Objet : Consultation MRAe Parc éolien d'Argillières
Contribution à la consultation du public sur le parc éolien d’Argillières
Lettre ouverte
Le Conseil d’État vient de sanctionner [1], ce 8 mars 2024, les différents protocoles de mesure de l’impact acoustique des éoliennes au motif qu’ils n’avaient pas fait l’objet d’une consultation du public préalablement à leur approbation par le ministre chargé des installations classées.
La précédente norme acoustique « NFS 31-114 » de l’arrêté du 26 août 2011 se trouve du même coup privée de toute référence légale depuis le 10 décembre 2021, en raison de son remplacement par les différents protocoles qui viennent d’être sanctionnés par le Conseil d’État pour un motif qui l’entache elle même d’illégalité. En effet, l’état de projet, qu’elle n’a jamais dépassé, lui avait interdit toute consultation du public ou évaluation environnementale.
La norme de référence pour les bruits de l’environnement, y compris des ICPE, est la NF S31-010, qui redevient, de facto, la seule norme légale pour mesurer le bruit éolien.
Celle-ci prévoit explicitement la prise en compte de son caractère impulsionnel, par le recours à des durées d’intégration très courtes, de l’ordre de 125 ms au lieu de 1 seconde.
Ce caractère impulsionnel est considéré très dérangeant par les riverains, comme l’avait remarqué l’AFSSET(ex ANSES) dans son rapport de 2008 [2] qui notait « Ces bruits peuvent être perçus comme impulsionnels, ce qui renforce le désagrément subi ». L’AFSSET précisait d’ailleurs que dans les régions anglo-saxonne ou nordique, ce caractère impulsionnel « est parfois traité selon la méthode de la norme ISO 1996, par des pénalités forfaitaires de 5 dB. »
En l’espèce, l’étude d’impact acoustique du parc éolien d’Argillières fait état de l’utilisation de cette norme NF S31-114 qui ne traite pas cette caractéristique.
C’est ainsi que l’exception d’illégalité, excipée de l’illégalité manifeste de l’arrêté du 26 aout 2011, en tant qu’il a autorisé le recours à ce projet de norme jusqu’en 2021, semble devoir entacher d’illégalité toute autorisation administrative accordée à un projet qui s’y réfère, quand bien même ce ne serait que de manière incidente, à l’appui d’un recours.
En effet, concernant tout acte annulé par le juge administratif, le Conseil d’État considère [3] que « en exécution de la chose jugée, les effets de droit qu'il a produits durant le laps de temps pendant lequel il a été appliqué doivent être entièrement effacés ».
D’autre part, le 12 mars 2023, la Cour d’Appel de Rennes a reconnu une dévalorisation [4] allant jusqu’à 40% des habitations à proximité d’éoliennes, et ordonné à l’exploitant de dédommager 13 riverains pour un total de 633 000€. Ce jugement, qui confirme notamment des études allemandes et britanniques [5] sur le sujet, révèle l’insuffisance des informations données aux riverains sur les effets du parc éolien sur leur patrimoine.
Notons que l’étude allemande (RWI Institut Leibnitz), établie sur un ensemble de données de plus de 2,7 millions de transactions en Allemagne, fait état d’une dévalorisation de plus de 23% dans les maisons rurales anciennes (avant 1949), et aucune dévalorisation dans les régions urbaines. Ce qui explique le moindre impact avancé par certaines études qui n’en font pas la distinction. Elle note, par ailleurs, que les éoliennes ont tendance à être installées dans les régions à bas prix. Leur paysage reste hélas la seule richesse de ceux qui n’ont rien.
Bien que semblant effacée du site de RWI Institut Leibnitz, cette étude reste consultable [6] sur celui de la Deutsche Nationalbibliothek.
L’ignorance de ces informations concernant leur patrimoine, n’aura pas permis aux riverains de donner un avis réellement éclairé sur le projet éolien.
Cette contribution fera l’objet d’un courrier adressé à M le Préfet de Haute Saône, enrichi d’une annexe tendant à préciser en quoi les insuffisances de la prise en compte du bruit éolien par les prescriptions édictées par l’administration représentent une régression de la protection sanitaire des populations riveraines par rapport au code de la santé publique, notamment depuis l’arrêté du 5 décembre 2006 qui lui avait ajouté le contrôle des émergences spectrales, ainsi que la caractérisation des bruits impulsionnels à travers celui des stands de tir. Cette annexe précisera également le lien de causalité entre leurs symptômes avérés et l’exposition au bruit des éoliennes.
En tout état de cause, l’Article L515-44 du code de l’environnement prévoit que « la délivrance de l'autorisation d'exploiter est subordonnée au respect d'une distance d'éloignement entre les installations et les constructions à usage d'habitation ». Si le minimum en est fixé à 500 mètres, cette distance doit être « appréciée au regard de l'étude d'impact ». C'est-à-dire notamment en fonction de la taille des machines qui minore l’atténuation de leur bruit par effet de sol, et du bruit résiduel, surtout nocturne, dans les zones à émergences règlementée, qui expose davantage aux nuisances les environnements réputés calmes.
Jean Pierre Riou
1 https://www.conseil-etat.fr/fr/arianeweb/CE/decision/2024-03-08/465036
5http://eprints.lse.ac.uk/58422/?from_serp=1
6 https://d-nb.info/1180432126/34
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