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vendredi 7 janvier 2022

Pilotable ou intermittent.

 Pilotable ou intermittent.

Jean Pierre Riou

 Article republié dans https://www.lemondedelenergie.com/renouvelables-pilotabilite-intermittence/2022/01/14/

Certaines énergies renouvelables présentent l’inconvénient majeur de n’être pas pilotables et de produire de façon intermittente et aléatoire une électricité dont la décorrélation avec les besoins de la consommation les prive de la moindre valeur marchande en tant que telle.

Pour autant, les vifs « débats d’experts » sur le sujet demandent une clarification de la nature du caractère aléatoire et du concept même de cette intermittence.

 

Préambule :

Facteur de charge et facteur de disponibilité

TOUS les moyens de production (ou de stockage) sont susceptibles d’être momentanément indisponibles, tant de façon programmée, pour maintenance, que de manière fortuite pour incident.

Cette « disponibilité opérationnelle » (https://www.kkg.ch/fr/i/arbeitsverfuegbarkeit-_content---1--1294.html) peut être totale ou partielle et son facteur de disponibilité en rend compte.  (https://boowiki.info/art/industrie-de-l-energie/facteur-de-disponibilite.html)

 

Un moyen de production (ou de stockage) peut également être techniquement disponible mais être dépourvu, partiellement ou totalement, de la source d’énergie nécessaire à son fonctionnement.

Cette source d’énergie peut être sous forme de stock ou bien sous forme de flux. La variabilité de ce flux détermine alors le « facteur de charge » d’un moyen de production dont la disponibilité opérationnelle permettrait, en cas de besoin, un fonctionnement  à la puissance nominale.

 

RTE publie quotidiennement les indisponibilités, même infimes, de tous les moyens de production (ou de stockage) dont la source d’énergie se stocke. Ce qui ne signifie pas, pour autant que le facteur de charge de la puissance disponible est égale à 1, cette puissance étant pilotée selon plusieurs critères, comme les besoins de la demande ou le prix du marché.

Le gestionnaire de production pouvant aller jusqu’à demander à un moyen de production de se déconnecter du réseau en cas de forte production dans un contexte de faible consommation, comme le montre ci-dessous la publication de cette demande faite à EDF pour le réacteur n°1 de la centrale de Saint Alban.


TOUS les moyens de production disposent de cette possibilité de réduire leur facteur de charge et se déconnecter du réseau. Les contrats éoliens récents prévoient notamment une rémunération forfaitaire d’un facteur de charge de 35% aux exploitants éoliens qui cessent leur production quand les prix sont négatifs.

Par contre une éolienne ne peut atteindre sa puissance nominale quand il n’y a pas de vent.

Au niveau national, les différents régimes de vent interdisent 100% à l’ensemble des éoliennes françaises, de même que leur production totale ne tombe jamais à 0 MW.

Pour 2021, l’écart entre le maximum et le minimum de la production des 18 549 MW éoliens (au 1er janvier 2022) est illustré ci-dessous.

Soit entre 78,28% et 0,24% de la puissance installée.

Or, s’il est possible de réduire le facteur de charge maximum, il n’est pas possible d’augmenter la production quand le vent fait défaut.

(Source : chiffres clés RTE 2021)

C’est pourquoi l’éolien est souvent qualifié d’ «intermittent » bien que sa production ne soit jamais réellement interrompue, pour l’opposer aux moyens « pilotables », bien que ceux-ci puissent être arrêtés pour incident ou maintenance.

« Aléatoire » est également employé, bien que ce terme signifie également non prévisible, alors qu’on prévoit le temps. Certes, plus ou moins bien, mais on le prévoit. Ce qui ne veut pas dire qu’on peut le modifier lors de froids anticycloniques où la demande est la plus forte, et le vent absent.

Les professionnels de la filière semblent préférer « variable », qui est également exact.

Et tente de masquer le problème, car TOUS les moyens de production sont variable.

Mais SEULES les énergies renouvelables dites « intermittentes » sont condamnées à faire défaut lors des pics de consommation si le flux de leur source d’énergie fait défaut.

Pour éviter « intermittent » ou « aléatoire » Le Mont Champot avait analysé la situation sur la base des termes plus précis : « Dimensionnant et interactif »

http://lemontchampot.blogspot.com/2019/01/moyens-dimensionnants-et-moyens.html

Pour en finir avec le foisonnement

Afin de minimiser les effets de l’amplitude de l’écart entre puissance maximale et minimale des énergies « intermittentes » ou du moins « interactives » selon cette autre distinction, la notion de « foisonnement » viendrait en contrebalancer les effets. Non seulement un foisonnement des vents, puisque nous venons d’en voir le peu d’effets, mais un foisonnement des EnR entre elles, le soleil venant au secours du vent ou du débit des cours d’eau. Cette loi du hasard des grands nombres n’empêchera pas le soleil d’être absent de chaque pic de consommation car ceux-ci sont hivernaux vers 19 heures, après le coucher du soleil. Et l’intérêt de ce « foisonnement » reste vrai pour TOUS les moyens de production et revient à s’en remettre au hasard.

Ce qui n’est pas compatible avec des investissements visant à renforcer la sécurité.

Pour ne pas dire « aléatoire », disons « selon les caprices du vent ».

Annexe

L'hiver 2021/2022 aura été particulièrement stressant pour le système électrique français en raison de la détection par ultrasons de microfissures sur des circuits de sécurité qui ont provoqué l'arrêt immédiat des réacteurs de Civaux, puis, par précaution, de ceux de Chooz, d'une conception identique. Les quelques 6000MW qu'ils représentent se sont ajoutés aux habituelles opérations de maintenance qui ne peuvent pas être toutes programmées au plus bas de la consommation, notamment à la prolongation de l'arrêt de Penly1 (1330MW).

C'est ainsi que plus de 20 000MW ont pu faire défaut au plus fort de l'hiver sur les 61 370MW du parc nucléaire, ainsi qu'on peut le vérifier sur l'historique des indisponibilités.

Pour autant, le facteur de charge tout proche de 100% des réacteurs disponibles ont permis une puissance très voisine de 80% à l'ensemble du parc nucléaire, ainsi que le montrent les 2 illustrations ci-dessous de RTE

La ligne supérieure grise, indiquant 50 000MW montre en effet que le parc nucléaire s'est maintenu au dessus de 48 000MW tout le mois de janvier, c'est à dire avec un facteur de charge de plus de 78% ... à l'exception du samedi 1er et dimanche 2, où la consommation était à son minimum, et où l'éolien battait des records (dont l'excédent était aussitôt exporté, comme le montre le graphique ci dessous.


Le 2nd creux de production nucléaire correspondant, sur cette illustration, au second pic de production éolienne.

Ces 2 baisses nucléaires correspondant à une situation strictement identique à celle dont la demande de déconnexion d'un réacteur nucléaire est reproduite en début d'article.

Il est important de noter que ce facteur de charge, au pire moment des arrêts de réacteurs pour maintenance, est bien supérieur au facteur de charge moyen du nucléaire sur l'année. Avec 335,4TWh pour 61 370MW installés au 31 décembre, celui-ci aura été de 62% en 2020, sans même compter les TWh produits par Fessenheim qui grèvent d'autant ce facteur de charge.

C'est pourtant déjà son facteur de charge moyen trop important qu'on semble reprocher au nucléaire, puisque sa puissance installée est déjà inférieure à 50% du parc électrique (45,1%).


 

1 commentaire:

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