CO2 évité par les EnR :
Des incertitudes entre ± 1 % et ± 300 %
Jean Pierre Riou
Le développement des énergies renouvelables a été stimulé par des objectifs contraignants en tant que moyen réputé réduire notamment les émissions de CO2 du système électrique.
Alors qu’on sait parfaitement que les
émissions théoriquement évitées sont contrebalancées par les effets de leur
intermittence, il apparaît aujourd’hui qu’aucune étude d’impact environnemental
n’a cherché à quantifier, par des mesures de terrain, la réalité de l’impact des
énergies renouvelables électriques sur les émissions de CO2.
En effet, il est avéré que l’intermittence de la production des énergies renouvelables électriques (EnR) augmente les régimes partiels et à coups de fonctionnement des centrales thermiques dont elles évitent la production.
Il est également admis que ces régimes de fonctionnement dégradent les facteurs d’émissions de ces centrales thermiques.
Or il apparaît que la réduction des émissions de CO2 permise par les EnR est calculée d’une façon théorique, notamment par RTE, qui s’en tient à la quantité d’électricité produite, sans tenir compte de cette dégradation des facteurs d’émission, en appliquant le même coefficient d’émission à chaque MWh thermique produit, pour chaque filière, quel que soit le régime utilisé pour le produire.
Ces 3 points sont développés dans l’article en 2 parties « EnR et CO2 évité : entre théorie et pratique » [1]
Trois points auxquels il conviendrait d’ajouter la prise en compte des émissions liées aux effets induits par l’intermittence des EnR, notamment les émissions liées au stockage et à la restructuration du réseau.
Pour cette raison, la sénatrice A.C. Loisier a demandé au Gouvernement [2] quelle étude d’impact, basée sur des mesures de terrain, aurait conforté le bien fondé des chiffres théoriques de RTE.
En effet, il semble qu’à ce jour, la seule étude d’impact environnemental effectuée sur la base de mesures de terrain, et publiquement transmise à l’administration, serait celle de l’énergéticien Duke Energy transmise le 23 aout 2018 et dont les conclusions ont été publiées dans le North State Journal [3].
Celles-ci font état d’une augmentation globale des émissions des divers polluants par ses 4 unités de cycle combiné à gaz (CCG) en raison la baisse de régime qui leur imposée par la production solaire. Ce qui est la raison de sa demande officielle d’un aménagement de ses contraintes environnementales, dans la mesure où il se trouve amené à polluer davantage en produisant moins. Duke Energy précise qu’en cas d’arrêt et redémarrage quotidien lié à l’importance de la production solaire, l’augmentation globale de ses émissions serait pire encore.
Ces arrêts et redémarrages de centrales thermiques, ainsi que des régimes inférieurs à 50% de la puissance nominale liés à l’intermittence des EnR françaises ont été documentés dans l’article précédemment cité [1].
Dont acte
En répondant à la question de la sénatrice Loisier [2] le 23 novembre 2023, le Ministère de la Transition énergétique s’appuie à nouveau sur des mesures uniquement théoriques, notamment de RTE, pour justifier sa politique de développement des EnR. Cette réponse est de nature à confirmer, en creux, qu’aucune étude n’a jamais cherché à quantifier l’effet réel de l’injection croissante d’énergies intermittentes sur le réseau par des mesures de terrain telles que celles de Duke Energy.
Par sa réponse, le Ministère entérine ainsi l’absence de toute évaluation de la marge d’erreur du calcul théorique, pourtant bien connue de tous les énergéticiens, et, pire encore, de toute vérification qu’il n’en va pas de même pour le CO2 que pour les différents polluants des CCG de Duke Energy, pour lesquels la substitution d’une partie de la production par des EnR a eu pour effet une augmentation des émissions, avec leurs conséquences sanitaires.
Pour rappel, le CITEPA, organisme officiel chargé de l'inventaire des émissions de gaz à effet de serre en France précise dans sa méthodologie [4] qu'il ne retient pas la quantité de TWh produits, mais la quantité de combustible utilisé, la valeur PCI de chacun d'eux et les caractéristiques de chaque installation. .
Une incertitude bien connue
Pour autant, en l'absence de données spécifiques, le CITEPA ne fait pas varier les facteurs d'émission en fonction du régime de fonctionnement des installations.
Et confesse [5]: "Pour la plupart des secteurs, les incertitudes sur les émissions sont calculées en combinant les incertitudes des données d’activité et celles des facteurs d’émissions. Les premières sont généralement plus faibles (entre ± 1 % et ± 35 %) que les deuxièmes (entre ± 1 % et ± 300 %)"
Il est choquant que des objectifs contraignants puissent ainsi être imposés en termes de moyen sans qu’on ait au préalable vérifié par des mesures de terrain l’impact réel de ces moyens sur les émissions de CO2, alors qu'on sait que l'absence de prise en compte des facteurs d'émission entraînent des erreurs allant jusqu'à 300% et que l’objectif prioritaire est la réduction de ces émissions et non l’augmentation des moyens théoriquement supposés y participer.
2 https://www.senat.fr/questions/base/2023/qSEQ230506667.html
4 https://www.citepa.org/wp-content/uploads/publications/ominea/OMINEA-2022v2.pdf
5 https://www.citepa.org/wp-content/uploads/publications/secten/2023/Citepa_Secten_ed2023_v1.pdf
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire