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dimanche 18 octobre 2020

La trahison des clercs

 

           L’éolien et le solaire photovoltaïque en Europe

                                   La trahison des clercs

                           Bernard Durand et Jean-Pierre Riou

Remerciements :

Nous avons entrepris ce travail armés d’une solide expérience, mais le sujet demandait plus que cela. Nous avons donc appelé à l’aide des spécialistes des domaines abordés. Ils nous ont donné des avis précieux, et fourni données et documents. Il s’agit de :

 Pierre-René Bauquis, Michel Bernard, François-Marie Bréon, Patrick Castaing, Henri Chambon, Patrice Christmann, Serge Delauney, Hubert Flocard, Jean Fluchère, Dominique Grenêche, Jean-Paul Hulot, Claire Kerboul, Jacques Maillard, Jacques Marlot, Roland Masse, Daniel Monfort-Climent, Hervé Nifenecker, Jean-Pierre Pervès, François Poizat, Henri Prévôt, Jean-Marie Seiler, Georges Sapy, Daniel Steinbach, Olivier Vidal, Jean-Philippe Vuillez.

Nous les remercions chaudement. Sans eux, cet ouvrage n’aurait pu se faire. Toutefois, la synthèse que nous avons faite de leurs remarques et avis est de notre seule responsabilité.

Nous remercions également les agences suivantes, qui nous ont aimablement guidés dans notre recherche de données :

Centre interprofessionnel technique d'études de la pollution atmosphérique (CITEPA), Commissariat général au développement durable (CGDD), European Environment Agency (EEA), International Energy Agency (IEA), International Hydropower Association (IHA).

Nous rendons ici hommage à David MacKay (1967-2016), trop tôt disparu. Son ouvrage « Sustainable energy, without the Hot Air » (traduction française « L’énergie durable, pas que du vent » http://www.amides.fr/sewtha.html) est une bible pour les scientifiques, mais aussi pour les moins scientifiques, qui cherchent un chemin sûr dans le terrain miné qu’est devenu le débat sur les énergies renouvelables.

Les auteurs :

Bernard Durand est ingénieur, chercheur et naturaliste. Il a été directeur de la Division Géologie-Géochimie de l’Institut français du pétrole et des énergies nouvelles (IFPEN), puis de l’Ecole nationale supérieure de géologie. Il a aussi présidé le Comité scientifique de l’European Association of Geoscientists and Engineers (EAGE). Il est cofondateur de l’association environnementale «Nature en Pays d’Arvert». Prix Alfred-Wegener de l’EAGE. Depuis des années, il se consacre à l’étude des questions énergétiques en relation avec l’environnement. Dans ce cadre, il s’est intéressé particulièrement aux électricités dites renouvelables, éolien et solaire photovoltaïque. Il est l’auteur entre autres d’Energie et environnement : les risques et les enjeux d’une crise annoncée (2007, EDP Sciences), de Petroleum, natural gas and coal: nature, formation mechanisms, future prospects in the energy transition  (2018, EDP Sciences) et de Vent de folie : L’éolien en France, mensonge et arnaque ? (2020, Editions Saint-Léger).

Jean-Pierre Riou est chroniqueur indépendant sur l’énergie et se consacre depuis des années à l’analyse critique de la mise en œuvre en Europe des énergies renouvelables, et plus particulièrement de l’éolien et du solaire photovoltaïque. Il a créé à cet effet sur internet le site  Le Mont Champot, une des principales références françaises dans ce domaine. Au titre de cette expertise, il a été auditionné en 2019 par la « Commission d'enquête sur l'impact économique, industriel et environnemental des énergies renouvelables, sur la transparence des financements et sur l'acceptabilité sociale des politiques de transition énergétique », dite « Commission AUBERT » de l’Assemblée nationale française.

Il est l’actuel coordinateur du bureau Energie du collectif Science-Technologies-Action (STA)

Les auteurs déclarent n’avoir aucun conflit d’intérêt, tant politique que financier ou professionnel, dans les domaines traités.

Toutes les notes et références sont publiées par chapitre dans :

http://lemontchampot.blogspot.com/2020/10/la-trahison-des-clercs-notes-et.html

 

Table des matières

Avant-propos : la trahison des clercs

Introduction

1- Quelques notions essentielles à bien connaître.

2- L’intermittence, source de tous les maux.

3- L’éolien et le solaire photovoltaïque ne permettent pas à l’Europe de se passer de centrales pilotables.

4- L’éolien et le solaire photovoltaïque cannibalisent les centrales pilotables qui leur sont nécessaires.

5- Le stockage massif de l’électricité sera-t-il un jour une solution à l’intermittence ?

6- Le développement de l’éolien et du solaire photovoltaïque rend inefficace le combat de l’Europe contre le réchauffement climatique.

7- L’addiction de l’Europe aux combustibles fossiles met en danger non seulement le climat, mais aussi sa sécurité énergétique.

8- Refuser de prendre en compte objectivement la mortalité associée à chaque source d’électricité, c’est accepter de laisser tuer !

9- Le vent et le soleil sont gratuits, mais l’électricité éolienne et l’électricité photovoltaïque sont chères.

10- Aussi bas que soit leur coût de production, les électricités renouvelables intermittentes (ElRi) font automatiquement grimper le prix de l’électricité

11- Les déchets de l’éolien et du solaire photovoltaïque sont bien plus abondants que ceux du nucléaire et s’y ajoutent.

12- Le cas de l'éolien en mer.

13- L’éolien et le solaire photovoltaïque détruisent en Europe plus d’emplois qu’ils n’en créent.

14- L’éolien tant terrestre que marin massacre les espaces naturels en Europe.

15- L’éolien et le solaire photovoltaïque sont-ils des énergies renouvelables ?

16- L’éolien et le solaire photovoltaïque ne peuvent pas assurer l’autonomie électrique d’un territoire, et encore moins créer des territoires à « énergie positive ».

17- Les méthodes de la désinformation.

Conclusion : l’Eolien et le solaire photovoltaïque en Europe : des Européens dupés, mais contents.

Avertissement : les références et notes citées à l’appui du texte sont signalées par un chiffre en exposant, qui renvoie à un second volume où ces références sont citées in extenso, chapitre par chapitre.

 

Avant-Propos : la trahison des clercs

« Le sommeil de la raison produit des monstres». Francisco de Goya, 1799

Cet ouvrage a été écrit par deux hommes en colère. En colère contre ceux qui par esprit de lucre provoquent un désastre environnemental en Europe en y faisant installer partout des éoliennes de 200 mètres de haut et bientôt encore plus, sans le moindre respect pour les habitants, leur santé, leur patrimoine et leur environnement. En colère contre les « écologistes » autoproclamés, et les politiques exploitant la crédulité publique pour se faire élire, ou encore les maires appâtés par les retombées financières de ces installations, qui aident ces hommes d’affaires à détruire notre environnement en s’abritant derrière l’alibi de la défense du climat. Lassés des enquêtes et débats publics sur ces questions dont les conclusions sont écrites à l’avance. Scandalisés par les mensonges permanents des médias, des élus et des gouvernements partout en Europe pour couvrir ce désastre.

L’éolien ne sert pas à grand-chose dans la plupart des pays d’Europe pour faire face à l’urgence climatique. Car l’installation d’éoliennes pour produire de l’électricité exige dans ces pays la disponibilité constante de centrales pilotables à combustibles fossiles (charbon, gaz, fuel), permettant de compenser très rapidement la chute de production des éoliennes, quand fréquemment il n’y a pas assez ou même pas du tout de vent. Or ces centrales émettent de grandes quantités de gaz carbonique (CO2), considéré entre autres par le Groupe d’experts international sur l’évolution du climat (GIEC, en anglais IPCC) comme le principal responsable du réchauffement climatique actuel.

 L’éolien ne sert même à rien du tout dans ceux des pays européens qui comme la France, la Norvège, la Suède et la Suisse produisent déjà leur électricité en quantités suffisantes sans avoir recours ou presque aux combustibles fossiles grâce à l’hydroélectricité et/ou au nucléaire. Bientôt s’y joindra la Finlande qui a choisi de développer chez elle le nucléaire.

Il en est de même du solaire photovoltaïque, peu efficace sous nos latitudes et même absent lors des pics de consommation hivernaux, rendant ainsi indispensable son soutien par des centrales pilotables.

Pratiquement inutile en Europe pour la défense du climat, et même nuisible à long terme quand il pérennise l’usage des combustibles fossiles pour la production d’électricité comme c’est le cas entre autres en Allemagne, le développement actuel à marche forcée de ces électricités renouvelables intermittentes (ElRi) s’accompagne d’un coût réel pour les citoyens, sans que l’écrasante majorité d’entre eux ne s’en rende encore compte, considérablement plus élevé que leur seul coût de production. Cela non seulement en taxes et impôts, mais en espaces rendus inhabitables et en matières premières et matériels importés. Faire payer les Européens aussi cher quelque chose qui leur sert si peu, et qui gaspille tant d’espace et de matières premières, est-ce bien équitable ?

Rarement aura-t-on vu dans l’histoire récente un tel décervelage de l’opinion publique et une exploitation aussi éhontée de l’ignorance et de la naïveté des citoyens pour faire aboutir des projets dont les principaux intérêts sont ceux de la finance internationale. Un film récent de Jeff GIBBS et Michael MOORE « Planet of the Humans »1, vient de montrer ce qu’il en était aux Etats-Unis. L’Europe n’est pas en reste.

En 1927 Julien BENDA écrivait un ouvrage lucide : « La trahison des clercs »2. Il y défendait l’idée que les « clercs », intellectuels dont la mission est de défendre la justice et la raison, avaient trahi cette mission au nom d’intérêts personnels. Dans une postface de 1946, il prétendait que cette trahison, faite au nom d’une idéologie antidémocratique, avait précipité l’arrivée de la deuxième guerre mondiale. Cet ouvrage est à nouveau d’une inquiétante actualité. En Europe, ces clercs que sont en principe les autorités publiques et les élus accumulent les lois et les décrets pour imposer au forceps le développement d’un éolien et d’un solaire photovoltaïque si peu utiles, au détriment évident des riverains, des citoyens et de l’économie.

Notre critique entraînera de la part de ces clercs, et aussi de militants qui se prétendent écologistes, comme si souvent, des attaques ad hominem. Nous préférerions une contre-critique écrite et solidement argumentée, ce qui serait beaucoup plus positif.

 Nous serons entre autres accusés d’être des suppôts du lobby pronucléaire, parce que, constatant la réalité technologique actuelle, nous défendons ici l’idée que le nucléaire civil est un des rares moyens dont l’Europe dispose pour faire face à la crise énergétique et climatique qui s’annonce. Il est, contrairement à l’opinion commune, la plus écologique et la moins risquée de nos sources possibles d’électricité, et peut être à notre service pendant des milliers d’années.

Nous ne venons pourtant ni l’un ni l’autre de la planète nucléaire. Nous écrivons en toute liberté, en l’absence de toute pression politique, financière ou professionnelle. Nous nous efforçons ici de présenter une analyse rationnelle à l’aide de faits vérifiés, en fonction de notre expérience fort longue des sujets traités.

Cet ouvrage n’a pas pour objet principal de dénoncer les dommages ainsi créés à l’environnement, aux riverains, à leur santé et à leur patrimoine, en particulier par l’éolien, ni même le coût démentiel par rapport au service rendu. Beaucoup d’autres l’ont fait, et les ouvrages se multiplient à ce sujet. Il se propose surtout de faire prendre à ses lecteurs la pleine conscience des raisons physiques et économiques incontournables pour lesquelles le développement massif des électricités «renouvelables» intermittentes (ElRi), éolien et solaire photovoltaïque, constitue en Europe une mauvaise solution pour y assurer une «transition énergétique».

Les subventions directes ou indirectes démesurées dont ces ElRi ne peuvent maintenant plus se passer pour perdurer, et les obscurs montages financiers au profit de spéculateurs «verts» internationaux qui permettent de les développer en Europe, sont injustifiables par la défense du climat, celle de l’environnement, l’intérêt des citoyens, mais tout autant par les lois de la physique.

L’ouvrage est organisé en chapitres pouvant être lus dans une large mesure indépendamment les uns des autres, et conçus pour qu’ils soient autant que possible accessibles à des lecteurs n’ayant pas de formation scientifique. Les nombreuses références associées permettront à ceux qui le désirent d’aller plus en profondeur dans la réflexion.

Nous insistons sur les ordres de grandeur des quantités et des puissances mises en jeu par les différentes sources d’électricité. C’est leur méconnaissance quasi totale aussi bien par les citoyens que par leurs élus qui est à la source de tant de malentendus, mais aussi de la multiplicité des solutions « miracles » proposées pour résoudre les problèmes considérables créés par le développement de l’éolien et du solaire photovoltaïque en Europe, et qui à l’analyse se révèlent n’être que des fantasmes et des illusions.

 

 Introduction

L’opposition au développement de l’éolien en Europe, tant à terre qu’en mer croit très rapidement. Les riverains souffrent de la défiguration de leur cadre de vie, des nuisances (bruit, flash nocturnes…), des problèmes sanitaires (troubles du sommeil, infrasons…) et de la dépréciation immobilière que leur apportent ces monstres d’acier et de béton1,2. Plus hautes que les tripodes martiens de la guerre des mondes, elles atteignent dès maintenant la hauteur de la tour Montparnasse. Les protecteurs des oiseaux dénoncent leur « massacre à l’éolienne » jusque dans les Parcs Naturels censés les protéger. Pêcheurs et conchyliculteurs en craignent les conséquences sur leur activité. Une multitude de scientifiques et ingénieurs spécialistes de ce domaine dénoncent, sans être pour l’instant semble-t-il entendus, un coût réel considérablement plus élevé que son seul coût de production pour une utilité douteuse, et les problèmes croissants que son développement crée aux réseaux électriques européens.

