lundi 30 décembre 2024

« C’est la foudre nordique qui s’abat sur l’Energiewende » JP Riou (Interview)

 

« C’est la foudre nordique qui s’abat sur l’Energiewende » JP Riou (Interview)

« C’est la foudre nordique qui s’abat sur l’Energiewende » JP Riou (Interview)

Nouvelle déconvenue pour la transition énergétique allemande que l’Europe entière commence à connaitre sous le nom d’Energiewende. Le 6 novembre 2024, toute sa production éolienne s’est  brutalement effondrée en fournissant moins de 1 GW pendant plus de 30 heures, une situation qui vient de se reproduire le 12 décembre … et tout cela malgré les 71920 MW éoliens installés. La conséquence de ce phénomène appelé Dunkelflaute est l’explosion des prix à court terme de l’électricité (marché spot), mais également, un risque de désorganisation du marché européen de l’électricité notamment avec les pays nordiques : ce qui a été immédiatement dénoncé par Terje Aasland, ministre norvégien de l’énergie, et également par Ebba Busch, la ministre suédoise de l’énergie. Pour comprendre en détail les mécanismes de ce jeu de dominos Jean-Pierre Riou, chroniqueur indépendant sur les thématiques énergie a bien voulu répondre à nos questions.

The European Scientist : L’Allemagne vient d’être affectée par deux épisodes prolongés et tant redoutés sans vent ni soleil, qu’elle nomme « Dunkelflaute ». Aurait-elle pu éviter une rupture d’approvisionnement sans le secours de ses voisins ?

Jean-Pierre Riou : Oui. L’Allemagne sait parfaitement qu’en cas de pic de consommation, elle ne peut compter sur aucune production solaire et que l’éolien ne saurait garantir plus de 1% de sa puissance installée. C’est la raison pour laquelle elle dispose d’un doublon intégral pilotable. Contrairement à la France, elle a fait le choix de subventionner des centrales thermiques en réserve du réseau avec l’interdiction pour elles de vendre sur le marché. C’est notamment le cas de la centrale à gaz d’Irsching pour laquelle son exploitant Eon, qui perdait de l’argent malgré les subventions, a menacé d’aller en justice pour obtenir le droit de fermer (1), mais n’a pas obtenu gain de cause face aux injonctions du gestionnaire de réseau. (2)

Le scénario de référence de l’institut Fraunhofer (désormais nommé « ouvert aux technologies ») ne prévoit d’ailleurs aucune réduction de la puissance pilotable installée. Au contraire, cette puissance est supposée passer de 86 GW en 2025 à 146 GW  en 2045 sous forme de centrales à gaz. La principale différence avec  le précédent scénario étant la proportion importante d’hydrogène, avec 96 GW, contre 1 ou 2 dans « référence ». 

En tout état de cause, l’Allemagne disposait donc de la puissance nécessaire, et a dû redémarrer les centrales les plus coûteuses qui ont déterminé le prix du marché. D’où son envolée à presque 1000 €/MWh.

TES.: Ce n’est donc pas le nucléaire français qui a sauvé le système allemand ?

JPR.: Effectivement, on ne peut pas le prétendre. Mais ce n’est pas pour autant que les lois du marché l’ont empêché d’acheter chez ses voisins où le cours était inférieur. Du moins jusqu’à ce que les interconnexions soient saturées. Car pendant plus de 30 heures où les 78,5 GW éoliens installés n’ont même pas atteint la puissance d’1 GW, l’Allemagne importait en permanence, notamment de la France, plus de 10 GW et même 17 GW le 12 décembre à 8h30. Le différentiel des cours qui s’est creusé avec ses voisins à partir de 3 h du matin est d’ailleurs le symptôme de cette saturation des interconnexions.

TES.: Mais alors, pourquoi les cours ont-ils également flambé en Suède, et surtout en Norvège où l’électricité est hydraulique pour plus de 90 % ?

