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mercredi 10 février 2016

Nucléaire: le bateau ivre



Le bateau ivre

La Cour des Comptes vient de rendre son rapport annuel.
Et évalue certaines conséquences de la loi sur la transition énergétique.
Déjà, dans son rapport du 25 juillet 2013: la Cour stigmatisait ainsi la politique de développement des énergies renouvelables :
« Alors qu’il engage la collectivité sur des sujets financièrement très lourds, l’État s’est insuffisamment organisé pour disposer des données de base indispensables à la conduite de la politique en faveur des énergies renouvelables. En effet, l’État ne dispose que d’informations lacunaires et dispersées sur les coûts de production. » (p63)
« La faiblesse d’expertise de l’État se retrouve également dans sa capacité à connaître l’impact socio-économique des décisions prises. Cela peut le conduire à lancer des projets très coûteux pour la collectivité ou les consommateurs sans que les bénéfices attendus ne se produisent. » 

Dans son rapport d’aujourd’hui concernant la maintenance des centrales nucléaires, on peut constater l’absence de chemin parcouru depuis!
« Aucune évaluation n’a encore été réalisée, ni par l’État, ni par EDF, sur les conséquences économiques potentielles de l’application de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte. »
Concernant le plafonnement de la puissance installée, dont cette loi implique la fermeture de 2 réacteurs parallèlement à l’ouverture de l’EPR, la Cour considère que  « le montant des dépenses pour les deux réacteurs, dont la fermeture est évoquée plus haut, peut être estimé à 3,44 Md€. »
Et que « Le plafonnement de puissance fait également supporter à l’État le risque de devoir indemniser le préjudice subi par EDF »

Mais ce rapport met surtout en évidence 2 problématiques majeures : celle de la maintenance des réacteurs et celle, induite, sur la sécurité d’approvisionnement.
 « D’autre part, la décision d’arrêt des réacteurs aurait pour conséquence de réduire le montant des investissements nécessaires à leur maintenance, sans pour autant mettre fin à toutes les dépenses de ce type en raison du délai nécessaire à la fermeture effective des réacteurs et, notamment, des charges liées aux obligations de sûreté qu’EDF doit continuer d’assurer. Le poids des investissements de maintenance pourrait ainsi être diminué jusqu’à 1,5 Md€ annuels90.
Le patrimoine d’EDF serait également réduit de la valeur des actifs de production fermés et la perte de valeur pourrait être évaluée entre 1,7 Md€ et 2 Md€ annuels.
Enfin, les estimations de la Cour ne tiennent pas compte des effets des fermetures potentielles des réacteurs sur le coût de l’énergie et donc sur l’emploi et la croissance, ni des éventuelles compensations que EDF pourrait obtenir de l’État et dont le montant ne peut être encore évalué. En outre, l’entreprise pourrait être amenée à indemniser les industriels avec lesquels elle a signé des contrats d’allocation de production électrique en contrepartie du règlement de leurs quotes-parts dans les coûts de construction, d’exploitation et de démantèlement de tranches nucléaires »
Et préconise,« en raison des difficultés attendues en matière de recrutement et de formation, intensifier la mobilisation des acteurs de la filière, publics et privés, visant à combler les pénuries de compétences identifiées dans la perspective du « Grand Carénage ».

Parmi les réponses ayant permis d’élaborer ce rapport signalons celle d’EDF qui mentionne que « La filière nucléaire est l’une des seules filières du Conseil national de l’industrie à ne pas avoir reçu, à ce jour, de financement de l’État, contrairement aux filières aéronautique, navale ou automobile. »

Et une absence de réponse qui pose question !

"Destinataires n’ayant pas répondu : Ministre des finances et des comptes publics et secrétaire d’État chargé du budget
Ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique"

Le risque induit sur la sécurité d’approvisionnement venant de l’observation que :
« l’ampleur des conséquences financières du plafonnement de puissance serait inférieure à celle de la réduction à 50 % de la part du nucléaire dans la production, dans la mesure où 17 à 20 réacteurs pourraient être arrêtés ».