En face se trouvent les promoteurs de l’éolien, parmi lesquels des activistes de cette Ecologie dit « politique » bien plus motivés par leur carrière politique que par l’écologie réelle, des politiciens en mal d’électeurs, des élus qu’appâtent les redevances et les retombées fiscales, des industriels en quête de nouveaux marchés, et des spéculateurs « verts » internationaux, qui « investissent » dans l’éolien  avant tout pour récupérer les juteuses subventions sur fonds publics que les politiciens semblent toujours prêts à leur accorder.

En Europe, parlementaires dans leur majorité et gouvernements successifs sont leurs alliés. 

En France c’est le décret dit COCHET-PIERRET de juin 2001 qui a organisé la distribution des subventions.

Le Gouvernement français, plutôt que d’écouter les riverains3, a modifié sans cesse les lois pour simplifier et accélérer les procédures administratives, mais aussi multiplier les obstacles juridiques pour dissuader les associations de défense des personnes lésées de déposer des recours en justice contre les projets de parcs éoliens, préférant ainsi la coercition à l’écoute et au dialogue. Les décrets LECORNU 4 du 24 Décembre 2018 relèvent d'un régime juridique d'exception :

1-      Le Tribunal Administratif, dont l’accès est gratuit, n’est plus habilité à juger des recours des opposants aux projets éoliens. Ne reste que la Cour d’Appel, où les services payants d’un avocat sont requis.

2-      Les délais d’étude de ces projets par l’administration sont réduits à 15 jours.

3-      Les enquêtes publiques pour les installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE), et notamment les éoliennes, auront lieu sous forme d’une simple participation par voie électronique.

Les éoliennes sont construites en milieu rural. Les habitants des villes, qui forment une très grande part de la population européenne, n’en réalisent pas vraiment les nuisances parce qu’ils n’y sont pas exposés directement. Ils en sont peu et mal informés : les grands moyens d’information nationaux les passent sous silence, et les médias locaux les traitent à la rubrique des chiens écrasés. Beaucoup d’entre eux sont favorables à l’éolien, même si certains regrettent le tort fait aux oiseaux et plus généralement à la biodiversité. Car, faute d’avoir pris la peine d’une véritable réflexion à ce sujet, ils ont été convaincus par le discours de ses promoteurs que l’éolien, « c’est bon pour la planète et pour le climat » et que cela vaut bien de passer sur quelques inconvénients « mineurs » pour les ruraux.

Ces promoteurs ont aussi fait distiller en permanence par les médias trois mantras5 :

- L’éolien est gratuit, car le vent ne coûte rien.

- L’éolien va remplacer les centrales nucléaires, trop dangereuses.

- L’éolien est nécessaire pour faire face à l’«urgence climatique».

Ces trois affirmations sont fausses. L’opinion est dans ce domaine la victime d’une tromperie systématique, servie par une propagande intense et omniprésente organisée par les industriels de l’éolien et leurs alliés politiques avec les méthodes implacables du marketing moderne. Cette mise en condition s’apparente de fait à un mensonge d’Etat.

L’éolien n’a que peu d’utilité réelle en Europe, alors qu’il coûte très cher aux consommateurs, au seul profit de ce qu’on appelle maintenant le capitalisme vert dit « de connivence », qui prospère grâce à l’effet d’aubaine des subventions publiques. L’éolien va faire augmenter inéluctablement les coûts et donc les prix de l’électricité, et ainsi faire augmenter le nombre déjà considérable de ménages en situation de précarité énergétique : salariés mal payés, petits retraités, chômeurs. Il s’agit d’une « arnaque financière » ayant comme conséquence une atteinte injustifiable au pouvoir d’achat des Européens les plus pauvres.

C’est aussi une erreur de stratégie énergétique de grande ampleur : Les sommes considérables ainsi gaspillées manqueront pour des actions utiles, comme la réduction des émissions de CO2 de l’habitat et de celles des moyens de transport, pour faire face à l’urgence climatique qui préoccupe de plus en plus nos concitoyens. Elles pourraient aussi être utilisées à la revitalisation du milieu rural et des professions médicales. Le coût d’un parc éolien de taille moyenne en milieu rural, soit actuellement environ 4 à 6 éoliennes pour une puissance installée totale de 10 à 15 MW est en effet équivalent à celui de la construction de 10 à 15 maisons médicales entièrement équipées, employant au total 200 à 300 personnes hautement qualifiées !

Cet ouvrage n’a pas pour objet principal l’analyse des dommages environnementaux et humains créés par l’éolien, qui commencent enfin à être reconnus et commentés par les médias, et qui ont déjà fait l’objet d’ouvrages fort bien documentés 6,7,8,9,10, mais une démonstration de ses graves insuffisances technico-économiques. Celles-ci sont très peu connues de l’opinion publique parce qu’elles sont systématiquement passées sous silence, ou niées11.

Le solaire photovoltaïque, c’est-à-dire la production d’électricité à partir de panneaux solaires, fait l’objet des mêmes critiques. Cependant, il a plus d’arguments en sa faveur à faire valoir, à cause de la plus grande variété de ses usages possibles, de ses possibilités d’améliorations plus importantes, de ses inconvénients moindres pour ses riverains et surtout de ses possibilités non négligeables dans d’autres pays que les nôtres (chapitre 2) : Les pays semi-désertiques de la ceinture intertropicale sont les meilleurs candidats, d’une part parce que l’irradiation solaire annuelle y est bien plus importante que chez nous, et d’autre part parce qu’elle y est répartie beaucoup plus régulièrement dans l’année. En Europe l’irradiation solaire varie considérablement d’une saison à l’autre, alors qu’aucun stockage inter-saisonnier n’y est réalisable à court terme pour mettre en accord production et consommation.

En France, Islande, Norvège, Suède et Suisse, pays d’Europe dont la production électrique émet déjà très peu de CO2, le solaire photovoltaïque, tout comme l’éolien, est non seulement peu efficace, mais aussi inutile.

Le solaire photovoltaïque est associé constamment dans les médias avec l’éolien dans ce qu’on appelle les « énergies renouvelables » (EnR), mais qu'il serait plus judicieux de nommer les électricités renouvelables intermittentes (ElRi). Car il y a bien d’autres EnR, qui ont une utilité plus manifeste que les ElRi, comme par exemple l’hydroélectricité, la chaleur extractible des aquifères profonds, la chaleur solaire captée par des chauffe-eau solaires, ou encore stockée dans les sols et exploitée par géothermie de surface et pompes à chaleur (PAC).

Si le vent et le soleil sont indéniablement renouvelables, bien qu’intermittents, les électricités que l’on en tire ne peuvent pas l’être actuellement !

A cause de cette inefficacité de l’éolien et du solaire photovoltaïque, chaque réacteur nucléaire que l’on fermera en Europe devra être remplacé par des centrales à combustibles fossiles pour une puissance équivalente, malgré les « démonstrations » du contraire que disent avoir apportées diverses institutions étroitement liées à l’Ecologie politique, comme l’ADEME en France et l’Institut Fraunhofer en Allemagne.

Chapitre 1 - Quelques notions essentielles à bien connaître.

Pour bien comprendre cet ouvrage, nous recommandons vivement à ceux qui ne sont pas familiers du sujet de s’imprégner d’abord de quelques notions essentielles par une lecture attentive de ce chapitre. C’est en effet la méconnaissance de ces notions par l’opinion, mais aussi par nos élus, qui permet entre autres aux promoteurs de l’éolien et du solaire PV de les tromper aussi facilement.

Quantité d’électricité, puissance électrique, facteur de charge

Notre facture d’électricité indique la quantité d’électricité (énergie électrique) que nous avons consommée pour une période donnée, mois, trimestre ou année. Elle est exprimée en wattheures (Wh). En pratique l’unité la plus utilisée est le kilowattheure (1 kilowattheure (kWh) = mille wattheures). Cette facture est établie au prorata de notre consommation.

Sur un appareil électrique est indiquée sa puissance, en watts. C’est ce qu’on appelle sa puissance nominale. Nous payons cet appareil une fois pour toutes. Il s’agit donc d’un investissement.

Considérons par exemple un fer électrique d’une puissance nominale de 1 kW (1000 watts (W). Cette puissance nominale est celle indiquée par le fabricant. Il s’agit de la puissance maximale possible de ce fer électrique. S’il fonctionne une heure constamment à cette puissance, il consommera 1 kWh (et non un kW/h, comme on le voit si souvent écrit) 1.

Il y a 8760 heures dans l’année. Si ce fer électrique reste utilisé ainsi sans répit toute l’année, il consommera donc 8760 kWh, ou encore 8,76 MWh (1 MWh (mégawattheure) = 1 million de Wh = 1000 kWh). S’il ne fonctionne à cette puissance de 1 kW que 10 % du temps dans l’année, soit 876 heures, il ne consommera que 10 % de la quantité précédente : on dira que son facteur de charge a été en moyenne de 10 % sur l’année. Ce facteur de charge est donc le rapport entre la quantité d’électricité réellement consommée et la quantité qu’il aurait consommée si l’appareil avait fonctionné sans arrêt à sa puissance maximale (nominale), cela pour une durée donnée, ici une année. Il s’agit donc ici du facteur de charge annuel.

Ces notions s’appliquent aussi aux installations de production d’électricité, autrement dit les centrales électriques. Elles ont une puissance nominale (maximale), dite encore puissance installée ou capacité à produire. Celle-ci peut atteindre des centaines de MW (1 MW (mégawatt) = 1 million de watts) et même plusieurs GW (1 GW (gigawatt) = 1 milliard de watts). Leur production s’exprime en MWh (1 MWh (mégawattheure) = 1 million de wattheures), en GWh (1 GWh (gigawattheure) = 1 milliard de wattheures) et même en TWh (1 TWh (térawattheure) = mille milliards de wattheures, ou encore 1 milliard de kilowattheures).

Ne confondez plus puissance électrique (W, kW, MW, GW…) et quantité d’électricité (Wh, kWh, MWh, GWh…) produite ou consommée !

Il est très fréquent chez les personnes peu familières de ces questions, et chez les journalistes qui les traitent, de confondre watt et wattheure, kW et kWh, MW et MWh, etc…c’est-à-dire puissance électrique et quantité d’électricité consommée ou produite. C’est la source de nombreux malentendus, mais aussi d’une désinformation systématique non identifiée comme telle par les personnes connaissant peu ces questions. Cette désinformation consiste à ne comparer entre elles que les puissances nominales des centrales électriques. En France les puissances nominales d’éolien et de solaire photovoltaïque sont comparées avec celles des réacteurs nucléaires, sans jamais comparer leur efficacité réelle, c’est-à-dire les quantités d’électricité produites par unité de puissance, autrement dit leur facteur de charge. En omettant donc de rappeler que le nucléaire a en France un facteur de charge moyen annuel de 77 % 2, contre, selon les années, de 20 à 25 % pour l’éolien terrestre et 13 à 15 % pour le solaire photovoltaïque 3 c’est-à-dire qu’il produit par unité de puissance nominale 3 à 4 fois plus d’électricité dans l’année que l’éolien terrestre et 5 à 6 fois plus que le solaire photovoltaïque !

 La puissance, qui s’exprime en watt, d’un appareillage électrique est donc la quantité d’électricité qu’il produit ou consomme en une seconde. Sa puissance nominale est la quantité maximale d’électricité qu’il est capable de produire ou de consommer en une seconde. Sa puissance effective est la quantité d’électricité qu’il produit ou consomme réellement en une seconde quand il est en fonctionnement. Par analogie avec l’eau, la puissance nominale d’une conduite d’eau est son débit maximal possible. Sa puissance effective est son débit effectif,  c’est-à-dire le volume d’eau, en litres, en m3 ou autre unité, qui s’y écoule réellement en une seconde.  Le volume d’eau, est l’analogue de la quantité d’électricité produite ou consommée par un appareillage électrique.

Cette analogie avec l’eau est commode pour faire mieux comprendre les notions et les unités de puissance électrique nominale, puissance électrique effective, et de quantité d’électricité produite. Il existe cependant une grande différence entre eau et électricité du point de vue de leurs possibilités de stockage : l’eau se stocke aisément en très grandes quantités, l’électricité très peu en tant que telle.

Comprendre les implications de cette difficulté du stockage de l’électricité est déterminant pour aborder correctement la question énergétique.

 La puissance est un investissement : on garde l’appareillage électrique tant qu’il est encore en état de fonctionner, sauf à le remplacer par un meilleur équipement. Une centrale électrique a une puissance qui, on l’a vu, peut aller du MW au GW. L’investisseur rembourse le capital emprunté pour faire cet investissement, qui selon le type de centrale est de l’ordre de 1 à 6 ou 7 millions d’euros par MW de puissance nominale. En vendant les kWh produits, il fait du profit qui lui permettra de rembourser les emprunts souscrits pour construire, et éventuellement de réinvestir.

Une éolienne moderne a une puissance nominale d’environ 1 MW à 10 MW selon le modèle.

En Europe la puissance moyenne des éoliennes terrestres actuellement installées est d’environ 2 MW. Elle croît sans cesse et les puissances nominales des installations les plus récentes peuvent maintenant atteindre 3 à 4 MW, avec des hauteurs en bout de pales dépassant les 200 mètres.

Cette puissance est limitée par les possibilités physiques de l’alternateur entrainé par le rotor, et de son électronique associée. Elle lui permettrait, si elle fonctionnait sans arrêt à cette puissance, de produire dans l’année 8760 MWh (8,76 GWh) par MW de puissance nominale. C’est en fait loin d’être le cas, car la puissance électrique effective (réelle) qu’elle délivre varie très fortement à toutes échelles de temps, en fonction de la vitesse du vent. En France par exemple le facteur de charge annuel de l’ensemble des éoliennes terrestres a fluctué depuis 2015 entre 20 % et 25% environ, avec une moyenne de 23 %. Cela signifie qu’elles ont produit en moyenne de l’ordre de 2015 MWh par MW nominal et par an au lieu de 8760 MWh. Ce facteur de charge devrait en théorie diminuer au cours des années, car les sites les mieux ventés ont été équipés en premier. L’augmentation actuelle de la hauteur des éoliennes permet d’aller chercher en altitude des vents en moyenne plus forts, ce qui aura l’effet inverse.

