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samedi 21 novembre 2020

Chronique d'un blackout ordinaire

Chronique d'un blackout ordinaire

Jean Pierre Riou

Dans un contexte de record éolien fièrement annoncé quelques heures auparavant, une panne géante avait privé plus d’un million de britanniques d’électricité le 9 août 2019.

Les générateurs de secours de l’hôpital d’Ipswich étaient alors tombés en panne, évoquant le spectre des conséquences qu’on peut imaginer en pareil cas.

Le manque d'inertie du système, en raison de la grande part d'énergies renouvelables, avait immédiatement été mis en cause dans la déconnexion brutale du parc éolien Hornsea One qui avait alors fait écrouler tout le réseau pour n’avoir pas résisté à la baisse de fréquence liée à la défaillance de 150 MW de petits générateurs du réseau de distribution qui s’étaient automatiquement déclenchés à la suite d’un écart de tension.

Le manque de cette inertie alors disponible sur le réseau avait contribué à permettre au parc éolien d’entraîner dans sa chute la centrale à gaz de Little Barford. Puis des déclenchements automatiques en cascade destinés à préserver l’ensemble du système électrique.

Cette inertie est permise par une part suffisante de grosses machines tournantes synchrones (à 50Hz)  des centrales conventionnelles qui sont capables, en pareil cas, d’amortir une part du déficit de fréquence, ainsi que le montrent ci dessous Georges SAPY et Patrick MICHAILLE

 


En janvier 2020 l’Office gouvernemental britannique pour le marché de l’électricité et du gaz (Ofgem) a publié le rapport concernant cette panne géante :

Les extraits ci-dessous mettent en évidence le peu de résilience d'un système électrique fondé sur les productions d'énergies renouvelables

Ce document rappelle en effet que : l ’« inertie du système » total aide à contrecarrer les changements de fréquence du système. Nous considérons que l'ESO (gestionnaire du réseau) doit garantir une inertie du système suffisante pour gérer les variations de fréquence conformément à ses obligations, et éviter un effet domino des pertes de production distribuée, décrit directement ci-dessous. Les générateurs connectés au réseau de distribution local ont des paramètres de protection qui les déconnectent automatiquement lorsque le taux de changement de fréquence (RoCoF) dépasse une limite ».

Et précise que le vendredi 9 aout 2019 à 16h52’33, la foudre a touché la ligne Eaton Socon - Wymondley 400kV, produisant un « décalage vectoriel » de la tension, « ce qui n'est pas inhabituel et a été corrigé en 80 millisecondes (ms) » Ce qui a affecté les réseaux de distribution locaux en déclenchant automatiquement environ 150MW de petits générateurs.

Mais le système de contrôle de la tension du parc éolien offshore Hornsea 1 est alors devenu instable et la production du parc est tombée de 799 MW à 62 MW.

Immédiatement après, l’inertie n’était pas suffisante pour empêcher  la turbine à gaz de Little Barford de ralentir. Ses capteurs de vitesse ont alors entraîné son arrêt automatique, privant le réseau de 244 MW supplémentaires.

 « La perte de production combinée de ces deux centrales (parc éolien de Hornsea 1 et centrale à gaz de Little Barford (NDA) a contribué à la panne d'électricité. La perte de production de ces centrales électriques et de ces générateurs a entraîné une chute rapide de la fréquence du système et un plus grand volume de production distribuée a ensuite été déconnecté en raison de leurs mécanismes de protection. Les pertes de puissance combinées ont dépassé les réserves automatiques détenues par l'ESO. Dans ces circonstances, la nécessité d'une déconnexion de la demande pour protéger le système était inévitable »

 

Le document confirme le contexte de l’incident :

« 2.15. Le système électrique est caractérisé par une plus faible inertie du système causée par le remplacement d’une production massive thermique synchrone par un mélange de production renouvelable à l’échelle des réseaux de distribution et de production non synchrone à grande échelle (du réseau de transport NDA).

22 Rapport - Coupure de courant du 9 août centrale sur le réseau de transport, avec une réponse inertielle intrinsèque limitée. Le volume de production de plus en plus important raccordé aux réseaux de distribution locaux signifie également que ses réactions en réponse aux perturbations du réseau sont de plus en plus importantes en regard de l'exploitation du réseau national de transport d'électricité, ce qui s'est avéré significatif lors de la panne du 9 août. »

Pour mémoire, il en est de même en France où sur les 17 147 MW éoliens installés en septembre 2020, 15 918 MW étaient également raccordés sur le réseau de distribution, contre 1229 MW sur le réseau de transport.

"3.6. Notre évaluation du niveau d'inertie et de la réponse en fréquence détenu par l'ESO avant cet événement suggère qu'il n'y avait qu'une faible marge d’erreur dans la sécurisation du système contre les seules pertes des générateurs connectés à la transmission.

Très peu de temps après, la centrale vapeur de la centrale électrique de Little Barford dans le Bedfordshire (244 MW) s'est déconnectée du réseau de transport. Les capteurs de vitesse de la turbine à vapeur ont produit un écart, amorçant son système de contrôle automatisé pour arrêter l'unité."

 

Le rapport rappelle que l« inertie  est une forme de réponse en fréquence qui est intrinsèquement fournie par les grandes machines tournantes, synchronisées avec le système. Lorsque la fréquence du système diminue, ces générateurs ralentissent. Leur énergie de rotation stockée est automatiquement transférée au système d'alimentation."

"Les pertes de puissance combinées ont dépassé les réserves automatiques détenues par l'ESO. Dans ces circonstances, la nécessité d'une déconnexion de la demande pour protéger le système était inévitable »

2.14 « La panne met en évidence les risques et les défis liés à la gestion de la sécurité et de la stabilité du système dans le système électrique en évolution »

 




 

 

 

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