Le pouvoir de décarboner
Jean Pierre Riou
La loi de Transition énergétique prévoit la révision de la Programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) avant la fin de l'année 2018
Demain 19 mars s'ouvre le débat public préalable la concernant.
Chacun sera donc appelé à s'exprimer sur l'avenir de notre énergie, domaine stratégique s'il en est et dont dépend notre avenir.
Encore faudrait il que les avis exprimés le soient en connaissance de cause, étayés par des faits et non par des rêves chimériques.
Ainsi que par des bilans et non par les slogans de ceux dont c'est le fonds de commerce.
La priorité des priorités est de réduire les émissions de CO2(eq).
Les énergies renouvelables (EnR) sont réputées y parvenir.
Leur coût
L'effort supplémentaire consenti par les français pour en subventionner le développement, prélevé à travers la contribution au service public de l'électricité (CSPE), est considérable.
De 5,9 milliards d'euros en 2018, ils s'élèvera à 7,9 milliards d'euros pour l'année 2019.
(Source Commission de Régulation de l’Énergie)
A minima, ce point ne saurait être ignoré, afin d'éviter qu'on puisse imaginer que la gratuité du vent serait un gage d'économie.
D'autre part, l'intermittence de production des principales énergies renouvelables que sont l'éolien et le photovoltaïque entraîne des effets pervers sur les moyens chargés d'en prendre le relai qui leur interdit d'obtenir les résultats promis sur la réduction des émissions.
De nombreux paramètres doivent être pris en compte pour expliquer notamment leur stricte inefficacité en France où l'accélération de leur développement s'est accompagné de 3 années consécutives de hausse des émissions.
Leur efficacité
The Power to Decarbonize est une étude qui a analysé l'évolution de l'intensité carbone du kWh des mix énergétiques mondiaux, parallèlement au développement des 4 principales production d'énergie décarbonée que sont hydraulique, nucléaire, éolien et solaire.
Un tableau montre, pour chaque pays, l'évolution de l'intensité carbone du kWh en fonction de l'évolution de la production d'électricité produite par chaque filière, par habitant.
Et l'étude récapitule le lien, pour chacun de ces pays, représenté par un point coloré sur le graphique ci dessous, entre MWh annuels par habitant produit par chacune de ces technologies et l'intensité carbone du kWh du pays concerné.
Le pouvoir de décarboner un mix électrique, de chacune de ces technologies, apparait ainsi clairement.
Toute critique de cette étude ne saurait être que constructive.
L'ampleur de son travail exige qu'on ne l'ignore pas.
Il serait dommage d'imaginer que le développement des énergies renouvelables intermittentes en France serait efficace pour diminuer le CO2(eq) d'un parc électrique qui n'en émet déjà pas.
Tout en faisant des économies.
Surtout si cet avis devait être pris en compte par la PPE.
Ce serait s'exposer à une double peine.
Pages
▼
dimanche 18 mars 2018
jeudi 15 mars 2018
Eoliennes au Danemark
Intermittence et
hydraulique
Zoom sur le cas Danois
Jean Pierre Riou
Pourquoi le développement de l’intermittence en France imposera un suivi de charge supplémentaire à ses réacteurs nucléaires, qui altère
leur rentabilité et en compromet
la sûreté, sans participer à la suppression du moindre d’entre eux.
Le Costa Rica, l’Uruguay, le Canada ou la Norvège
produisent plus de la moitié de leur électricité grâce à l’énergie hydraulique.
Une bonne part de cette énergie, stockée dans des barrages, leur permet toutes
les fantaisies de production avec des moyens intermittents tels que le solaire
ou l’éolien.
Mais les problèmes soulevés par le projet de barrage de
Sivens rappellent douloureusement que ce modèle n’est pas universellement
transposable.
Or l’impossibilité de stocker de l’électricité en masse,
par tout autre moyen que les retenues hydrauliques, pour un coût acceptable par la collectivité est la raison qui a interdit à tout
pays ne disposant pas d’un tel atout, de réduire la puissance installée de ses
centrales pilotables d’un seul MW en contre partie
d’un développement de moyens intermittents, quelle qu’en soit la puissance.
Celle-ci étant susceptible de tomber à moins de
1% de sa puissance installée quand le vent tombe, comme ce 12 mars 2018 sur le
Danemark.
