samedi 23 novembre 2024

Perseverare diabolicum

 

Perseverare diabolicum

A l’instar du développement des énergies renouvelables, l’échec cuisant de l’ARENH illustre la difficulté de se sortir d’un bourbier qu’on a soi-même créé de toutes pièces

Jean Pierre Riou

Pour respecter les règlements de la Commission européenne, la loi du 7 décembre 2010 (NOME) a créé l’obligation pour EDF de vendre le quart de sa production nucléaire  à un tarif avantageux, sous forme d’un « accès régulé au nucléaire historique » (ARENH)  au tarif de 42 €/MWh, afin de stimuler l’essor d’une concurrence, alors quasi-inexistante, afin de lui  permettre d’investir dans ses propres moyens de production.

Quinze ans plus tard, l’incitation aux investissements des fournisseurs alternatifs est un échec cuisant pour n’avoir pas respecté les injonctions de l’Autorité de la concurrence, et les 42 €/MWh sont toujours en attente du décret prévu par la loi pour en calculer la revalorisation.

 

Une « rente nucléaire » qui dérange

 

En 2010, le parc nucléaire d’EDF, déjà amorti financièrement, lui conférait un avantage considérable sur sa concurrence encore quasi inexistante, avec à peine plus de 10 GW sur un total de 135 GW exploités sur le territoire par EDF. Cet avantage, alors nommé « rente nucléaire » fut convoité par le gouvernement Ayrault qui proposa en 2013 de la détourner au bénéfice du financement des énergies renouvelables, au lieu de permettre à EDF d’affecter le fruit de ses investissements passés dans le renouvellement de son parc.

L’esprit ARENH : un dispositif transitoire et dégressif

En 2014, l’Autorité de la concurrence rappelait  «  La durée du dispositif, près de 15 ans, ne doit pas conduire à en minimiser le caractère transitoire. En effet, cette durée, qui doit permettre l’adaptation du parc de production des concurrents d’EDF, ne paraît pas excessive au regard du temps nécessaire aux investissements importants qu’impose cette activité économique très capitalistique. Dès lors que le caractère transitoire de l’ARENH est inscrit dans la loi, il est essentiel de préparer son extinction. Dans son avis de 2010, l’Autorité insistait sur ce point en indiquant qu’il était important « que la période de régulation intègre dans son déroulement une sortie progressive du mécanisme administré d’approvisionnement mis en place, afin de revenir par étapes aux conditions d’approvisionnement d’un marché normal. » L’objectif est d’obliger les fournisseurs à se

préparer à l’échéance du 31 décembre 2025, à laquelle ils ne pourront plus se procurer de l’électricité à des conditions de prix et de volumes hors marché. À défaut, une pression forte existerait de la part de fournisseurs pour obtenir une reconduction ou une prolongation du dispositif (…), au terme de la période régulée. » (avis n°10-A-08 précité, points 58 et s.)

Dans ce but, l’Autorité avait recommandé d’inscrire dans la loi « une diminution progressive du plafond fixé pour le volume maximal d’électricité régulée, qui serait échelonnée sur la période de 15 ans ». L’article L. 336-2 du code de l’énergie, issu de la loi NOME, indique que : « Ce volume global maximal, qui demeure strictement proportionné aux objectifs poursuivis, ne peut excéder 100 térawatt heures par an.»

Un tarif réexaminé chaque année

L’article L 337-14 du code de l’énergie prévoit que « Afin d'assurer une juste rémunération à Electricité de France, le prix, réexaminé chaque année, est représentatif des conditions économiques de production d'électricité par les centrales nucléaires mentionnées à l'article L. 336-2 sur la durée du dispositif mentionnée à l'article L. 336-8. »

 

Qui tient compte de l'addition : 

« 1° D'une rémunération des capitaux prenant en compte la nature de l'activité ;

2° Des coûts d'exploitation ;

3° Des coûts des investissements de maintenance ou nécessaires à l'extension de la durée de l'autorisation d'exploitation ;

4° Des coûts prévisionnels liés aux charges pesant à long terme sur les exploitants d'installations nucléaires de base mentionnées à l'article L594-1 du code de l'environnement »

 

C'est-à-dire une évaluation « de manière prudente, les charges de démantèlement de leurs installations ou, pour leurs installations de stockage de déchets radioactifs, leurs charges de fermeture, d'entretien et de surveillance. Ils évaluent, de la même manière, en prenant notamment en compte l'évaluation fixée en application de l'article L. 542-12, les charges de gestion de leurs combustibles usés et déchets radioactifs, et les charges de transport hors site ».