En effet, par delà les conséquences financières évoqués, EDF, bien que détenu à 84% par l’Etat, n’a pas vocation à se comporter en vache à lait attendant paisiblement l’heure de la traite, en l’occurrence la responsabilité d’entretenir des centrales prêtes à démarrer lorsque le vent tombe et le soleil se couche.
Or, si l’Etat a oublié d’envisager les conséquences financières de sa loi TE, a-t-il même entrevu celles de la fermeture, pour cause économique, de 20 réacteurs nucléaires sur la sécurité de notre approvisionnement ?
Un chiffre, en effet, ne doit jamais être perdu de vue, celui du taux de couverture garantie des énergies intermittentes.
Qu’on le veuille ou non, celui-ci est de 0%

 

Les apôtres de l’Energiewende allemande font semblant de ne pas voir que pour une consommation équivalente à celle de 2002, l’Allemagne n’a toujours pas réussi à remplacer le moindre MW de puissance pilotable installée. Le graphique ci-dessous indique en effet, sous le trait rouge, les puissances pilotables : de haut en bas, charbon, lignite, nucléaire et biomasse, inchangées depuis 2002, pour une consommation strictement équivalente à celle des années 2000.
Le développement de l’éolien au dessus du trait rouge et du P.V. tout en haut venant en plus.
La stabilité de la puissance hydraulique en bleu tout en bas, qui n’est pas totalement pilotable permet de ne pas fausser cette comparaison.



Nous pouvons ainsi constater que la très légère baisse de puissance pilotable: "nucléaire, charbon, lignite, gaz" (-8.1GW) correspond, à moins d’1 GW près, à l’augmentation de la puissance pilotable biomasse (+7.2GW) pour une puissance totale de 185 GW.

Nous n’insisterons d’ailleurs pas sur le caractère écologiquement douteux de cette substitution, à la lumière du scandale écologique lié à la transformation de centrales à charbon en centrales labellisées « biomasse », ni sur le fait que ce genre de « projet vert » peut générer des droits à polluer supplémentaires, grâce aux mécanismes de mise en œuvre conjointe (MOC) du protocole de Kyoto.
C’est à la lumière de ces éléments qu’il faut analyser les « progrès » du parc allemand récemment publiés par le Fraunhofer Institute.

Et comprendre que c'est la biomasse qui compense la faible réduction nucléaire charbon/lignite, gas, le développement éolien allemand aura essentiellement participé à grossir ses exportations. 
Avec 48 TWh de solde export en 2015, l’Allemagne vient en effet de battre son précédent  record avec 14 TWh supplémentaires. (p 15)
Les conséquences tout aussi graves de la « fuite en avant » qui oblige à se débarrasser, toujours plus loin, d’une production aléatoire toujours plus importante feront l’objet d’un article spécifique concernant les centaines de milliards d'euros prévus dont les principales conséquences seront de déstabiliser le réseau européen  et de supprimer toute indépendance énergétique nationale.

Mais si l’Etat ne semble même pas avoir envisagé le coût financier de sa loi sur la transition énergétique, sait-t-il au moins par quoi seront remplacés les réacteurs nucléaires condamnés économiquement à un arrêt forcé qui pourrait être d'autant plus imminent qu'il est lié à leur sécurité?
Au minimum, sait il qui devra assumer la compétence et les coûts liés à leur mise en conformité si cet arrêt anticipé devait leur être refusé ?


dimanche 7 février 2016

Les nouvelles énergies

 



Énergies : le défi des nouvelles technologies

Publié le dans Énergie



Par Jean-Pierre Riou
Anita Gould-Stellarator(CC BY-NC 2.0)


