La CSPE ou les 3 CSPE
Jean Pierre Riou
Analyse du financement des énergies renouvelables électriques (EnRe) et des coûts induits par leur production.
Demain on rase
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La filière professionnelle des énergies renouvelables
avait répondu devant
le Sénat en 2007 que le surcoût des
énergies renouvelables ne pèserait que quelques années sur le consommateur, par
le biais de la « Contribution au service public de l’électricité »
(CSPE) en affirmant : « En
tablant sur une augmentation régulière des prix de 5 %, la contribution à
la CSPE s'avère positive jusqu'en 2015. Les consommateurs seront donc obligés
de payer plus cher pour le développement de l'éolien. Ensuite, la contribution
devient négative. Les producteurs éoliens génèrent alors une rente pour la
collectivité»
On sait désormais que la réalité est tout autre.
Pourtant, après une envolée spectaculaire, la CSPE est
désormais stabilisée depuis 3 ans au même niveau de 22,5€/MWh.
Décryptage
Chaque année, la Commission de régulation de l’énergie (CRE),
délibère en juillet sur l’évaluation prévisionnelle, pour l’année suivante,
des Charges du service public de l’énergie, dont l’acronyme est également
CSPE.
Pour l’année 2019 ces charges sont évaluées à 7,7
milliards d’€.
Avec 5,3 milliards d'euros, le surcoût lié à l’obligation d’achat des énergies renouvelables électriques (EnRe) que sont essentiellement l’éolien et le photovoltaïque représentent 68% de ces charges, ainsi que le montre l’infographie de la dernière délibération de la CRE.
Avec 5,3 milliards d'euros, le surcoût lié à l’obligation d’achat des énergies renouvelables électriques (EnRe) que sont essentiellement l’éolien et le photovoltaïque représentent 68% de ces charges, ainsi que le montre l’infographie de la dernière délibération de la CRE.
Ce surcoût représente la différence entre l’évaluation de
la rémunération de ces EnRe avec ce qu’aurait coûté la même quantité d’énergie
au prix du marché.
La CRE précise également le tarif moyen de ces achats,
pour chaque filière, dans l’annexe 1 de chaque délibération.
L’envolée des
charges et la substitution de la CSPE
C’est ainsi que le développement rapide des EnRe a fait
passer la CSPE de 4,5€/MWh en 2010 à 22,5€/MWh en 2016 sans même que cette
augmentation, qui reste limitée par la loi, soit suffisante pour compenser
l’intégralité du surcoût pour EDF, envers lequel la dette de l’État se creusait
donc chaque année, pour atteindre 5,7 milliards
d’euros fin 2015.
Il convient enfin de préciser que cette taxe CSPE est
elle-même taxé par une TVA de 20%, qui en porte le montant pour le consommateur
à 27€TTC/MWh.
Dans le même temps, la loi de finances rectificative n° 2015-1786
du 29 décembre 2015 remplaçait ce mode de financement - qui échappait au
contrôle du parlement et n’était pas conforme à la Directive européenne 2003/96
sur la taxation de l’énergie - par le « compte
d’affectation spéciale Transition
énergétique (CAS TE) »
Ce compte est également destiné à apurer la dette de l’État envers
EDF d’ici 2020. Initié en 2016 ce remboursement représente notamment 1,9
milliard d’euros au titre de 2019, ainsi que le prévoit la délibération de la
CRE évoquée plus haut.
Somme qui s’ajoute donc aux 5,3 milliards de charges 2019 liées
aux EnRe et participe à un total de 7,2 milliards d’€.
Quand une CSPE en remplace une autre
En contre partie, la CSPE a disparu au 1er janvier 2016, en étant absorbée par la Taxe intérieure
sur la consommation finale d’électricité (TICFE), perçue pour le compte des
Douanes, puis intégrée au budget de l’État.
Mais, dans le même
temps, cette TICFE se voyait rebaptisée CSPE, ce qui ne pouvait manquer
d’entretenir durablement la confusion et laisser penser que l’augmentation des
charges liées aux énergies renouvelables du service public de l’électricité
(CSPE) cessait enfin puisque la contribution à ce service public (CSPE) n’augmentait
plus depuis 3 ans sur les factures d’électricité, après avoir quintuplé en 6
ans.
L’alimentation du CAS TE
La Cour des Comptes relève cependant que pour sa première année
de fonctionnement, en 2016, ce compte spécial est resté alimenté
essentiellement par les taxes sur l’électricité (TICFE, rebaptisée CSPE).
Mais confirme que « dès
l’exercice 2017, le financement du CAS a été profondément modifié puisqu’il a
été acté que ce serait la TICPE qui prendrait le relais, essentiellement grâce
au rendement croissant associé à la contribution climat-énergie (CCE) ». C'est-à-dire de la taxe carbone.
La Cour confirme « une alimentation
quasi-exclusive du CAS par de la TICPE en 2017 » (anciennement taxe sur les produits
pétroliers), « le reste des
ressources provenant de la TICC(taxe sur le charbon) à hauteur de 1 M€ ».
Les factures d’électricité ne sont donc désormais plus concernées
par ce financement.
Pour continuer à comprendre
L’estimation de
référence pour le surcoût de l’achat des EnRe reste celle des charges du
service public de l’énergie (CSPE) figurant dans chaque délibération
annuelle de la CRE.
