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mardi 2 novembre 2021

Futurs énergétiques 2050

Futurs énergétiques 2050 :

Des réponses qui posent question

 

Plus propre, plus durable, plus sûr et moins cher, le nucléaire se retrouve remis en selle par l'excellent rapport RTE pour éclairer un débat public digne de ce nom.

Jean Pierre Riou

Après 2 ans de travail, RTE vient de publier « Futurs énergétiques 2050 »[1], composé de 23 documents qui proposent à la consultation du public 6 scénarios de mix électriques permettant de décarboner complètement l’économie française à horizon 2050.

Les qualités du nucléaire, mises en avant par ce rapport tant attendu, semblent exiger désormais d'aller plus loin dans le débat public qui se profile.

 

Les différents scénarios étudiés dans les 13 nouveaux documents publiés par RTE ce 25 octobre, et complétant les 10 précédents, procèdent d'une consommation de référence de 645 TWh/an, en hausse en raison de l’électrification des usages, et d'hypothèses comprises entre 555TWh pour une grande sobriété, et 752TWh dans le cas de ré industrialisation du pays. Et même754TWh en cas de fort recours à l’hydrogène.

Corrélés à ces hypothèses, RTE présente 6 scénarios de production électrique avec 3 mix "M" (M0,M1, M23), caractérisés par le développement des énergies renouvelables, et dont M0 sortirait du nucléaire en 2050 avec 100% d’énergies renouvelables. Et 3 mix "N" ou nucléaires, qui reposent sur la construction de nouveaux EPR, soit  N1, N2 et N03, ce dernier reposant à parts égales sur les énergies renouvelables et le nucléaire en 2050, grâce au prolongement de 24 GW de nucléaire historique et de 27 GW provenant de 14 EPR et quelques petits SMRs.

Ces travaux n'envisagent pas de part nucléaire supérieure à 50%, loi LTECV de 2015 [2] ayant imposé ce plafond de 50% dès 2025. Date d’ailleurs reportée à 2035 par l’articleL 100-4 du code de l’énergie [3], en raison des 20 centrales à gaz qui auraient été nécessaires pour y parvenir, selon l'avertissement de RTE [4]. 

Ce rapport fait apparaître des qualités essentielles au mix N03, c'est à dire celui qui comporte la plus forte part de nucléaire :

Plus propre

En tenant compte du cycle complet des mix envisagés, ce scénario N03 serait le moins émetteur de gaz à effet de serre (GES) exprimés en tonnes équivalent carbone (CO2 eq), ainsi que l’illustre le graphique ci-dessous.

 


 Plus durable

L’Agence internationale de l’énergie (IEA) a récemment publié une alerte [5] sur la raréfaction des ressources en minerais nécessaires à la transition énergétique, tout particulièrement le cuivre, le lithium, le nickel, le cobalt et les terres rares, dont les énergies renouvelables et la restructuration des systèmes électriques permettant de les accueillir imposent une forte consommation.

Là encore, c’est le mix électrique qui contient la plus forte part de nucléaire qui apparaît le plus durable en recourant le moins aux ressources limitées des minéraux convoitées.


Notons que RTE envisage la résilience des différents mix électriques en fonction de l’évolution prévisible du climat. Et que, contrairement à une idée largement répandue, la production nucléaire ne serait affectée par une forte hausse de températures que de façon très marginale, avec, ci-dessous, moins de 12TWh de pertes par an pour le scénario nucléaire NO3 avec un RPC 8,5, (Representative Concentration Pathways) c’est-à-dire un peu plus de 5° de réchauffement en 1 siècle [6]

On sait d’ailleurs que la centrale américaine de Palo Verde, située en plein désert de l’Arizona, est privée du moindre cours d’eau et utilise les eaux usées de la ville de Phoenix pour son refroidissement. Avec 32,3 millions de MWh en 2014, Palo Verde n’en assurait pas moins, pour la 23ème année consécutive, la plus forte production de toutes les centrales [7] américaines. A cette date, son unité 3 de 1312 MW parvenait même à 97,5% de facteur de charge sur l’année.

Plus sûr

Dans chaque scénario, la sécurité d’approvisionnement à horizon 2060 est conditionnée par la flexibilité du système et la disponibilité des importations grâce aux interconnexions.

 Par « flexibilité », il faut entendre, selon RTE, un « mot valise à géométrie variable ».

C'est-à-dire la façon de se passer d’une production au moment où on en aurait eu besoin, notamment par l’« effacement » de la consommation,  industrielle ou résidentielle.