Cela ne signifie pas que les éoliennes terrestres ne tournent en France que 23 % du temps, comme on l’entend dire souvent. Elles sont en fait moins de temps que cela à l’arrêt complet. Mais quand elles tournent, leur puissance électrique effective est très variable, pouvant aller parfois de 1% à 50% ou même 100% de leur puissance nominale au cours d’une même journée (figure 1, chapitre 2), mais en moyenne annuelle de 23%. Le facteur de charge moyen annuel de l’ensemble des éoliennes terrestres est d’environ 30 % au Danemark, en Norvège, au Portugal et au Royaume-Uni, 27 % en Irlande, 25 % en Espagne et en Finlande, 24 % en Suède, 20 % en Italie. Pour l'éolien marin dit "posé", c'est-à-dire implanté sur les fonds marins, ce facteur de charge est en Europe supérieur à celui de l’éolien terrestre et peut atteindre 45 % actuellement, en particulier dans les zones bordant les côtes Ouest de la Scandinavie, du Royaume-Uni et de l’Irlande, ainsi que les côtes de la Mer du Nord et de la Baltique. Ce sera moins en France pour la majorité des sites possibles, au mieux probablement de l’ordre de 30 à 35 %. Le plateau continental le long des côtes françaises est le plus souvent étroit. La profondeur d’eau augmente donc rapidement vers le large. Il n’est alors possible d’installer des éoliennes posées qu'à faible distance des côtes, moins de 15 km environ, où la vitesse moyenne du vent n'est guère supérieure à ce qu'elle est à terre.

Ces éoliennes contrarient alors de nombreuses activités : pêche, tourisme, nautisme…

 

Actuellement, la moyenne du facteur de charge annuel de l’éolien terrestre + éolien marin est d’environ 25 % en Europe en 2017 (tableau 1, chapitre 3). Il devrait un peu augmenter avec le développement de l’éolien marin.

Alors que l’on entend dire en permanence que le vent est plus régulier en mer qu’à terre, c’est le contraire qui est vrai car, le vent étant moins freiné en mer qu’à terre, ses variations de vitesse y sont plus brutales.

Le solaire PV fournit tout comme l’éolien une puissance électrique très variable, mais de façon très différente : il est évidemment absent la nuit. En cours de journée la puissance qu’il délivre varie considérablement, l’essentiel de l’électricité produite l’étant pendant les 3 à 4 heures où le soleil est près de son zénith. Il est aussi sensible au passage des nuages.

De plus, c’est un très gros handicap, d’autant plus important que l’on se rapproche du Pôle Nord, la quantité totale d’énergie solaire reçue au sol en Europe en une journée varie considérablement tout au long de l’année au cours des saisons : à Paris, en l’absence de nuage, elle est 8 fois moins importante le 21 Décembre, jour du solstice d’hiver, que le 21 Juin, jour du solstice d’été.

Le facteur de charge annuel moyen du solaire PV augmente donc du Nord au Sud de l’Europe : il est en moyenne de l’ordre de 9 % au Royaume Uni et en Suède, 11 % en Allemagne, 14 % en France, 15 % en Espagne et en Italie … On constate que ce facteur de charge est très inférieur dans tous ces pays à celui de l’éolien.

La surface des panneaux solaires est de l’ordre de 1 à 2 m2. La puissance maximale d’un de ces panneaux, appelée puissance-crête, est de quelques centaines de watts. Cette puissance-crête est l’équivalent de la puissance nominale pour une éolienne. Les centrales solaires peuvent comporter des milliers de ces panneaux, avec des puissances-crêtes totales pouvant atteindre des centaines de mégawatts (MW).

Fonctionnement d’un réseau électrique

Un réseau électrique est l’ensemble des lignes électriques faisant la liaison entre les installations de production d’électricité et les installations des consommateurs. Il comprend plusieurs types de maillages, interconnectés par des transformateurs, de lignes électriques fonctionnant en courant alternatif à des tensions électriques (voltages) différentes. En France ces maillages, d’une longueur totale de plus d’un million de kilomètres, comprennent :

-          Les lignes dites de grand transport à 400 000 volts (400 kV), et les lignes régionales de transport avec trois niveaux de tension, 225 kV, 90 kV et 63 kV. Dites encore lignes HTB, elles sont gérées par le gestionnaire du réseau de transport d’électricité (RTE)3.

-          Les lignes de distribution locales à moyenne tension (essentiellement HTA, 20 kV) et celles à basse tension (400 V et 230 V) gérées à 95 % par ENEDIS 3. Les lignes moyenne et basse tension représentent plus de 90 % de la longueur totale du réseau.

S’ajoutent à ces maillages des lignes de transport à courant continu et très haute tension (voltage) sur des grandes distances (High-Voltage Direct Current, HVDC) qui connectent entre eux des réseaux électriques européens, par exemple entre le Royaume-Uni et la France à travers la Manche.

Deux règles essentielles 4 doivent être respectées pour éviter le blackout (panne d’électricité généralisée ou à grande échelle) :

1-En tous lieux et à tout instant, la puissance électrique fournie doit être égale à la puissance consommée dans une limite de plus ou moins 1%.

2-La fréquence du courant alternatif sur le réseau doit être de plus maintenue de façon permanente autour de sa valeur de référence de 50 hertz, là aussi dans une limite de plus ou moins 1%.

Les blackouts peuvent avoir de graves conséquences économiques5. Un blackout généralisé de plusieurs jours à l’échelle de l’Europe pourrait y provoquer aussi de gigantesques désordres sociaux et des centaines de morts, étant donné l’importance actuelle de l’électricité dans toutes nos activités individuelles, mais aussi collectives. Les hôpitaux entre autres ont pour faire face à cette éventualité des groupes électrogènes de secours.

Ces blackouts sont évités dans toute la mesure du possible par les automatismes de régulation du système électrique et les actions des gestionnaires des réseaux de transport. Cette gestion devient de plus en plus compliquée avec l’insertion d’une part de plus en plus grande d’électricité éolienne et solaire PV dans l’ensemble des moyens de production d’électricité, que l’on appelle mix électrique. Plusieurs blackouts partiels impliquant un parc éolien se sont produits ces dernières années en Europe, dont un récent impliquant un parc éolien en mer le 9 Août 2019 au Royaume-Uni, qui a affecté un million de personnes et plusieurs quartiers de Londres à l’heure de pointe 6. Par malchance, les générateurs de secours de l’hôpital d’Ispwich sont alors tombés en panne !  

Si les erreurs de prévision de la production des électricités intermittentes ne sont pas seules en cause dans les perturbations de l’équilibre du réseau allemand en juin 2019, leur responsabilité a été engagée dans une situation qui n’a pu être rétablie que par les importations des pays voisins 7.

500 millions d’habitants en Europe (hors Danemark de l’Ouest, Irlande, Royaume-Uni et Norvège), en Turquie, et au Maghreb grâce une liaison électrique sous le détroit de Gibraltar, sont alimentés par un réseau coordonné de fréquence 50 hertz, qui est en quelque sorte le cœur battant de l’Europe. La coordination entre les différents gestionnaires de réseaux de transport de tous ces pays est assurée par l’European Network of Transmission System Operators for Electricity (ENTSO-E) 8. Un incident ou une faute de gestion sur un réseau national peut donc se répercuter à tout ou partie de cet ensemble. Cela est déjà arrivé, en particulier le 4 novembre 2006, quand 15 millions de foyers en Europe ont été plongés dans le noir ! L’origine a été une coupure volontaire de deux lignes électriques à 400 KV pour laisser passer un bateau sur la rivière Ems dans le Nord-Ouest de l’Allemagne. Cette coupure a entraîné une surcharge excessive des lignes électriques de report. Celles-ci ont disjoncté à leur tour et un grand nombre d’éoliennes se sont déconnectées et reconnectées intempestivement au gré des fluctuations de fréquence du réseau, ce qui a aggravé la situation et coupé le réseau européen en deux : une partie Ouest en sous-fréquence, une partie Est en surfréquence.

Chapitre 2 - L’intermittence, source de tous les maux

L’intermittence appelée aussi variabilité de l’éolien et du solaire photovoltaïque, c’est-à-dire les fluctuations fortes et rapides de la puissance électrique qu’ils délivrent parce qu’ils sont soumis aux caprices de la météorologie et non à la volonté humaine, est un handicap majeur à leur utilisation exclusive pour la consommation d’électricité à l’échelle d’un pays. Pour l’instant, aucune solution techniquement et économiquement satisfaisante n’a été trouvée pour surmonter ce lourd handicap.

L’électricité éolienne

Maintenant qu’il y a beaucoup d’éoliennes en Europe, on entend de plus en plus la réflexion suivante : c’est quand même étonnant, je vois souvent des éoliennes qui ne tournent pas ! Eh oui, il leur arrive fréquemment d’être à l’arrêt pour absence ou excès de vent, ou encore d’être en panne ou en maintenance ! En outre une éolienne qui tourne ne produit pas forcément une quantité significative d’électricité.

Le principe d’une éolienne est de transformer en puissance électrique la puissance mécanique (cinétique) du vent qui traverse la surface balayée par son rotor, grâce à ce qu’on appelle une génératrice d’électricité (alternateur), dont le cœur est un aimant tournant dans un bobinage électrique. La puissance mécanique de ce vent, et donc la puissance électrique maximale théoriquement délivrable par la génératrice, est proportionnelle au cube de sa vitesse, soit une multiplication par 2 X 2 X 2 = 8 si cette vitesse est multipliée par 2. La puissance du vent généré par la tempête Martin les 27 et 28 Décembre 99, dont la vitesse a atteint 200 km/h sur les côtes françaises, a donc été d’environ 8 fois supérieure à celle du vent d’une tempête ordinaire, dont la vitesse atteint environ 100 km/h.

Les vitesses de vent qu’une éolienne peut exploiter sont de l’ordre de 10 à 100 km/h (voir annexe), gamme pour laquelle la puissance mécanique du vent varie donc dans des proportions de un à mille.

 Récupérer toute l’énergie du vent signifierait que le rotor arrête complètement le vent. Or le vent conserve de la vitesse et donc de l’énergie après la traversée du rotor. Le physicien allemand Albert BETZ a démontré 1 que le rendement énergétique de l’éolienne c’est-à-dire le rapport entre la quantité d’énergie électrique produite par la génératrice et celle de l’énergie mécanique du vent entrant, est maximal quand le vent sortant du rotor possède le tiers de la vitesse du vent entrant. La puissance récupérable par le rotor de l’éolienne est alors de 16/27 (un peu plus de 59 %) de celle du vent entrant. Cette limite théorique n’est jamais atteinte. Les meilleures réalisations sont d’environ 45 %, dans une gamme de vitesses de vent de l’ordre de 20 à 40 km/h. La puissance nominale (maximale) est atteinte à des vitesses de vent de l’ordre de 50 km/h. Aux vitesses de vent supérieures, l’éolienne conserve cette puissance en diminuant progressivement sa prise au vent. Elle est arrêtée pour raisons de sécurité pour des vitesses de vent de l’ordre de 90 à 100 km/h selon les modèles (voir annexe).

L’électricité éolienne a deux caractéristiques :

1-La puissance électrique fournie par une éolienne fluctue en permanence, en fonction de la vitesse du vent. C’est l’intermittence, appelée par certains variabilité, de cette puissance électrique. Ces fluctuations, parce qu’elles varient sur une large plage en fonction du cube de la vitesse du vent sont en général bien plus importantes en valeur relative que celles de cette vitesse. La puissance électrique peut varier dans des proportions de 1 à 20 au cours d’une même journée, comme le montre par exemple la figure 1, et parfois jusqu’à 50 et plus !

Ce n’est pas tant la faiblesse du facteur de charge qui en résulte mais l’importance des fluctuations de la puissance électrique fournie, elle-même due aux variations des vitesses du vent sur le site d’implantation, qui est le principal handicap technique dans l’utilisation de l’éolien. Cela entraîne en particulier que la puissance annuelle garantie par l’éolien, c’est-à-dire sa puissance effective la plus faible au cours de l’année, n’est même à l’échelle de l’ensemble des éoliennes de toute l’Europe, malgré les interconnections entre les réseaux des différents pays, que de l’ordre de quelques % de sa puissance nominale. Les conséquences de cet état de fait sont majeures.

2-L‘électricité éolienne est dite fatale, ou encore non-pilotable, car elle est produite en fonction des conditions météorologiques, sur lesquelles la volonté humaine n’a aucune prise. Il est cependant possible de faire varier la puissance électrique fournie au réseau par réduction ou augmentation de la prise au vent des pales2 ou avec des dispositifs électroniques3. Mais dans une certaine mesure seulement : Ce n’est évidemment pas possible s’il n’y a pas de vent, et la puissance maximale possible à un moment donné reste dictée par la vitesse du vent. La diminution volontaire de la puissance fournie est ce qu’on appelle l’écrêtement (en anglais curtailment). Les producteurs d’électricité éolienne ne sont cependant pas incités à pratiquer ce dernier, car ils bénéficient du fait des réglementations européennes du privilège de vendre leur électricité, non pas en fonction du prix du marché, mais à un prix fixé par avance par contrat de longue durée, le plus souvent bien supérieur. Ils sont de plus certains d’écouler leur production grâce un mécanisme d’obligation d’achat (chapitre 9) qui rend l’électricité produite par les éoliennes prioritaire sur les réseaux de distribution. Il est donc de leur intérêt de déverser au maximum leur électricité subventionnée sur le réseau, sans considération pour la stabilité de celui-ci.

Par opposition, l’électricité produite par les centrales à combustibles fossiles (charbon, gaz, fuel), par les centrales nucléaires, ou encore par les centrales hydroélectriques installées en aval des lacs de barrage est dite pilotable (ou encore contrôlable, dispatchable), car, dans les limites de leur puissance nominale on peut en faire varier rapidement la puissance afin de répondre en temps réel à la demande des consommateurs. C’est le suivi de charge.