 

Le dérapage des volumes

 

La CRE en dresse un bilan qui fait état de 60,8 TWh d’ARENH en 2012, l’introduction d’un volume supplémentaire, à partir de 2014 destiné à couvrir les pertes des gestionnaires de réseaux, et, après une année 2016 sans la moindre demande en raison du prix du marché qui lui était inférieur,  une augmentation progressive du volume jusqu’à 122,9 TWh en 2024.

Le cas 2022 :

 En 2022, la production nucléaire est tombée à 279 TWh en raison des nombreux arrêts préventifs de réacteurs liés au problème de corrosion sous contrainte. Cette conjoncture exceptionnelle a entraîné un solde importateur net d’électricité pour la première fois depuis au moins 1990. Cette pénurie s’est accompagnée d’une hausse considérable de demande d’ARENH qui n’ont pas pu être toutes satisfaites, mais se sont accompagnées de l’allocation de 20 TWh supplémentaires au prix de 46,2 €/MWh. », soit un total selon la CRE de 151 TWh d’ARENH en 2022, soit bien plus de la moitié de la production nucléaire d’EDF cette année là.

 

Un manque à gagner pour EDF

 

Il est édifiant de calculer le manque à gagner par rapport à l’évaluation de la Cre qui considérait que « Le prix spot base moyen pour l’année 2022 a connu une hausse exceptionnelle par rapport à 2021 pour s’établir à 275,9 /MWh en moyenne sur l’année ». En cédant 151 TWh ARENH à vil prix, c’est en effet à une hauteur de pas moins de 34 milliards d’euros qu’EDF aura ainsi contribué malgré lui au bouclier tarifaire. De son côté, EDF confirme dans son rapport d’activité 2022 « Le recul de la production nucléaire, essentiellement lié aux contrôles et réparations de la corrosion sous contrainte, a un impact estimé à - 29 137 millions d’euros en EBE (1), compte tenu des achats rendus nécessaires dans un contexte de prix de marché très élevés. »

(1)    Versus - 32 Mds€ publiés dans le CP du 27 octobre 2022 sur la base des prix à terme au 7 octobre 2022 qui ont fortement baissé depuis )

 

L’étonnante raison de la stagnation à  42€/MWh

 

Dans sa délibération du 10 février 2022 la CRE déclare :

« Depuis l'année de livraison 2012, le prix auquel EDF cède les volumes d'électricité nucléaire au titre de l'ARENH s'établit à 42 €/MWh, tel que prévu par l'arrêté des ministres en charge de l'économie et en charge de l'énergie du 17 mai 2011.
La définition d'une méthodologie de calcul du prix rendue possible par l'
article L. 337-15 du code de l'énergie n'ayant jamais été précisée, la CRE ne dispose d'aucune référence méthodologique règlementaire sur laquelle fonder son objectivation des facteurs justifiant une évolution du prix de l'ARENH. »

En effet, cet article renvoie à Article L336-10 qui stipule :

« Un décret en Conseil d'État, pris après avis de la Commission de régulation de l'énergie, précise les conditions d'application du présent chapitre, notamment : […] 2° Les conditions dans lesquelles la Commission de régulation de l'énergie calcule et notifie les volumes et propose les conditions d'achat de l'électricité cédée dans le cadre de l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique en application du présent chapitre et les conditions dans lesquelles les ministres chargés de l'économie et de l'énergie arrêtent ces conditions d'achat. »

Un décret jamais paru

En décembre 2017, la Cour des Comptes en dévoilait l’explication en écrivant : « La loi prévoit qu’un décret détermine les modalités de calcul du prix de l’ARENH (article L. 337-15 du code de l’énergie). Le projet de décret, élaboré en 2014 par la direction générale de l’énergie et du climat (DGEC), a fait l’objet d’échanges avec la Commission européenne. Ces échanges n’ont pas abouti à une solution acceptée par les deux parties sur le mode de calcul. Le projet n’a pas été modifié et le décret n’est jamais paru. Le prix de l’ARENH qui doit, d’après les dispositions de l’article L.337-14 du même code, être révisé chaque année, est inchangé à 42 €/MWh depuis 2012 ».