Sans surprise, c’est le scénario le plus nucléarisé qui exige le moins de ces « capacités ».

Or, les nouvelles capacités d’interconnexion supposent que nos voisins ne soient pas importateurs au même moment que nous. Et RTE note que « L’augmentation des besoins de flexibilité ne soulève pas, en premier lieu, de problématique purement technique dans la gestion du système, mais plutôt une problématique industrielle (sur le réalisme de disposer de ces moyens) ».

D’autre part, contrairement à la force d’inertie des grosses machines tournantes de façon synchrones à 50Hz des centrales conventionnelles qui confèrent au système sa stabilité dynamique [8], RTE constate que « le développement des productions renouvelables connectées par de l’électronique de puissance conduit à une baisse de l’inertie du système électrique européen, rendant les déviations de fréquence plus rapides quand surviennent des aléas temps réel sur l’équilibre entre la production et la consommation. Pour maintenir le même niveau de stabilité de la fréquence qu’aujourd’hui, les exigences sur la vitesse de réponse lors de l’activation devront être rehaussées

Et si « des solutions techniques existent pour surmonter la difficulté résultant de la réduction de l’inertie, elles se trouvent toutefois à différents stades de maturité ».

C’est ainsi que RTE évalue avec prudence la viabilité de l’alternative retenue entre des compensateurs synchrones, et le « Grid forming », en confessant « Des expériences à grande échelle sont nécessaires dans les années à venir pour valider ce concept. »

Moins cher

Plus propre, plus durable et plus sûr, le scénario nucléaire (N03) se révèle également le moins cher dès lors qu’on envisage les coûts complets, en raison des investissements nécessaires pour permettre à l'ensemble du système électrique d’accueillir de fortes proportions d’énergies intermittentes.

La comparaison de ces coûts complets des 6 scénarios sur la figure 11.32 ci-dessous est sans appel.

Nouvel avantage au nucléaire que précise le commentaire de RTE " Il existe un écart de coût en faveur des scénarios comprenant la construction de nouveaux réacteurs. Cet écart est d’autant plus marqué quand le parc nucléaire est significatif et permet d’éviter un investissement massif dans les moyens de flexibilité et des renforcements structurants des réseaux (de l’ordre d’un peu moins de 10 milliards d’euros par an entre M23 et N2 dans la trajectoire de référence)".

Des réponses qui posent question

Il convient tout d’abord de saluer la qualité d’analyse de ce travail de RTE.

Pour autant, ses réponses aux différentes problématiques posent clairement de nouvelles questions.

En effet, la transition du système électrique européen poursuit le triple objectif de maîtrise des coûts, de sécurité d’approvisionnement et de diminution de l’impact environnemental, tout spécialement en regard de ses émissions de CO2.

La raréfaction des matières premières et le rôle essentiel de la sécurité de la production électrique dans l’indispensable électrification des usages ont rendu ce triple objectif incontournable.

En confondant objectifs et moyens, les Directives européennes ont imposé aux États membres des parts d’énergies renouvelables croissantes dans leur mix électrique. Même à la France qui disposait déjà d’une électricité décarbonée abondante, sûre et bon marché.

Si, comme il apparaît désormais, la France doit conserver des réacteurs nucléaires, il importe aujourd’hui de mettre en évidence l’intérêt d’en réduire la part au bénéfice des énergies renouvelables. Ou de faire le constat de leur absence de valeur ajoutée au système.

La faisabilité d'un parc nucléaire prépondérant à horizon 2050-2060 relevant d'une autre question qui ne doit pas éluder la première. Car avant même de savoir réellement ce qu'on peut, il est nécessaire de savoir ce qu'on veut.

Une communication défaillante

Car après avoir évoqué les risques liés à ces réacteurs, au mépris des conclusions de l’UNSCEAR [9] puis de grossir ses coûts, malgré les rapports de l’AIE [10], on avance aujourd’hui qu’il ne serait plus possible techniquement de maintenir la capacité nucléaire actuelle. RTE précise en effet, « À long terme (2050-2060), la fermeture des réacteurs nucléaires de deuxième génération est une contrainte industrielle ». Et EDF se déclarerait incapable de renouveler en 40 ans ce qu’il fit pour le parc actuel bien plus rapidement.

