vendredi 11 octobre 2024

Annulation par le Conseil d’État du protocole de mesure du bruit des éoliennes

 

Annulation par le Conseil d’État du protocole de mesure du bruit des éoliennes :

Points clés de son indispensable révision

 

Dans son discours de politique générale du 1er octobre, Michel Barnier s’est engagé à mieux mesurer tous les impacts des énergies renouvelables, en ajoutant « je pense en particulier aux éoliennes ».

Ce document vise à mettre en lumière la réalité de leur enjeu sanitaire et de préciser les lacunes du mesurage de leur bruit, depuis leur dispense du respect du code de la santé publique accordée par un régime acoustique qui leur est propre, à l’occasion de leur classement ICPE du 26 août 2011.

Car ces lacunes interdisent toute description sérieuse de l’exposition des riverains.

 

Nota : les points techniques dont l’évocation a été nécessaire sont marqués d’un * et expliqués en annexe.

Préambule sur la santé

L’impact négatif du fonctionnement des éoliennes sur la santé est officiellement reconnu par l’Académie de médecine et l’ANSES à travers notamment la reconnaissance de leur impact sur le sommeil. En effet, en 2017, l’ANSES avait publié un rapport [1] comportant l’analyse d’un grand nombre d’études sur le sujet et avait conclu : « Toutes les études épidémiologiques transversales qui ont recherché une association entre l’exposition au bruit des éoliennes et la qualité du sommeil (sauf une) ont montré une relation significative. »

En 2017, l’Académie de médecine confirmait dans son rapport : « Toutes les données de la littérature concordent pour souligner l’effet très négatif du bruit sur le sommeil. De fait, les troubles du sommeil représentent sans doute la doléance la plus constante des riverains. Ils sont d’ailleurs objectivés par les enregistrements somnographiques effectués par des cliniques du sommeil. Ces études concluent qu’à l’intérieur d’un périmètre de 1,5 km le bruit émis par les éoliennes perturberait la qualité du sommeil.

Une autre étude suggère que certaines basses fréquences (autour de 30 Hz) interfèreraient avec les ondes « Beta » cérébrales du sommeil qui sont associées avec les réactions d’alerte, de stress et d’anxiété. Cette interférence expliquerait les troubles du sommeil. Mais ce mécanisme est très controversé. »

 

D’autre part, si certains mécanismes des troubles liés aux vibrations, basses fréquences et infrasons des éoliennes, tels que ceux décrits par l’équipe de M. Alves Pereira ou du Pr Alec Salt, restent controversés, la causalité juridique de la responsabilité des éoliennes dans l’apparition des symptômes a été formellement reconnue, notamment par la Cour d'appel de Toulouse, 3ème chambre, 8 juillet 2021, n° 20/01384.

 

Cet enjeu de santé publique indéniable en raison de la grande quantité de plaintes dans le monde entier exige que l’exposition des riverains soit caractérisée de la manière la plus précise possible afin de permettre au législateur d’en déterminer le niveau acceptable.

C’est la raison pour laquelle tout protocole de mesurage doit rendre compte à la fois de

-          l’intensité des pics sonores,

-          de leur durée d’apparition

-          et de leur composante spectrale.

 

Ces 3 points sont prévus par la norme NF S31-010 et le contrôle de chacun d’eux est réglementé par l’article R. 1336-7 du code de la santé publique. Chacun de ces 3 paramètres a été supprimé du mesurage du bruit éolien par l’arrêté du 26 août 2011 grâce à une réglementation acoustique qui ne s’applique qu’aux éoliennes.

èIl en découle que : le mesurage du bruit des éoliennes doit rendre compte des mêmes caractéristiques de l’exposition des riverains que celles retenues par le code de la santé publique

 

Intensité des pics sonores

La norme de référence NF S31-010 prévoit qu’en cas de bruits impulsionnels tels que bruit de pas, squash, ball-trap, etc, «  L'indicateur préférentiel est l'indice de pointe. Dans ce cas, le mesurage du niveau maximal sera fait en LAeq court avec une base de temps de 100 ms à 125 ms ». (6.5.2.3 Bruits impulsionnels non réguliers)

Ce caractère impulsionnel est typique du bruit des éoliennes, lié au passage des pales devant le mât et le critère considéré le plus dérangeant. Son mesurage avec la base de temps de 1 seconde dans tous les protocoles employés occulte la pression acoustique * reçue par le riverain à chacun de ces pics. L’Anses notait pourtant dans son rapport de 2008 « Le caractère impulsionnel est avéré en présence de battements ou de "flapping" : dans les régions anglo-saxonne ou nordique, il est parfois traité selon la méthode de la norme ISO 1996, par des pénalités forfaitaires de 5 dB*. »

èIl en découle que : le mesurage du bruit des éoliennes doit permettre de connaître la puissance acoustique réelle de l’exposition au passage des pales devant le mât, comme le demande la norme NF S31-010 pour les bruits impulsionnels.

