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lundi 15 novembre 2021

Sûreté du système électrique

 Sûreté du système électrique

 

Quand les problèmes de l’intermittence prospèrent plus vite que les (coûteuses) solutions destinées à les résoudre

Jean Pierre Riou

 

En 2015 déjà, explorant les besoins d’extension de réseau de l’ambitieux scénario renouvelable allemand « Länder », le rapport Derdevet prévenait : «  On constate que les besoins en extension croissent plus rapidement que le développement des énergies renouvelables en raison d’effets de seuil. »

Cette impression de fuite en avant se dégage aujourd'hui du dernier bilan de sûreté de RTE.

 

Plus propre, plus durable et moins cher, un scénario fortement nucléarisé est également plus sûr

Dans son volumineux rapport « Futurs énergétiques 2050 », RTE vient de montrer que le scénario le plus nucléarisé (N03) serait le moins émetteur de gaz à effet de serre, le plus durable, mais également le moins cher.

Le rapport envisage en effet les coûts complets de chaque scénario, c'est-à-dire qu’il chiffre également celui des infrastructures nécessaires à l’intégration de chaque type de production.

L’intermittence des énergies renouvelables est notamment à l’origine d’une large part des 102 milliards d’€ du nouveau TURPE6 destiné à moderniser le réseau électrique français.

Dans son bilan sûreté 2020, RTE décrit les différents aspects  des conséquences de l’intermittence sur le réseau, quand bien même le risque en serait encore parfaitement maîtrisé.

Équilibre offre demande

Selon ce rapport, la faible disponibilité du parc de production et le « manque croissant de moyens pilotables et flexibles (part croissante des EnR ne participant pas encore au mécanisme d’ajustement) » ont entraîné, en 2020, une ampleur inédite des situations où les marges de l’équilibre offre et demande (EOD) ont été insuffisantes. Cette évolution est illustrée ci-dessous.

 

Notons que le pire est évité grâce au mécanisme d’effacement de consommation, qui rémunère des clients industriels ou tertiaires pour être privés d’alimentation lorsque ces marges sont insuffisantes.

RTE fait état, sur son site, d’une nette hausse, pour la 2ème année consécutive, du volume de l'appel d'offre 2022 de ce « fusible » qu'est l’effacement avec  76% de plus par rapport à 2021.

Événements significatifs système (ESS)

Bien que la majorité des événements soient classés A sur une échelle de gravité allant jusqu’à F, l’année 2020 marque une nouvelle augmentation des ESS.


La raison en serait notamment « un parc de production qui apporte moins d’opportunités en termes de flexibilités et de services système que par le passé » à cause d’une « part croissante des EnR ne participant pas encore aux flexibilités et services système et baisse du nombre et de la proportion de tranches nucléaires y participant ». Quand bien même cette baisse du nombre de tranches nucléaires serait liée à la crise sanitaire et au décalage des maintenances qui s’en est suivi afin d’affronter l’entrée de l’hiver dans des conditions optimales, cette situation ne fait qu’anticiper les difficultés à venir liées à la baisse programmée de la part du nucléaire.

RTE met en cause « la variabilité des flux en direction et en intensité dans le nombre d’ESS concernant le dépassement temporaire des flux admissibles sur les ouvrages de RTE , qui est passé de 0 en 2015 à 36 en 2020.

Le lien entre les EnR et cette variabilité des flux en direction et en intensité est décrit dans l’article « 102 milliards pour permettre au réseau de marcher sur la tête ».

Selon RTE « Ce contexte a entrainé une recrudescence de situations tendues sur l’équilibre offre-demande et une hausse du nombre de dégradations à la baisse du plan de tension, engendrant au total 66 ESS ;

• des démarrages ponctuels et maîtrisés de pro­tections de surcharge sur le réseau intérieur et plus uniquement aux frontières, en partie liés aux varia­tions rapides et profondes des flux ».

Concernant la fréquence du réseau

Les nouveaux régimes des contrats de rémunération des énergies renouvelables prévoient notamment la rémunération d’un forfait de 35% de facteur de charge pour les producteurs éoliens qui interrompent leur production lors de prix négatifs sur le marché, au lieu de devoir payer pour l’écouler. « Les arrêts synchronisés de ces volumes, qui deviennent conséquents, ont pour la première fois générés des écarts de réglage à deux reprises en décembre, obligeant RTE à des ajustements en temps réel pour rétablir l’équilibre ».