JPR.: Le grand marché interconnecté de l’électricité est destiné à exporter les surproductions aléatoires des énergies renouvelables mais permet également de mutualiser les problèmes. C’est la raison de la colère de Terje Aasland, ministre norvégien de l’énergie, qui a qualifié cette situation de « absolument merdique » (“It’s an absolutely shit situation.”) En effet, les interconnexions ont permis à l’Allemagne et au Danemark, qui subissait la même panne de vent, de « siphonner » la production  des réservoirs hydrauliques norvégiens qui étaient alors pleins, ainsi que l’explique le média spécialiste de l’énergie OilPrice (3), et de contaminer ainsi le marché norvégien de l’électricité avec 898 €/MWh à 17 heures, alors que le pays ne connaissait même pas de vague de froid.

TES.: Quel enseignement pensez-vous devoir tirer de cette situation ? 

 

Lire la suite dans European Scientist https://www.europeanscientist.com/fr/opinion/cest-la-foudre-nordique-qui-sabat-sur-lenergiewende-jp-riou-interview/

L’électricité clandestine allemande démasquée

 

L’électricité clandestine allemande démasquée

Cet article est une synthèse «grand public» de deux articles plus techniques de Jean-Pierre Riou «Focus sur les loop flows» et «La fin des MWh clandestins» 

L’implantation disséminée des énergies renouvelables électriques intermittentes (EnRi) implique de lourds investissements (plusieurs centaines de milliards d’euros) dans le réseau de distribution auquel ces EnRI sont majoritairement connectées.

En effet, les éoliennes et les panneaux photovoltaïques (PV) ne sont pas des énergies locales, contrairement aux déclarations de leurs promoteurs. Les 2/3 de leur production transitent par le réseau de transport qui doit adapter ses infrastructures pour répondre aux aléas et aux « bouffées » de productions de chaque zone suivant les conditions météorologiques.

RTE avait annoncé dans son rapport conjoint avec l’AIE qu’un développement significatif des réseaux de transport et de distribution était l’une des conditions préalables à tout mix électrique à forte proportion d’énergies renouvelables.

En Allemagne, malgré les dizaines de milliards d’euros consacrés à leur développement, le retard pris par les réseaux allemands a des conséquences sur la sécurité et sur le prix de l’approvisionnement français.

Des passagers clandestins

Afin d’optimiser les capacités d’interconnexion, Le couplage du marché européen de l’électricité permet de mettre aux enchères à la fois la fourniture électrique et la capacité de connexion correspondante.

Les flux physiques de ces transactions transitent sur le réseau européen en suivant la voie de la moindre résistance et non… le chemin le plus court.

Ainsi, en cas de congestion de ses propres lignes, des échanges prévus à l’intérieur d’une même zone d’enchère sont détournés vers les zones voisines (les réseaux voisins). Ces flux d’électricité (« flows ») non invités et non désirés, font donc une boucle clandestine (« loop »), par les réseaux voisins pour arriver à leur destination.

La part croissante de ces flux de boucle (« loop flows ») non programmés est dénoncée par les opérateurs du réseau électrique européen (Entsoe) car elle réduit les capacités d’interconnexion vitales pour tout système électrique à forte composante intermittente.

Ces loop flows proviennent des fortes productions des éoliennes du nord de l’Allemagne, combinée avec celles de Scandinavie, que les congestions du réseau allemand font transiter par les Pays-Bas, la Pologne, la République tchèque, l’Autriche, la Belgique et la France. Ces « passagers clandestins » peuvent mobiliser jusqu’à 50% de la capacité disponible, limitant d’autant les capacités d’importation de ces pays.

Or, chaque État membre doit assurer 70% de ses capacités disponibles pour les échanges aux frontières. Les pays les plus touchés par ces passagers clandestins dans leur réseau ne pouvant remplir plus cette obligation doivent faire de demandes de dérogation.

Le rapport accablant de la Cour des comptes allemande

Lire la suite dans Contrepoints https://www.contrepoints.org/2024/11/18/479779-lelectricite-clandestine-allemande-demasquee

 

dimanche 15 décembre 2024

Energiewende : une « situation absolument merdique ».