Les mouvements écologistes préfèrent le terme « variabilité » à celui d’intermittence. En effet l’intermittence évoque plutôt dans les esprits une suite de fonctionnements et d’arrêts rapides, alors que la puissance délivrée par une éolienne n’est nulle qu’une petite partie du temps. Il a aussi été proposé le terme « chaotique » plus évocateur de la réalité du phénomène, ou encore aléatoire. Cette intermittence, cette variabilité, ce chaos peu importe comme on l’appelle, est une réalité. Elle entraîne l’impossibilité quasi totale pour l’homme de piloter la puissance délivrée par une éolienne, sauf à arrêter celle-ci. Or c’est le caractère pilotable ou non pilotable d’une électricité qui commande ses possibilités d’usage. L’électricité éolienne (tout comme l’électricité photovoltaïque) est incontestablement dans la deuxième catégorie.

Les écologistes contestent aussi le terme aléatoire, puisque stricto sensu il signifie imprévisible, alors que les données météo permettent maintenant une assez bonne estimation, mais pas toujours, de la vitesse du vent d’un jour sur l’autre.

Il n’en demeure pas moins que la puissance fournie par des éoliennes sur un réseau électrique ne peut pas faire de suivi de charge, c’est-à-dire faire coïncider la production d’électricité avec la demande des consommateurs, comme le montre la figure 1.

                 

Figure 1. Données RTE. Courtoisie Hubert Flocard

Cette figure montre, pour l’exemple du mois de janvier 2014, les profils comparés de la puissance effective éolienne totale française (en traits gras) et de la puissance de la consommation électrique totale des Français (en traits fins). Les fluctuations de la puissance consommée ont un profil caractéristique des habitudes moyennes des consommateurs français. Le minimum de consommation a lieu au milieu de la nuit. La consommation augmente ensuite très rapidement jusqu’au midi solaire et passe par un premier pic. Un deuxième pic a lieu vers 19 heures, et est suivi d’un pic secondaire vers 21 heures. Les week-ends se caractérisent par des consommations sensiblement moins élevées. On observe pour ce mois de Janvier une consommation globalement croissante, due à un refroidissement et en conséquence un usage croissant du chauffage électrique.

La production totale éolienne étant ce mois-là environ 22 fois inférieure à la consommation totale, on a fait un changement d’échelle (par environ 22) pour faire coïncider (ligne horizontale en pointillés) sa puissance moyenne du mois (environ 3000 MW) avec la puissance moyenne de la consommation d’électricité (environ 65 000 MW). Autrement dit, si la production totale éolienne avait été 22 fois supérieure à ce qu’elle a été ce mois-là, elle aurait été égale à la consommation totale de ce mois. Notons que le minimum de production correspond sur cette période à environ 3,5 % de la puissance nominale totale de l’éolien (8100 MW en Janvier 2014, ligne horizontale en traits gras), et le maximum à 76 % de cette puissance nominale.

La puissance produite par l’éolien fluctue considérablement : elle peut être en France aussi faible que 1 % de sa puissance installée (nominale) totale. Elle coïncide donc très rarement avec la puissance consommée. Même si sa production totale de ce mois avait été 22 fois plus forte, de manière à être égale à la consommation totale du mois, cette production aurait été totalement inutilisable par les Français. Pour pouvoir utiliser cette production, il faut la mixer avec celle de centrales pilotables.

Accroître le nombre des éoliennes n’est en rien une solution à l’intermittence, mais une source de difficultés croissantes dans la gestion du mix électrique.

La capacité de pouvoir produire partout l’électricité au moment exact où le consommateur en a besoin, et strictement dans les mêmes quantités, est indispensable à la stabilité du réseau électrique, pour éviter de désastreux blackouts. Il est également essentiel, parce que nous utilisons du courant alternatif, de pouvoir maintenir la fréquence de ce courant à 50 hertz : c’est le critère de l’indispensable équilibre production-consommation. Cela n’est jamais dit dans les débats publics sur ces sujets.

Le niveau de tolérance à l’échelle de l’Europe est de ± 0,5 hertz Les centrales pilotables peuvent maintenir la fréquence dans ces limites4 grâce au stockage d’énergie cinétique dans les volants d’inertie que constituent leurs puissants alternateurs, et à leur capacité de moduler largement leur puissance à la demande du consommateur. En revanche les éoliennes en sont incapables, parce que le stockage d’énergie cinétique de leur rotor n’est pas utilisable spontanément comme celui des alternateurs. Il serait cependant théoriquement possible3, de récupérer artificiellement une partie de cette énergie cinétique par un dispositif dit d’« inertie synthétique », par lequel on force l’éolienne à ralentir par un dispositif électronique, mais ce n’est guère efficace et jamais mis en pratique. D’autre part la modulation de leur puissance à la demande, qui serait à la rigueur possible dans une certaine mesure par diminution ou augmentation de leur prise au vent en modifiant l’angle d’incidence de leurs pales2, à condition toutefois qu’elle ne soit pas contrecarrée par les variations de vitesse du vent, n’est pas envisageable de manière coordonnée à grande échelle. C’est encore moins le cas bien sûr des panneaux photovoltaïques, dont l’inertie est nulle puisqu’ils n’ont pas de pièces mobiles.

Il résulte de l’impossibilité de garantir la fréquence du réseau et les besoins des consommateurs en temps réel que l’électricité n’a en sortie d’éolienne pas de valeur marchande en tant que telle, aussi bas que soit son coût de production. Qui voudrait en effet acheter une électricité dont il ne peut pas se servir ?

Cette électricité ne peut devenir «vendable» qu’associée à de l’électricité produite en contrepoint de ses fluctuations par une centrale pilotable ou  un stockage, ce qui permet alors pour le mix électrique ainsi produit d’être utilisable par un consommateur. Ce n’est donc pas le coût de production de l’électricité éolienne qu’il faut prendre en compte dans le calcul du coût de cette électricité pour le consommateur, mais bien le coût du mix éolien + centrale pilotable ou éolien + stockage associé. A l’échelle d’un pays, le stockage n’est pour l’instant possible que marginalement.

L’affirmation que la baisse des coûts de production de l’électricité éolienne la rend de plus en plus compétitive avec les électricités produites par les centrales pilotables est donc un gros mensonge par omission, puisque son association avec de l’électricité fournie par ces centrales pilotables est la seule méthode réaliste à ce jour pour l’utiliser. Pourtant cette affirmation tourne en boucle dans tous les médias européens en ce moment.

Citons aussi cette autre publicité mensongère des promoteurs : « le parc éolien que nous allons vous construire va produire l’électricité nécessaire à tant de ménages ». Un magnifique exemple de ce type de désinformation est celle qui règne en ce moment en Charente-Maritime, département français où habite l’un de nous. Il est question d’y installer une énorme centrale éolienne en mer au large de la côte Ouest de l’île d’Oléron. Selon ses promoteurs, cette électricité fournira en électricité tous les ménages de ce département, qui compte environ 650 000 habitants !

 Pourtant son profil de production, qui changera d’ailleurs d’un mois à l’autre, d’une journée à l’autre et même d’une heure à l’autre ne correspondra jamais au profil de consommation d’un seul de ces ménages (figure 1). Cette centrale ne pourra pas non plus maintenir la fréquence du courant à 50 hertz. Elle est donc parfaitement inutilisable en l’état tout aussi bien pour les ménages de Charente-Maritime que pour d’autres ménages ailleurs en France et en Europe.

Tout au plus peut-on prétendre que dans l’année, la quantité totale d’électricité produite par ce parc sera équivalente à la quantité totale d’électricité consommée par ces ménages, mais cela n’a aucun intérêt : c’est une donnée en énergie annuelle alors que les besoins réels sont en puissance instantanée et ne coïncident pas avec la présence de vent ou de soleil. Pour pouvoir l’utiliser, il faudra pouvoir la mixer avec celle de centrales pilotables qui assureront l’équilibre instantané entre production et consommation ainsi que la stabilité en fréquence.

De plus, aucun ménage de ce département n’a besoin de cette électricité, étant déjà correctement alimenté. La région à laquelle appartient ce département produit même bien plus d’électricité qu’elle n’en consomme. L’électricité de cette centrale sera parfaitement inutile à l’échelle de la consommation française, et même de la consommation européenne qui n’augmente plus depuis 10 ans déjà (figure 2) !

                         

Figure 2 : consommations d’électricité, en TWh par an, de l’EU28, de la France et de l’Allemagne de 2010 à 2019 : on observe une légère baisse tendancielle de ces consommations, et le parallélisme des trois courbes. Source : Eurostat

Les ménages de Charente-Maritime, mais plus généralement les Français et les Européens, devraient donc payer une électricité dont ils n’ont nul besoin, inutilisable telle quelle et qui reviendra très cher (chapitre 9) !

 Le calcul présenté par les promoteurs se limite aussi à la consommation d’électricité domestique de ces ménages (et même parfois à la consommation domestique hors chauffage électrique). La consommation domestique d’un ménage moyen en France (statistiquement 2,2 personnes en 2019) est actuellement, en comptant le chauffage électrique, de 4850 kWh par an. Sa consommation totale est d’environ 16 000 kWh si l’on y inclut sa consommation non-domestique, c’est-à-dire la production d’électricité nécessaire à la fabrication des biens et à la fourniture des services qu’il utilise. Elle est donc plus de trois fois sa consommation domestique !

A petite échelle, considérons maintenant un bourg typique de 500 ménages en milieu rural non industrialisé, c’est-à-dire là où sont implantés les parcs éoliens les plus courants, 5 à 6 machines pour une puissance nominale totale de 15 MW. La consommation directe de ce bourg sera de l’ordre de 2 500 MWh (2,5 GWh) dans l’année, en comptant la consommation de quelques commerces et ateliers, tandis que la production éolienne sera de l’ordre de 30 000 MWh (30 GWh), soit 12 fois plus que les besoins. Comme il faudra de toutes façons la mixer avec celle de centrales pilotables pour qu’elle soit utilisable, cette production devra pour l’essentiel être refoulée des lignes électriques de distribution vers les lignes de grand transport pour être utilisée partout en Europe 5.

Elle n’a en fait strictement aucun intérêt pour ce village : Il est déjà correctement approvisionné par le réseau, qui lui fournit l’électricité dont il a besoin indépendamment de la météo.

Les quelques gagnants de cette installation sont les propriétaires des terrains, qui touchent des loyers et la commune, qui touche des redevances. Il y aura de nombreux perdants : les riverains du fait des nuisances ainsi créées et de la perte de valeur de leur patrimoine immobilier, et tous les Français à cause de l’augmentation du prix de l’électricité et maintenant des carburants qui en résultera (chapitre 9).

Nous avons là des exemples de l’effarante désinformation qui règne autour de l’éolien.

Cette désinformation a de nombreux visages, et n’est jamais dénoncée par les instances officielles ou par les médias publics.

Cependant le 14 août 2020, le Jury de la Déontologie Publicitaire (JDP)6 dénonçait le caractère trompeur de la publicité de France Energie Eolienne qui affirmait « nous apportons de l’électricité propre, sûre et renouvelable » considérant « qu’en employant une formule qui suggère une absence totale d’effets négatifs en termes de pollution (« propre ») et de sécurité en général (« sûre »), le film publicitaire, qui n’exprime pas avec justesse les conséquences de la production d’énergie éolienne, est de nature à induire en erreur le public sur la réalité écologique des actions de l’annonceur.»

L’électricité photovoltaïque : Le principe du solaire photovoltaïque est de transformer l’énergie du rayonnement solaire en électricité grâce à des cellules photovoltaïques dont l’ensemble constitue un « panneau solaire ». Le rendement de cette transformation, c’est-à-dire le rapport entre la puissance électrique fournie par une cellule et la puissance du rayonnement solaire qu’elle reçoit, est de l’ordre de 10 % à 15 % dans la pratique industrielle actuelle. Elle sera peut-être un peu supérieure dans les années qui viennent. La puissance maximale délivrée par une cellule est appelée puissance-crête. Celle-ci, mesurée en laboratoire dans des conditions standard, est la puissance délivrée par une cellule à une température de 25°C, sous l’impact d’un rayonnement lumineux d’une puissance de 1 kW/m2 dont le spectre est celui du rayonnement solaire après la traversée de l’atmosphère sous un angle correspondant à un trajet de 1,5 fois l’épaisseur de l’atmosphère. Les panneaux solaires associant ces cellules ont couramment des puissances-crête de quelques centaines de watts pour des surfaces de 1 à 2 m2.

Les centrales solaires peuvent comporter des milliers de ces panneaux, avec des puissances totales pouvant atteindre maintenant des centaines de mégawatts-crête (MWc). La Centrale de Cestas près de Bordeaux, la plus puissante d’Europe, a par exemple près d’un million de cellules photovoltaïques et une puissance de 300 MWc. Sa production annuelle moyenne est de 350 GWh, soit un facteur de charge de 13,3 %. La surface totale occupée est de 2,6 km2, surface qui a été considérablement réduite par rapport à celle d’une centrale solaire classique grâce à une disposition des panneaux solaires beaucoup plus compacte.

La publicité faite autour de cette centrale a pour argument principal que sa puissance-crête est le tiers de celle d’un réacteur nucléaire de 900 MW, tels que les quatre réacteurs de la centrale nucléaire du Blayais non loin de là. Mais elle « oublie » de rappeler que chacun des réacteurs du Blayais produit bon an mal an 6 TWh d’électricité, soit 17 fois plus d’électricité, et non 3 fois plus. Et oublie aussi que la centrale du Blayais avec ses quatre réacteurs n’occupe que 2,2 km2.

