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jeudi 16 mai 2024

De la Jurisprudence éolienne à la responsabilité du bailleur

 

De la Jurisprudence éolienne à la responsabilité du bailleur

Jean Pierre Riou

La jurisprudence de Toulouse

La Cour d'appel de Toulouse, 3ème chambre, 8 juillet 2021, n° 20/01384 a formellement reconnu l’existence d’un syndrome éolien et la responsabilité des éoliennes dans les troubles sanitaires occasionnés en condamnant leur exploitant à indemniser  les 2 victimes à hauteur de 4.000 € à chacun au titre du pretium doloris et 2.216,25 € au titre de la réparation de leur déficit fonctionnel temporaire dont les « Souffrances endurées avant consolidation: (…) tenant compte de l’hospitalisation en urgence, du suivi médical, de la réalisation d’examens complémentaires, de la prise de traitements ponctuels et du retentissement psychologique. »

La condamnation totale de l’exploitant, notamment pour préjudice moral perte de valeur du bien et trouble de jouissance, s’est élevée à 110.582 euros, en plus de la condamnation aux dépens.

De la responsabilité du propriétaire foncier

Lors de tels recours, la victime peut agir contre l’auteur du trouble, même s’il n’est pas propriétaire ; locataire ou entrepreneur ou contre le propriétaire, même s’il n’est pas l’auteur du trouble car il répond du locataire ou de l’entrepreneur. Le propriétaire, le locataire et l’entrepreneur étant solidairement responsables selon les analystes de la question.

En effet, en matière de trouble de voisinage, la documentation juridique Dalloz précise : « l’absence de faute ne permet pas d’échapper à une condamnation (Civ. 3e, 4 févr. 1971, n° 69-12.528) ». Ce qui semble d’autant plus inquiétant pour tout recours du propriétaire du foncier que la jurisprudence précise « lorsque le trouble de voisinage émane d'un immeuble donné en location, la victime de ce trouble peut en demander réparation au propriétaire, qui dispose d'un recours contre son locataire lorsque les nuisances résultent d'un abus de jouissance ou d'un manquement aux obligations nées du bail » (Cour de Cassation, Chambre civile 2, du 8 juillet 1987, 85-15.193).

Cette disposition rend en effet problématique un tel recours du propriétaire foncier contre l’exploitant, dès lors que le trouble anormal de voisinage n’aurait pas mis en évidence un manquement à cette réglementation. La jurisprudence de Toulouse est de nature à inciter un nombre croissant de riverains d’éoliennes à réclamer la compensation financière de leur préjudice. Que le propriétaire du foncier soit un particulier ou une municipalité, leur responsabilité semble ainsi solidairement engagée aux côtés de l’exploitant, dans une action au civil les mettant en cause, et qui n’est même pas supposée rechercher la conformité administrative, ou non, des éoliennes querellées.

Les condamnation seraient d’ailleurs d’autant plus lourdes en cas d’action de groupe telle que celle jugée par la Cour d’Appel de Rennes du 12 mars 2024, qui ordonne à l’exploitant, pour la réparation des troubles anormaux de voisinage subis réclamée par les plaignants, de verser 633.400 euros aux 13 plaignants au titre de la dépréciation immobilière, en plus des frais d’expertise et de 5 000 euros de dépens par plaignant.

jeudi 9 mai 2024

Énergies renouvelables : comprendre le différend entre la France et la Commission européenne

 

Énergies renouvelables : comprendre le différend entre la France et la Commission européenne

Malgré les pressions de la Commission européenne, la France s’est jusqu’à présent refusée à régulariser sa situation relative à ses obligations en matière d’énergies renouvelables. Les performances climatiques de son parc de production, bien supérieures à celles du modèle éolien-solaire intermittent de l’Allemagne avaient participé à la prise de conscience du caractère ambigu du concept « renouvelable », au moment où la Commission elle-même vient d’émettre des réserves sur le bien fondé de sa principale source de production, la biomasse, qui représente en effet 60% du total. Les nouvelles restrictions qui la concernent désormais ne visent pas uniquement sa production à partir de cultures destinées à l’alimentation humaine ou animale, mais stigmatisent également la biomasse forestière pour des raisons climatiques et environnementales, sur fond de scandale sanitaire.

C’est dans ce contexte que l’énergie nucléaire, dont la rentabilité s’accommode mal de l’intermittence de l’énergie éolienne, prépare son entrée officielle dans la liste européenne des technologies stratégiquement utiles au climat. Et que se pose la question de la pertinence d’une pénalité de l’ordre du milliard d’euros infligée à la France dont le tort est d’avoir privilégié cette technologie avant l’heure, pour décarboner en un temps record son système électrique.

 

Le contexte : un renforcement des exigences climatiques à l’échelle européenne

Répondant à divers rapports alarmants sur le climat, le Parlement européen et le Conseil de l’UE ont publié, le 19 avril 2023, un nouveau règlement « relatif aux réductions annuelles contraignantes des émissions de gaz à effet de serre par les États membres de 2021 à 2030 ». Selon un calendrier prévu dans son article 4, les États membres devront se conformer au durcissement des réductions d’émissions de CO2 figurant dans la colonne 2 de l’annexe 1, destinées à permettre une diminution globale des émissions de 40% au niveau de l’UE, par rapport au niveau de 2005. En 2030, la France devra ainsi avoir réduit ses propres émissions de 47,5 % au lieu des précédents 37% rappelés dans la colonne 1.

Précisons que contrairement aux directives, qui doivent au préalable être transposées en droit national pour devenir applicables, de tels règlements sont directement applicables par les États membres dès leur entrée en vigueur. Tandis que la transposition, plus ou moins rigoureuse, des directives est à l’origine de nombreux différents entre la Commission et les États membres.

En octobre 2023, la France transmettait la mise à jour du « Plan national intégré énergie-climat », dont la réduction de 215 MtCO2 en 2030 correspond au respect de cette nouvelle trajectoire avec cependant « un léger excédent en fin de période». Une part de 45% de consommation de chaleur et de froid d’origine renouvelable y est prévue pour 2030, ainsi qu’une injection de 15% de gaz renouvelable. Mais pour toute réponse à la rubrique « part de la consommation d’énergie d’origine renouvelable dans la consommation d’énergie finale brute », figure la seule mention « 58% d’énergie décarbonée dans le mix énergétique en 2030 et 71% en 2035 », sans la moindre référence aux énergies renouvelables. Le 9 octobre 2023, le Conseil de l’UE avait pourtant adopté une nouvelle directive visant à porter la part d’énergies renouvelables à 42,5% minimum au niveau de l’UE, chaque État membre devant contribuer à cet objectif commun.

 

La critique du plan français par Bruxelles

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