Arsenic, plomb et oxydes d’azote : la face cachée des émissions
allemandes
Jean Pierre Riou
Source Energy Charts
Rappel sur le charbon
Le charbon est
la cible des politiques climatiques, notamment allemande, qui en ont limité
directement les émissions par plusieurs actions :
La modernisation des
centrales électriques à charbon qui permet d’en diminuer la consommation ainsi
qu’en réduire les facteurs de pollution.
Sa suppression
dans l’autoconsommation électrique des secteurs minier et manufacturier au sein desquels le charbon a
pratiquement disparu avec 0,3 GW
en 2015 contre 2,9 GW en 2011, ainsi que le précise le site Energy
Charts.
Son remplacement
partiel au sein de filières telles
que la cimenterie qui en remplace une
part croissante par l’utilisation de déchets économisant autant
d’équivalent charbon
Mais aussi au sein de la sidérurgie, où le remplacement
des hauts
fourneaux par les aciéries électriques, et surtout, la déferlante
de l’acier chinois se chargent de diminuer la consommation de charbon du
secteur.
La délocalisation,
effet « pervers » des contraintes anti pollution et de l’élévation du
coût de l’énergie, qui a entraîné la suppression d’une part importante des
activités sur les territoires nationaux, permettant une baisse des émissions
sur place, mais largement compensée par
celles émises ailleurs, une fois délocalisée.
Cette délocalisation explique, pour une large part, la
baisse spectaculaire des émission du secteur de l’industrie manufacturière.
Production d’électricité
Le cas de la production d’électricité demande une
attention particulière afin de différencier la part de réduction des émissions liée à chacun
des trois leviers suivants :
La modernisation des centrales le remplacement
du charbon par d’autres capacités installées, les effets du couplage avec des
moyens intermittents tels qu’éolien et photovoltaïque des centrales à
charbon dont on cherche à réduire les émissions.
Car l’intermittent
ne remplace toujours pas le pilotable :
En l’absence de technologies de stockage à grande échelle
pour un coût acceptable par la collectivité, le développement des énergies
intermittentes telles que l’éolien et le solaire n’a jusqu’alors permis que de
jouer sur les facteurs de charge des centrales conventionnelles, sans pour autant permettre de fermer la
moindre d’entre elle.
Cette conclusion a été mise en évidence dans « Ubu
chez les allemands » qui précise les effets sur la seule réduction du
facteur de charge des centrales à gaz et à charbon, tandis que celles au
lignite continuent à fonctionner en base.
Couplé au nucléaire, l’intermittent augmente
les risques et les déchets.
Couplé au fossile l’intermittent biaise
les données en augmentant les facteurs de pollution.
L’intermittent et facteurs
de pollution
En effet, les régimes chaotiques imposés aux centrales
thermiques ne s’accompagnent pas de la réduction des émissions qu’un calcul
sommaire pourrait évoquer en se contentant de prendre en compte la seule quantité
d’électricité produite et non la réalité des émissions lorsque ces centrales
fonctionnent par à coups et en régimes partiels.
Or, ces émissions
ont des conséquences bien plus immédiates que le réchauffement de la planète
Mortelle pollution
La seule centrale allemande au lignite de Jänschwalde, en
effet, rejette chaque année dans l’atmosphère quelques 570 tonnes de particules fines d’un diamètre inférieure
à 10 microns (PM 10), 18 000 tonnes d’oxydes d’azote, autant d’oxydes de
souffre, 12 000 tonnes de monoxyde de carbone, 80 tonnes de chlore, et quantité de métaux lourds tels que 130 kg
d’arsenic, 900 kg de plomb, 400 kg de mercure et autant de nickel, cuivre ou
chrome.
Sans préjudice des gaz spécifiquement considérés « à
effet de serre », comme ses 23 millions de tonnes de CO2, soit, pour ce
dernier, plus à elle seule que l’ensemble du système électrique français.
