Eoliennes et climat: vers la fin d’un
modèle ?
Jean Pierre Riou
Partie 1
Energiewende : la fin
des ambitions
En 2014, le vice Chancelier Allemand Sigmar Gabriel,
ministre de l’économie et de l’énergie déclarait
déjà : « La vérité est que la transition énergétique
[« Energiewende », le plan allemand visant à faire passer la part de
la production « renouvelable » d’électricité à 80% en 2050] est sur
le point d’échouer. La vérité est que, sous tous les aspects, nous avons
sous-estimé la complexité de cette transition énergétique. La noble aspiration
d’un approvisionnement énergétique décentralisé et autonome est bien sûr une pure
folie ! Quoi qu’il en soit, la plupart des autres pays d’Europe pensent
que nous sommes fous. »
Dans son rapport « Transition
énergétique allemande : la fin des ambitions ? »
France Stratégie stigmatise l’échec climatique de l’Allemagne malgré son
développement spectaculaire des énergies renouvelables.
Quelques jours plus tard, c’est la Cour
des Comptes européenne qui fustigeait ce développement des énergies
renouvelables et en dénonçait les coûts et l’inefficacité.
Les rapports s’accumulent désormais pour établir que le
bilan climatique de cette politique est pire
encore qu’on le craignait,
malgré les milliards d’euros qui lui ont été consacrés.
Notre « modèle
allemand » étant même l’un des seuls pays au monde à voir les
émissions de son secteur de l’énergie croitre depuis 2010 !
(Source Enerdata)
Nous en avions publié une analyse dans « Ubu
chez les allemands ».
Pour toute analyse, la
rigueur des sources est fondamentale, le présent article vise à préciser celles
concernant l’évolution du parc électrique allemand dans cette première partie.
Une seconde partie insistera
sur les conséquences de cette évolution.
L’excellent site Energy Charts indique
l’évolution de la puissance installée de chaque filière de production
d’électricité en Allemagne.
La capture d’écran annotée ci-dessous en a déjà été utilisée
maintes fois pour montrer que la formidable puissance éolien/solaire allemande
- 1 ½ plus puissante que tout notre parc nucléaire - n’a pas été en mesure,
depuis 15 ans, de remplacer le moindre MW pilotable installé, en raison de l’intermittence
de sa production.
Celle-ci étant en effet susceptible de s’effondrer à 0%
de la puissance installée pour le solaire et guère davantage (jusqu’à 0,5%)
pour l’éolien.
Selon ce site, les 11,6 GW nucléaires fermés depuis 2002
auront été largement compensés par + 9,6 GW de gaz et 5,8 GW de biomasse, la
ligne rouge horizontale dénonçant l’absence totale de réduction de ces moyens
pilotables.
Toutefois, un léger hiatus s’est glissé en 2011 en raison
d’un changement de jeu de données dans les sources du site Energy
Charts : BMWi jusqu’en 2010, Bundesnetzagentur ensuite.
L’incohérence qui résulte de ce changement de source, par
comparaison avec les moyens effectivement fermés et ajoutés annuellement sur ce
même site, n’a pas échappé à la perspicacité de Nicolas Meilhan, membre des
« Econoclastes ».
Après avoir eu confirmation de ce hiatus auprès du
responsable du site, N.Meilhan en a reconstitué l’évolution, par comparaison
des différents jeux de données utilisées, notamment ceux de BDEW
et de Bundesnetzagentur
en regard des modifications
annuelles de puissance installée de Energy Charts.
Et rétabli, à source constante, une évolution plus précise
et plus complète des puissances installées qu’il publie dans
une mise au point sur le site des « Econoclastes ».
Le graphique ci-dessous récapitule cette évolution, nous y avons
reporté, en vert, la même ligne horizontale séparant les moyens pilotables de
la capacité intermittente (éolien/solaire), au dessus du trait.
Le paradoxe de
l’intermittence
Ce graphique, qui remonte cette fois jusqu’à 2000, fait
apparaître un paradoxe.
On y constate, en effet, que non seulement la capacité
installée des énergies pilotables n’a aucunement été réduite par de
développement des énergies intermittentes, mais que la tendance à la baisse, amorcée dès les premières années 2000, semble
s’inverser avec le développement exponentiel des énergies intermittentes.
Exception faite, bien sûr, de la chute brutale en 2011,
décidée dans l’urgence de l’après Fukushima.
Cette « sortie du nucléaire » allemande ne
représente d’ailleurs qu’une réduction de 11,6 GW depuis 2000, c’est à dire même
pas l’équivalent des réacteurs français arrêtés en même temps l’hiver dernier pour
contrôle de l’ASN.
Cette analyse de
l’évolution du parc électrique allemand met en évidence le fait que les
fermetures de ces réacteurs n’ont pas plus de lien avec le développement éolien
que celui du solaire, puisque l’équivalent de leur puissance a été plus
que compensée par + 9,44 GW de gaz, + 6,7 GW de biomasse et + 1,4 GW
d’incinération de déchets.
Et ce, malgré une réduction, dans le même temps, de 3 GW de
fioul.
Et ses deux
conséquences majeures
- Ce surdimensionnement du parc électrique allemand, qui correspond
pratiquement au doublement de sa puissance par des moyens intermittents,
entraîne des surproductions considérables chaque fois que le vent souffle et
que le soleil brille, et entraîne chaque année l’obligation d’exporter pratiquement
l’équivalent de la moitié de la production éolien / solaire, soit 44% en 2016
avec 50,44 TWh, plaçant l’Allemagne au 2° rang mondial des exportateurs d’électricité.
-
La seconde conséquence est le fonctionnement chaotique et régimes partiels que ce surdimensionnement
du parc électrique allemand impose aux centrales pilotables, avec des
conséquences négatives sur les émissions polluantes ainsi que sur la sécurité.
Ces conséquences font l’objet de la seconde partie de cet
article :
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