Ce décret aurait dû permettre, à minima, la révision annuelle de son tarif, pour tenir compte delà la simple inflation qui aurait dû porter à 52 € 2024, selon France-inflation.com, le tarif ARENH 2012 de 42 €/MWh, mais aussi de la flambée du cours du MWh en 2022 et des charges supplémentaires d’EDF liées au durcissement des normes de sûreté.

 

L’échec cuisant de l’ARENH

 

Par delà ce gel étonnant, il importe de constater les conséquences de l’absence totale de la dégressivité du mécanisme pourtant prévue. Le Rapport parlementaire 1695 de 2023 est accablant pour l’ARENH qui, au lieu d’encourager de nouveaux investissements, « met en péril la souveraineté énergétique de la France en freinant les investissements nécessaires à sa sécurité d’approvisionnement électrique. » et précise « Non seulement l’ARENH n’a pas incité les fournisseurs alternatifs à développer de moyens de production qui leur sont propres, mais en plus ce dispositif a pénalisé les investissements d’EDF par le manque à gagner et l’endettement ». Et confirme ce point en citant la Cour des comptes : « les investissements des fournisseurs alternatifs dans des moyens de production de base sont inexistants et aucun contrat de long terme n’a permis à ces derniers de préparer la fin de l’ARENH après 2025 ». Déplorant les allers-retours des fournisseurs alternatifs  entre ARENH et marché selon les fluctuations de ce dernier leur permettant des offres alléchantes à de nouveaux clients qu’ils abandonnent en disparaissant quand le marché leur est défavorable, sans avoir investi quoi que ce soit dans le système.

Le rapport cite le commentaire accablant de l’ancien PDG d’EDF H. Proglio : « Pour un industriel, l’idée même d’accepter de céder sa propre production à ses concurrents virtuels, qui n’ont eux-mêmes aucune obligation de production, est surréaliste. Nous avons fait la fortune de traders, non d’industriels »

Quand l’EDF d’avant était en avance d’un temps

Désormais le dos au mur, il est difficile d’abandonner en rase campagne la myriade de fournisseurs alternatifs inutiles et leurs millions de clients en avouant qu’on s’est trompé. Et c’est désormais la fuite en avant de quinze nouvelles années d’ARENH qui se profile, pour le plus grand profit des traders, sans que les fournisseurs alternatifs n’aient de raison supplémentaire d’investir, en se contentant de priver EDF de ses moyens de le faire.

 On trouvera alors d'autres justifications pour justifier le mécanisme de l'ARENH, ainsi qu'on évoque désormais l'urgence de répondre aux besoin d'électrification pour justifier celui du développement des EnRi, dont l'objectif premier était de sécuriser le système électrique, baisser les coûts et réduire l'impact sur l'environnement.

Comment ne pas évoquer, une fois encore, la vision de Marcel Boiteux dans Futuribles  : « Mais, après qu’à travers les siècles le pouvoir des plus riches l’ait peu à peu emporté sur celui des plus forts ne peut-on penser qu’un jour viendra où le pouvoir de l’argent sera lui-même sublimé par une forme de pouvoir dont les motivations seront plus élaborées ? […] là où monopoles naturels et coûts de transaction prévalent, réapparaîtront des entreprises publiques chargées efficacement des missions que le système du marché permet mal de remplir. 

 Alors l’EDF d’avant aura été seulement en avance d’un temps ... »

mardi 19 novembre 2024

Le pari risqué du doublon intermittent

 

Le pari risqué d'un doublon intermittent

 Jean Pierre Riou

Après 1/4 de siècle de développement, les énergies renouvelables intermittentes (EnRi) n'ont toujours pas remplacé 1 seul MW électrique pilotable installé en Europe, pour une consommation pourtant équivalente.

Si leur modèle n'est pas dénué d'intérêt au sein de mix électriques fortement carbonés, il importe de se poser la question des conséquences à long terme de leur doublon sur un parc électrique fortement nucléarisé. 

Quand bien même on en accepterait le prix et le risque qu'elles induisent sur le système électrique.


