vendredi 5 février 2021

Nord Stream 2 : La véritable histoire d'un rapport de force


Le doublement du gazoduc qui relie la Russie à l’Allemagne a divisé durablement l’Europe. Le rappel de son histoire est nécessaire pour envisager l’avenir, et réfléchir à 2 fois avant de miser trop gros sur le gaz.

La crise ukrainienne

En mars 2014, la Commission européenne décidait l’adoption de mesures restrictives vis-à-vis de la Russie en réponse à ses menaces sur l’intégrité de l’Ukraine. Ces restrictions ont été prolongées par rien moins que 64 décisions successives concernant leur renforcement et l’évolution des sanctions.

Malgré les postures indignées, aucune sanction européenne n’a encore visé la construction du gazoduc Nord Stream 2 qui menace pourtant de spolier l’Ukraine des revenus de son droit de transit par Nord Stream 1, et de diviser l’Europe, au point d’amener Kiev à solliciter des sanctions américaines contre ce projet qui dresse également contre lui les Pays Baltes et la Pologne.

Sanctions européennes et ambigüité allemande

L’affaire Navalny vient d’envenimer la situation, et amener Paris et Berlin à réclamer de nouvelles sanctions contre la Russie, qui évitent toutefois de viser le gazoduc. Leur appel sera suivi par de nouvelles mesures ciblées de la Commission, le 15 octobre.

Ce 21 janvier, le Parlement européen a mis les pieds dans le plat en exigeant l’arrêt immédiat des travaux du gazoduc Nord Stream 2. Faisant immédiatement réagir la ministre allemande de l’environnement Svenja Schulze qui s’est inquiétée de l’augmentation des besoins de gaz de l’Allemagne pour réussir sa sortie du charbon et du nucléaire, et la nécessité de doubler sa liaison avec la Russie du gazoduc Nord Stream, par le projet si controversé Nord Stream 2. Elle volait au secours du projet dont la suppression menacerait, selon elle, la solidité du processus constitutionnel de sa décision et exposerait l’Allemagne à des poursuites judiciaires.

Les sanctions américaines

Il y a tout juste un an, les sanctions américaines visant les entreprises impliquées dans la construction du gazoduc avaient amené la société Allseas, chargée de poser les tubes, à se retirer immédiatement du projet, gelant ainsi l’avancée des travaux pourtant presque terminés. La reprise du chantier par des bateaux russes, en décembre dernier s’est accompagnée d’un durcissement des sanctions américaines à l’égard de tout participant au projet. Celles-ci ont été intégrées au titre du « Protecting Europe’s energy security act (PEESA) » dans le budget de la défense 2021 (National Defense Authorization Act for Fiscal Year 2021), qui a été adopté avec une large majorité le 1er janvier 2021, malgré le véto, alors systémique de D. Trump.

Par sa section 6231 “Clarification and expansion of sanctions relating to construction of Nord Stream 2 or TurkStream pipeline projects”, ses dispositions prolongent et renforcent les sanctions existantes.

Ces sanctions ont amené de nombreuses entreprises à quitter précipitamment le projet sitôt son redémarrage, notamment le groupe d’assurance Zurich AG.

L’opposition polonaise

En octobre 2020, la Pologne, opposée au projet, avait infligé une amende de 6,5 milliards d’euros à Gazprom pour ce projet qu’elle voit comme une menace pour la sécurité énergétique européenne. Un an plus tôt, elle avait déjà condamné le français Engie à 40 millions d’euros d’amende pour avoir “refusé, de manière répétée et sans fondement légal”, de lui communiquer les documents nécessaires à l’instruction de ce contentieux, qui pourrait aboutir à une nouvelle condamnation, puisque Engie participe au financement du gazoduc avec 4 autres énergéticiens européens (Uniper, Wintershall, OMV, et Shell).

Le rouleau compresseur russe

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