RTE ajoute que « le système électrique français enregistre également depuis quelques années des déficits plus fréquents sur les réserves automatiques de fréquence. »

Et déplore que « Il reste toutefois globalement difficile de reconstituer en temps réel les réserves requises, sur le mécanisme d’ajustement, du fait de la diminution du gisement disponible. Cette difficulté est accentuée lorsque des groupes fournissant des services système sont arrêtés dans le cadre d’ajustements à la baisse pour l’équilibre offre-demande. »

En d’autres termes, quand la disponibilité des énergies renouvelables leur permet de prendre la place de centrales pilotables pour répondre à la demande, RTE se trouve fort dépourvu pour reconstituer les réserves en cas de déséquilibre.

Pour expliquer la genèse d’un incident de grande ampleur, RTE souligne la difficulté de gérer une production qui peut être aussi bien excédentaire, et devoir alors être évacuée, que venir à manquer, en rappelant que « l’énergie électrique ne se stocke pas aujourd’hui à grande échelle et les capacités de transport des ouvrages électriques ne sont pas infinies ». RTE explique que les phénomènes qui caractérisent ces incidents de grande ampleur sont : Les surcharges en cascade, l’écroulement de tension, la variation importante de fréquence et la rupture de synchronisme.

L’écroulement de tension

RTE fait état d’une dégradation du plan de tension qui a entraîné par 8 fois le seuil d’armement des automates de défense en 2020, ainsi que l’illustre le graphique ci-dessous.

 

Mais assure rester maître de la situation, le seuil d’activation de délestages automatiques n’ayant pas été atteint. Et cite, parmi les éléments favorables, le volume de capacité réactive des groupes nucléaires, historiquement peu limité en 2020.

Le rapport précise le risque « En deçà d’un certain niveau bas de tension appelé tension critique, on se heurte à la limite de puissance transmissible. Ce qui conduit à l’écroulement du réseau, si aucune mesure n’est prise ».

Gestion des flux sur le réseau

« Depuis quatre ans, hors régime d’incident, l’augmentation du nombre de démarrages ponctuels de pro­tection de surcharge en 225 et 400 kV est significative ».

RTE en précise l’enjeu : « Si la surcharge d’intensité n'est pas levée avant un temps donné après son démarrage (entre quelques secondes et 20 minutes, selon l'ampleur du dépas­sement constaté), l’ouvrage concerné se décon­necte automatiquement du réseau, par action de sa protection de surcharge. Le transit supporté avant le déclenchement par cet ouvrage se reporte alors sur les ouvrages voisins. Selon l’importance des phénomènes, on peut alors se trouver face à de nouvelles surcharges, puis de nouvelles déconnexions. De reports de charge suc­cessifs pouvant entrainer l'apparition d'un phénomène cumulatif peuvent par un effet cascade conduire à la perte d’une partie importante du réseau. »

Réalimentation du réseau

RTE précise qu’en cas d’incident généralisé la réussite de l’îlotage des groupes nucléaires est primordiale pour permettre de reconstituer le réseau et réalimenter les clients dans les délais les plus brefs possibles. Cet « ilotage», durant lequel le réacteur ne délivre rien au réseau, permet en effet de reconstituer celui-ci par des « remises sous tension, pas à pas, de structures 400 kV, appelées ossatures régionales. »

Dépassements de tension

RTE fait état d’une augmentation régulière des dépassements de tension, particulièrement sensible sur le réseau 225kV, qu’il illustrée par le graphique reproduit ci-dessous.


Pour maîtriser ces tensions hautes, liées notamment, selon RTE, à l’augmentation de la production décentralisée, RTE équipe le réseau de selfs (dispositifs permettant d’absorber de la puissance réactive et donc d’abaisser la tension) : 450 MVar de selfs ont ainsi été installés en 2019.

