout espagnol a été provoqué par un trop plein d'énergie solaire que le réseau n'a pas pu absorber FAUX !
Il se peut que des fantaisistes aient évoqué cette raison pour dénigrer les EnR, mais on se demande bien lesquels ! La plupart des analyses évoquaient plutôt une instabilité aggravée par le manque de machines synchrones, alors remplacées par une trop forte part d'EnR. Dans l'attente des conclusions définitives de l'Entsoe, il convient de rester prudent. Mais il est inutile de dénoncer des affirmations qui n'auraient jamais été proférées par quiconque sait globalement de quoi il parle.
Et pour conclure, rendons grâce à la CRE pour les "VRAI" qui suivent, notamment que les EnR coûtent d'autant plus cher qu'elles font baisser les prix ou que la France produit plus qu'elle ne consomme. (Pourquoi d'ailleurs ne pas dire qu'elle est plus gros exportateur MONDIAL d'électricité ?
Mais l'argument des EnR qui restent nécessaire pour passer les pointes reste léger :
La pointe de consommation est hivernale et après la tombée du soleil.
Or les grands froids sont anticycloniques, c'est à dire sans vent ...
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