 Malgré sa compacité exceptionnelle, la centrale de Cestas produit par unité de surface occupée 80 fois moins d’électricité annuellement que la centrale nucléaire du Blayais, et cette électricité est non-pilotable, c’est-à-dire inutilisable sans un mixage avec de l’électricité pilotable, telle qu’en produit la Centrale du Blayais.

Le solaire photovoltaïque est intermittent tout comme l’éolien, mais de façon très différente : il est bien évidemment absent la nuit : sa puissance garantie est donc nulle. En cours de journée la puissance qu’il délivre varie considérablement : l’essentiel de l’électricité produite l’est pendant les 3 à 4 heures où le soleil est près de son zénith (figure 3). Il est sensible au passage des nuages. N’ayant pas de parties en mouvement et donc pas d’inertie, il ne peut pas non plus contribuer à stabiliser la fréquence du réseau.

En outre, la quantité totale d’énergie solaire reçue au sol en Europe varie beaucoup au fil des saisons.

     

 Figure 3- Variations des puissances fournies par l’ensemble des éoliennes et des panneaux solaires français, cumulées à un pas de temps de 30 minutes, au cours du mois de Mars 2020. L’importance et le caractère aléatoire des fluctuations de l’éolien et les effets négatifs des passages nuageux sur la puissance délivrée par le solaire PV sont ici visibles, par exemple en comparant les puissances délivrées lors du midi solaire les 15 et 16 Mars. Le minimum de puissance a été d’environ 400 MW lors de la soirée du 17 Mars, et le maximum d’environ 17 000 MW au midi solaire le 30 Mars, soit 1,5 % et 64, 6 % respectivement de la puissance installée totale (26 307 MW) Données RTE. Courtoisie JP Hulot.

Pour cette production, comme pour l’éolien, il n’y a guère de compensation à espérer au niveau européen puisque le pic de production s’effectue au midi solaire, et que de Madrid à Varsovie il n’y a qu’environ deux fuseaux horaires : au milieu de la nuit, sa puissance garantie est nulle dans toute l’Europe.

Cette intermittence de l’électricité photovoltaïque rend son utilisation problématique, mais d’une façon différente de l’éolien. Il faut distinguer les pays où les variations saisonnières du profil de la puissance solaire sont faibles et les facteurs de charge importants, des pays où ces variations saisonnières sont importantes et les facteurs de charge faibles.

Le premier cas est celui des pays de la ceinture intertropicale, les plus favorisés d’entre eux étant les pays désertiques ou semi-désertiques à cause de l’absence quasi-totale de couverture nuageuse tout au long de l’année. Pour adapter la production d’électricité à sa consommation, on peut utiliser des centrales pilotables, mais aussi dans une large mesure des stockages par batteries, afin de stocker l’électricité en milieu de journée pour la restituer à la demande le reste de la journée et la nuit tout au long de l’année. C’est le cas par exemple de la Californie, du Sahel africain, des pays du Moyen-Orient. C’est le cas du désert d’Atacama au Chili7, où des centrales solaires alimentent déjà les industries et les populations du Nord du pays. Ce sont les pays où l’utilisation du solaire photovoltaïque se présente à première vue favorablement. Mais du fait des températures élevées auxquelles ils sont soumis toute l’année, le rendement des panneaux solaires peut beaucoup se dégrader8. Le sable est omniprésent et endommage les installations. Il y a peu d’eau disponible pour refroidir et nettoyer les panneaux afin qu’ils conservent leur efficacité. Dans ces pays, l’enthousiasme initial pour les grandes installations photovoltaïques s’est beaucoup calmé. Cependant les Allemands ont réactivé en 2020, par un projet de coopération entre l’Allemagne et l’Algérie, le projet Désertec9 qui consiste à faire produire au Sahara et au Moyen-Orient de l’électricité solaire photovoltaïque destinée à l’Europe.

Dans les pays situés hors de cette ceinture, la variation inter-saisonnière de la puissance solaire est telle que les quantités d’électricité photovoltaïque produites en été sont très supérieures à celles produites en hiver. Le stockage de l’été à l’hiver de ces énormes quantités d’électricité n’est pas actuellement possible (chapitre 4). Ce problème est d’autant plus important que l’on se rapproche des pôles.

Le solaire PV n’a donc guère d’intérêt en Europe sauf dans son extrême Sud. Son maximum de puissance se situe au midi solaire en été. Il peut alors être utilisé aux heures chaudes de la journée dans les régions ayant de gros besoins de climatisation, comme le Sud de la Grèce, de l’Espagne ou de l’Italie, pays où de ce fait le maximum de la puissance électrique consommée dans l’année se situe aux alentours de midi au plus fort de l’été et non au plus fort de l’hiver comme dans les pays situés plus au Nord. La quantité d’électricité demandée aux centrales pilotables à combustibles fossiles, qui sont majoritaires dans ces pays, en est alors diminuée ainsi que leur puissance maximale totale.

Dans un pays comme la France, où les besoins de climatisation en été sont beaucoup moins importants, cette électricité solaire n’est guère utile, car les puissances maximales consommées en été, d’environ deux fois plus faibles que celles demandées en hiver, peuvent être aisément fournies par de l’électricité décarbonée produite par des moyens déjà existants, nucléaire et hydroélectricité10.

Tout comme pour l’éolien, c’est le coût du mix solaire + pilotable ou solaire + stockage qu’il faut prendre en considération dans le calcul du coût véritable de l’électricité ainsi produite pour les consommateurs.

La désinformation est tout autant monnaie courante pour le solaire photovoltaïque que pour l’éolien. Il y a quelque temps la chaîne de télévision France 2 présentait l’inauguration de ce qui était alors la plus grande centrale solaire flottante d’Europe à Piolenc dans le Vaucluse. Les promoteurs, les élus et les journalistes s’y congratulaient devant la caméra, et des habitants du village soigneusement choisis exprimaient leur vive satisfaction. Alors que le soleil était pourtant peu présent le jour de l’inauguration, aucun journaliste n’a expliqué que cette centrale ne délivrerait d’électricité en quantités notables que quelques heures autour de midi par temps clair, et pratiquement pas en hiver, et qu’elle serait pour cette raison inutilisable par les habitants du village sans être mixée au préalable avec une électricité produite par des centrales pilotables, nucléaires pour l’essentiel. Il n’a pas non plus été expliqué que les panneaux solaires venaient de Chine, et que cette électricité serait mise sur le marché à un prix bien en dessous de son coût de production tandis que le producteur recevrait un complément de rémunération lui assurant de confortables profits pendant 20 ans (chapitre 8).

Un autre type de désinformation a été celle de trois ministres du gouvernement français le 18 Janvier 2017: alors que le froid régnait sur l’Europe et que l’on craignait des coupures d’électricité pour cause de consommation excessive et de retards dans la remise en route de réacteurs nucléaires en France, ces trois ministres ont annoncé à la télévision pendant les informations de 20 heures11 qu’il ne fallait pas se faire de souci, car l’éolien et le solaire avaient produit ensemble ce jour-là 8 GW soit l’équivalent de la production de 8 réacteurs nucléaires ! Outre la confusion classique entre puissance et production électriques, qu’on ne s’attendait toutefois pas à trouver chez des ministres, ceux-ci « oubliaient » de dire qu’il n’y avait aucune garantie que la même puissance serait disponible en permanence pendant toute la période de grand froid. Ironiquement d’ailleurs, comme on peut le vérifier sur le site web du gestionnaire du réseau d’électricité, RTE12, cette puissance, effectivement disponible ce jour-là au midi solaire, n’était déjà plus que de 4 GW à 20 heures lors de cette déclaration, 2 GW le lendemain à la même heure, et seulement de 0,3 GW le 21, toujours à la même heure. Mais ces faits n’ont pas été rapportés par les médias, qui n’ont d’ailleurs pas plus répercuté les réactions et rectifications des spécialistes de ces questions fusant de toutes parts.

Ce mode de désinformation est habituel dans les milieux de l’Ecologie politique : il consiste à annoncer que tel jour la production d’éolien et de solaire PV a assuré une grande partie de la consommation électrique d’un pays, sans préciser que le jour d’avant il n’en avait rien été, et que ce ne serait sans doute pas le cas le jour d’après ! Une annonce particulièrement savoureuse a été celle des écologistes du Royaume-Uni, qui ont annoncé triomphalement que la production d’électricité éolienne avait couvert 50 % de la puissance électrique consommée du pays, juste avant le blackout du 9 Août 2019 (chapitre 1), dont une des causes était la défaillance d’un parc éolien en mer.

 Ces annonces sont relayées fidèlement sans la moindre critique par les médias, ancrant ainsi dans l’opinion l’idée qu’avec l’éolien et le solaire photovoltaïque on rasera un jour gratis, pourvu que l’on en poursuive le développement.

Selon les partisans de l’éolien, le problème de l’intermittence n’existe de toutes façons plus puisque la météo a fait de tels progrès que l’on peut prévoir maintenant la vitesse du vent d’un jour sur l’autre ? De même, on peut prévoir d’un jour sur l’autre l’ensoleillement et la nébulosité.

Comment ne réalisent-ils pas que prévoir un phénomène naturel n’en change pas la nature ? En revanche, et ce n’est pas négligeable, prévoir la vitesse du vent ou l’ensoleillement du lendemain permet d’organiser mieux la mise en œuvre des centrales pilotables qui serviront à compenser les fluctuations de puissance des électricités intermittentes. Attention : une erreur de prévision peut affecter cette mise en œuvre et fausser le calcul des puissances à mobiliser ! Les erreurs de calcul sont en France pour l’éolien de l’ordre du GW dans les conditions météorologiques courantes, mais jusqu’à 10 GW soit à peu près la puissance de 20 centrales à gaz ou 10 réacteurs nucléaires, dans des conditions inhabituelles telles qu’une tempête.

Une telle incertitude n’est évidemment pas tolérable face une exigence légitime de très haute fiabilité de l’approvisionnement en électricité. La stabilité du réseau électrique doit être assurée en permanence. Or la météo aujourd’hui est incapable de prédire l’arrivée d’une dépression au quart d’heure près, et ce sera probablement le cas encore dans l’avenir. Il faut donc être prêt à compenser dans un sens puis dans un autre toute arrivée ou chute de vent, ou de variations imprévues de la nébulosité pour le solaire PV, pendant souvent plusieurs heures. Seules les centrales pilotables peuvent le faire.

La puissance garantie

L’examen de la figure 1 montre qu’en Janvier 2014, la puissance fournie par l’ensemble des éoliennes françaises reliées au réseau a fluctué entre un maximum de 6500 MW le 2 Janvier, soit à peu près 80 % de leur puissance nominale totale, et un minimum de 300 MW le 12 Janvier, soit moins de 4 % de cette puissance nominale. Ce minimum représente la puissance ayant été garantie ce mois-là au consommateur français par l’ensemble des éoliennes françaises. Cette puissance a été approchée de très près à deux reprises ce mois-là.

Le minimum annuel est la puissance garantie annuelle. Elle a été de 96 MW le 25 Août 2019 en France12 pour une puissance nominale totale de 15 500 MW, soit 0,6 % de cette puissance !

En Allemagne, les gestionnaires de réseau considèrent que la puissance garantie annuelle est de 1 % de la puissance nominale cumulée de l’ensemble des éoliennes raccordées au réseau.

Quant au solaire photovoltaïque sa puissance garantie est nulle, même à l’échelle européenne. 

Cette faiblesse des puissances garanties de l’éolien et du solaire photovoltaïque, et les énormes fluctuations de leurs puissances effectives sont des problèmes majeurs pour leur utilisation.

La Californie a fait en Août 2020, pour éviter de sévères blackouts, l’expérience désagréable de coupures ciblées d’électricité en soirée au cours d’une vague de chaleur qui a provoqué une utilisation anormalement élevée des climatiseurs. La Californie, très férue d’énergies renouvelables, a beaucoup développé l’électricité photovoltaïque, ainsi que l’éolien, et fermé en même temps 9 GW de centrales pilotables à gaz et sa seule centrale nucléaire. Pendant cette vague de chaleur, il y avait très peu de vent, et donc d’électricité fournie par les éoliennes. Quand le soleil a décliné rapidement dans la soirée, les Californiens ont découvert à leurs dépens qu’ils n’avaient plus assez de puissance pilotable disponible pour se substituer au solaire photovoltaïque et à l’éolien défaillants13, et que les Etats voisins, où la consommation électrique avait également fortement augmenté, ne pouvaient pas venir à leur secours. Le gouverneur de Californie s’est immédiatement dédouané en accusant les compagnies d’électricité d’être responsables de cette situation. Ce sont pourtant son imprévoyance et celle de son équipe, avec l’accent mis inconsidérément sur les électricités renouvelables au détriment des centrales pilotables dans sa politique énergétique, qu’il aurait dû mettre en cause. Cette situation se reproduira tant que ne sera pas renforcé le parc californien de centrales pilotables, malgré les énormes stockages par batterie que la Californie dit maintenant vouloir mettre en place.

Pour traiter ces problèmes, il y a en principe quatre méthodes :

1-Disposer en permanence d’une puissance totale suffisante de centrales pilotables afin de pouvoir compenser en toutes circonstances la puissance manquante de l’éolien et du solaire photovoltaïque, même quand leur puissance est tombée aussi bas que leur puissance garantie totale, qui est pratiquement nulle. Ce que n’a pas fait la Californie, qui le paye maintenant. Pour l’instant (chapitre 3), l’Europe a eu la sagesse de conserver sa puissance de centrales pilotables.

2- Stocker la production d’éolien + solaire photovoltaïque en cas d’excès, pour la déstocker en cas d’insuffisance de cette production.

3- Diminuer la consommation de certains consommateurs en cas de sous-production, c’est ce qu’on appelle l’effacement.

