France-Allemagne : échec et mat
Jean Pierre Riou
A mi-parcours de ses ambitions en matière d’énergies renouvelables, le
système électrique allemand a déjà lourdement plombé
son économie, s’est attirée les foudres
du nord de l’Europe qui souhaitent s’en déconnecter et n'en continue pas moins à polluer 10
fois plus que le système français. Pire, son objectif en termes de renouvelables,
qu’il a réussi à imposer à l’Europe en lieu et place d’énergie décarbonée, prend du retard par
rapport à la France. L’année 2024, qui était supposée marquer une réindustrialisation
post Covid en révèle le triste bilan.
Cette année 2024 s’est achevée pour la France avec un record
historique d’exportation d’électricité avec un solde
net de 89,1 TWh, soit bien plus que les 51 TWh de 2023 qui la plaçaient déjà,
comme quasiment
chaque année depuis 1990, sur la plus haute marche du podium mondial,
loin devant la Suède, avec 29 TWh et le Canada avec 27 TWh.
De son côté, l’Allemagne s’enfonce dans la dépendance de ses
voisins avec un solde importateur de 28,3 TWh, contre 9 TWh en 2023.
Sur le plan climatique, le bilan est plus cruel encore pour
les énergies renouvelables qui, malgré leur part record de 64% de la production
électrique, n’ont puempêcher la production moyenne sur l’année de
364gCO2eq/kWh, soit plus de 10 fois plus que l’électricité française, malgré
ses quelques 28% d’EnR, d’ailleurs principalement hydraulique.
L’illustration ci-dessus provient du site Electricity Maps qui
montre dans sa méthodologie
sa rigoureuse prise en compte de l’analyse du cycle de vie (ACV)de chaque
filière de production, et non le 0 émission par
défaut retenu indifféremment par RTE pour renouvelable et nucléaire.
Il est intéressant de préciser qu’Electricity Maps retient
les données du GIEC (IPCC 2014), c'est-à-dire notamment 45gCO2eq/kWh pour le
solaire PV, ce qui rend d’autant moins crédible sa capacité à décarboner la
moyenne d’un mix électrique français qui émet déjà moins que lui, contrairement
à l’idée reçue du 0
émission par défaut de RTE.
Malgré cette supériorité de notre mix électrique en matière
climatique, des voix s’époumonent à rappeler l’importance de respecter l’engagement
en termes d’énergies renouvelables, à relayer les records allemands en la matière,
et dénoncer le retard français. Mais contrairement à une idée largement
véhiculée par ceux dont c’est le fonds de commerce, la France consomme
une part d’énergies renouvelables
supérieure à celle de l’Allemagne avec 22,283% en 2023 contre 21,547% en Allemagne.
Les statistiques européennes officielles sont publiées par
Eurostat et sont claires sur ce point.
Elles
publient un indicateur qui « mesure la part de la consommation
d’énergie produite à partir de sources renouvelables dans la consommation
finale brute d’énergie conformément à la directive sur les énergies
renouvelables », et dont l’unité de mesure est le pourcentage.
Ce qui permet de visualiser l’évolution des données de
chaque État reproduites ci-dessous.
L’infraction
française
Avec 19,1%, cette
part était strictement la même pour les 2 pays en 2020. Mais la DIRECTIVE
2009/28/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009
avait fixé un objectif contraignant pour
l’UE, en termes de parts d’énergies renouvelables consommée. Celui-ci, de 20% au niveau de l’UE était réparti selon les États, et fixé
à 23% pour la France et 18%
pour l’Allemagne (Annexe 1)
D’où le bras
de fer entre la Commission et la France qui n’avait pas respecté l’engagement
qu’elle avait inscrit elle-même dans sa programmation de l’énergie, tandis que l’Allemagne,
avec le même bilan, respectait le sien.
Courage,
fuyons
Le 10 mars 2023, le gouvernement promulguait
une Loi d’accélération des énergies renouvelables encadrant une « Planification territoriale des énergies
renouvelables, simplification des
procédures, déploiement massif de l'éolien en mer et du solaire...
Face à la crise énergétique et au dérèglement climatique, la loi entend
accélérer le développement des renouvelables, afin de rattraper le retard pris
par la France. » Dont il justifiait l’urgence en ces termes pour le
moins ambigus, voire carrément trompeurs : « En
2020, la France était le seul pays à ne pas avoir atteint le chiffre fixé par
l'Union européenne de 23% de part de renouvelables .»
Ce qui s'apparente davantage à un abus de langage qu'à une information transparente destinée à informer. Car cette formulation ne précise pas que cet objectif était
spécifique à la France, qui se l’était d'ailleurs donné toute seule, et que celle-ci avait
fait mieux que 11 autres États dont l’Allemagne, qu’on nous cite pourtant
comme modèle en la matière, tandis que "le chiffre fixé par l'Union européenne" était à proprement parler de 20% et non 23%.
Un peu d'histoire
Alors qu'en fait la France qui présidait le Conseil de l'Union européenne jusqu'à décembre 2008, avait déjà déposé (en décembre 2008) le projet de loi d'application de son Grenelle de l'environnement qui lui fixait une part d'EnR de 23 % d'ici 2020. Cette contrainte faisait force de loi depuis le 3 août 2009, et était déjà imposée depuis la circulaire du 23 mars 2009, au moment de l'engagement français de la fameuse Directive du 23 avril 2009, lors de laquelle la France a donc été le SEUL pays d'Europe à se lancer dans un projet qu'elle ne pourrait pas tenir, ce qui n'est pas la même chose.
Alors que l'Allemagne, pour parvenir à sortir du nucléaire, d’ailleurs
après que des fonctionnaires écologistes eurent falsifié
des rapports destinés à orienter la décision en fonction des risques et
avantages, a été amenée à fragiliser
le réseau européen en faisant porter ses efforts sur les énergies renouvelables électriques,
malheureusement intermittentes et dépourvues de la moindre inertie, pourtant nécessaire à la stabilité du réseau.
Rappelons que concernant les engagements de décarbonation, la France respecte les siens, tandis que l’Allemagne a été condamnée à revoir sa copie le 30 novembre 2023 par
le Tribunal supérieur de Berlin Brandebourg pour avoir dépassé les émissions
sectorielles du bâtiment et des transports en 2021 et 2022. Mais contrairement
à la France, qui a rattrapé son retard après la fameuse "Affaire du siècle" le 5 mars 2024, le Gouvernement fédéral faisait appel
de ces jugements.
« La guerre ! C’est une chose trop grave pour la confier à des militaires »
aurait dit Georges
Clemenceau.
Le dogmatisme ambiant
incite à penser que l’écologie s’avère une chose trop grave pour être confiée
aux écologistes.