 

Energiewende : une « situation absolument merdique ».

La fin d'un modèle

Jean Pierre Riou

L’Allemagne vient de montrer qu’en cas de besoin, on ne pouvait pas compter sur la moindre production renouvelable. Le 6 novembre 2024, toute sa production éolienne s’est  brutalement effondrée en fournissant moins de 1 GW pendant plus de 30 heures, tombant même à 78,5 MW à 17h30, soit 0,1% des 71920 MW éoliens installés. La même situation vient de se reproduire à peine un mois plus tard le 12 décembre entrainant une fois encore l’explosion du marché spot avec 936,28 €/MWh à 17 heures, et mettant à nouveau  son industrie en difficulté. Ces pénuries alternent avec des surproductions aléatoires qui font écrouler le prix du marché et multiplient même des épisodes de prix négatifs.

Le site de l’institut Fraunhofer illustre ci-dessous cette situation avec la semaine du 9 décembre où les prix, en rouge ont frôlé les 1000 €/MWh lors de la panne quasi-totale de vent et de soleil (dunkelflaute) du milieu de semaine et terminent la semaine à 0€/MWh le dimanche à 23h30 quand l’éolien dépasse 46 GW au moment où on en a le moins besoin.


Cette instabilité enchérit le prix de l’électricité, ce dont les industriels allemands s’inquiètent depuis plusieurs années et menacent même de quitter le pays. Selon Bloomberg, l'économie allemande aurait en effet atteint un point de non retour et appauvrit chaque foyer en s'écroulant de façon désormais "irréversible" au moment où l'Europe aurait le plus besoin d'elle. L'augmentation du coût de l'énergie en serait la principale raison. Pour survivre, cette politique énergétique repose sur le développement (ruineux) des interconnexions pour valoriser l'augmentation exponentielle de sa production d’énergies intermittentes.

Depuis 2021, Nordlink lui permet notamment une interconnexion directe de 1400 MW en courant continu avec  la Norvège dans le double objectif d’exporter ces excédents et d’être alimenté par l’hydraulique norvégien quand le vent se fait rare. Le Baltic cable relie également l’Allemagne à la Suède, elle-même connectée avec le Danemark et la Norvège au sein du Nordic Grid System.

Quand la Norvège siffle la fin de la partie

Cette situation vient d’être dénoncée par le ministre norvégien de l’énergie, Terje Aasland,  affirmant sa volonté de couper ces interconnexions avec l’Allemagne, dont l’instabilité du marché entraîne une « situation absolument merdique » en Norvège, selon ses propos rapportés par le Financial Times

Les raisons de sa colère ont été détaillées dans le journal OilPrice, leader de l'information sur toutes les formes d'énergie.

Éclairant le fait que les réservoirs hydrauliques norvégiens, qui étaient alors pleins avaient profité aux contrats avec le Danemark et l'Allemagne qui avaient anticipé une panne de vent et que la Norvège avait été touchée de plein fouet par l'envolée du cours du MWh lié au démarrage des centrales allemandes les plus coûteuses, alors qu'elle ne subissait aucune vague de froid.

On comprend que « situation absolument merdique » était un euphémisme.

Pour cette même raison, son partenaire, le parti du Centre, réclame depuis longtemps la fin de la connexion avec le Danemark et souhaite renégocier les interconnexions existantes avec le Royaume-Uni et l'Allemagne, dont les surproductions pénalisent la rentabilité des moyens de production nationaux, tandis que ses pannes de vent font exploser les cours. Selon le media polonais Visegrad 24, les responsables politiques régionaux de tout bord exhortent le gouvernement à ne pas renouveler les liaisons Skagerrak 1 et 2 (500 MW), mises en service respectivement en 1976 et 1977, qui atteindront la fin de leur durée de vie en 2026 et 2027.