Cliquer sur l'image pour mieux la visionner
Des «patates anticycloniques » peuvent pourtant s’abattre
une
semaine entière sur l’Europe, tandis que la régularité de l’alimentation du
réseau est indispensable.
Ce qui explique que l’Allemagne n’a toujours pas
réduit son parc pilotable d’1 seul MW en contre partie de 100 000 MW
intermittents, qu’il en est de
même en Espagne, et que la France se leurre si elle attribue la fermeture de
3 GW de charbon à toute autre cause qu’à l’économie permise par la mise
en service de l’usine Georges Besse 2.
Le cas danois
Le cas du Danemark demande une attention particulière
puisqu’il a réussi, en 25 ans, à réduire son parc thermique de 2 GW et le
ramenant de 10 214 MW en 1995 à 8 141 MW en 2015, parallèlement au
développement d’une puissance intermittente solaire/éolien supplémentaire de 5
GW.
Et cela, sans disposer de réserves hydrauliques
permettant d’amortir les aléas de la production éolienne.
Le tableau ci-dessous détaille cette évolution
Décryptage
Cette évolution du parc électrique danois ne peut
s’appréhender qu’au sein du réseau nordique avec lequel il est étroitement connecté,
principalement avec la Suède et la Norvège qui lui fournissent la
quasi-totalité de ses importations, et avec l’Allemagne vers qui il exporte ses
excédents, ainsi que l’indique le graphique ci-dessous qui illustre l’évolution
de ses échanges transfrontaliers depuis 1990.
La ligne rouge tracée sur ce graphique montre l’évolution
de la tendance de ces échanges. D’exportateur net en 1995, leur solde diminue
progressivement, jusqu’à devenir importateur à partir de 2011, et représente
jusqu’à 17% de la consommation danoise en 2015.
L'hydraulique nordique et balte
Le réseau électrique nordique, qui relie Suède, Danemark
Norvège, et plus loin, Finlande, Estonie, Lettonie et Lituanie se caractérise
par une hydro électricité considérable, à l’exception du Danemark et de
l’Estonie.
L’énergie hydraulique a fourni, en effet, 96,3%
de la consommation d’électricité norvégienne en 2016 et la moitié de celle
de la Suède, Finlande, Lettonie et Lituanie utilisant largement cette
facilité d’en ouvrir ou refermer leurs vannes pour réguler le réseau, comme le montrent les brusques variations de production hydraulique lituanienne, ci dessous.
Tous les œufs dans
le panier hydraulique/nucléaire de ses voisins
L’énergie nucléaire caractérise également le mix
électrique de la Suède et de la Finlande, où nucléaire/hydraulique assurent 83,4% de la
production d'électricité en 2016 (hors cogénération), et 80,3% de la production en Suède
(87% de la consommation).
Et ce sont donc les réserves
hydrauliques suédoises et
norvégiennes qui permettent au Danemark d’avoir du courant quand le vent
tombe. Et lui assurent un éventuel débouché pour sa production éolienne, car ces
voisins n’ont pas plus de difficultés à ouvrir des vannes pour exporter qu’à
les fermer pour absorber des excédents.
Car les importations du Danemark sont d’autant plus
importantes que ses éoliennes produisent moins, et le solde devient exportateur
lorsque la puissance de son parc éolien dépasse, grosso modo, 2800 MW, comme le
montre le graphique ci-dessous, qui illustre la stricte corrélation entre la
quantité d’électricité éolienne produite par le Danemark et la quantité
d’électricité qu’il exporte, ou qu’il est contraint d’importer.
Source AIE, Danemark 2017
Un tel comportement avec des voisins si conciliants
compensant largement sa carence en capacités de stockage et évite de devoir
subventionner des centrales thermiques de secours comme doit le faire l’Allemagne.
La charnière 2005
2015
Entre 1995 et 2005, 2,5 GW éoliens ont été ajoutés au
parc électrique danois quasiment sans réduire le parc thermique (moins 0,3 GW).
Cette augmentation de la capacité installée a cependant été accompagnée d’une baisse des exportations,
en raison d’une augmentation de la consommation sur la même période, ainsi que
nous le voyons sur le graphique ci dessous.
La ligne rouge horizontale permet de mettre en évidence
la similitude de consommation entre
celle de 1995 et celle de 2015, qui encadrent cette étude, et sans laquelle toute comparaison serait biaisée.