En 2020, 760 MVar de selfs ont été installés et 2300 MVar supplémentaires sont prévus d’ici 2025, dont 200 dans le massif central, afin de moins solliciter les groupes hydrauliques fortement utilisés actuellement dans la gestion des tensions dans un mode spécifique dit de « compensation synchrone ».

Ce qui ne correspond pas pour autant à une gestion optimum de leurs ressources.

Selon le rapport, ces dépassements de tension sont provoqués par « le développement important des EnR sur les réseaux de distribution qui réduit les soutirages de puissance active sur le réseau de transport et augmente donc la production d’énergie réactive du réseau ».

Stabilité dynamique du réseau

Enfin, la force d’inertie des grosses machines tournantes de façon synchrones à 50Hz des centrales conventionnelles confèrent au réseau sa stabilité dynamique. Dans « Futurs énergétiques 2050 » RTE constate que « le développement des productions renouvelables connectées par de l’électronique de puissance conduit à une baisse de l’inertie du système électrique européen, rendant les déviations de fréquence plus rapides quand surviennent des aléas temps réel sur l’équilibre entre la production et la consommation. Pour maintenir le même niveau de stabilité de la fréquence qu’aujourd’hui, les exigences sur la vitesse de réponse lors de l’activation devront être rehaussées

Et si « des solutions techniques existent pour surmonter la difficulté résultant de la réduction de l’inertie, elles se trouvent toutefois à différents stades de maturité ».

Et  RTE évalue avec la plus grande prudence la viabilité de l’alternative retenue entre des compensateurs synchrones, et le « Grid forming », en confessant « Des expériences à grande échelle sont nécessaires dans les années à venir pour valider ce concept. »

 

La colonne vertébrale

Le système électrique est la colonne vertébrale de la transition énergétique grâce à son opportunité de remplacer les énergies fossiles par l’électrification des usages.

Plus chère, moins propre et moins durable que les scénarios nucléaires, l’aventure de scénarios comportant une large part d’énergies intermittentes porte en elle une menace sur l’ensemble de la sécurité énergétique dont il convient de prendre la mesure dès aujourd'hui dans toute politique de long terme.

samedi 13 novembre 2021

Caractérisation du bruit des éoliennes

 Caractérisation du bruit des éoliennes

Jean Pierre Riou

 

La norme NF S31 010 dans sa version de 1996 est relative à la mesure et au contrôle des bruits de l’environnement. Pour prendre en compte leurs pics d'amplitude, elle utilise généralement une durée d’intégration élémentaire égale à 1 seconde.

Pour autant, certains bruits présentent une « augmentation significative des niveaux sur une durée très courte (généralement < 1 s) ». Ils sont alors qualifiés d’impulsionnels.

Pour réduire les incertitudes de leur mesurage, la norme NF S31 010 prévoit alors, au paragraphe 6-5-2-2, des bornes d’intégration « de l’ordre de 100 ou 125 millisecondes » au lieu de 1 seconde.

 

L’acousticien Robert Rand* a confirmé ce caractère impulsionnel du bruit éolien.

Ses documents sont disponibles sur le site du gouvernement du New Hampshire [1]

 

Il montre notamment la réalité de l’impact acoustique de 3 éoliennes à une distance de 1,1 kilomètre de la plus proche d’entre elles (3670 pieds) avec une durée d’intégration de 0,1 seconde pour la mesure de contrôle du bruit.

 


La fréquence du passage des pales y est parfaitement identifiable, spécialement autour de 30:00:30AM, période semblant correspondre au fonctionnement synchrone des 3 machines, phénomène courant qui génère une augmentation de la profondeur de modulation.

Lorsque plusieurs éoliennes fonctionnent à proximité, ces battements entraînent, comme ici, un renforcement du bruit estimé entre 3 et 5 décibels, notamment par l’Institut de santé publique du Québec [2].

 

Cette « signature acoustique» des éoliennes les distingue sans équivoque du bruit ambiant. La caractérisation de ce bruit par une médiane sur une longue période ne saurait rendre compte de la réalité de la gène provoquée aux riverains. 

 


Ci-dessus, ce second graphique des mêmes documents de R. Rand montre, sur 10 minutes, l’importance des pics sonores des éoliennes mesurés avec un Leq 0,1s, par rapport à leur moyenne atténuée, en pointillés, calculée aussi bien sur une période de 10 minutes que sur 1 minute. A fortiori, la médiane supposée décrire l’ambiance sonore d’une période nocturne ou diurne minorera sensiblement la réalité fluctuante du bruit des éoliennes.