Imitée par la Suède qui ne suit pas l’avis de son gestionnaire de réseau

Le 12 décembre, la ministre suédoise de l’énergie, Ebba Busch, a vigoureusement condamné l’abandon du nucléaire par l’Allemagne qu’elle juge responsable de la crise énergétique que traverse l’Europe, et notamment la Suède, où le cours vient d’être190 fois supérieur dans le sud directement connecté à l’Allemagne que dans le reste du pays, en raison de la dernière panne de vent Outre-Rhin. En juin dernier, elle avait déjà refusé d’autoriser le projet  d’une nouvelle interconnexion entre le sud de la Suède et l’Allemagne. Les gestionnaires du réseau Svenska Kraftnat et 50Hertz encourageaient pourtant ce projet pour faire « bénéficier » le pays des surproductions éoliennes allemandes. Mais le gouvernement suédois a considéré que le marché allemand ne «fonctionne pas de manière efficace » et s’y est opposé pour éviter que la même instabilité se propage à la Suède en entraînant des surcoûts pour le consommateur.

La prise de distance avec l’Europe

En mars 2023, la Norvège avait déjà refusé une interconnexion avec l’Écosse, par le projet NorthConnect préférant utiliser son énergie pour bâtir son industrie et maintenir des prix compétitifs sur le marché national, plutôt qu’être sous la menace du gendarme européen de la concurrence en cas de nécessité de réduire ses exportations, comme ce fut le cas en janvier 2023, comme le rapporte Energynews.

C’est ainsi que nos 2 modèles européens de mix électrique décarboné souhaitent désormais se replier sur le réseau nordique en se déconnectant du reste de l’Europe gangréné par une part jugée excessive d’intermittence éolienne.  

Le 13 décembre, le journal allemand Bild rapportait la colère de la ministre suédoise et précisait sa condamnation de la sortie allemande du nucléaire qui a affecté sa compétitivité, ce qui est son droit, mais « a des conséquences très graves, y compris sur la compétitivité de l'UE ».

La fuite en avant allemande

Fin 2024, l’Allemagne dispose en de 168 GW éolien/solaire installés. Pour comparaison, notre parc nucléaire représente 61,3 GW. Le scénario de référence de l’institut Fraunhofer prévoit 779 GW éolien/solaire à horizon 2045, soit une augmentation de 460%.

Après ces prises de distance nordiques avec la politique de Berlin, la question est désormais de savoir combien d’États l’Allemagne va entraîner avec elle dans les conséquences de sa fuite en avant.

A moins que le probable futur chancelier, Friedrich Merz, favorable au redémarrage des réacteurs nucléaires, ne s’appuie sur les coûts dénoncés par le dernier rapport de la Cour fédérale des comptes et sur l’opposition croissante de la population à la politique énergétique du pays, pour mettre un terme à sa course folle.

Ce qui serait assurément une bonne nouvelle pour la France, dont le statut de plus gros exportateur mondial d’électricité requiert des interconnexions avec ses voisins, mais dont les énergies intermittentes européennes cannibalisent la valeur de sa production.

lundi 9 décembre 2024

Sécurité énergétique et CO2 : les grands oubliés de la PPE3

 

Sécurité énergétique et CO2 : les grands oubliés de la PPE3

Jean Pierre Riou

Projet de PPE n°3 soumis à la concertation– Novembre 2024

Depuis 1990, la France a été 26 fois sur 33, 1er exportateur mondial d’électricité et dans le trio de tête chaque fois qu’elle ne l’était pas.

A l’exception de l’année 2022, où son solde fut même importateur. Le 4 avril 2022, elle a notamment frôlé la rupture d’approvisionnement pour n’avoir tiré aucun enseignement de son pic de consommation du 8 février 2012, malgré l’avertissement de l’ASN qui l’exhortait depuis 2007 à renouveler son parc pilotable. A l'époque, son parc pilotable était pourtant de 117,7 GW contre 106,1 aujourd'hui, selon RTE.