Les EnRI ne remplacent rien,

Selon Eurostat, avec 2824 TWh en 2022, la production brute d’électricité de l’Union européenne est inférieure à celle de 2004 qui était de 2908 TWh. Cette baisse est observable quels que soient les repères choisis. Dans son bilan de 2023, RTE observe d’ailleurs une baisse plus forte encore, avec la consommation la plus basse enregistrée depuis 2004, montrant que les économies d’énergie ont plus que compensé la croissance de la consommation liée à l’électrification des usages prévue, même en termes de consommation corrigée qui occulte la part de réduction liée au réchauffement des températures.



Sur la même période, les chiffres de Eurostat montrent que pas 1 MW de puissance pilotable installée  n’a pu être retirée, avec 609 GW en 2003 (puissance totale moins éolien/PV) et 638,5 GW « pilotables » en 2021 malgré les 324,7 GW éolien-solaire ajoutés à ce parc.



Les EnRi forcent la modulation à la baisse des centrales pilotables

La combinaison de ces 2 paramètres donne la mesure de l’impact des EnRi sur les centrales pilotables. Si la baisse ainsi avérée de leur facteur de charge a permis de brûler moins de combustible fossile en Allemagne, leur effet sur le parc nucléaire français demande à être observé attentivement. 

C’était prévu

En 2018 un rapport franco allemand « L’Energiewende et la transition énergétique à l’horizon 2030 » publié conjointement par AGORA et IDDRI analysait les implications croisées du développement visé en matière d’énergies renouvelables sur les parcs électriques des 2 pays. Quel que soit le réalisme de l’ambition de cette analyse en matière d’EnR, les conclusions étaient sans appel pour le nucléaire français. Le rapport notait : « En France, le développement visé des énergies renouvelables et le réinvestissement dans le parc nucléaire au-delà de 50 GW comporterait un risque important de coûts échoués dans le secteur électrique. » Et, considérant que « En 2030, un parc nucléaire maintenu à des niveaux élevés devra opérer plus fréquemment en suivi de charge, contribuant à la flexibilité du système électrique » et concluait : « Avec un parc nucléaire élevé, la production d’électricité est en hausse, mais les coûts du parc augmentent en raison d’une plus faible production ramenée à la capacité de production. De plus, ces productions supplémentaires sont vendues à des niveaux inférieurs car le maintien d’une capacité de production nucléaire plus importante a un effet dépressif sur les prix de marché de l’électricité. » Le rapport chiffre ces coûts selon la puissance installée en évaluant qu'avec 63 GW, le facteur de charge ne serait que de 71% (contre 79% à 40 GW), mais surtout que le nucléaire ne serait marginal que 27% du temps contre 74% avec 40 GW. (figure 30)

Le rapport dresse, page 86, le tableau économique, ci-dessous, de son exploitation selon les scénarios avec un prix de vente moyen de 52 €/MWh avec 40 GW contre 23 €/MWh avec 63 GW, avec, en ce cas, un bilan de moins 9 Md€ par an contre  un bénéfice de 3 Md€/an avec 40 GW.


 

Un effet déjà visible

Ce scénario prévu pour 2030 est déjà largement observable aujourd’hui, notamment sur le site de l’institut Fraunhofer dans la mesure où le nucléaire (en rouge) se trouve en bas laissant mieux apparaitre ses modulations à la baisse à chaque pic quotidien de production solaire (en jaune), 2 fois plus importantes que les baisses nocturnes liées à celle de la consommation. Cette modulation apparaît amplifiée par la production éolienne (en gris).

 



Le contre emploi du nucléaire

Par delà sa perte de rentabilité, le nucléaire doit s’adapter aux aléas de la météo, au lieu de programmer sereinement son calendrier de maintenance/rechargement en fonction des besoins, et profiter de la flexibilité du système pour rechercher les régimes optimums de chaque réacteur.

Par ailleurs, les à-coups de fonctionnement qui lui sont imposés, y compris par des arrêts complets, augmente la fatigue des différents composants du circuit secondaire (turbine, alternateur, condenseur, poste d’eau) par leurs variations de pression et de températures.

Un récent rapport du cabinet Kpler a dénoncé le risque accru de coûts de maintenance plus élevés et de pannes imprévues en raison de ces modulations.