4- Détenir une puissance installée d’éolien plus solaire photovoltaïque tellement élevée que la puissance garantie correspondante soit suffisante pour couvrir en toutes circonstances la consommation. Cette « solution » est purement théorique : Multiplier à l’infini les panneaux solaires n’aurait aucune utilité, puisque leur puissance garantie est nulle. Quant à l’éolien, en Allemagne, où sa part atteint environ 20 % de la production électrique, tandis que sa puissance garantie n’est que 1 % de sa puissance nominale, il faudrait multiplier la puissance installée actuelle par 500 pour qu’il garantisse à tous moments à lui seul la consommation d’électricité. En France, ce serait par plus de 1000. Et il faudrait alors se débarrasser en permanence de la puissance excédentaire par rapport à celle de la consommation courante, qui serait gigantesque lors des journées bien ventées.

Cette « solution » théorique est donc absurde en pratique.

La seule méthode réaliste actuellement en Europe est la première. La deuxième et la troisième méthodes ne peuvent avoir pour l’instant que des effets marginaux.

 

Chapitre 3 - L’éolien et le solaire photovoltaïque ne permettent pas à l’Europe de se passer de centrales pilotables.

 Deux règles essentielles, comme expliqué au chapitre 1, doivent être respectées pour garantir la stabilité du réseau électrique européen :

A tout moment et en tout endroit :

1 – la puissance fournie doit être égale à la puissance consommée, à ± 1% près.

2- la fréquence du courant doit être égale à 50 hertz, à ± 1% près.

Aucune de ces conditions ne correspond au mode de production des éoliennes et du solaire photovoltaïque.

Faute de savoir stocker l’électricité en quantités nécessaires et pour des durées suffisantes à des coûts raisonnables, afin de rendre utilisables et valorisables l’électricité éolienne et le solaire PV, il faut pour l’instant les associer (les « mixer ») sur le réseau avec la production de centrales pilotables :

1-dont la puissance peut être modulée selon la demande des consommateurs, c’est le suivi de charge.

2- qui peuvent stabiliser la fréquence du réseau à 50 hertz.

Ces centrales pilotables sont :

1 - Des centrales thermiques utilisant une variété de sources de chaleur :

-  centrales thermiques dites « à flamme » utilisant la chaleur de combustion de combustibles fossiles, charbon (lignite, houille), gaz, fuel, ou encore celle de biomasse et de « biofuels », c’est-à-dire de la biomasse végétale solide et des déchets organiques, ou leurs produits dérivés liquides ou gazeux, biocarburants ou biogaz. On chauffe ainsi de l’eau dans un générateur de vapeur pour produire de la vapeur d’eau à haute température. Cette dernière fait tourner une turbine à vapeur entraînant une génératrice d’électricité (alternateur). 

- turbines à combustion (TAC) à gaz, parfois à fuel, ou encore à biogaz, dites à cycle ouvert (Open Cycle Gas Turbine, OCGT) : Elles fonctionnent sur le principe des moteurs d’avion à réaction, mais les gaz de combustion du combustible font ici tourner une turbine à gaz qui entraîne un alternateur au lieu de produire une poussée.

- centrales à gaz dites à cycles combinés (Combined Cycles Gas Turbine, CCGT), où sont associées des TAC à gaz et une turbine à vapeur branchée sur un générateur de vapeur. Celui-ci utilise la chaleur résiduelle des gaz de combustion des TAC à gaz pour produire de la vapeur d’eau.

- centrales thermiques nucléaires, c’est-à-dire utilisant la chaleur de la fission de l’uranium 235 et du plutonium 239 pour produire de la vapeur d’eau.

Ces centrales ont des rendements de la transformation de la chaleur en électricité qui sont de 25 à 30% environ pour les centrales à biomasse, 30 à 35 % pour les TAC à gaz et les réacteurs nucléaires (l’EPR aura en principe un rendement de 36 %), 35 à 45 % pour le lignite et la houille, 50 à 60 % pour les CCGT.

A plus petite échelle il y a les groupes électrogènes, qui utilisent un moteur diesel pour faire tourner un alternateur. Très répandus, et utilisés par exemple par les hôpitaux et bien des entreprises, mais aussi par les particuliers en cas de panne temporaire d’électricité ou de blackout, ils ont des rendements de l’ordre de 30 à 40 %. Leur utilisation est très dangereuse en milieu fermé parce qu’ils produisent de l’oxyde de carbone (CO), mortel à faible dose dans l’air, et des fumées toxiques.

2 - Des centrales hydroélectriques installées en aval de lacs de barrage pouvant stocker de grandes quantités d’eau.

La formule la plus aboutie de cette catégorie est constituée par les stations de transfert d’énergie par pompage (STEP). Ce sont des centrales de pompage – turbinage fonctionnant avec une retenue supplémentaire à l’aval. Pendant les heures creuses, l’eau est pompée de la retenue inférieure vers la retenue supérieure, pour être ensuite turbinée dans le sens inverse pendant les heures de pointe.

Ces centrales sont distinctes des centrales hydroélectriques dites au fil de l’eau, installées sur des cours d’eau puissants. Bien qu’elles dépendent des aléas du fil de l’eau, leur production peut opérer un suivi de charge remarquable des besoins de la consommation, dans la limite de leur puissance.

Elles peuvent ainsi en France fournir à la demande des puissances additionnelles significatives pour de courtes durées, pour celles dont les réserves d’eau sont les plus importantes, les centrales dites d’éclusée.

Les centrales hydroélectriques ont des rendements de transformation de l’énergie mécanique de l’eau en électricité de l’ordre de 85 %.

Les centrales pilotables ont des vitesses de réaction, c’est-à-dire de possibilités de suivi de charge pour répondre à la demande des consommateurs, qui dépendent de leur type (tableau 1). Les plus rapides sont les centrales hydroélectriques installées en aval des lacs de barrage, qui peuvent démarrer quasi instantanément et moduler en 3 minutes environ leur puissance de 0 à 100 % en fonction des besoins. Suivent les turbines à combustion (TAC) à cycle ouvert (Open Cycle Gas Turbines (OCGT)). On peut constater sur le tableau 1 que, contrairement à ce qu’affirment encore avec insistance beaucoup de politiques, médias et réseaux sociaux, les réacteurs des centrales nucléaires, s’ils ne peuvent rivaliser avec les centrales hydroélectriques et les OCGT, sont tout aussi réactifs, on dit aussi flexibles, que les centrales à charbon les plus modernes, et même que les CCGT.

En France les réacteurs nucléaires peuvent moduler leur puissance jusqu’à 5 % par minute. Cette flexibilité y est en outre augmentée grâce à leur nombre important qui permet de répartir les contraintes sur l’ensemble des réacteurs. En diminuer le nombre revient donc à se créer un handicap.

La gestion de l’ensemble de ces centrales doit être rigoureusement coordonnée pour faire face à toutes les situations. C’est le travail des gestionnaires des réseaux de transport d’électricité, plus de 40 en Europe, comme Réseau de transport d’électricité (RTE) en France, Amprion, Tennet, 50 Hertz Transmission et Transnet BW en Allemagne, ou encore National Grid au Royaume-Uni, Red Eléctrica de Espagna (REE) en Espagne, Polskie Sieci Elektroenergetyczne (PSE) en Pologne…et de l’European Network of Transmission System Operators for Electricity (ENTSO-E) qui coordonne cet ensemble.

Type de centrale

charge minimale de départ (% puissance maximale)

Temps de démarrage

(à chaud <8h /à froid> 48 h)

Vitesse de montée en charge (% de la puissance maximale  par minute)

OCGT

        20-50

  10 min / 20 min

            10-15

CCGT

        20-40

    40 min / 2h-3 h

              4-8

Houille

       25-40

      1h-2 h / 3h-6 h

              3-6

Lignite

       35-50

      1h-4h / 5h-8 h

              2-6

 Biomasse solide

       40

      1h /5 h

              1-4

Nucléaire (REP)

      25-50

      1h / 2 jours

              3-5

Tableau1 : possibilités de suivi de charge en l’état de l’art des centrales thermiques pilotables selon leur type. Sources : Agora Energiewende, OECD-IEA, 2018.

Les valeurs indiquées ici ne sont qu’indicatives, étant donné la grande variété de ces centrales pour chaque type. En ce qui concerne le temps de démarrage, on a indiqué les temps de démarrage à froid (arrêt depuis au moins 48 h) et à chaud (arrêt depuis moins de 8 heures). La charge minimale est la proportion de la puissance maximale qu’il est nécessaire d’atteindre pour un fonctionnement stable.

La France utilise en suivi de charge journalière ou infra-journalières ses centrales hydroélectriques de lacs de barrage et de plus en plus ses centrales à gaz et ses centrales nucléaires.

En Allemagne les centrales pilotables sont surtout des centrales à charbon et à gaz, accessoirement des centrales hydroélectriques et des centrales à biomasse solide et à biogaz. Dans les autres pays européens, la nature des centrales pilotables est très variable en fonction des ressources locales et des politiques énergétiques, de la Norvège qui n’a pratiquement que des centrales hydroélectriques, à la Pologne qui n’a pratiquement que des centrales à charbon.

Le tableau 2 montre quelles étaient en 2017 pour l’EU 28 les puissances (capacités) installées en combustibles fossiles et nucléaire, leurs productions d’électricité sur le réseau public, et les facteurs de charge moyen correspondants pour les principales centrales électriques. On y trouve aussi les capacités et les productions des « renouvelables », éolien, solaire PV, hydroélectricité (pilotable+non-pilotable), biomasse solide et biogaz, et les facteurs de charge correspondants.

 

Source

éolien

PV

Houille

+Lignite

gaz

fuel

hydro

nucléaire

Biomasse

 

total

 GW

169

107

148

188

29

137

118

30

926

TWh

358

119

695

661

57

326

786

175

3177

F.ch.%

24

13

54

40

22

27

76

67

39

Tableau 2 : Capacités installées (GW), productions annuelles (TWh), et facteurs de charge en % des principales sources d’électricité de l’EU 28 en 2017. La catégorie hydro comprend l’ensemble des centrales hydroélectriques, pilotables et non pilotables.

Les facteurs de charge indiqués ici pour l’éolien et le PV sont calculés d’après la production totale de 2017 et les capacités installées au 31 Décembre 2017. Sources : Statista, Eurostat, IFFRI.

 

Le nucléaire est la source qui produit le plus d’électricité. Malgré son quatrième rang en termes de puissance nominale, il a le facteur de charge le plus élevé. Le solaire photovoltaïque a le plus faible.

Cependant le facteur de charge du nucléaire français, qui représente un peu plus de la moitié du nucléaire européen est en train de se dégrader progressivement, car il lui faut faire place de par la loi à l’éolien et au solaire photovoltaïque

La biomasse comprend une variété de matériaux :

-bois et déchets solides de l’agriculture et de l’élevage surtout sous forme de granulés (pellets) ou de copeaux utilisés soit directement, soit mélangés à du charbon.

- déchets ménagers et industriels

-biocarburants

- biogaz …

La biomasse a les plus faibles capacités installées après celles du fuel, qui n’est plus guère utilisé pour produire de l’électricité à cause de son prix et des pollutions atmosphériques qu’il entraîne. Cela contraste avec l’affirmation sans cesse répétée du rôle essentiel qu’aura la biomasse dans la transition énergétique.

L’utiliser pour produire de l’électricité n’en est pas une bonne utilisation. Le rendement énergétique global moyen de transformation de sa chaleur de combustion en électricité est faible, au mieux de 30 % : c’est le plus faible de toutes les centrales thermiques. Elle est mieux utilisée pour produire de la chaleur1, car le rendement énergétique bien que très variable suivant les installations, est alors meilleur et peut atteindre jusqu’à 90 % par exemple dans certaines chaudières à granulés.

Elle a été utilisée par l’humanité depuis des millénaires, sous forme de bois de chauffe, de charbon de bois ou encore de déchets animaux. Avant la Révolution Industrielle et jusque vers 1850 environ, elle fut la première source d’énergie en Europe et dans le monde, et est encore la première source d’énergie « renouvelable » en Europe, avec 4 à 5 % de son approvisionnement en énergie primaire.

C’est encore la première source d’énergie dans les pays peu développés techniquement, avec les problèmes d’usage et de pollution qui découlent de l’augmentation rapide de leur population depuis trois générations. La biomasse y étant de plus en plus sollicitée comme source d’énergie, cela aboutit à des déforestations et même dans certains pays peu arrosés comme les pays du Sahel africain des catastrophes écologiques et une désertification. Il vaudrait mieux que ces pays puissent utiliser rapidement d’autres sources d’énergies, mais de préférence, pour des raisons climatiques, aussi peu que possible les combustibles fossiles.

Ce problème se pose aussi dans des pays en voie d’industrialisation, comme le Brésil, qui utilise la biomasse pour produire de la chaleur, mais aussi du bioéthanol produit à partir de sucre de canne pour faire rouler ses véhicules, ou encore l’Indonésie où la déforestation fait rage pour planter des palmiers à huile. Il se pose aussi dans le grand pays industriel que sont les Etats-Unis, qui utilise de grandes quantités de bioéthanol produit à partir d’amidon de maïs pour le mélanger aux carburants pétroliers, en fait pour subventionner indirectement ses agriculteurs, et qui maintenant coupe des forêts pour alimenter des centrales à biomasse.

Son utilisation en Europe dans la production d’électricité est surtout le propre de pays qui comme l’Allemagne, le Danemark ou encore l’Autriche veulent faire baisser les émissions de CO2 de leur production d’électricité pour faire preuve de vertu climatique sans utiliser le nucléaire. La biomasse solide y est surtout utilisée dans des centrales dites à cogénération chaleur-électricité (Combined Heat and Power, CHP) qui produisent de l’électricité, mais récupèrent la chaleur produite en même temps, le plus souvent pour alimenter les réseaux de chaleur des villes. On obtient ainsi des rendements énergétiques globaux électricité + chaleur de 60 à 70 %.

Sous forme de biogaz, la biomasse peut être utilisée pour produire de l’électricité avec des rendements de l’ordre de 50 à 60 % dans les CCGT, tout comme le gaz naturel. Le biogaz, qu’il faut fabriquer à partir de végétaux cultivés industriellement ou de déchets végétaux ou animaux, n’est pas du tout compétitif avec le gaz naturel et doit être fortement subventionné, d’où une faible utilisation. Les quantités que l’on peut en produire sont également limitées par les faibles quantités de biomasse pouvant être disponibles pour cette utilisation.