En regard des nouvelles capacités nucléaires prévues dans le projet de PPE3 et dont il a été jugé qu’on ne pourra pas se passer malgré leur sous-emploi programmé, se posent désormais les questions du coût, du risque et de l’intérêt de l'objectif décliné p 125 : « Faire évoluer le réseau électrique pour intégrer une part grandissante de production non pilotable »

Sécurité du réseau

Car aucune mention n’y est faite de la façon d’éviter l’écroulement du réseau en raison de la diminution de l’inertie liée à la part grandissante de ces énergies non pilotables. Le rapport se contente d’une allusion, en bas de page 105, au rapport de RTE sur le sujet.

Dans celui-ci, les compensateurs synchrones représentent l’alternative la mieux maitrisée à la nécessité incontournable de répondre à la diminution de l’inertie conférée par la rotation synchrone des turboalternateurs des centrales conventionnelles. Le document RTE prévoit (figure 7.57 p 347) un coût annuel pouvant atteindre 900 millions d’euros pour l’éventualité de leur installation sur le réseau, même en cas de forte proportion nucléaire, en prévision des épisodes où les réacteurs devraient s’effacer devant les énergies renouvelables intermittentes (EnRi). Ce rapport RTE prévoit la nécessité de 150 GWs à horizon 2060.

Or ce chiffre doit être comparé avec celui réclamé par le gestionnaire du réseau Européen ENTSO-E dans son avertissement de 2021, dans lequel il préconisait un besoin croissant d’une telle inertie cinétique additionnelle s’élevant à 2500 GWs en 2040 pour éviter le risque d’un blackout à l’échelle du continent.

En 2023, La France a produit 494,7 TWh sur les 2697 TWh consommés en Europe, soit 18,3% de la totalité. Ce qui semble correspondre davantage à un besoin de 450 GWs en 2040 que les 150 GWs  de RTE en 2060, pour éviter l’écroulement du réseau en cas de fortes productions d’EnRi lors desquelles le nucléaire devra s’effacer. La Grande Bretagne en a fait l’amère expérience lors de son record éolien de 2019 où le réseau s’est écroulé au moment précis où son gestionnaire National Grid ESO annonçait fièrement « It’s wind o’clock ».

Mutualisation des risques par les importations

Selon le rapport p 107, les conditions récentes ont été favorables en raison de la baisse de la consommation à partir de la fin 2022, de bonnes conditions météorologiques et l’apport des interconnexions ont permis d’éviter le recours à des mesures de délestage.

Dix ans de retour d’expérience auraient dû montrer que la disponibilité de ces interconnexions est inversement proportionnelle aux surplus de production non pilotable et qu’elle tend à diminuer malgré les investissements destinés à les renforcer.

En effet, la France a connu 2 alertes majeures en 10 ans pour répondre aux pointes de sa consommation : le 8 février 2012 à 19 h et le 4 avril 2022 à 8 h. Or, malgré de lourds investissements dans ces interconnexions, la disponibilité de la capacité d’importation aura été inférieure le 8 avril 2022 à 8 heures, avec 3597 MW de capacité d’import disponible depuis la Belgique et l’Allemagne, pour une capacité totale de 15 720 MW, que les 4352 GW du 8 février 2012 à 19 heures où la France établissait son record de consommation, jamais battu depuis, avec 102 098 MW.



(Source RTE https://www.rte-france.com/eco2mix/les-echanges-commerciaux-aux-frontieres# )

Risque d’effondrement des EnRi

Lors de cette pointe du 8 février, toute production solaire avait disparu, et l’éolien ne contribuait que de façon anecdotique avec 1762 MW.

L’Allemagne vient de montrer que cette contribution peut être bien inférieure en cas de besoin le 6 novembre 2024, où toute sa production éolienne s’est  brutalement effondrée en fournissant moins de 1 GW pendant plus de 30 heures, tombant même à 78,5 MW à 17h30, soit 0,1% des 71920 MW éoliens installés.

Sécurité d’approvisionnement,

Pour passer les pointes de consommation, lors desquelles quasiment aucune puissance d’EnRi n’est garantie, la PPE3 évoque la flexibilité pour éluder la question sans même chiffrer la pointe attendue avec notamment un dispositif qui permet de réduire autoritairement la puissance délivrée en pareil cas.