L’OMS dénonce le
« lien étroit et quantitatif entre
l’exposition à des concentrations élevées en particules (PM10 et PM10
et PM2,5 ) et un accroissement des taux de mortalité et de
morbidité, au quotidien aussi bien qu’à plus long terme »
Le lien entre la concentration en oxydes de souffre et la
mortalité a été mis en évidence.
On sait également que les métaux lourds s’accumulent dans
l’organisme et affectent le système nerveux, les fonctions rénales, hépatiques
et respiratoires et que l’arsenic, comme le nickel ou le cadmium sont reconnus « cancérogènes
certains »
Pour l’OMS, le
plomb se diffuse dans l’organisme pour atteindre le cerveau, le foie les reins,
les os … Il n’y aurait pas de seuil en dessous duquel lequel l’exposition au
plomb serait sans danger.
On sait également que l’absorption simultanée de plomb, cuivre
ou zinc accroit la nocivité du mercure, lui-même déjà toxique à très faibles
doses.
Source Energy Charts
Pour la petite histoire, EPH, la compagnie tchèque qui a
récemment racheté la centrale de Jänschwalde, a formé une action
en justice contre les nouvelles règles antipollution destinées à protéger
le climat, mais surtout la santé des allemands.
La mort par le
charbon
Le rapport Europe’s Dark
Cloud, évalue à 22 900 le nombre de décès provoqués en
2013 par le charbon en Europe.
Chiffre considérable à mettre en parallèle avec les
26 000 décès provoqués par les accidents de la route.
Le charbon allemand serait responsable de 1860 décès sur
son propre sol et 2490 hors de ses frontières, dont 490 rien qu’en France, chaque
année.
Car ce n’est pas, en effet, aux environs immédiats, mais
après avoir voyagé en se combinant avec d’autres polluants environnementaux
tels que l’ammoniac, que les émissions du charbon sont les plus toxiques, ainsi
que l’a montré une
étude de l’Institut de Stutgart, comptabilisant les polluants spécifiques
de chaque centrale allemande.
L’étude considérait l’augmentation de la mortalité dans
un rayon de 700 km.
Et tandis que l’OMS préconise notamment pour les
particules inférieures à 10 microns (PM 10), les seuils critiques à ne pas
dépasser, de quelques microgrammes par mètre cube d’air (µg/m3), c’est par centaines
de tonnes que chaque centrale au lignite déverse ces particules chaque année.
Zones à évacuer
Quantité de méta-analyses couvrant des centaines de
villes ont mis en évidence un lien étroit entre l’augmentation de différents
polluants atmosphériques et l’accroissement de la mortalité.
Bertrand Barré en analyse plusieurs dans son étude
pour Sauvons le Climat et mentionne une augmentation comprise entre 0,4% et
1,5% de mortalité lors d’une augmentation de 10µg/m3 de PM2. Ou 20µg/m3 de
PM10.
D’autres
études mettent en évidence le même type de corrélation avec SO2 ou NO2.
Une telle augmentation du risque de décès prématuré est
bien supérieure à celle retenue pour entrainer l’évacuation en cas d’accident
nucléaire.
A Fukushima, c’est le seuil de 20
mSv qui a été retenu pour évacuer des zones entières, tandis que 6 ans
après, aucun indice ne permet toujours de constater la moindre anomalie
statistique sur les millions de personnes suivies, ni sur les 300 000 thyroïdes
d’enfants.
Un regard sur la seule
pollution aux PM 2,5 (et le calcul de correspondance de
son indice) met en évidence qu’une telle précaution exigerait l’évacuation immédiate de la quasi-totalité de l’Asie,
le risque sanitaire y étant bien plus grand que dans les zones évacuées de
Fukushima.
Il faudrait également évacuer une bonne partie de l'Europe, notamment la plupart des grandes villes.
On sait parfaitement que les centrales allemandes
augmentent significativement la mortalité dans un rayon considérable.
A partir de combien d’années de vie perdues dans la zone
considérée devrait on notamment évacuer les environs de chacune d’elle ?
(Illustration : estimation des années de vies perdues autour de la centrale à charbon de Datteln en raison de ses émissions : Université de Stutgart)