dimanche 9 avril 2017

Sortir du nucléaire

La politique de la preuve


Comment sortir du nucléaire autrement que les pieds devant


La peur du progrès?
Parmi les évolutions technologiques du siècle dernier, 2 révolutions majeures ne manquent pas de points communs, par les perspectives qu’elles permettent et par la peur qu’elles inspirent.

Malgré l’appréhension qu’il suscite, le transport aérien a évité des centaines de milliers de morts, du moins, à nombre égal de passagers au kilomètre.

Et l’énergie nucléaire est de loin celle qui a provoqué le moins de morts par milliard de MWh produits.



Et c’est en toute logique qu’un rapport 2013 de l’Institut Goddard de la NASA considère que l’énergie nucléaire aurait déjà évité 1,8 million de morts dans le domaine de l’énergie.
De même, malgré ses 140 000 morts depuis les premiers vols de 1918, le transport aérien a apporté de la sécurité dans les déplacements.

Dans l'inconscient collectif, pourtant, l’un comme l’autre suscitent des réflexes archaïques d'anxiété : le transport aérien pour le fait qu’il nous mène dans les airs, l’énergie nucléaire pour celui qu’on n’en voit pas les radiations.

Le risque zéro
Ni l’un ni l’autre ne peut d'ailleurs exclure l’occurrence d’un accident majeur, les conséquences d’un accident nucléaire n'ayant pas grand chose à envier à celles du crash d'un gros porteur sur une capitale.

Ce qui légitime la volonté de chercher à se passer des services de l'une comme de l'autre de ces technologies et de les remplacer par des solutions alternatives.
Mais viendrait il pour autant à l’idée de quiconque de remplir 2 fois moins les avions et compenser par des trajets automobiles pour prétendre avoir divisé ce risque par 2 ?
C’est pourtant strictement ce que propose la loi de transition énergétique pour la croissance verte (LTECV).

Vouloir fermer ne serait ce qu'un seul réacteur grâce à des centrales intermittentes éoliennes/photovoltaïque d'une puissance équivalente à la totalité du parc nucléaire n'est pas insensé, bien qu'une saine politique de gestion des risques se doive de mettre en regard les quelques 23 milliards d'euros annuels du surcoût de ce choix (c.f. EEG allemand) avec les domaines de la gestion du risque dans lesquels ces sommes n'auront donc pas été investies.

Le bilan zéro
Mais qu’on ne s’y trompe pas, les énergies intermittentes qui prétendent sécuriser le domaine énergétique n’ont encore jamais permis de fermer la moindre centrale pilotable depuis plus de 15 ans, ni en Allemagne, où les seuls 11,6 GW nucléaires supprimés ont été largement remplacés par + 6 GW de biomasse et + 8 GW de gaz, ni en France, où les seuls 3,2 GW thermiques (charbon) supprimés  correspondent aux 3 GW libérés grâce à l’usine Georges Besse 2 en 2013, les quelques 2 GW de biomasse faisant le reste par rapport aux années antérieures, ainsi que cela est expliqué dans http://lemontchampot.blogspot.fr/2017/02/la-raison-detat.html.
Il n’en va pas autrement au niveau européen, où les quelques 6 GW fossiles supprimés depuis 2011 sont largement compensés par ces 3GW de Georges Besse 2 en 2013 et par l’augmentation de la biomasse, dans le même temps.

Source entsoe l'électricité en Europe

La présentation biaisée du bilan
Et jusqu'alors, le développement de l’intermittence n’aura encore permis que de diminuer le taux de charge des moyens pilotables, ainsi que cela est détaillé pour chaque filière dans
http://lemontchampot.blogspot.fr/2017/03/ubu-chez-les-allemands.html.

Stratégie équivalente, transposée dans le transport aérien, à un moindre remplissage de chaque appareil sans la moindre modification du nombre de vols. En plus de l'augmentation du risque pour les passagers acheminés par un autre moyen, le principal effet de cette politique serait de priver l'exploitant des moyens de la sécurité de ses appareils.

Le risque de rupture
En janvier dernier, la France a frôlé la rupture d'approvisionnement, avec moins de 1% de marge de sécurité le 25 à 19h. Malgré plusieurs réacteurs arrêtés sur décision de l'autorité de sureté nucléaire, (ASN), le parc nucléaire assurait un taux de charge de 89,5%, tandis que l'absence de vent avait fait tomber celui du parc éolien à moins de 13% de sa puissance installée, l'éolien allemand, à la même heure, faisait 2 fois moins bien encore avec 7,6%.
Quant au photovoltaïque, à 19 h, il était bien sûr à 0% dans nos 2 pays.