C’est la période 2005 2015 qui est significative, puisqu’elle c’est alors que le
Danemark a opéré l’essentiel de la réduction de son parc thermique. Mais que,
d’exportateur net, il est devenu importateur
de 17% de ses besoins, alors que sa consommation baissait pourtant
régulièrement, de 34,2 TWh en 2005, à 31,7 TWh en 2015.
Epilogue
Son système électrique confère au Danemark l’électricité
la plus chère d’Europe pour les ménages, avec
0,3088€/kWh en 2016, tandis que ses voisins nordiques et baltiques
bénéficient d’un kWh 2 fois moins cher : 0,12€ en Estonie, 0,16€ en
Lettonie, 0,12€ en Lituanie, 0,15€ en Finlande, 0,18€ en Suède et 0,15€ en
Norvège.
Mais du moins, l’industrie éolienne, avec 25 000
emplois au Danemark représentait 8,5% de la totalité des exportations, car le marché intérieur de l’éolien ne représente que moins de
1% de l'activité.de ce
petit pays en 2011, avant que la Chine ne s’empare du marché.
La contre partie
Ces chiffres sont indiqués dans le courrier adressé
au Ministre de l’Environnement de l’époque par la filière industrielle, afin de
lui rappeler que sa place de leader européen
de cette industrie attirait les yeux de tout le continent sur la réglementation
acoustique éolienne du Danemark et que les projets de prise en compte des
nuisances de leurs bruits de basse fréquence risquaient ainsi d’être copiés par
d’autres pays.
Et que cela entrainerait un préjudice considérable à
l’économie danoise si la réglementation concernant la protection des riverains venait à se durcir.
C’est du moins le contenu de la lettre édifiante dont une
traduction assermentée a été publiée dans un rapport finlandais (p 73/74).
Cette lettre est datée de l’époque où le Professeur H.Møller,
spécialiste de l’acoustique incontesté au Danemark, se battait pour que les
très basses fréquences et infrasons éoliens soient mesurés dans les habitations
et non simplement calculés. C’est l’époque à laquelle il a été limogé de
l’Université d’Aalborg où il professait, époque à laquelle cette Université a
évoqué, sur
son propre site, les pratiques mafieuses de ce licenciement à prétexte
économique, et à laquelle la presse a dénoncé ces pratiques et lui a rendu un vibrant hommage.
vendredi 9 mars 2018
Transition espagnole
Transition espagnole
Jean Pierre Riou
Avec un parc éolien de 22 863 MW en 2018, l'Espagne fait figure de modèle au même titre que l'Allemagne. A la différence avec celle ci, qu'elle est parvenue à réduire en même temps ses émissions de CO2(eq).
Parti de 0,403 tonnes de CO2(eq) par MWh produit en 1990, le facteur d'émission de son parc de production d'électricité et descendu à 0,217 tCO2eq/MWh en 2018.
Décryptage :
Le graphique ci dessous illustre l'évolution du parc électrique de la péninsule espagnole* depuis 1990.
Infographie J.P.Riou d'après les chiffres http://www.ree.es/es/estadisticas-del-sistema-electrico-espanol
(Cliquer sur le graphique pour le visionner)
Une ligne horizontale rouge marque la puissance programmable installée en 2006, année où la consommation de 253,654 TWh était identique à celle de 2017 (253,082 TWh).
On remarque particulièrement l'apparition, en 2002, puis le développement rapide, ensuite, des centrales à cycle combiné, en gris bleuté, au dessus du charbon, en noir.
Leur technologie de pointe permet d'améliorer le rendement tout en réduisant les émissions atmosphériques.
Dans le même temps, on observe la disparition complète des centrales fioul et gaz de conception plus ancienne (en marron, au dessus du charbon, jusqu'en 2011). On observe également une augmentation sensible des capacités hydrauliques, en bleu, en bas.
La stabilité programmable
Mais nous observons surtout que le développement considérable de l'éolien (en vert) et du solaire (en jaune) ne s'accompagne pas de la moindre réduction de la capacité installée en centrales "programmables".
Cette puissance programmable étant même supérieure en 2018 qu'en 2006, alors que les besoins de la consommation n'ont pas progressé.
Pire, l'Espagne qui exportait en 2006 (3,28 TWh) est redevenue importatrice pour la 2ème année consécutive en 2017 avec un solde import de 9,171 TWh parallèlement à une baisse de production éolienne.