Pour anticiper leur évolution, la Cour des
Comptes estime dans son rapport d’avril 2018 qu’il reste 121
milliards d’euros à payer pour les seuls contrats déjà engagés jusqu’à 2018. Elle répartit la prévision annuelle de ces charges
jusqu’à 2044 dans le tableau ci-dessous, en séparant, en bleu, les charges
engagées avant 2011.
Et stigmatise ensuite la mauvaise appréciation des
conséquences financières de ces mécanismes de soutien des EnRe.
Mais le financement de ces mécanismes passe donc désormais par les taxes sur les carburants, dont la taxe
carbone, tandis que la CSPE de nos factures d’électricité est affectée au
budget général de l’État, sans que ses augmentations ne rendent compte de
l’augmentation des charges liées aux EnRe.
Subventions et justice sociale
Or ce financement des EnRe par la taxe carbone
est contraire aux principes
économiques d’efficacité et de justice sociale de cette taxe.
Les Gilets Jaunes sont la conséquence du premier, l’inefficacité de la tentative de décarbonation d’un système électrique qui l’est déjà depuis ¼ de siècle illustre le second.
En finançant ainsi les EnR par la taxe carbone, tout comme il le faisait d'ailleurs via la CSPE, le Gouvernement ne lève pas l'argent public de sa politique énergétique par un impôt égalitaire et contrôlé par le Parlement, mais par une taxe dont il bafoue les principes au détriment de la justice sociale
Les
économistes s’accordent en effet sur la nécessité de privilégier la force de
son signal-prix en préconisant la redistribution intégrale de son
produit vers les ménages afin
d’éviter ses effets
punitifs sur le pouvoir d’achat et leurs conséquences néfastes sur la reprise
économique. C’est
ainsi
que 3589 économistes américains dont 27 lauréats du Prix Nobel ont signé une déclaration considérée la
plus large de l’histoire de l’économie pour rappeler les principes de base d’une
taxe carbone efficace. Le 5ème stipule : « Pour maximiser l'équité et la viabilité politique d’une taxe
sur le carbone croissante, tous les revenus doivent être retournés directement
aux citoyens (des États-Unis) par le biais de rabais forfaitaires égaux. La
majorité des familles (américaines), y compris les plus vulnérables, doit
bénéficier financièrement de davantage de "dividendes du carbone" que
celles ci n’en paient du fait de l’augmentation des prix de l'énergie. »
C’est
pourquoi la majorité
des économistes conviennent, de façon plus explicite, « qu’une taxe efficace se caractérise également par : «…(3) l’interdiction de subventionner des
sources d’énergie de remplacement, y compris des sources renouvelables telles
que l’énergie éolienne et solaire ».
L’affectation de cette taxe aux
subventions des énergies renouvelables a donc le double inconvénient d’alourdir
la charge fiscale affectant les ménages tout en finançant des choix politiques
contestables.Les Gilets Jaunes sont la conséquence du premier, l’inefficacité de la tentative de décarbonation d’un système électrique qui l’est déjà depuis ¼ de siècle illustre le second.
En finançant ainsi les EnR par la taxe carbone, tout comme il le faisait d'ailleurs via la CSPE, le Gouvernement ne lève pas l'argent public de sa politique énergétique par un impôt égalitaire et contrôlé par le Parlement, mais par une taxe dont il bafoue les principes au détriment de la justice sociale
Épilogue
Les mécanismes de financement des énergies intermittentes
ne représentent que la partie apparente des surcoûts qu'elles génèrent.
En effet, l’impossibilité de stocker leur production à
grande échelle, pour un coût acceptable par la collectivité, leur interdit departiciper au dimensionnement du système électrique en remplaçant quelque
puissance programmable installée que ce soit.
Or, ces centrales programmables, chargée de compenser les
périodes sans vent ou sans soleil, doivent s’effacer dès que les conditions
météorologiques redeviennent favorables.
Et la réduction de production ainsi imposée aux centralesnucléaires à chaque performance des éoliennes représente un considérable manque
à gagner en regard des quelques 10 euros/MWh de combustible économisés.
D’une manière ou d’une autre, cette perte de rentabilité ne
peut qu’être facturée aux contribuables/consommateurs puisque EDF appartient à l’État,
pour 83,7% (au 31 décembre 2018).
Ce n'est pas demain que l'énergie éolienne sera économique.
Mise à jour du 28/10/2020 :
"A partir de 2021 : l’article 89 de la loi de finances pour 2020 supprime le compte d’affectation spéciale transition énergétique à compter du 1er janvier 2021. Les dépenses jusqu’à présent exécutées sur ce CAS et financées par une fraction de la TICPE et de la TICC sont désormais à la charge du budget général. Toutes les charges de service public de l’énergie évaluées par la CRE sont réunies dans un unique programme composé de ces charges, le programme 345 « Service public de l’énergie » dans son nouveau périmètre.
Les charges de service public sont évaluées chaque année par la Commission de régulation de l’énergie (CRE pour l’année suivante avant le 15 juillet. Les charges au titre de 2021 du service public de l’énergie ont été évaluées à 9135,4 M€ au titre de l’année 2021, soit 12% de plus que le montant constaté des charges au titre de l’année 2019 (8151,1 M€)"
Les charges de service public sont évaluées chaque année par la Commission de régulation de l’énergie (CRE pour l’année suivante avant le 15 juillet. Les charges au titre de 2021 du service public de l’énergie ont été évaluées à 9135,4 M€ au titre de l’année 2021, soit 12% de plus que le montant constaté des charges au titre de l’année 2019 (8151,1 M€)"
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