lundi 27 novembre 2017

Nucléaire : ça sent le gaz !

Nucléaire : ça sent le gaz !

Jean Pierre Riou

Le renouveau du nucléaire
En signant les contrats de participation à la construction des 2 EPR d'Hinkley Point, la Chine visait déjà 90 km plus loin, pour y construire son propre réacteur, le Hualong One.

Une étape importante vient d'être franchie ce 20 novembre pour la construction chinoise de 2 Hualong One à Bradwell.

Pour avoir déjà développé sur son réacteur VVR sur son sol, le géant Rosatom est en mesure d'empocher des contrats partout dans le monde.
Aujourd'hui, la Russie vient de préciser ses ambitions, avec son impressionnant projet d'emprise sur le Moyen Orient, où elle pense se tailler la part du lion sur les 90 réacteurs prévus d'ici 2030.
Mais surtout elle prévoit de les exploiter elle même et, dans ce sens, de prévoir d'en assurer la sécurisation militaire sur le terrain, face à la menace terroriste.
Avec les conséquences politiques qu'on imagine !

Géostratégie du gaz 
L'an dernier, Alain Juillet, Président du club de Directeurs de sécurité des entreprises (CDSE), exposait devant le Sénat les "véritables raisons de la guerre en Syrie".
Dans laquelle la France s'est peut être imaginé évincer Bachar el-Assad malgré le soutien de  son allié V. Poutine.
Les sanctions actuelles contre Russie ou Qatar ayant d'ailleurs la même odeur de gaz, si on en croit certains analystes.

Car après la guerre pour le pétrole, c'est désormais le gaz qui est au cœur de toutes les stratégies, dans lesquelles l'arrivée du gaz de schiste et l'essor du transport maritime du gaz naturel liquéfié (GNL) ont rebattu les cartes.
Or, quels que soient les scénarios de diversification d'approvisionnement envisagés, la dépendance au gaz est appelée à croitre en Europe, du fait d'une légère hausse vraisemblable de sa consommation, notamment pour remplacer le charbon dans l'indispensable backup des énergies renouvelables intermittentes . 
Mais surtout en raison de la diminution progressive de la production de gaz de l'Union Européenne et de la Norvège d'ici 2035, ainsi que cela apparaît sur le graphique ci dessous.
(Source EWI final report 2016)

L'Allemagne, la plus touchée par cette dépendance, est appelée à devenir la plaque tournante européenne d'approvisionnement du gaz. 
(Source EWI final report 2016)

Le jeu dangereux de l'Europe

Cette situation prive l'Union Européenne de la maîtrise de son destin et, malgré la diversification recherchée à travers le secours du gaz naturel liquide américain, (LNG) sa politique énergétique la livre à la merci de décisions incontrôlables du bloc critique Russie/Turquie ainsi que le décrit clairement ce rapport : "The future of the EU’s gas diversification, however, also depends on political factors that may be partly exogenous to Europe’s policy-makers. Two countries critical for EU’s gas future, Russia and Turkey, are bound to exhibit a high level of unpredictability. The domestic political context in both countries rests on an excessive degree of concentration of power around the president, which can make policy decisions highly unpredictable".

Or non seulement la politique européenne de développement des énergies intermittentes ne permet toujours pas de fermer la moindre capacité pilotable installée, mais elles détournent l'argent public vers une restructuration du réseau électrique par une quête chimérique dans laquelle les problèmes croissent plus vite que le développement des solutions supposées les résoudre.

Et nous assure de conserver notre dépendance au gaz.

Le monde de demain
La diminution progressive de la production européenne de gaz s'explique par le peu de réserves dont elle dispose, qui ne représentent que 1% des réserves mondiales. 



Tandis que Russie, Iran et Qatar en détiennent, à eux trois, plus de la moité.

Source  LE MaGAZine (voir également BP Statistical Revue June 2017)


Début novembre, la Russie et l'Iran ont signé des accords de coopération dans ce domaine.
Renforçant ainsi des liens datant de 2008 regroupant les 3 géants pour former la Toïka du gaz.

Les États Unis, encore premier producteur mondial de gaz, s'efforcent d'asseoir leur puissance en Europe, en l'inondant de son gaz de Schiste et en jouant la surenchère avec les sanctions contre la Russie.

Dans son testament politique, François Mitterrand déclarait " La France ne le sait pas, mais nous sommes en guerre avec l’Amérique. Oui, une guerre permanente, une guerre vitale, une guerre économique, une guerre sans mort apparemment. Oui, ils sont très durs les Américains, ils sont voraces, ils veulent un pouvoir sans partage sur le monde. C’est une guerre inconnue, une guerre permanente, sans mort apparemment et pourtant une guerre à mort."


La défiance européenne d'aujourd'hui envers l'atome, et tout particulièrement la propre défiance française envers le pôle d'excellence que constitue l'exception mondiale de son parc nucléaire, ouvrent le champ à un bouleversement de l'équilibre mondial.

En France, nous n'avons pas de pétrole, mais restons sous la coupe d'engagements européens du siècle dernier pour guider nos idées.
Et la Chine continuera à nous vendre éoliennes et panneau photovoltaïques jusqu'à ce que nous comprenions que la géopolitique n'est pas un long fleuve tranquille.

Lors de lendemains qui déchanteront.




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