Des contraintes fortes existent en effet. Mais ce manque d’ambition d’EDF ne saurait être séparé de la volonté politique à long terme de l’État, son principal actionnaire avec 83,6%. Or cet État impose par la loi [2] : « ... 4° De porter la part des énergies renouvelables à 23 % de la consommation finale brute d'énergie en 2020 et à 32 % de cette consommation en 2030 ; à cette date, pour parvenir à cet objectif, les énergies renouvelables doivent représenter 40 % de la production d'électricité, 38 % de la consommation finale de chaleur, 15 % de la consommation finale de carburant et 10 % de la consommation de gaz ; 5° De réduire la part du nucléaire dans la production d'électricité à 50 % à l'horizon 2025 ». Quand bien même cette échéance aurait donc été repoussée à 2035.

Bilan et prospectives

Il n’était malheureusement pas du domaine de RTE d’analyser des scénarios qui auraient violé cette loi. Laquelle loi avait d’ailleurs été portée par F. Brottes, chargé ensuite, à la tête de RTE [11] de montrer qu’elle était applicable.

Pour permettre à une éventuelle volonté politique de revenir sur cette loi, des analyses de cette qualité, mais plus ambitieuses sur la part de nucléaire, sont nécessaires, y compris en incluant les applications nucléaires  non électriques,  récemment mises en valeur [12] par l’Agence internationale de l’énergie et au sujet desquelles un rapport de l’OCDE [13] s’interrogeait en ces termes « Quel est le rôle des pouvoirs publics ? Examinent-ils sérieusement toutes les options nucléaires dans le cadre de leur politique énergétique nationale en faveur de la réduction des gaz à effet de serre et de la sécurité d’approvisionnement en énergie ? ».

Le débat public occupe une part grandissante dans le processus décisionnel. Ce n’est qu’à la lumière des éléments qui précèdent qu’il peut se tenir dignement, et non sous la pression de médias qui se complaisent à promouvoir la gratuité du vent, la quantité de CO2 évitée par chaque MWh éolien et dénoncent le caractère ruineux du nucléaire.

Et ce n’est ensuite qu’avec l’éclairage des travaux de l’UNSCEAR [14], équivalent du GIEC dans le domaine des effets des rayonnements ionisants, que le public sera en mesure d’exprimer ses choix sur l’avenir de notre nucléaire. Et non en supposant que les travailleurs de cette filière seraient plus exposés à ces rayons que ceux de l’éolien ou du photovoltaïque, ou que les populations y seraient davantage exposées qu’aux rayonnements ionisants des centrales à charbon.

Ce n’est qu’à ce prix qu’un débat public sera digne de ce nom.

1 https://www.rte-france.com/analyses-tendances-et-prospectives/bilan-previsionnel-2050-futurs-energetiques#Lesdocuments

2 https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000031044385/

3 https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000039369320/

4 https://www.francetvinfo.fr/societe/nucleaire/desintox-non-reduire-le-nucleaire-a-50-de-la-production-d-electricite-francaise-ne-conduira-pas-a-construire-plus-d-une-vingtaine-de-centrales-a-gaz-d-ici-2025_4808543.html

5 https://www.iea.org/reports/the-role-of-critical-minerals-in-clean-energy-transitions

6 https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/edition-numerique/chiffres-cles-du-climat/3-scenarios-et-projections-climatiques

7 https://www.powermag.com/palo-verde-nuclear-generating-station-wintersburg-arizona/

8 http://lemontchampot.blogspot.com/2021/01/le-turpe-nouveau-est-arrive.html

9 http://www.economiematin.fr/news-parallele-franco-allemand-quand-peur-mauvaise-conseillere-riou

10 http://lemontchampot.blogspot.com/2021/01/le-veritable-cout-de-la-production.html

11 https://www.lopinion.fr/edition/economie/rte-nouveau-fromage-republique-hollandaise-54391

12 https://www.iaea.org/newscenter/news/the-use-of-nuclear-power-beyond-generating-electricity-non-electric-applications

13 https://www.oecd-nea.org/jcms/pl_33955/produits-de-l-energie-nucleaire-hors-electricite

14 http://www.economiematin.fr/news-parallele-franco-allemand-quand-peur-mauvaise-conseillere-riou

1 commentaire:

  1. Merci excellent travail dont il est difficile de ne pas partager les conclusions.
    A mons sens il n'est pas acceptable que RTE présente 3 scénarios faisant disparaitre le nucléaire entre 2050 et 2060 et pas de scénario plus ambitieux sur le nuclaire sans nouveaux investissements ENRi au moins à titre de comparaison.

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