C’est pourtant le cas en France avec le projet de norme Pr 31 114 qui prévoit de caractériser par une médiane le  « niveau sonore représentatif de l’exposition au bruit des populations », associé à «  une classe homogène et a une classe de vitesse de vent » et dont le « descripteur de l’ambiance sonore est l’indice fractile L50 des LAeq,1s sur 10 min. »

Ajoutons que, dans ce même projet de norme, « Pour chaque valeur de vitesse de vent entiere, l'indicateur de bruit sera determine par interpolation lineaire entre les couples (vitesse moyenne, indicateur sonore brut) », pour compléter le tableau du grand écart opéré entre les émergences instantanées subies par les riverains et la caractérisation de l’ambiance sonore qui est supposée en rendre compte.

Ce « projet » de norme Pr 31 114, dans sa version provisoire de 2011 est pourtant bien celui auquel l’arrêté du 26 août 2011 fait référence dans son volet acoustique de la réglementation des éoliennes.

Il n’a pas fait l’objet, depuis, du consensus indispensable à la publication de toute norme Afnor.

A la suite de quoi le groupe d’« experts auprès de l’Afnor » chargé de sa rédaction a été dissous en 2017 [3].

 

Appendice

*Robert W. Rand a publié quantité de rapports sur le mesurage du bruit des éoliennes, notamment en collaboration avec 3 autres cabinets d’acoustique, à la suite de plaintes de riverains.

L’historique de ce rapport a été tracé dans l’article « Les éoliennes reconnues dangereuses pour la santé humaine » [4]. Depuis la parution de l’article, en 2016, plusieurs liens ont été cassés, dont celui du rapport répertorié PSC REF#:178200 sur le site du Wisconsin et désormais directement téléchargeable sous cette référence. A la suite de ce rapport, le département de santé publique du Comté de Brown avait adopté une motion [5] déclarant les éoliennes de Shirley « danger pour la santé humaine » (Human health Hazard)

 

 

1 https://search.nh.gov/nhsec-search.htm?q=randacoustics&cmd

2 https://www.google.com/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=&ved=2ahUKEwjq4s7sp5X0AhXdB2MBHSVtBssQFnoECBkQAQ&url=https%3A%2F%2Fwww.inspq.qc.ca%2Fpdf%2Fpublications%2F1633_EoliennesSP_SynthConn_MAJ.pdf&usg=AOvVaw3UCAs97-MnkcdxL9ae3WLI

3 http://lemontchampot.blogspot.com/2017/01/norme-de-mesurage-du-bruit-eolien-nf-31.html

4 http://www.economiematin.fr/news-eolienne-danger-sante-infrasons-impact-familles-exploitation-riou

5 https://edgarcountywatchdogs.com/2014/10/duke-energys-shirley-wind-farm-declared-health-hazard/

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

lundi 8 novembre 2021

Lettre ouverte concernant les "projets d’arrêtés portant modification de la réglementation"

Projets d’arrêtés portant modification de la réglementation relative aux installations de production d’électricité utilisant l’énergie mécanique du vent

Mes observations à la consultation du public : lettre ouverte

http://www.consultations-publiques.developpement-durable.gouv.fr/projets-d-arretes-portant-modification-de-la-a2523.html#forum785842

Jean Pierre Riou 

La référence à la norme 31 010, qui régit les bruits de voisinage, semble nécessaire à la juste prise en compte des nuisances sonores des éoliennes, tandis que le projet de norme 31 114, jamais achevé ni signé par le Directeur de l’Afnor depuis 2011, pénalise les riverains en faussant la réalité de l’émergence instantanée qui reste pourtant le principal critère de leur gène.