D’un point de vue climatique, l’intérêt de l’électricité ainsi produite n’est que d’apparence : La biomasse solide est en fait la source carbonée qui émet lors de sa combustion le plus de CO2, mais aussi de polluants atmosphériques pour une même quantité d’énergie produite, plus encore que le charbon ! On nous explique alors que le CO2 ainsi produit étant utilisé par les végétaux lors de leur croissance, la combustion de la biomasse est neutre en émissions de CO2, mises à part les quantités émises par les engins utilisés pour la culture, la collecte et le conditionnement ! Cela ne serait valable que si la croissance des végétaux utilisait immédiatement autant de CO2 qu’il en est produit par la combustion de la biomasse utilisée. C’est faux, et cette affirmation est une des très nombreuses zones d’ombre où s’abrite l’Ecologie politique. En outre la biomasse lors de sa croissance ne fait pas la différence entre le CO2 émis par la combustion des combustibles fossiles et celui émis par la combustion de la biomasse.

Au mieux peut-on espérer que cette « neutralité carbone » sera respectée, aux émissions de CO2 près des engins de culture, collecte et de conditionnement, si l’on ne brûle pas plus de biomasse qu’il n’en est créé par photosynthèse dans l’année.

La destinée normale de cette biomasse aurait été d’être consommée par des animaux, et par des microorganismes pour reconstituer l’humus des sols. On modifie donc ainsi les cycles biologiques. Il en résultera fatalement un appauvrissement des sols et une chute de leur fertilité … à laquelle les engrais chimiques permettront de remédier, enfin presque car leur production et leur usage sont loin d’être environnementalement neutres.

Le GIEC (figure 7.6 du chapitre 7 de l’Annual Report n°5) retient, pour la production d’électricité à partir de biomasse les valeurs médianes d’émissions nettes de CO2 suivantes, en tenant compte des variations d’albedo et de changement d’affectation des sols entraînées par la collecte :

0,15 tCO2/MWh pour le bois de forêt,

0,22 tCO2/MWh pour les cultures dédiées,

0,30 tCO2/ MWh2 pour le biogaz produit à partir de maïs et de lisiers, comme en Allemagne.

RTE, dans sa comptabilité des émissions de CO2 des centrales électriques françaises, prend une valeur de 0,494 tCO2/MWh pour les déchets organiques.

Dans la base « carbone» de l’Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie (ADEME)3, on trouve page 93 pour l’utilisation du bois forestier de  0,02 à 0,04 tCO2/MWh.

Cette diversité de valeurs traduit la variété des hypothèses faites lors des études de cycle de vie. 

Si la biomasse était comptabilisée pour ses émissions directes, et non plus en fonction d’hypothèses plus ou moins gratuites sur la réutilisation par la biosphère du CO2 produit par sa combustion, la valeur à prendre serait pour du bois bien sec d’environ 430 kg de CO2 par MWh de chaleur produite4. Cela représente pour ce bois utilisé dans une centrale électrique à biomasse de rendement 30%, environ 1,4 tCO2/MWh d’électricité produite. C’est environ 40% de plus que pour du charbon utilisé dans une centrale électrique ayant le rendement moyen des centrales à charbon, soit 38 % !

C’est pourtant ce principe de neutralité carbone qui n’a de toute évidence pas de base scientifique assurée qui est appliqué par la Commission Européenne dans ses statistiques des émissions de CO2 de la production d’électricité, suivant en cela les prescriptions de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques5. Les émissions de la biomasse sont ainsi exclues de la plupart des statistiques, notamment du total des inventaires officiels de gaz à effet de serre.

Ainsi certains pays se déclarent plus vertueux que d’autres dans la défense du climat ! 

Les conséquences de l’application de cette norme internationale peuvent être des déforestations au nom de la lutte contre le réchauffement climatique, donc à l’inverse du but recherché, mais aussi le dédouanement abusif des pays utilisant de plus en plus la biomasse pour produire de l’électricité, comme l’Autriche, le Danemark et l’Allemagne6. On voit ici les dangers de l’application administrative d’une norme élaborée selon des critères idéologiques.

On ne parle guère non plus de la pollution atmosphérique produite par les centrales électriques à biomasse, d’autant plus importante que l’on mélange à la biomasse des déchets de toutes sortes, comme par exemple des broyats de pneus usagés pour élever la température de combustion et donc le rendement électrique7. En cela, les centrales à biomasse servent souvent à se débarrasser de déchets organiques8, sans vraiment se préoccuper de la pollution qui en résulte.

Les centrales électriques sont équipées de filtres, mais leur efficacité n’est pas de 100 %, en particulier pour des gaz comme les oxydes de soufre et d’azote, les dioxines ainsi que pour les particules ultrafines9 produites lors de la combustion.

La combustion de la biomasse solide, comme peuvent le constater ceux qui ont un poêle à bois, produit aussi des quantités considérables de cendres, qui diminuent l’efficacité énergétique lors de la combustion. Ensuite, il faut s’en débarrasser. Or ces cendres, comme celles du charbon, concentrent un grand nombre d’éléments dont certains sont problématiques, comme des métaux lourds10. A l’instar des cendres de charbon, elles sont utilisées principalement dans le bâtiment et les travaux publics, ou tout simplement en remblayage sans précautions particulières.

La biomasse végétale est synthétisée à partir d’eau, de CO2 et de sels minéraux. La source d’énergie utilisée est l’énergie solaire, moteur de la photosynthèse. Le rendement énergétique moyen est très faible, de l’ordre de 1 % de l’énergie solaire reçue par unité de surface de récolte. La limite de ce qu’il est possible d’utiliser pour faire de l’électricité est atteinte d’autant plus rapidement que la biomasse sert comme source de chaleur pour le chauffage et a bien d’autres utilisations, comme l’alimentation, la fabrication de textiles, la construction, et la production de «biocarburants ».

Quelques exemples montrent ce qu’il en est pour la production d’électricité :

- En Angleterre, quatre des six unités de la puissante centrale au charbon de Drax ont été reconverties en centrale à bois au prétexte de diminuer les émissions de CO2 du mix électrique anglais. Comme il était impossible d’alimenter cette centrale avec uniquement du bois produit au Royaume-Uni, une grande partie du bois utilisé vient sous forme de granulés (pellets) des forêts du Canada et des Etats-Unis11.

- Au Danemark, la reconversion des centrales à charbon en centrales à bois oblige à importer une grande partie de ce bois de Lituanie et de Russie, sous forme de pellets12.

- En France, une unité de la centrale à lignite de Gardanne a été reconvertie en centrale à bois. La collecte du bois nécessaire s’est faite jusqu’à 250 km alentour et a dû être complétée par des pellets en provenance d’Espagne et d’Italie13! La reconversion de cette centrale a été subventionnée.

- En Autriche, pays pourtant riche en forêts, des pellets viennent du Canada, des USA, de Russie.

 

La mise en œuvre pourtant encore modeste de l’utilisation de pellets de biomasse solide pour produire de l’électricité « verte » excède très rapidement les capacités de production de bois par les pays concernés et les contraint à l’importation. Ces pays s’éloignent ainsi en fait de l’autonomie énergétique, et de la neutralité carbone soi-disant recherchée. Il est loin d’être évident que cela profite au climat 14,15, ou à la pureté de l’air que nous respirons !

Certains pays, comme les Pays-Bas, ne considèrent plus la combustion de la biomasse comme « soutenable » d’un point de vue climatique16.

Les centrales hydroélectriques pilotables sont installées en aval de lacs de barrages, derrière lesquels on peut stocker de grands volumes d’eau. Leur production, 5 à 6 % de la production électrique européenne de 2017 représente en Europe environ la moitié de la production hydroélectrique totale (tableau 2) ; l’autre moitié étant assurée par les centrales au fil de l’eau, moins pilotables. Il paraît difficile d’augmenter encore ces quantités, malgré certaines projections qui indiquent que l’on pourrait doubler la production actuelle. En effet la plupart des sites favorables sont maintenant équipés. Les lacs de barrage sont en compétition croissante avec d’autres usages de l’eau, comme l’agriculture et le tourisme. Les mouvements écologistes sont hostiles à la construction de nouveaux grands barrages17 et ont même obtenu que des barrages existants soient détruits. De fait, la production d’hydroélectricité ne progresse que lentement en Europe, et il est fort douteux qu’il en soit autrement dans les prochaines années.  Il y a une limite physique à l’utilisation de l’hydroélectricité : c’est l’énergie potentielle de l’eau qu’il est possible de transformer en énergie mécanique pour produire de l’électricité. En quantité cette énergie potentielle est bornée supérieurement en valeur annuelle par la pluviométrie et l’altitude moyenne du pays considéré18.

Les ressources hydrauliques en Europe sont très inégalement réparties: les pays dont l’hydroélectricité assure bon an mal an plus de 10 % de leur production d’électricité sont les pays dotés de larges zones montagneuses suffisamment élevées : Les pays Scandinaves, Norvège et dans une moindre mesure Suède, les pays de l’Arc Alpin (Autriche, France, Italie, Slovénie, Suisse), les pays de la péninsule Ibérique (Espagne et Portugal) , les pays des Balkans et des Carpathes, Bulgarie, Grèce, Roumanie.

Les centrales électriques pilotables utilisant des sources d’énergie dites « renouvelables », à biomasse ou hydroélectriques, ne sont donc d’un point de vue quantitatif que de « petits joueurs » dans la production d’électricité européenne, et le resteront vraisemblablement dans l’avenir. Les « grands joueurs » en Europe, comme le montre le tableau 2, sont par ordre d’importance quantitative, les centrales à combustibles fossiles, principalement charbon et gaz, puis les centrales nucléaires. C’est donc essentiellement entre ces deux catégories de centrales que l’Europe devra choisir pour pallier l’intermittence de l’éolien et du solaire photovoltaïque, si elle persiste comme actuellement à en pousser le développement.

Ces centrales pilotables sont aussi indispensables pour stabiliser en permanence la fréquence du réseau, grâce à l’inertie de leurs puissants alternateurs, ce que ne peuvent pas faire l’éolien et le solaire PV.                    

Pour mieux comprendre cette nécessité des centrales pilotables, considérons d’abord le cas d’un ménage qui déciderait de se couper du réseau électrique et de ne consommer que de l’électricité produite par une éolienne (figure 4). Une fois l’éolienne installée, ce ménage constatera immédiatement que la production de cette éolienne ne correspond pas du tout à sa consommation. Bien sûr, il pourrait essayer de ne consommer qu’en fonction du cube de la vitesse du vent, mais l’exercice est en pratique impossible, d’autant plus que le profil de production ne sera pas le même d’un jour sur l’autre, ni d’un mois sur l’autre.

Il aura alors le choix entre deux solutions, ou une association des deux :

- Acheter une éolienne de puissance nominale relativement faible, dont la puissance effective ne dépassera jamais la puissance maximale consommée par ce ménage dans l’année, et un groupe électrogène - émettant du gaz carbonique (CO2), et du monoxyde de carbone (CO) pouvant être mortel en milieu confiné - qui produira quand le vent sera insuffisant pour assurer sa consommation. En fait, ce groupe électrogène devra fournir la plus grande partie de l’électricité consommée dans l’année, de l’ordre de 70 à 80 % car nous l’avons vu, le facteur de charge annuel moyen de l’éolien terrestre en Europe est de l’ordre de 25 %, c’est-à-dire que par watt de puissance nominale installée, il ne produit que 25 % de l’électricité qu’il pourrait produire dans l’année s’il fonctionnait constamment à cette puissance.

- Acheter une éolienne plus puissante, et une batterie qui stockera l’électricité produite en excès de la consommation, puis la restituera quand la consommation sera plus forte que la production, avec cependant une perte d’au minimum 20 % de l’énergie électrique initiale dans le processus de stockage-déstockage.

Il lui faudra de plus acheter des câbles de liaison et un système électronique de gestion, qui ajustera à tout instant la production du groupe électrogène ou du stockage en tenant compte de celle de l’éolienne et du besoin électrique du ménage, et transformera le courant continu en courant alternatif à la sortie du stockage. 


  

Figure 4 : Cette figure montre pourquoi, dans le cas d’un ménage coupé du réseau utilisant une éolienne pour produire de l’électricité, il lui est impossible de consommer directement cette électricité : en effet la production de cette éolienne est non pilotable et ne correspond pas du tout au profil de la consommation de ce ménage. Il lui faut donc utiliser en contrepoint, soit un groupe électrogène, qui produira en fait la plus grande partie de l’électricité, soit une batterie de stockage, soit une combinaison des deux. Un dispositif électronique pour mettre en accord en permanence production de l’ensemble et consommation du ménage sera nécessaire.

Il est évident que le coût de l’investissement pour acheter cet ensemble, et le coût de l’électricité qu’il produit, seront bien évidemment dans les deux cas très supérieurs aux seuls coûts d’investissement et de production de l’éolienne seule.

Dans le cas d’une grande ville ou d’un pays (figure 4), il est tout autant impossible de produire l’électricité consommée uniquement avec des éoliennes même en y ajoutant du solaire photovoltaïque, pour les mêmes raisons d’intermittence. Etant donné l’énormité des quantités d’électricité en jeu, le stockage ne peut à cette échelle intervenir que marginalement. Les centrales pilotables jouent ici le rôle du groupe électrogène de la maison isolée. Ainsi, les proportions d’éolien et de solaire photovoltaïque dans le mix de production électrique européen ne peuvent qu’être minoritaires, tant que les possibilités de stockage resteront ce qu’elles sont (chapitre 5).