L’annonce était restée discrète, lors de la COP 21, la firme britannique Tokamak Energy avait annoncé, en décembre dernier, son espoir de parvenir avant 5 ans au Saint Graal qui consiste à reproduire artificiellement l’énergie du soleil, et de fournir de l’électricité au réseau avant 2030. Déjà, en mai dernier, les scientifiques de l’Université de Washington, dévoilaient le réacteur de configuration « Dynomak », supposé être plus petit, moins cher et plus efficace que le Tokamak du projet mondial ITER, développé à Cadarache. Juste après que Lokheed Martin eut suscité l’incrédulité en annonçant ses avions à fusion nucléaire. Même des technologies encore considérées comme de la science fiction, telles que la fusion froide, semblent désormais la cible d’investissements colossaux. Tandis que Bill Gates consacre des sommes considérables dans son projet de réacteurs 4ème génération Terra Power.
Fin décembre, le Chicago Tribune constatait, en effet, que cette révolution énergétique semblait désormais être promise par des entreprises privées. Et rapportait que le Secrétaire général de l’ONU, Ban Ki Moon, aurait déclaré lors de la Cop 21 :..........Lire la suite dans Contrepoints
(https://www.contrepoints.org/2016/02/07/238016-energies-le-defi-des-nouvelles-technologies#comment-1196529)

 

mercredi 3 février 2016

Bilan RTE 2015

Bilan RTE 2015



RTE vient de publier son bilan électrique 2015.

Le solde exportateur net de la France est de 61.7 TWh.
La production des éoliennes augmente de 23.3%, avec 21.1 TWh. Le rapport précise fièrement:
« Chaque mois de l’année 2015, la production éolienne maximale a dépassé les 5 500 MW. Un nouveau maximum horaire de production éolienne a été atteint le 29 mars à 13h avec une puis­sance de 8 266 MW, ce qui correspond à un facteur de charge de 86,3%, ….. »

Précisons que par « production », il faut donc entendre « puissance instantanée » et non « quantité d’électricité » réellement produite, qui se mesure, elle, en MWh et non en MW. 
Il s’agit donc d’un pic de puissance récurrent et non d’une quantité d’électricité produite chaque mois.
Ce qui est dommage puisque c'est surtout de quantité d'électricité, qu'en fait, on aurait besoin. Particulièrement lors des pics de consommation.
Et c’est d’ailleurs bien là tout le problème des énergies intermittentes qui sont capables, à n'importe quel moment, de s’arrêter de produire, ou presque, comme le 25 juin 2015, où cette puissance instantanée était tombée à 21 MW
Contre performance équivalent à moins de 1% de taux de charge qui n’est d’ailleurs pas mentionnée dans le rapport.

Les 3 centrales à charbon les plus anciennes ont été fermées, réduisant la puissance installée de 5118MW en 2014 à 3007MW en 2015.

La production nette 2015 (546TWh) est sensiblement la même qu’en 2014 (540.6TWh).

Et pourtant, malgré les prouesses éoliennes, les émissions de CO2 ont augmenté et passent de 19 millions de tonnes en 2014 à 23.1 millions de tonnes.

L’explication avancée en est essentiellement la baisse de 10TWh de production hydraulique, qui, effectivement, correspond sensiblement à l’augmentation équivalente de l'hydraulique par du gaz.
Laquelle production de gaz a presque doublé en 2015,  passant de 14.3 TWh en 2014 à 22.1 TWh en 2015.

La consommation, corrigée des aléas climatiques, est en légère hausse avec 476.3 TWh, au lieu de 474 TWh en 2014.

En termes de réduction d’émissions, force est de constater que plus de 87% du parc électrique français est déjà exempt d'émission de CO2 sans même compter éoliennes ni photovoltaïque.

On ne tond pas un œuf.

On n’enlève pas plus du CO2 à un parc qui n’en émet quasiment pas, surtout en sachant que l’intermittence des éoliennes demande des moyens thermiques pour ajuster leur production à la consommation.
En matière de climat, pourtant réputé être l’objectif prioritaire européen, quelle quantité de CO2 espérait on donc enlever à cette vingtaine de millions de tonnes de CO2, sachant que les émissions de la totalité du secteur de l’énergie s’élèvent à 310 millions de tonnes ?
Comment comprendre que les éoliennes puissent encore demeurer, en France, le symbole omniprésent de cette lutte pour le climat ?