Le retour au seuil de caractérisation d’une émergence excessive à 30dBA est nécessaire. C’est le seuil retenu par le code de la santé publique pour garantir l’absence d’effets sanitaires. C’est d’ailleurs le seuil qui figurait dans le projet de texte de l’arrêté du 26 août 2011 tel que publié par le Conseil supérieur des risques technologiques et sur lequel ce dernier donnait son avis le 28 juin 2011, tandis qu’un amendement proposait de faire passer ce seuil à 35dBA le 8 juillet 2011 lors de la consultation de Conseil supérieur de l’énergie, ainsi que l’a fait remarquer la sénatrice Loisier dans sa question au Gouvernement. *

Sans cette mesure de retour à 30dBA, la multiplication des éoliennes dans nos campagnes généralisera les situations de souffrance de riverains. En tout état de cause, elle affectera la qualité de vie d'un nombre croissant d’entre eux.

Les lois de l’acoustique rendent effectivement le seuil de 30dBA difficile à respecter à moins de 1000m des habitations. Et c’est précisément la raison pour laquelle la distance de 500m doit être considérée très insuffisante par la loi. D'autant que les fiches techniques des éoliennes modernes montrent que leur puissance acoustique a tendance à augmenter avec la puissance nominale de leur production.

L’augmentation du diamètre des rotors  renforce l’importance de leurs bruits de basses fréquences et rend plus nécessaire encore la prise en compte de ceux-ci par le contrôle des émergences spectrales, présent dans l’article R1334-34 du code de la santé publique et dont les éoliennes sont dispensées depuis l’arrêté du 26 aout 2011.

Le projet de texte reprend deux précédentes dispositions en énonçant :

1)      « Lorsque plusieurs installations classées, soumises à autorisation au titre de rubriques différentes, sont exploitées par un même exploitant sur un même site, le niveau de bruit global émis par ces installations respecte les valeurs limites ci-dessus. »

Cette disposition pose question lorsque plusieurs installations sont exploitées par des sociétés différentes. Car en ce cas le bruit particulier de l’une sera implicitement considéré comme bruit résiduel pour les émergences de l’autre. Et ses propres émergences s’additionneront ainsi à l’autre installation sans la moindre justification acoustique, ni sanitaire. Aucune étude d'impact ne doit considérer le bruit d'un parc éolien en tant que bruit résiduel, que ce parc soit exploité par la même société ou non.

2)      « Lors d’un renouvellement, lorsque les distances d’éloignement au moment du dépôt du porter à connaissance sont inférieures à celles mentionnées par l’article L. 515-44 du code de l’environnement, ces distances ne peuvent en aucun cas être diminuées. » Cette disposition semble ainsi autoriser l'exploitant à prolonger, avec une nouvelle éolienne à moins de 500m, les nuisances auprès de riverains à une distance pourtant considérée trop proche par l’arrêté du 26 août 2011.

Le projet de texte fait référence au « protocole de mesure acoustique des parcs éoliens terrestres reconnu par le ministre chargé des installations classées ». 

Pour donner un avis constructif sur l’ensemble du projet de texte, force est de regretter que la façon de consulter ce protocole, dont les travaux semblaient encore en cours à une date fort récente, n’ait pas bénéficié d’une publicité suffisante pour le faire mieux connaître au public. Si toutefois ce protocole est effectivement publié.

En effet, l’élaboration de toute norme repose sur le consensus entre tous les intérêts représentés au sein du « groupe d’experts auprès de l’Afnor » chargé de sa rédaction, et au terme duquel le projet de norme ainsi finalisé est mis à la consultation du public.

Il serait fâcheux que le « protocole » évoqué par le projet de loi, ainsi que toute référence à un état provisoire de norme (31 114) dont il a été décidé d’abandonner la finalisation, puisse ainsi sembler dérogatoire au principe de participation du public à « l'élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement », pourtant garantie par l’article 7 de la Charte de l’environnement, à valeur constitutionnelle.

* https://www.senat.fr/questions/base/2016/qSEQ160722904.html

mardi 2 novembre 2021

Futurs énergétiques 2050

Futurs énergétiques 2050 :

Des réponses qui posent question

 

Plus propre, plus durable, plus sûr et moins cher, le nucléaire se retrouve remis en selle par l'excellent rapport RTE pour éclairer un débat public digne de ce nom.

Jean Pierre Riou

Après 2 ans de travail, RTE vient de publier « Futurs énergétiques 2050 »[1], composé de 23 documents qui proposent à la consultation du public 6 scénarios de mix électriques permettant de décarboner complètement l’économie française à horizon 2050.