Ses moyens aléatoires, au gré du vent, permettent à l'Espagne de battre d'éphémères records de production éolienne.
Mais il est capital de bien comprendre que leur paralysie dès que le vent tombe, notamment lors de patates anticycloniques sur toute l'Europe, qui peuvent durer une semaine entière, interdit à l'Espagne, comme d'ailleurs à la France ou l'Allemagne, de se priver du moindre MW programmable installé. Seuls ces derniers ayant un caractère dimensionnant pour le parc de production.
Complémentarité nucléaire
Cette constante est particulièrement lourde de sens pour la France, puisqu'il est difficilement justifiable de coupler des réacteurs nucléaires avec des énergies intermittentes, si ce n'est pas pour permettre de se passer du moindre d'entre eux.
Si le risque du nucléaire n'est pas jugé acceptable, il est envisageable d'en sortir.
Quoi qu'il en coûte, tant sur le plan climatique, géostratégique que financier.
Mais en se dotant impérativement d'une puissance équivalente également programmable, notamment de centrales à cycle combiné à gaz, moins émettrices de CO2(eq) que le charbon.
Toute autre hypothèse reste une chimère.
*Pour plus de clarté, les situations particulières des Baléares, Canaries, Melilla, Ceuta, ne sont pas intégrées
Jean Pierre Riou
Avec un parc éolien de 22 863 MW en 2018, l'Espagne fait figure de modèle au même titre que l'Allemagne. A la différence avec celle ci, qu'elle est parvenue à réduire en même temps ses émissions de CO2(eq).
Parti de 0,403 tonnes de CO2(eq) par MWh produit en 1990, le facteur d'émission de son parc de production d'électricité et descendu à 0,217 tCO2eq/MWh en 2018.
Décryptage :
Le graphique ci dessous illustre l'évolution du parc électrique de la péninsule espagnole* depuis 1990.
(Cliquer sur le graphique pour le visionner)
Une ligne horizontale rouge marque la puissance programmable installée en 2006, année où la consommation de 253,654 TWh était identique à celle de 2017 (253,082 TWh).
On remarque particulièrement l'apparition, en 2002, puis le développement rapide, ensuite, des centrales à cycle combiné, en gris bleuté, au dessus du charbon, en noir.
Leur technologie de pointe permet d'améliorer le rendement tout en réduisant les émissions atmosphériques.
Dans le même temps, on observe la disparition complète des centrales fioul et gaz de conception plus ancienne (en marron, au dessus du charbon, jusqu'en 2011). On observe également une augmentation sensible des capacités hydrauliques, en bleu, en bas.
La stabilité programmable
Mais nous observons surtout que le développement considérable de l'éolien (en vert) et du solaire (en jaune) ne s'accompagne pas de la moindre réduction de la capacité installée en centrales "programmables".
Cette puissance programmable étant même supérieure en 2018 qu'en 2006, alors que les besoins de la consommation n'ont pas progressé.
Pire, l'Espagne qui exportait en 2006 (3,28 TWh) est redevenue importatrice pour la 2ème année consécutive en 2017 avec un solde import de 9,171 TWh parallèlement à une baisse de production éolienne.
Ses moyens aléatoires, au gré du vent, permettent à l'Espagne de battre d'éphémères records de production éolienne.
Mais il est capital de bien comprendre que leur paralysie dès que le vent tombe, notamment lors de patates anticycloniques sur toute l'Europe, qui peuvent durer une semaine entière, interdit à l'Espagne, comme d'ailleurs à la France ou l'Allemagne, de se priver du moindre MW programmable installé. Seuls ces derniers ayant un caractère dimensionnant pour le parc de production.
Complémentarité nucléaire
Cette constante est particulièrement lourde de sens pour la France, puisqu'il est difficilement justifiable de coupler des réacteurs nucléaires avec des énergies intermittentes, si ce n'est pas pour permettre de se passer du moindre d'entre eux.
Si le risque du nucléaire n'est pas jugé acceptable, il est envisageable d'en sortir.
Quoi qu'il en coûte, tant sur le plan climatique, géostratégique que financier.
Mais en se dotant impérativement d'une puissance équivalente également programmable, notamment de centrales à cycle combiné à gaz, moins émettrices de CO2(eq) que le charbon.
Toute autre hypothèse reste une chimère.
*Pour plus de clarté, les situations particulières des Baléares, Canaries, Melilla, Ceuta, ne sont pas intégrées