Perception des infrasons et sensation
d’angoisse :
L’absence de corrélation avec
l’éloignement de la source.
Jean Pierre Riou
La modulation d’amplitude du bruit éolien, liée au rythme du
passage des pales devant le mât, semble le principal critère de gène pour les
riverains, ainsi que le suggère le récent rapport
du groupe d’experts INWG présenté par le député britannique Chris Heaton
Harris.
La valeur de son émergence est déterminante et dépend de
nombreux facteurs dont la distance d’éloignement entre éoliennes et maisons.
Pour autant, cette corrélation entre l'importance de la gène ressentie et la distance, ou
la valeur du bruit, ne semble pas s’appliquer à tous les
critères de gène.
En effet, parmi les nombreux
symptômes rapportés par la littérature médicale, les sensations d’angoisse
sont récurrentes.
Deux études en mettent le mécanisme physiologique en lumière
et suggèrent l’absence d’une telle corrélation:
En 2006, Alec Salt décrivait la physiologie de la perception
des infrasons, grâce aux cellules ciliées externes (Outer Hair Cells)
Il décrivait la transmission au cerveau de leur signal infrasonore par
un type spécifique de fibres nerveuses (type II) composées de cellules
granulaires.
(A.Salt “Responses of the Inner Ear to
Infrasound”)
Il montrait, sur ce
même tableau (en haut à droite), que la réception de ces infrasons par le
cerveau entraînait un état d’attention et d’alerte physiologique.
C’est cette
perception qui permet au monde animal de fuir un tremblement de terre, un
incendie, la charge d’un troupeau ou l’arrivée d’un orage.
L’histoire
contemporaine a rappelé le sentiment d’oppression panique provoqué par le
grondement lointain d’un régiment de blindés dans le silence nocturne, bien
avant même que quiconque ait compris de quoi il s’agissait.
En effet, les
infrasons, qui accompagnent les mouvements du sol ou le grondement du ciel se
propageant à des dizaines de kilomètres sans que rien, quasiment ne puisse les
atténuer, entraînent des réactions physiologiques (accélération du cœur,
dilatation des pupilles, élévation de la température…) qui permettent de favoriser
la fuite, ou d’ailleurs l’évanouissement, qui est une forme de fuite.
Ces comportements
réflexes archaïques pourraient probablement justifier les réveils nocturnes
brutaux, accompagnés de suées et de bouffées d’angoisse régulièrement rapportés
par les riverains d’éoliennes.
Et il ne s’agirait alors
pas d’un problème d’intensité du signal sonore, mais de d’immersion dans un
environnement perçu inconsciemment comme hostile et d’autant plus difficile à
gérer que ces vibrations et infrasons semblent provenir de la structure de la
maison (qui les amplifie) et même de la propre structure corporelle, sans la
possibilité d’identifier une source familière, comme le passage d’un train ou
d’un avion. Ces riverains évoquant souvent un « avion qui ne se pose
jamais » ou des vibrations plus ressenties qu’entendues.
Rappelons, à ce sujet, les
travaux du Professeur Allan Hedge
de l’Université de Cornell pour qui : « Quand un objet vibre à sa propre fréquence, l’amplitude de la
vibration est supérieure à l’amplitude de la source.
Les vibrations entre 0.5 et 80Hz ont des
effets significatifs sur le corps humain.
Les vibrations entre 2.5 et 5Hz ont une
forte résonance dans les vertèbres avec une amplification supérieure à 240%....
Les vibrations peuvent créer un stress
chronique et parfois un dommage permanent aux organes. »
Remarque: depuis la publication de l'article, l'ouverture du lien réclame malheureusement un mot de passe.
Ces travaux d'Allan Hedge sont cités par Lynne Knuth, PhD, dans sa communication à la Commission de service public du Wisconsin psc.wi.gov/apps35/ERF_view/viewdoc.aspx?docid=133326
Ces travaux d'Allan Hedge sont cités par Lynne Knuth, PhD, dans sa communication à la Commission de service public du Wisconsin psc.wi.gov/apps35/ERF_view/viewdoc.aspx?docid=133326
En juillet 2015, un
groupe international d’experts s’est penché sur les effets sanitaires éventuels
de ces « sons inaudibles ». Leurs travaux ont été coordonnés, dans le
cadre du « Programme européen en recherche et métrologie » par le
Physikalisch-Technische
Bundesanstalt (PTB) allemand.
La revue
d’acoustique « The
Hearing Review » en a rapporté les principales conclusions.
Après avoir procédé
à des IRM et Magnétoencéphalographies les chercheurs ont mis en évidence que la
perception humaine de sons se situait bien en dessous (une octave complète) de ce qu’on
croyait jusqu’alors.
Ces enregistrements
ont matérialisé le fait que les sons considérés inaudibles jusqu’alors sont
bien perçus par le cerveau et génèrent des émotions liées à leurs fréquences.
Selon l’acousticien
responsable du projet, Christian Koch, les caractéristiques des éoliennes
seraient suffisantes pour provoquer ces effets et il serait erroné de se
contenter de l’affirmation que le niveau de leurs infrasons est inférieur à
celui de l’audition.
D’autre part, ces infrasons sont perçus d’autant mieux que
le signal sonore contient moins de fréquences supérieures. A. Salt l’avait
notamment mis en évidence en enregistrant la réponse cochléaire à un stimulus
de 5 Hz, puis en lui adjoignant un stimulus de 500 Hz.
Cette dernière tonalité ayant supprimé la réponse au
stimulus de 5 Hz.
Cette constatation explique que des riverains sont d’autant
plus gênés que le milieu ambiant est plus calme, et que la gène ressentie peut
être souvent bien supérieure à 1km qu’à 500m, du fait qu’avec l’éloignement, la
puissance des hautes fréquences s’atténue infiniment plus que celle des
infrasons et que le riverain ne perçoit plus que ces infrasons, débarrassés des
autres fréquences.
De même, la présence d’un trafic routier peut rendre la
situation supportable alors qu’elle peut ne pas l’être pour certains à
plusieurs kilomètres dans le silence complet.
Ambrose et Rand
en ont d’ailleurs fait le constat radical dans
l’étude Mc Pherson en ces termes : « The dBA levels were inversely
correlated to adverse health effects experienced » (les
niveaux en dBA étaient inversement corrélés avec les effets sanitaires ressentis).
La pondération A des mesures rendant compte essentiellement
de la puissance des fréquences supérieures, ce constat confirme que la
perception des infrasons et de leurs effets sanitaires diminue avec
l’augmentation du bruit audible, exprimé avec la pondération A (dBA).
Concernant la caractéristique anxiogène de l’exposition
chronique aux éoliennes, il ne semble donc pas que la distance soit le
paramètre essentiel, tandis que les critères géologiques et topographiques et,
plus encore, l’absence de bruit résiduel apparaissent déterminants.
C’est d’ailleurs le sens de la motion du 118ème congrès
des médecins allemands qui a attiré l’attention sur les effets
potentiels sur la santé des infrasons éoliens dans un rayon de 10km.
En tout état de
cause, il serait incorrect de chercher à disculper les éoliennes au motif que
leurs infrasons sont inaudibles, ou que la gène occasionnée n’est pas corrélée
avec la distance ou avec la valeur du bruit ambiant.
Force est de constater que c'est pourtant le principal argument opposé aux milliers de témoignages de souffrances.
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