Les liens incestueux entre EnRi et gaz

Le parc nucléaire d’EDF a permis à la France d’être 1er exportateur mondial, quasiment chaque année depuis 1990, d’une électricité parmi les moins chères et les moins carbonées d’Europe. La prolongation à 60 ans et plus, désormais envisagée pour ses réacteurs, et les EPR2 prévus permettent d’envisager d’autant mieux la prolongation de ce modèle que le monde nous envie, que l’augmentation de la consommation  par l’électrification des usages semble contenue jusqu’alors par les économies d’énergie. Les énergies intermittentes sont incapables d’apporter la moindre garantie lors des prochains pics de consommation qui sont les soirs d’hiver de grands froids anticycloniques, généralement sans vent ni soleil. L’Allemagne en a fait la cruelle expérience le 6 novembre 2024, où les 71 720 MW éoliens n’ont quasiment rien produit de la journée, tombant même à 44,2 MW à 14 h, soit un facteur de charge de 0,06%.

Par contre ces EnRi sont parfaitement capables de ruiner le modèle économique du nucléaire en obligeant la France à privilégier un backup fossile, ainsi que le prévoit l’Allemagne dans le scénario de référence de l’institut Fraunhofer, reproduit ci-dessous, qui prévoit 152 GW conventionnels de secours en 2045 contre 82 GW aujourd’hui.


 

 

mercredi 13 novembre 2024

Éoliennes et climat : posons nous au moins la question

 

Éoliennes et climat : posons nous au moins la question

Jean Pierre Riou

L’effet des éoliennes sur les vents

En août 2024, la revue SCIENCE&VIE  attirait l’attention sur les lacunes réglementaires relatives à l’implantation d’éoliennes qui privent les nouveaux parcs d’une part substantielle de l’énergie du vent et citait une étude qui compilait les différentes données sur le sujet.

Conscient de l’ampleur du phénomène, l’énergéticien allemand RWE a mené une étude conjointe avec l’expert en management du risque environnemental DNV afin d’évaluer ses pertes d’exploitation induites par la présence d’autres grands parcs éoliens lors de toute nouvelle implantation d’éoliennes en mer.

Les résultats préliminaires, publiés le 10 mars 2023, font état d’une réduction substantielle du rendement énergétique provoquée par les clusters éoliens à plusieurs dizaines de km et dont l’effet de sillage reste sensible jusqu’à des distances de 200 km et plus.

L’avis du CNRS

En 2014, le CNRS avait publié un avis sur l’impact des éoliennes sur le climat, qui se fondait sur la modélisation des puissances installées et prévues en Europe. Son étude, publiée dans Nature communications , avait modélisé 3 scénarios de développement éolien, et s’appuyait notamment sur des tests en soufflerie.  Elle avait conclu que leurs effets seraient limités sur le climat et variables selon les régions.

Cette étude avait notamment été détaillée dans Économie Matin, qui jugeait  troublant d’y trouver la prévision d’un déficit de précipitations  dans le sud est de la France, (figure d), des canicules estivales dans la péninsule ibérique et au Maroc (figure b),  une douceur hivernale peu commune dans le nord de l’Europe (figure a) ainsi que des hivers plus froids dans le sud est européen.

Dans son avis, le CNRS avait conclu « Dans ce contexte, il est nécessaire de produire de nouvelles études utilisant d’autres modèles et différents scénarios de développement de production d’énergie éolienne pour déterminer précisément quelles seront les conséquences d’un déploiement encore plus massif de l’éolien à l’horizon 2050. Une question essentielle sera d’évaluer les effets d’un doublement voire d’un triplement des puissances étudiées ici, s’agissant de l’ordre de grandeur envisageable dans les quarante prochaines années ».

Cette étude considérait notamment que « toute la structure de la couche limite planétaire est affectée par la turbulence de sillage des turbines » (In fact, the whole structure of the planetary boundary layer is affected by turbine wake turbulence,) et  faisait état d'un réchauffement net de 0,7° par décennie dans les zones fortement couvertes d'éoliennes.

L’étude RWE-DNV évoquée plus haut montre que les effets des éoliennes modernes peuvent se propager bien plus loin qu’on ne l’imaginait alors. Le scénario de référence de l’institut Fraunhofer reproduit ci-dessous montre qu’il en va de même pour l’ampleur du développement envisagé.



 

L’augmentation de la taille des machines, de leur surface balayée et des objectifs de développement visés par l’Europe, semblent devoir exiger, en préalable, que cette nouvelle étude, réclamée par le CNRS voilà 10 ans, soit enfin menée.