Le rapport rappelle, p 106, le critère de sécurité d’approvisionnement imposé par le code de l’énergie. Ce critère limite à 3 heures la durée permise de défaillance du système. Par « défaillance » la loi entend aussi bien la nécessité de délestage que de l’appel aux gestes citoyens. Le rapport PPE3 en conclut la nécessité d’une remise en cause de ce critère qu’il propose d’ « enrichir » (sic) pour permettre le développement de réductions autoritaires de puissance « via le compteur Linky sur les périodes de pointes de la consommation d’un jour ouvré (6h30-13h30 et 17h30-20h30), durant un laps de temps restreint pour chaque client (2h maximum), par roulement. »

Ce qui revient à supprimer les fusibles de peur du court circuit annoncé.

Coûts réseau

Le rapport évoque les 580 milliards d’euros d’investissements supplémentaires dans les réseaux européens d’ici à 2030 permettant d’introduire cette part grandissante de production non pilotable, et montre leur caractère exponentiel. Il se réfère aux « Éléments de prospective à 2050 », dans lesquels Enedis expose clairement le fait que « Le coût d’adaptation du réseau à ces transformations dépend du taux de pénétration des énergies renouvelables dans le mix de production », notamment  « entre 1,5 et 2 milliards par an pour le raccordement de nouvelles installations selon le scénario de « continuité ». Le rapport chiffre les investissements d’Enedis à 4,4 Md€/an en 2022 (p 123) et 100 Md€ pour RTE à horizon 2040 sur cette même page.

 

RTE prévoit en effet dans son schéma directeur 2024 (SDDR2024), l’explosion de ces coûts sur le réseau de transport pour l’intégration des EnRi, selon la trajectoire prévue, comme l’illustre la reproduction de la figure ci-dessous, dans laquelle le renouvellement des lignes représente une portion congrue.

Soit plus de 1 Md€ pour le réseau de transport en 2024 hors renouvellement



Source RTE https://assets.rte-france.com/prod/public/2024-03/SDDR2024-Consultation-Publique-doc-A.pdf.

Dès aujourd’hui, l’ensemble de ces coûts consacrés à l’intégration des EnRi dépasse ainsi largement 2,5 Md€ annuels.  Rapporté aux 72 TWh éolien-solaire produits en 2023, ces coûts annuels  correspondent ainsi à 34,5 €/MWh produit. Sans même évoquer le coût des compensateurs synchrones décrits plus haut.

Notons que cette charge que chaque MWh intermittent fait ainsi peser sur les réseaux électrique n’apparait pour autant ni dans les coûts complets, ni dans les coûts marginaux des EnRi, pour la raison que la société a décidé de les payer pour elle. Notamment dans le cadre de la renégociation des appels d’offre d’éolien en mer, où la loi ESOC a même fait porter à RTE le coût d’un raccordement initialement prévu à la charge des exploitants. D’ici 2035, RTE chiffre à 7 Md€ le coût de raccordement de l’éolien en mer prévu.

Et le CO2 dans tout ça ?

Cette PPE prévoit, p 77, une production thermique fossile de 31,5 TWh en 2030 … contre 32,6 TWh en 2023 selon le dernier bilan RTE (et notamment 27 TWh en 2014). Et ce n’est assurément pas l’effacement programmé du nucléaire (3,7 gCO2/kWh) devant l’éolien (14,1 gCO2/kWh) ou le solaire (43,9 gCO2/kWh) qui pourrait conférer une vertu climatique à cette PPE.

Notons pour finir que les fiches thématiques de Cette PPE3 mentionnent (p 33) les émissions de CO2 du nucléaire en se référant au GIEC qui donne une fourchette comprise entre 3,7 g et 110 g, avec une valeur médiane de 12 g CO2/kWh, et précisent que la PPE2 avait retenu ces 12 grammes.  La fiche PPE3 se contentant d’évoquer le fait que « certaines études à l’échelle de la France conduisent à des niveaux inférieurs à 12 grammes ». Alors que les 3,7 grammes sont officiellement reconnus par la base empreinte de l’ADEME.