Les qualités du nucléaire, mises en avant par ce rapport tant attendu, semblent exiger désormais d'aller plus loin dans le débat public qui se profile.

 

Les différents scénarios étudiés dans les 13 nouveaux documents publiés par RTE ce 25 octobre, et complétant les 10 précédents, procèdent d'une consommation de référence de 645 TWh/an, en hausse en raison de l’électrification des usages, et d'hypothèses comprises entre 555TWh pour une grande sobriété, et 752TWh dans le cas de ré industrialisation du pays. Et même754TWh en cas de fort recours à l’hydrogène.

Corrélés à ces hypothèses, RTE présente 6 scénarios de production électrique avec 3 mix "M" (M0,M1, M23), caractérisés par le développement des énergies renouvelables, et dont M0 sortirait du nucléaire en 2050 avec 100% d’énergies renouvelables. Et 3 mix "N" ou nucléaires, qui reposent sur la construction de nouveaux EPR, soit  N1, N2 et N03, ce dernier reposant à parts égales sur les énergies renouvelables et le nucléaire en 2050, grâce au prolongement de 24 GW de nucléaire historique et de 27 GW provenant de 14 EPR et quelques petits SMRs.

Ces travaux n'envisagent pas de part nucléaire supérieure à 50%, loi LTECV de 2015 [2] ayant imposé ce plafond de 50% dès 2025. Date d’ailleurs reportée à 2035 par l’articleL 100-4 du code de l’énergie [3], en raison des 20 centrales à gaz qui auraient été nécessaires pour y parvenir, selon l'avertissement de RTE [4]. 

Ce rapport fait apparaître des qualités essentielles au mix N03, c'est à dire celui qui comporte la plus forte part de nucléaire :

Plus propre

En tenant compte du cycle complet des mix envisagés, ce scénario N03 serait le moins émetteur de gaz à effet de serre (GES) exprimés en tonnes équivalent carbone (CO2 eq), ainsi que l’illustre le graphique ci-dessous.

 


 Plus durable

L’Agence internationale de l’énergie (IEA) a récemment publié une alerte [5] sur la raréfaction des ressources en minerais nécessaires à la transition énergétique, tout particulièrement le cuivre, le lithium, le nickel, le cobalt et les terres rares, dont les énergies renouvelables et la restructuration des systèmes électriques permettant de les accueillir imposent une forte consommation.

Là encore, c’est le mix électrique qui contient la plus forte part de nucléaire qui apparaît le plus durable en recourant le moins aux ressources limitées des minéraux convoitées.


Notons que RTE envisage la résilience des différents mix électriques en fonction de l’évolution prévisible du climat. Et que, contrairement à une idée largement répandue, la production nucléaire ne serait affectée par une forte hausse de températures que de façon très marginale, avec, ci-dessous, moins de 12TWh de pertes par an pour le scénario nucléaire NO3 avec un RPC 8,5, (Representative Concentration Pathways) c’est-à-dire un peu plus de 5° de réchauffement en 1 siècle [6]

On sait d’ailleurs que la centrale américaine de Palo Verde, située en plein désert de l’Arizona, est privée du moindre cours d’eau et utilise les eaux usées de la ville de Phoenix pour son refroidissement. Avec 32,3 millions de MWh en 2014, Palo Verde n’en assurait pas moins, pour la 23ème année consécutive, la plus forte production de toutes les centrales [7] américaines. A cette date, son unité 3 de 1312 MW parvenait même à 97,5% de facteur de charge sur l’année.

Plus sûr

Dans chaque scénario, la sécurité d’approvisionnement à horizon 2060 est conditionnée par la flexibilité du système et la disponibilité des importations grâce aux interconnexions.

 Par « flexibilité », il faut entendre, selon RTE, un « mot valise à géométrie variable ».

C'est-à-dire la façon de se passer d’une production au moment où on en aurait eu besoin, notamment par l’« effacement » de la consommation,  industrielle ou résidentielle.

Sans surprise, c’est le scénario le plus nucléarisé qui exige le moins de ces « capacités ».