 

Durée d’apparition

Le code de la santé publique permet d’appliquer un terme correctif aux valeurs d’émergence d’un bruit particulier en fonction de sa durée d’apparition.

Pour caractériser cette durée d’apparition, la norme 31-010 prévoit de déterminer le niveau de pression acoustique pondéré A qui est dépassé pendant N % de l'intervalle de temps considéré. Par exemple LA50 est le niveau de pression acoustique continu équivalent pondéré A dépassé pendant 50 % de l'intervalle de mesurage.

Le caractère extrêmement variable du bruit éolien demande au législateur de déterminer le bruit acceptable pour les riverains pendant 20% du temps, voire moins en période nocturne, chaque pic de bruit étant susceptible d’entraîner le réveil. Au lieu de quoi, la médiane utilisée par chaque protocole depuis 2011 pour définir l’émergence permet d’autant moins de rendre compte du caractère des pressions acoustiques subies qu’elle comptabilise des émergences supposées négatives.

èIl en découle que : le mesurage du bruit des éoliennes doit permettre de connaître la durée d’exposition des riverains aux éventuels dépassements des seuils autorisés.

 

Émergences spectrales *

Le code de la santé publique demande le contrôle et la réglementation des émergences spectrales. Le bruit éolien est caractérisé par une importante composante de basses fréquences.

Dans son rapport de 2008 [2], l’AFSSET (ex ANSES) avait procédé au mesurage de 3 sites et constatait « que le respect des exigences réglementaires en dB(A) et le respect des émergences spectrales ne sont pas liés. Dans certains cas, les émergences spectrales peuvent être non conformes pour des émergences en dB(A) conformes ». Et constatait que « La nuisance alléguée augmente de façon nette lorsque le niveau extérieur atteint 35 dB(A) ».

Ce même rapport attirait d’ailleurs l’attention sur la difficulté posée par l’atténuation atmosphérique quasi nulle de ces basses fréquences qui les rendait perceptibles à de plus grandes distances.

Ce contrôle, pourtant nécessaire et que celui de la tonalité marquée ne saurait remplacer, a disparu de tous les protocoles de mesurage.

èIl en découle que : le mesurage du bruit des éoliennes doit permettre de caractériser ses émergences spectrales, ainsi que l’impose de code de la santé publique

 

Cumul des parcs

D’autre part, lorsqu’un projet éolien doit s’ajouter à un parc en exploitation, il est important que le bruit résiduel * considéré pour l’étude d’impact n’intègre pas le bruit du parc existant. Les 3 dBA* d’émergence * nocturne déjà autorisés permettent le doublement de ce bruit résiduel, et même beaucoup plus si celui-ci était inférieur à 32 dBA avant la première installation, dans la mesure où les émergences ne sont recherchées qu’à partir d’un bruit ambiant * de 35 dBA (contre 30 dBA dans le code de la santé publique. Cette situation représente malheureusement la majorité des cas en zone rurale. Son intégration dans le bruit résiduel permet ainsi un nouveau doublement que chaque nouveau projet sera autorisé à doubler, transformant légalement en enfer sonore un précédent calme absolu.

Les protocoles annulés par le Conseil d’État autorisaient cette course au bruit, il est important que le bruit résiduel considéré pour autoriser l’émergence de tout projet éolien soit un bruit de fond sans éoliennes.

èIl en découle que : en cas d’étude d’impact pour un nouveau parc, le mesurage du bruit initial (bruit résiduel) ne doit pas comprendre l’impact acoustique du fonctionnement des éoliennes déjà installées

Pour conclure

Dans son rapport de 2008, l’AFSSET s’était prononcée contre la distance minimum de 1500 m préconisée par l’Académie de médecine en considérant notamment que « les avantages de la généralisation d’une telle distance, simple à mettre en œuvre, doivent être mis en balance avec le frein au développement qu’elle constitue»

Il appartient en effet au législateur de déterminer ce qui est acceptable pour les riverains, en regard des objectifs politiques.

Mais il n’est pas acceptable de casser le thermomètre pour en masquer les symptômes.