Plus nos braves Shadocks pompaient et plus il ne se passait rien.
Plus nos éoliennes brasseront un vent intermittent et plus il risque de ne pas se passer grand-chose de plus.
Sauf bien sûr dans les porte monnaie des ménages français, avec 1.18 milliard d'euros prévus en 2016 pour le seul surcoût de leur tarif d'achat, selon la CRE (délibération p 6) et dans la sécurité de notre approvisionnement en électricité.

L’évolution des échanges d’électricité est décrite page 40 en faisant mention d’une hausse de 50% du volume des opérations de gré à gré par rapport à 2014 et une augmentation des transactions sur le marché jour­nalier de 57%.
Confirmant ainsi le rôle grandissant des traders d’un nouveau genre opérant au jour le jour dans un marché devenu de plus en plus instable en raison de la part grandissante des énergies intermittentes.
Cette situation aide à comprendre pourquoi les prix du détail s’envolent quand ceux du marché de gros sont au plus bas.

Dans les différents pays de la zone CWE (Central West Europe, zone regroupant la France, la Belgique, l’Allemagne, le Luxembourg et les Pays-Bas sur laquelle les prix des marchés de l’électricité sont couplés depuis 2010 Pour faciliter ces échanges), les prix du marché n’auront été identiques que 19% du temps. 
Cette pudique appellation CWE permettant, au passage, de ne plus nécessiter les précédents écrans de fumée qui permettaient d'occulter les besoins allemands de l'électricité française, ses importations massives depuis la France étant remplacées par des données de contrats commerciaux n'ayant rien à voir avec les liens de dépendance d'approvisionnement entre nos 2 pays. 
Le mot Allemagne a désormais disparu du bilan des échanges. 
Et l'idée de sa dépendance à nos centrales avec.
Pour « mutualiser les moyens de production à l’échelon local, national et européen », RTE a investi 1.4 milliards d’euros dans le renforcement du réseau.

Cette mutualisation, dans ces conditions de marché, pénalise, bien entendu, la rentabilité des centrales électriques, même les plus modernes et les plus propres, dont l'intermittence de fonctionnement est imposé par la volatilité des cours du MWh de part et d'autre des frontières, ces cours ayant même été négatifs 126 heures (répartie sur 25 jours), pendant lesquelles les centrales qui voulaient faire l'économie d'un arrêt et redémarrage devaient payer pour écouler leur production après que les éoliennes aient bénéficié d'un achat obligatoire par EDF à tarif préférentiel.
Ces circonstances n'étant pas étrangères à la récente sortie de route d'EDF, éjectée sans ménagements du CAC 40 ni à son actuelle descente aux enfers.

Parallèlement, l’Agence Internationale de l’Energie (AIE) vient de publier ses statistiques 2015
(sur la base des données 2013)

La France y reste, une fois encore, parmi les pays qui exportent le plus d’électricité, avec la 2° place mondiale, derrière le Canada (50TWh) et un solde export de 48 TWh (p 27).

Le site des douanes (voir l’article « liens utiles »), permet de savoir que ce courant est exporté au prix moyen de 37.9€/MWh pour ces 12 derniers mois, soit infiniment moins que le tarif de rachat garanti de la production éolienne qui est estimé à 90€/MWh par la CRE (délibération 15/10/2015, annexe 1 p5).

Avec 61.7 TWh, c’est donc 3 fois la production éolienne et plus de 10TWh de plus qu’en 2014 qu’elle vient d’exporter en 2015.

Ce qui promet la plus haute marche sur le prochain podium de ce jeu de dupes, avec plus d'1 milliard d'euros de pertes pour le seul équivalent des 21.1TWh éoliens exportés.

Mais si c’est le contribuable/consommateur français qui subventionne ainsi l’énergie verte exportée chez nos voisins, espérons du moins que le vent ne nous ramènera pas les fumées du charbon que nos éoliennes leur auront permis de brûler.