Or, les nouvelles capacités d’interconnexion supposent que nos voisins ne soient pas importateurs au même moment que nous. Et RTE note que « L’augmentation des besoins de flexibilité ne soulève pas, en premier lieu, de problématique purement technique dans la gestion du système, mais plutôt une problématique industrielle (sur le réalisme de disposer de ces moyens) ».

D’autre part, contrairement à la force d’inertie des grosses machines tournantes de façon synchrones à 50Hz des centrales conventionnelles qui confèrent au système sa stabilité dynamique [8], RTE constate que « le développement des productions renouvelables connectées par de l’électronique de puissance conduit à une baisse de l’inertie du système électrique européen, rendant les déviations de fréquence plus rapides quand surviennent des aléas temps réel sur l’équilibre entre la production et la consommation. Pour maintenir le même niveau de stabilité de la fréquence qu’aujourd’hui, les exigences sur la vitesse de réponse lors de l’activation devront être rehaussées

Et si « des solutions techniques existent pour surmonter la difficulté résultant de la réduction de l’inertie, elles se trouvent toutefois à différents stades de maturité ».

C’est ainsi que RTE évalue avec prudence la viabilité de l’alternative retenue entre des compensateurs synchrones, et le « Grid forming », en confessant « Des expériences à grande échelle sont nécessaires dans les années à venir pour valider ce concept. »

Moins cher

Plus propre, plus durable et plus sûr, le scénario nucléaire (N03) se révèle également le moins cher dès lors qu’on envisage les coûts complets, en raison des investissements nécessaires pour permettre à l'ensemble du système électrique d’accueillir de fortes proportions d’énergies intermittentes.

La comparaison de ces coûts complets des 6 scénarios sur la figure 11.32 ci-dessous est sans appel.

Nouvel avantage au nucléaire que précise le commentaire de RTE " Il existe un écart de coût en faveur des scénarios comprenant la construction de nouveaux réacteurs. Cet écart est d’autant plus marqué quand le parc nucléaire est significatif et permet d’éviter un investissement massif dans les moyens de flexibilité et des renforcements structurants des réseaux (de l’ordre d’un peu moins de 10 milliards d’euros par an entre M23 et N2 dans la trajectoire de référence)".

Des réponses qui posent question

Il convient tout d’abord de saluer la qualité d’analyse de ce travail de RTE.

Pour autant, ses réponses aux différentes problématiques posent clairement de nouvelles questions.

En effet, la transition du système électrique européen poursuit le triple objectif de maîtrise des coûts, de sécurité d’approvisionnement et de diminution de l’impact environnemental, tout spécialement en regard de ses émissions de CO2.

La raréfaction des matières premières et le rôle essentiel de la sécurité de la production électrique dans l’indispensable électrification des usages ont rendu ce triple objectif incontournable.

En confondant objectifs et moyens, les Directives européennes ont imposé aux États membres des parts d’énergies renouvelables croissantes dans leur mix électrique. Même à la France qui disposait déjà d’une électricité décarbonée abondante, sûre et bon marché.

Si, comme il apparaît désormais, la France doit conserver des réacteurs nucléaires, il importe aujourd’hui de mettre en évidence l’intérêt d’en réduire la part au bénéfice des énergies renouvelables. Ou de faire le constat de leur absence de valeur ajoutée au système.

La faisabilité d'un parc nucléaire prépondérant à horizon 2050-2060 relevant d'une autre question qui ne doit pas éluder la première. Car avant même de savoir réellement ce qu'on peut, il est nécessaire de savoir ce qu'on veut.

Une communication défaillante

Car après avoir évoqué les risques liés à ces réacteurs, au mépris des conclusions de l’UNSCEAR [9] puis de grossir ses coûts, malgré les rapports de l’AIE [10], on avance aujourd’hui qu’il ne serait plus possible techniquement de maintenir la capacité nucléaire actuelle. RTE précise en effet, « À long terme (2050-2060), la fermeture des réacteurs nucléaires de deuxième génération est une contrainte industrielle ». Et EDF se déclarerait incapable de renouveler en 40 ans ce qu’il fit pour le parc actuel bien plus rapidement.