 

 Dans son communiqué de mars 2006 sur « Le retentissement du fonctionnement des éoliennes sur la santé de l’homme », l’Académie de médecine estimait « indispensable que soient entrepris deux types d’études : (…) une enquête épidémiologique sur les conséquences sanitaires éventuelles de ce bruit sur les populations, qui seront corrélées avec la distance d’implantation de ces engins. »

 

L’absence d’une telle étude interdit de quantifier l’impact sanitaire. En tout état de cause, les protocoles de mesurage ne lui permettraient pas d’en caractériser l’exposition des riverains.

èIl en découle que : il est nécessaire d’effectuer le mesurage de tous les critères imposés par le code de la santé publique, afin d’éclairer aussi bien les autorités sanitaires que le législateur sur les seuils qui en sont acceptables.

 

Annexe

La pression acoustique, ou le niveau de pression acoustique, sont le résultat des variations de pression dans l'air produites par les ondes sonores. Le niveau de pression acoustique provoquant la douleur est 1 million de fois plus élevé que le niveau de pression du seuil de l'audition. Pour simplifier, on emploie une échelle logarithmique exprimée en décibel (dB). Le niveau de pression du seuil d'audition est de 0 dB, celui du seuil de la douleur environ 120 dB.

Sur cette échelle des décibels, le doublement de la source correspond à + 3 dB.

dBA Pour rendre compte de l’impression auditive, on emploie la pondération A (dBA) qui minore les basses fréquences. A la fréquence de 10 Hz, la pondération A retranche 70 dB aux décibels non pondérés (ou linéaires). D’autres pondérations, telles que la pondération G permettent de mieux rendre compte de la pression acoustique réellement reçue.

Le bruit résiduel, ou bruit de fond, est le bruit de l’environnement sans bruit particulier. Le bruit ambiant comprend le bruit résiduel et le bruit particulier dont on veut calculer l’émergence. L’émergence est la différence entre le bruit ambiant et le bruit particulier.

Émergences spectrales : Le code de la santé publique prévoit le contrôle des émergences propres à chaque bande d’octave entre 125 Hz et 4000 Hz, ou émergences spectrales. Les valeurs limites sont de 7 décibels dans les bandes d'octave normalisées centrées sur 125 Hz et 250 Hz et de 5 décibels dans les bandes d'octave normalisées centrées sur 500 Hz, 1 000 Hz, 2 000 Hz et 4 000 Hz. Ce contrôle a été remplacé dans l’arrêté du 26 août 2011 par une simple recherche de tonalité marquée. Celle-ci recherche la différence de niveau entre chaque bande de tiers d’octave et les 2 bandes immédiatement inférieures et immédiatement supérieures. Elle n’effectue aucune comparaison avec le bruit résiduel.

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1 https://www.anses.fr/system/files/AP2013SA0115Ra.pdf

2 https://www.anses.fr/fr/system/files/AP2006et0005Ra.pdf

 

 

mardi 8 octobre 2024

Effets pervers de l’éolien

 

Effets pervers de l’éolien sur le système électrique

 Jean Pierre Riou

La France, 1er exportateur mondial d’électricité

Dans son bilan du 1er semestre 2024, RTE écrit : au premier semestre 2024, la France a battu son record d’exportations nettes, avec 43 TWh nets (contre 18 TWh l’année dernière à la même période) vers les pays voisins.

Mais sans préciser que la France est le plus gros exportateur mondial d’électricité quasiment chaque année depuis 1990, ainsi que montre le classement d’Enerdata (Electricity/trade/lowest) qui la classe notamment première en 2023 avec un solde export de 51 TWh, loin devant la Suède (29 TWh, et le Canada (27 TWh).

 Notons que son record historique est de 77 TWh (2002) et que selon les douanes françaises, son solde export est de plus de 78 TWh sur les 12 derniers mois.

L’apparition des prix négatifs

Dans ce contexte, les productions éoliennes et solaires abondantes font, chaque fois, écrouler les cours du MWh et multiplient même les épisodes de prix négatifs en contexte de faible consommation. La CRE, qui en publie chaque mois le bilan, compte déjà 338 heures négatives entre le début de l’année et le 30 septembre 2024 contre … 4 heures en 2017.

Notons que les éoliennes dont les contrats sont postérieurs à 2017 sont rémunérées sur la base d’un facteur de charge de 35% (et 70% pour l’éolien en mer), pour ne pas produire dès que le cours est inférieur à 0 €/MWh, ainsi que stipulé dans l’annexe de l’arrêté du 6 mai 2017 .

