mardi 20 décembre 2016

Le prix de l'intermittence

Le prix de l'intermittence

Jean Pierre Riou

Au 30/11/2016, 11 292MW éoliens étaient raccordés au réseau au réseau.

La quasi totalité de ces éoliennes est branchée sur le réseau de distribution, moyenne et basse tension (MT et BT entre 20 000 et 230 volts) qui est géré par ENEDIS (ex ERDF).

Quelques 637MW en sont cependant branchés sur le réseau public de transport d'électricité (RPT), composé de lignes à  très haute et haute tension (THT et HT entre 400 000 et 63 000 volts) que gère RTE.
Des postes de transformation se trouvant à l'interconnexion entre ces réseaux.


Source RTE http://www.rte-france.com/fr/article/apercus-electriques-mensuels
 
ENEDIS, publie en temps réel ses données de réseau: sur http://www.enedis.fr/le-bilan-electrique-erdf
Qui indique, notamment, la production éolienne sur son réseau:

Laquelle, de façon logique, légèrement inférieure aux chiffres RTE.

L'importante variation aléatoire de la puissance éolienne interdit cependant à la plus grande partie de leur production d'être consommée localement, ainsi que cela semble apparaitre par la comparaison de cette production avec la puissance refoulée au même moment par ENEDIS vers le réseau de RTE.

 Ces deux variables étant strictement corrélées.

Plus on onsidère l'énergie éolienne sur un plan local, et plus l'amplitude de la variation de sa puissance est importante.
C'est ainsi que, même à l'échelle d'un territoire comme l'Irlande, la puissance éolienne peut tomber strictement à 0...et même à des chiffres négatifs, puisque les servitudes des machines (extracteurs, pompes hydrauliques, chauffage des pales en régions froides...)fonctionnent en permanence.
Ainsi que l'illustraient les éoliennes irlandaises le 20 octobre dernier.

http://www.eirgridgroup.com/how-the-grid-works/system-information/

Leur "courbe" de puissance n'ayant guère décollé du 0 MW ce jour là, avec même une incursion dans les valeurs négatives (moins 2 MW) en fin d'après midi!

C'est à cause de cette grande variabilité de sa production que l'éolien est tout sauf une énergie locale et qu'il demande des milliers de lignes électriques supplémentaires pour permettre de refouler toujours plus loin ses surproductions, en les faisant remonter vers des lignes de plus haute tension.
C'est ce que relève le rapport Derdevet, chargé d'analyser les contraintes à venir pour les réseaux de transport d'énergie.

http://www.elysee.fr/communiques-de-presse/article/rapport-derdevet/

Ce rapport attire l'attention sur le cas de la seule Allemagne, qui demande, selon le scénario envisagé, entre 132 000 km et 280 000 km de nouvelles lignes électriques et entre 43 GW et 130 GW de capacité de transformation afin de permettre de refouler toujours plus ces excédents aléatoires vers des lignes de plus haute tension. (p 45 du rapport)

Actuellement, ce sont les marges de sécurité qui sont réduites par la congestion du réseau en raison du transit inopiné de ces flux indésirables.

Notamment les flux allemands (non nominés, ou loop flows) qui diminuent les capacités disponibles de nos lignes en y déversant leurs surplus éoliens venant du nord pour les acheminer vers le sud de leur territoire.

Source France Stratégie: l'Union de l'énergie

Les avantages de cette course vers toujours plus de mutualisation des ressources, des besoins, mais aussi des problèmes, semble fort limitée par un paramètre incontournable : l'absence d'avantage d'une mutualisation des ressources.
L'amplitude de variation de la puissance éolienne restant en effet considérable, même au niveau européen.

Source étude de Sauvons le Climat.

Pour faire face aux "patates anticycloniques" qui privent l'Europe de vent, il reste nécessaire de conserver l'intégralité des centrales "pilotables, c'est à dire celles qui fournissent du courant quand on tourne un bouton.
Mais à l'inverse, les énergies intermittentes entraînent donc la principale difficulté de se débarrasser de leurs surplus aléatoires dès que le vent souffle, quitte à payer pour cela, comme le montre la corrélation entre la production éolienne allemande et le cours du MWh qui atteint des valeurs négatives lors des records éoliens.

Mais si ces surproductions inutiles cassent les cours sur le marché du MWh, les diverses compensations versées aux producteurs (tarifs d'achat, compléments de rémunération, mécanisme de capacité...) s'ajoutent, sur la facture du consommateur aux surcoûts de la restructuration du réseau lui permettant de refouler l'intermittence de production.

Ce qui explique la stricte corrélation entre la capacité installée en éolien/photovoltaïque par habitant et le prix de l'électricité au détail, comme le montre le graphique ci dessous.

Source http://euanmearns.com/an-update-on-the-energiewende/
 
En regard du matraquage médiatique sur les vertus des énergies renouvelables, il est troublant de ne pas trouver un mot dans la presse française pour saluer l'exploit du réacteur WEST qui vient d'obtenir son 1°plasma en France, dans le cadre du projet mondial de fusion nucléaire ITER.

Le silence est tout aussi assourdissant sur l'entrée en fonctionnement commercial du réacteur russe de 4° génération "BN 800", couronné du prix de la meilleure centrale nucléaire au monde par la presse américaine et ...qui dérive de la technologie de Superphénix, arrêté après sa meilleure année de fonctionnement pour raison électorale. Ce réacteur propose pourtant une avancée considérable dans la gestion des déchets nucléaires.

Est il donc si évident que l'énergie de demain ne sera pas pilotable pour injecter une telle part de l'argent public dans des infrastructures dont le seul objet est de tenter de supporter les effets de l' intermittence?

En tout état de cause, ces surcoûts considérables doivent actuellement être intégrés lorsqu'on compare la valeur d'un MWh intermittent avec celle d'un MWh pilotable.






3 commentaires:

  1. Merci pour cet exposé clair et accessible pour un béotien...

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  2. Je suis trop révolté pour poster un commentaire. J'aurais tout un livre à écrire, que je pourrais résumer ici. Même si on me donnait de la place, il ne serait jamais publié. En ce moment, depuis quatre ou cinq ans, la vérité n'a pas la cote, et elle peut coûter cher à ceux qui l'expriment, et même à ceux qui la laissent s'exprimer par d'autres.

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