Des contraintes fortes existent en effet. Mais ce manque d’ambition d’EDF ne saurait être séparé de la volonté politique à long terme de l’État, son principal actionnaire avec 83,6%. Or cet État impose par la loi [2] : « ... 4° De porter la part des énergies renouvelables à 23 % de la consommation finale brute d'énergie en 2020 et à 32 % de cette consommation en 2030 ; à cette date, pour parvenir à cet objectif, les énergies renouvelables doivent représenter 40 % de la production d'électricité, 38 % de la consommation finale de chaleur, 15 % de la consommation finale de carburant et 10 % de la consommation de gaz ; 5° De réduire la part du nucléaire dans la production d'électricité à 50 % à l'horizon 2025 ». Quand bien même cette échéance aurait donc été repoussée à 2035.

Bilan et prospectives

Il n’était malheureusement pas du domaine de RTE d’analyser des scénarios qui auraient violé cette loi. Laquelle loi avait d’ailleurs été portée par F. Brottes, chargé ensuite, à la tête de RTE [11] de montrer qu’elle était applicable.

Pour permettre à une éventuelle volonté politique de revenir sur cette loi, des analyses de cette qualité, mais plus ambitieuses sur la part de nucléaire, sont nécessaires, y compris en incluant les applications nucléaires  non électriques,  récemment mises en valeur [12] par l’Agence internationale de l’énergie et au sujet desquelles un rapport de l’OCDE [13] s’interrogeait en ces termes « Quel est le rôle des pouvoirs publics ? Examinent-ils sérieusement toutes les options nucléaires dans le cadre de leur politique énergétique nationale en faveur de la réduction des gaz à effet de serre et de la sécurité d’approvisionnement en énergie ? ».

Le débat public occupe une part grandissante dans le processus décisionnel. Ce n’est qu’à la lumière des éléments qui précèdent qu’il peut se tenir dignement, et non sous la pression de médias qui se complaisent à promouvoir la gratuité du vent, la quantité de CO2 évitée par chaque MWh éolien et dénoncent le caractère ruineux du nucléaire.

Et ce n’est ensuite qu’avec l’éclairage des travaux de l’UNSCEAR [14], équivalent du GIEC dans le domaine des effets des rayonnements ionisants, que le public sera en mesure d’exprimer ses choix sur l’avenir de notre nucléaire. Et non en supposant que les travailleurs de cette filière seraient plus exposés à ces rayons que ceux de l’éolien ou du photovoltaïque, ou que les populations y seraient davantage exposées qu’aux rayonnements ionisants des centrales à charbon.

Ce n’est qu’à ce prix qu’un débat public sera digne de ce nom.

1 https://www.rte-france.com/analyses-tendances-et-prospectives/bilan-previsionnel-2050-futurs-energetiques#Lesdocuments

2 https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000031044385/

3 https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000039369320/

4 https://www.francetvinfo.fr/societe/nucleaire/desintox-non-reduire-le-nucleaire-a-50-de-la-production-d-electricite-francaise-ne-conduira-pas-a-construire-plus-d-une-vingtaine-de-centrales-a-gaz-d-ici-2025_4808543.html

5 https://www.iea.org/reports/the-role-of-critical-minerals-in-clean-energy-transitions

6 https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/edition-numerique/chiffres-cles-du-climat/3-scenarios-et-projections-climatiques

7 https://www.powermag.com/palo-verde-nuclear-generating-station-wintersburg-arizona/

8 http://lemontchampot.blogspot.com/2021/01/le-turpe-nouveau-est-arrive.html

9 http://www.economiematin.fr/news-parallele-franco-allemand-quand-peur-mauvaise-conseillere-riou

10 http://lemontchampot.blogspot.com/2021/01/le-veritable-cout-de-la-production.html

11 https://www.lopinion.fr/edition/economie/rte-nouveau-fromage-republique-hollandaise-54391

12 https://www.iaea.org/newscenter/news/the-use-of-nuclear-power-beyond-generating-electricity-non-electric-applications

13 https://www.oecd-nea.org/jcms/pl_33955/produits-de-l-energie-nucleaire-hors-electricite

14 http://www.economiematin.fr/news-parallele-franco-allemand-quand-peur-mauvaise-conseillere-riou