 

Effet sur le réglage de la fréquence

Dans son bilan de sûreté de 2022 RTE note la dégradation du réglage de la fréquence du réseau européen avec « 78 écarts de fréquence profonds et durables en 2021 ». Ce réglage de fréquence qui est déjà dégradé par la baisse d’inertie du système, liée à la réduction relative des énormes turbo-alternateurs des centrales conventionnelle tournant, tous, de façon synchrone à la fréquence de 50 Hz sur le réseau européen (soit 1500 tours minute), se trouve fragilisé à chaque heure ronde en raison, selon RTE des « écarts de fréquence aux heures rondes [qui] apparaissent lors des modifications des programmes de production et d’échanges transfrontaliers, aux heures rondes ». Toujours dans ce même rapport, RTE considère que « Une vigilance particulière s’impose dorénavant lors de chaque épisode de prix de marché négatifs » pour la raison que les contrats concernés par la rémunération octroyée à ceux qui s’arrêtent alors de produire interrompent tous leur production au passage des mêmes « heures rondes ».

Ajoutons que le gestionnaire du réseau européen Entsoe attire régulièrement l’attention, notamment dans le rapport «  Inertia and Rate of Change of Frequency (RoCoF) » (Inertie et vitesse de changement de la fréquence)  sur les difficultés posées par la baisse d’inertie du réseau en raison de la part croissante des énergies renouvelables qui limite le temps disponible permettant d’éviter l’effet domino d’un écroulement du réseau européen.

Dans ce rapport, l’Entsoe montre que toute variation de la fréquence à une vitesse (RoCof ou Rate of Change of Frequency) supérieure à 1 Hz/seconde ne serait pas gérable et entrainerait l’écroulement du réseau européen. Il identifie une augmentation du risque d’occurrence de tels événements dans sa modélisation des scénarios de développement d’EnRi prévus, ne prétend pas que l’inertie est la seule clé de la sécurité et considère, dans un autre rapport de 2021, qu’il ne lui appartient pas de définir ce qu’est un risque acceptable, car il s’agit d’une décision politique autant que technique.

 

Effets sur le parc nucléaire

D’autre part, il est désormais clairement assumé que le nucléaire est amené à moduler sa production à la baisse lors des fortes productions renouvelables. Le réacteur Cattenom 1 vient notamment d’être arrêté 100 jours sur fond de production supérieure aux besoins de la consommation, au prétexte, selon EDF, d’optimisation de la gestion du combustible. Il devient de plus en plus évident, notamment sur l’illustration ci-dessous, que les modulations à la baisse du nucléaire (en rouge) sont quotidiennement plus profondément corrélées avec les pics de production solaire (en jaune) que chaque nuit avec la baisse de consommation. Et cette corrélation apparait clairement avec les épisodes de forte production éolienne (en gris), de façon claire sur le site de l’Institut Fraunhofer pour le mois de septembre.



 

Dans son rapport Équilibre offre-demande et flexibilités de 2024, RTE prévoit pour 2030 une modulation à la baisse du nucléaire bien plus importante encore, liée notamment aux cycles horaires du photovoltaïque et à la disponibilité des interconnexions pour permettre de refouler les surplus chez nos voisins. Son illustration, ci-dessous, montre ce profil journalier de modulation nucléaire à la baisse notamment pour absence de débouché économique. (page 119 figure 6-72).


Des coûts de maintenance plus élevés

Le parc nucléaire est ainsi contraint à des arrêts et une usure prématurée,selon un rapport d'E. de Vigan selon Montel news qui cite : " La modulation augmente l’effet d’usure, ce qui peut entraîner des coûts de maintenance plus élevés, ainsi que des risques accrus de pannes imprévues », indique le rapport rédigé par Emeric de Vigan, vice-président pour l’électricité chez Kpler, et Alessandro Armenia, analyste de l’énergie."

La cannibalisation du parc de production

La présence du parc éolien français s’apparente ainsi à un véritable dumping, qui plus est subventionné, en raison de son coût marginal nul qui lui donne une priorité de fait qui compromet le modèle économique du nucléaire en cannibalisant la valeur de leurs productions respectives. Ce qui entraîne de plus en plus le nucléaire à s’effacer « pour absence de débouchés économiques ».

Pour une disponibilité éolienne inversement proportionnelle au besoin.

Selon RTE "en-dessous de 15 °C, la baisse de la température de 1 °C conduit à une augmentation de l’ordre de2 400 MW de la consommation." Expliquant pourquoi les pics de consommation ont toujours lieu lors des grands froids. Ces grands froids sont souvent anticycloniques et la baisse de la production éolienne semble malheureusement corrélée avec celle des températures, comme le suggère l'illustration ci-dessous.

Source S. Zaka.