Peut-on encore débattre ouvertement d’une mine de lithium en France ?
Jean Pierre Riou
La crise sanitaire et, plus encore, la guerre en Ukraine, viennent de rappeler au monde occidental le danger consistant à dépendre des importations dans des domaines aussi vitaux que les matières premières ou l’énergie.
Or les minéraux critiques nécessaires à la transition électrique sont d’autant plus concernés par cette menace qu’un déséquilibre s’installe entre leur demande mondiale et leur disponibilité. Pire encore, leurs ressources sont concentrées entre les mains d’un nombre très restreint de pays au sein desquels la Chine se taille la part du lion.
Il serait irresponsable de ne pas prendre toute la mesure de la voracité en minéraux critiques qui caractérise notre modèle de transition énergétique et d’en tirer immédiatement les conséquences. Au risque d’abandonner inéluctablement l’ensemble de notre économie à la Chine.
La leçon du gaz
L’Allemagne vient de se casser les dents sur son partenariat avorté avec la Russie et la trahison de sa filiale allemande GazpromGermania qui s’est abstenue de remplir ses capacités de stockage en Allemagne [1]et en Autriche dès le début du conflit. Aujourd’hui contrainte d’importer du gaz depuis la France, l’Allemagne voit s’écrouler l’ambition d’¼ de siècle de politique énergétique devant l’amener à devenir la plate forme européenne du gaz à horizon 2035 [2] et craint même pour son propre approvisionnement l’hiver prochain.
Pour autant l’Europe n’a pas pris la mesure d’une dépendance bien plus dangereuse encore vers laquelle elle fonce tête baissée, véritable traquenard que lui tend la Chine : celui de la dépendance aux minéraux nécessaires à sa transition énergétique.
Alors qu’on prend déjà conscience du gigantisme des réseaux d’influence de la Chine dans le monde et que les ambitions chinoises d’expansion vers Hong-Kong, mais aussi vers l’Afrique et le reste du monde ne sont plus un mystère.
L’insoutenable légèreté de la transition électrique
En moins de 20 minutes, la vidéo de Documentaire et vérité [3]dessine les contours de ce piège et en chiffre l’impossible équation. Du moins l’impossible adéquation avec les objectifs actuellement poursuivis, aussi bien économiques qu’écologiques.
En mai 2021, l’Agence internationale de l’énergie avait publié un rapport [4]chiffrant le « décalage imminent entre les ambitions climatiques renforcées du monde et la disponibilité des minéraux critiques qui sont essentiels à la réalisation de ces ambitions. »
Ce qui ne signifie pas que l’écorce terrestre ne recèle pas la quantité de minéraux nécessaire à la transition électrique et numérique envisagée, mais doit faire comprendre les conséquences géostratégiques et environnementale d’un modèle énergétique qui nécessite des quantités infiniment plus grandes de ces minéraux convoités tels que le lithium, dont les besoins seraient multipliés par 42 dans le « scénario de développement durable » (SDS) ainsi que le cobalt (x21), le cuivre ou l’aluminium. Parallèlement, le recyclage du lithium n’atteint pas 1% à l’heure actuelle (rapport AIE p 34).
L’obligation de réussite
L’Europe s’est fixé la date de 2050 pour parvenir à la neutralité carbone.
La Chine, celle de 2049, qui célébrera le centenaire de la fin de son « siècle d’humiliation » (1839 1949) et qu’elle considère emblématique de sa volonté de domination sur le monde.
Pour sortir des énergies fossiles, il n’y a pas d’alternative à l’électrification des usages, que ce soit directement ou par le truchement de l’hydrogène, des batteries ou de tout autre vecteur.
Et quelles que soient les technologies retenues, les besoins en minéraux critiques seront considérables, ne serait-ce que pour le réseau électrique, dont les besoins arrivent en 2ème position après ceux des véhicules électriques et leurs batteries, qui représentent à eux seuls la moitié. (Rapport AIE page 9).
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