Éoliennes et climat : posons nous au moins la question
Jean Pierre Riou
L’effet des éoliennes sur les vents
En août 2024, la revue SCIENCE&VIE attirait l’attention sur les lacunes réglementaires relatives à l’implantation d’éoliennes qui privent les nouveaux parcs d’une part substantielle de l’énergie du vent et citait une étude qui compilait les différentes données sur le sujet.
Conscient de l’ampleur du phénomène, l’énergéticien allemand RWE a mené une étude conjointe avec l’expert en management du risque environnemental DNV afin d’évaluer ses pertes d’exploitation induites par la présence d’autres grands parcs éoliens lors de toute nouvelle implantation d’éoliennes en mer.
Les résultats préliminaires, publiés le 10 mars 2023, font état d’une réduction substantielle du rendement énergétique provoquée par les clusters éoliens à plusieurs dizaines de km et dont l’effet de sillage reste sensible jusqu’à des distances de 200 km et plus.
L’avis du CNRS
En 2014, le CNRS avait publié un avis sur l’impact des éoliennes sur le climat, qui se fondait sur la modélisation des puissances installées et prévues en Europe. Son étude, publiée dans Nature communications , avait modélisé 3 scénarios de développement éolien, et s’appuyait notamment sur des tests en soufflerie. Elle avait conclu que leurs effets seraient limités sur le climat et variables selon les régions.
Cette étude avait notamment été détaillée dans Économie Matin, qui jugeait troublant d’y trouver la prévision d’un déficit de précipitations dans le sud est de la France, (figure d), des canicules estivales dans la péninsule ibérique et au Maroc (figure b), une douceur hivernale peu commune dans le nord de l’Europe (figure a) ainsi que des hivers plus froids dans le sud est européen.
Dans son avis, le CNRS avait conclu « Dans ce contexte, il est nécessaire de produire de nouvelles études utilisant d’autres modèles et différents scénarios de développement de production d’énergie éolienne pour déterminer précisément quelles seront les conséquences d’un déploiement encore plus massif de l’éolien à l’horizon 2050. Une question essentielle sera d’évaluer les effets d’un doublement voire d’un triplement des puissances étudiées ici, s’agissant de l’ordre de grandeur envisageable dans les quarante prochaines années ».
Cette étude considérait notamment que « toute la structure de la couche limite planétaire est affectée par la turbulence de sillage des turbines » (In fact, the whole structure of the planetary boundary layer is affected by turbine wake turbulence,) et faisait état d'un réchauffement net de 0,7° par décennie dans les zones fortement couvertes d'éoliennes.
L’étude RWE-DNV évoquée plus haut montre que les effets des éoliennes modernes peuvent se propager bien plus loin qu’on ne l’imaginait alors. Le scénario de référence de l’institut Fraunhofer reproduit ci-dessous montre qu’il en va de même pour l’ampleur du développement envisagé.
L’augmentation de la taille des machines, de leur surface balayée et des objectifs de développement visés par l’Europe, semblent devoir exiger, en préalable, que cette nouvelle étude, réclamée par le CNRS voilà 10 ans, soit enfin menée.
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