Les limites de l'intermittence
Et pour envisager de se passer du moindre MW pilotable installé, il faut être conscient que l'unique choix réside dans son remplacement par un autre MW pilotable, ou la réduction de la marge de sécurité.
Si des pays comme l'Allemagne peuvent prétendre qu'au bout du compte moins de CO2 aura été émis, ce que conteste d'ailleurs l'analyse des facteurs de pollution dont aucun compte n'est tenu, a-t-on seulement réalisé les 3 conséquences inéluctables du suivi de charge que s’apprête à subir le parc nucléaire pour lisser la production éolienne ?
1° Fragilisation de la partie conventionnelle des réacteurs
2° Augmentation de la quantité de déchets radioactifs
3° Perte de rentabilité pour EDF

La France étant le seul pays où les pièces les plus sollicitées par le suivi de charge (circuit conventionnel, générateur de vapeur...) sont surdimensionnées pour permettre à la plupart des réacteurs de moduler rapidement leur production.
(Source SFEN)
Cette perte de rentabilité, due à une diminution de la production pour un coût d’exploitation des réacteurs équivalent, privant ainsi EDF des moyens de leur sécurité, de leur renouvellement et de leur démantèlement.
Cachez ces déchets que je ne saurais voir
Qu’on l’ait voulu ou non, nous sommes en plein vol et la question n’est pas de savoir si nous voulons, ou non, gérer les déchets nucléaires, mais, dans un premier temps de trouver la meilleure solution pour les retraiter, les stocker et les éliminer.
Et non se contenter de dire où il ne faut pas les mettre sans suggérer d’alternative.
Et les marchands d’angoisse, qui en font d’ailleurs un fonds de commerce, ont beau jeu de manipuler l’opinion en agitant le spectre de leur dangerosité.
Les fonds privés se sont désormais emparés aussi bien de l’énergie nucléaire et des espoirs suscités par ses nouvelles générations, que du transport aérien et ses débouchés vers la conquête spatiale.
que , accusée de tous les maux, est devenue la victime expiatoire d’une étrange conception de l’écologie.

What Works
France Stratégie vient de publier un rapport sur l'initiative des "What Works" britanniques, dont l'innovation consiste à ne plus se contenter d'évaluer la pertinence d'une politique publique, mais de s'efforcer de quantifier "ce qui marche" et prouve son efficacité.
Ce que France Stratégie nomme "la politique de la preuve".
La question n'étant pas, en effet, de savoir si on s'approche des objectifs de 20%, 37% ou 50% d'énergies renouvelables mais bien de regarder si cette augmentation apporte un quelconque avantage, notamment en équivalent de réacteurs nucléaires que l'on peut fermer en contre partie.

Or, non seulement un quart de siècle de développement de l'intermittence n'a toujours pas permis de fermer quoi que ce soit, mais le suivi de charge imposé au parc nucléaire ne fait qu'en augmenter le risque.

Privilégier l'alternative pérenne
En attendant de pouvoir fermer le moindre des réacteur nucléaires de la génération actuelle, une politique de la preuve doit imposer de les sécuriser et de favoriser la recherche vers une alternative pérenne, dont les perspectives permettent même éventuellement de recycler les déchets nucléaires.
le financement de solutions qui n'ont toujours pas permis de remplacer quoi que ce soit nous éloigne de l'avènement de cette alternative, ainsi que le remarquait Claude Mandil, ancien Directeur de l'Agence internationale de l'énergie.*
"Mais que proposez-vous à la place ?"
Apparaît la question la plus stupide que pourrait poser celui qui, par peur de l’accident, proposerait d’éjecter le pilote en plein vol.
Avec "trouvez vous le nucléaire préférable?", en matière d’énergies renouvelables, cette question fait pourtant office d’argument suprême.



* Claude Mandil : 
"A-t-on au moins permis de progresser sur l’autre objectif, la préparation d’un avenir alimenté par les seules énergies renouvelables ? En réalité, on a fait le contraire. Alors qu’il fallait intensifier les efforts de recherche pour faire émerger les technologies les plus performantes pour demain, on a cru bon de passer immédiatement à la production d’électricité à grande échelle avec les technologies d’aujourd’hui. On dépense des dizaines de milliards pour installer en mer des éoliennes de technologie classique, donc non susceptibles de progrès spectaculaires, au lieu de favoriser la recherche sur des technologies nouvelles dont certaines (pas toutes) pourraient émerger à moyen ou long terme. Et pourquoi les opérateurs se fatigueraient-ils à innover puisque la garantie d’un tarif leur procure des revenus assurés à l’abri de toute concurrence ?
On nous répète à l’envi que la protection de la planète n’a pas de prix. C’est vrai.
Malheureusement elle a un coût, ce qui n’est pas la même chose. C’est pour avoir oublié cette vérité que nous investissons sans sourciller dans des technologies qui coûtent 600 € par tonne de CO2 alors que des technologies existent en abondance entre 50 et 100 € par tonne."



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