Un système électronique de gestion très complexe est nécessaire, ainsi que quantité de nouvelles lignes électriques. En effet les zones de production d’électricité éolienne étant dispersées sur tout le territoire, il faudra les relier par de nouvelles lignes à haute tension à des zones de consommation bien souvent éloignées. Le gouvernement allemand a par exemple entrepris de faire construire des milliers de kilomètres de lignes électriques enterrées à très haute tension pour acheminer la production électrique des éoliennes installées en Mer Baltique vers les industries de Bavière, avec une très forte opposition des populations impactées qui retarde les réalisations tout autant que les problèmes techniques. 


Figure 5: Cette figure montre le cas de la production d’électricité éolienne à l’échelle d’un pays. Le profil de puissance de cette électricité ne peut pas correspondre à celui de sa consommation. Pour qu’elle soit utilisable, il faut donc la mixer avec l’électricité produite par des centrales pilotables, qui jouent le rôle du groupe électrogène de la figure 2. Des lignes à haute tension sont nécessaires pour véhiculer les grandes quantités d’électricité en jeu. La voie du stockage est ici exclue, car les capacités de stockage de l’électricité qui seraient nécessaires sont hors de portée actuellement et sans doute pour très longtemps.

Le réseau électrique doit aussi être redimensionné en puissance de manière à accepter la puissance maximale délivrée par les éoliennes, c’est-à-dire les jours de bon vent. A l’heure actuelle, l’acheminement par l’Allemagne de l’électricité des éoliennes de la Baltique vers la Bavière se fait en dérivant les puissances excédentaires vers les réseaux électriques des pays voisins19, compromettant ainsi leur sécurité. Ces pays se protègent des excès de puissance électrique en installant des transformateurs déphaseurs à la frontière.

 Là aussi le coût de l’électricité ainsi produite ne peut être que bien supérieur à celui de l’électricité produite par les seules éoliennes.

A tout cela les promoteurs de l’éolien ont longtemps répondu que les centrales pilotables n’étaient pas nécessaires : il suffisait en effet de construire des éoliennes partout pour que l’absence de production des éoliennes là où il n’y avait pas de vent soit compensée par la production d’éoliennes là où il y en avait. Selon eux le consommateur ne manquerait ainsi jamais d’électricité. Ce mantra inlassablement ressassé pendant des années par les promoteurs de l’éolien, politiques et industriels : « Il y a toujours du vent quelque part » est faux. Il sous-entend que si une éolienne est en panne de vent, il y en aura toujours une autre qui tournera quelque part pour prendre le relais et assurer la consommation. Cette éolienne miraculeuse étant située quelque part, ce quelque part peut changer d’un jour à l’autre selon les caprices du vent. Il faudrait donc énormément d’éoliennes, et ajouter au réseau électrique existant un réseau électrique démesuré les reliant entre elles. Même la production cumulée de toutes ces éoliennes n’a aucune raison de suivre fidèlement la consommation de la population.

L’examen des faits a eu raison de ce mantra, grâce à la publication depuis une dizaine d’années par les gestionnaires des réseaux nationaux de transport d’électricité, ainsi que par l’ENTSO-E pour l’Europe jusque fin 2019, de la réalité des productions d’électricité cumulées sur chaque intervalle de temps d’une heure (au pas horaire) pour l’ensemble des éoliennes reliées au réseau.  Le profil de production cumulée de toutes les éoliennes françaises, bien qu’elles soient présentes maintenant sur tout le territoire, est très variable au cours du temps (figure 1). A un pas plus petit, un quart d’heure par exemple, l’irrégularité observée est encore plus grande. D’autre part il n’y a que peu d’atténuation (le terme technique employé est foisonnement), ce qui veut dire que l’irrégularité (l’intermittence) est à peine plus faible pour cette production cumulée que pour la production de ces éoliennes considérées isolément. L’étendue géographique des phénomènes météorologiques qui affectent l’Europe en est la cause : les systèmes dépressionnaires, périodes de vent forts et donc de forte production éolienne, et les anticyclones, périodes de vents faibles et donc de faible production éolienne, ont en général des dimensions comparables à celle de l’Europe entière.

Flocard 201320 a démontré pour un ensemble de 6 pays d’Europe que le foisonnement de l’éolien était en fait très limité, et qu’il n’y avait aucune raison qu’il le soit plus à l’échelle de l’Europe.

Linnemann et al. 201921 ont aussi traité avec beaucoup d’attention ce sujet, en comparant le foisonnement éolien en Allemagne pendant l’année 2017 à celui de l’ensemble Allemagne + les 7 pays les plus proches, puis l’ensemble Allemagne + 17 pays européens connectés à l’Allemagne. Le foisonnement est croissant, mais les profils des productions éoliennes sur l’année restent étonnamment proches dans les trois cas. La puissance garantie, c’est-à-dire celle fournie par l’ensemble des parcs éoliens sur laquelle on peut compter en toutes circonstances, reste dans les 3 cas extrêmement faible, de l’ordre de 1 % de la puissance nominale totale pour l’Allemagne considérée seule, à 4 ou 5 % seulement pour l’ensemble de ces 18 pays européens.

Si les pays d’Europe n’avaient que des éoliennes pour produire leur électricité, cette production serait fortement intermittente même à l’échelle de l’ensemble de ces pays et la production garantie extrêmement faible. Aucun de ces pays ne pourrait donc porter secours à un autre pays qui serait en panne de vent, puisque cette panne aurait lieu en même temps chez lui. Par contraste, les périodes de très forte production éolienne auraient lieu en même temps dans tous les pays, ce qui provoquerait un engorgement des réseaux et la nécessité d’écrêter (en anglais to curtail) considérablement cette production pour éviter les surtensions. Il faudrait donc en pratique perdre la majeure partie de cette production, dont l’utilisation serait économiquement impossible.

La conclusion de Linnemann et al. est sans équivoque : l’essentiel de la puissance garantie en Europe ne peut pas provenir de l’éolien, même combiné à du solaire photovoltaïque, dont la puissance garantie est nulle puisqu’il n’y en a pas la nuit, mais uniquement de son parc de centrales pilotables !

La mutualisation des centrales pilotables à l’échelle européenne

La mutualisation du parc de centrales pilotables en Europe permettrait d’en diminuer dans une certaine mesure la puissance totale, par le jeu des importations-exportations d’un pays à l’autre.

C’est donc a priori une opération limitant le coût de l’investissement en centrales pilotables. En effet les puissances maximales appelées par les consommateurs des différents pays ne sont pas parfaitement en phase et certains pays disposent d’importantes marges de sécurité. En revanche, cette mutualisation est très coûteuse en investissements dans les réseaux, parce qu’elle suppose de développer et de renforcer les liaisons électriques entre les différents pays européens. Le champion dans ce domaine est le Danemark, dont la proportion d’éolien dans le mix de production électrique est la plus forte au monde. Il s’appuie pour cela en particulier sur les centrales hydroélectriques de Norvège. L’Angleterre s’appuie quant à elle sur les centrales nucléaires françaises.

Une autre façon de diminuer la puissance pilotable totale nécessaire en Europe est d’agir sur la consommation, en diminuant autant que possible la puissance des pointes de consommation. Celles-ci ont lieu vers midi et vers 19 heures solaires.

La puissance de la pointe de consommation la plus élevée de l’année «dimensionne » la puissance totale de production  dont il faut toujours pouvoir disposer. Cette pointe a lieu vers 19 heures au cours des hivers froids, lors des périodes anticycloniques qui s’étendent parfois à toute l’Europe. A cette heure-là en hiver, la puissance garantie par le solaire PV est déjà nulle. Mais en période anticyclonique, la puissance délivrée par l’éolien est aussi souvent très faible. C’est ce qui est arrivé par exemple entre le 16 et le 26 Janvier 2017, l’Allemagne étant particulièrement touchée. La puissance installée d’éolien et de solaire PV était alors, au total de la France et de l’Allemagne, de 105 GW. Leur puissance effective moyenne n’a été que de 6 GW ! Et le 23 janvier au soir, elle n‘était plus que de 500 MW, soit 0,5 % de leur puissance nominale installée !!! Il a donc fallu recourir à la quasi-totalité de la puissance pilotable disponible.

 De telles situations sont rares, mais pas exceptionnelles en Europe, qui n’est restée dans ce cas correctement approvisionnée que parce qu’elle avait eu jusque-là la sagesse de conserver la quasi-totalité de la capacité de ses centrales pilotables. L’Allemagne, qui avait déjà fermé à cette époque une bonne partie de ses réacteurs nucléaires, avait heureusement pour elle conservé toute sa puissance de centrales à charbon (houille et lignite), et même augmenté pour compenser la perte en puissance du nucléaire sa puissance de centrales à gaz ainsi que dans une moindre mesure de centrales à biomasse.

La diminution de cette pointe de consommation peut être obtenue de deux façons :

-          Par l’utilisation de stockages tampon d’électricité pouvant fournir une puissance d’électricité supplémentaire pendant une courte durée aux heures de pointes.

-          En « incitant » les consommateurs à « effacer » leur consommation dans les situations critiques, soit en les payant pour cela, dans le cas par exemple des industriels dits « électro-intensifs », comme les producteurs d’aluminium, soit en effaçant de manière autoritaire leur consommation avec des compteurs dits « intelligents », comme par exemple les compteurs Linky en France. Ceux-ci permettent entre autres aux régulateurs de l’électricité de contraindre à distance et d’étaler dans le temps les consommations des ménages.

Les réseaux ainsi équipés sont appelés smart grids.

On assiste à un développement important de ces méthodes, par exemple en Californie et en Australie du Sud, qui espèrent ainsi pouvoir résoudre les difficultés que crée pour la stabilité de leur réseau électrique un développement exagéré de l’éolien et du solaire photovoltaïque.

Ces méthodes n’aboutissent qu’à des diminutions somme toute assez faibles de la puissance totale nécessaire en centrales pilotables pour un coût très élevé. La batterie « gigantesque » d’une puissance de 100 MW et d’une capacité de 129 MWh que Tesla a vendu à l’Australie du Sud pour faire face aux graves blackouts que cette politique a entraîné dans cet Etat Australien, n’est en fait qu’une goutte d’eau dans la mer.

 

Dans les pays où l’électricité est largement utilisée pour le chauffage domestique, ce qui est le cas de la France mais aussi de la Norvège et de la Suède, l’utilisation de pompes à chaleur (PAC) alimentées par de l’électricité est aussi un moyen intéressant de réduire la puissance nécessaire en centrales électriques pilotables. Une pompe à chaleur récupère la chaleur solaire stockée dans les sols ou dans l’air, ce qui réduit dans des proportions de l’ordre de 3 la quantité d’électricité consommée par un chauffage direct par radiateurs. Il est sans doute possible en France, par la généralisation des PAC électriques dans les habitations chauffées à l’électricité, de réduire de quelques GW la puissance nominale des centrales pilotables électriques. Ce ne sera pas le cas si les PAC électriques remplacent le fuel et le gaz actuellement utilisés pour le chauffage.

Linnemann et al. insistent sur l’importance pour chaque pays européen de conserver par précaution l’essentiel de sa puissance pilotable totale actuelle. Car nul pays n’est à l’abri d‘une défaillance chez son voisin. Mais aussi chez lui, comme l’illustre le cas du Royaume-Uni. Celui-ci a beaucoup développé l’éolien, en particulier en mer (voir chapitre 9). Mais il a dû redémarrer une grosse centrale à charbon en Août 2020, lors de la vague de chaleur qui a submergé l’Europe. Elle s’est en effet accompagnée d’une panne de vent, et la production éolienne a été presque nulle. Ses centrales à gaz ont aussi vu leur rendement diminuer, l’air étant trop humide 22. 

Comme le montre le tableau 3, le développement des non-pilotables, éolien et solaire photovoltaïque, en Europe des 28 ne s’est pas accompagné d’une réduction de la puissance totale des centrales pilotables, mais bel et bien de leur augmentation substantielle, dans un contexte où depuis 2010 environ la consommation électrique est restée peu ou prou la même 23. C’est une démonstration implacable de l’incapacité des ElRi à fournir à elles seules cette consommation. Et une mise en évidence du caractère très aventureux du mantra « une électricité 100 % renouvelable, c’est possible », qui est celui en France de l’ADEME et de l’association Négawatt, ou encore des compagnies24 qui prétendent vendre de l’« électricité verte », éolien et solaire photovoltaïque, mais qui en réalité revendent essentiellement de l’électricité nucléaire achetée à prix d’ami à EDF.

 

 

2000

2012

2017

Évolution 2000/2017

Nucléaire

     137 337 MW

123 183 MW

120 884 MW

 

Fossiles

     401 342 MW

497 387 MW

455 115 MW

 

Hydro

     139 014 MW

149 276 MW

155 118 MW

 

Géothermique

            604 MW

       781 MW

        848 MW

 

Total pilotable

     678 297 MW

770 627 MW

 731 965 MW

  + 53 668 MW

Eolien

       12 709 MW

106 110 MW

 168 933 MW

 

Photovoltaïque

            177 MW

  70 991 MW

 106 708 MW

 

Total non-pilotable

       12 886 MW

177 101 MW

  275 641 MW

  + 262 755 MW

Solar thermique

                 0 MW

     2002 MW

      2306 MW

 

Houle/marémotrice

             214 MW

       225 MW

         242 MW

 

autres

             229 MW

       774 MW

         843 MW

 

Total

      691 626 MW

950 729 MW

 1010 997 MW

  + 319 371 MW

Tableau 3 : capacités opérationnelles des centrales électriques de l’EU 28 de 2000 à 2017. On remarquera que la puissance totale en fossiles est nettement supérieure à celle indiquée par les sources du tableau 2. Cela semble dû à la prise en compte ici des centrales à combustibles fossiles privées, c’est-à-dire non branchées sur les réseaux publics de distribution d’électricité, qui représentent une part importante de la production d’électricité dans certains pays (10% en Allemagne ?) Source : https://ec.europa.eu/eurostat/statistics-explained/index.php?title=File:Maximum_electrical_capacity,_EU-28,_2000-2017_(MW).png

La puissance totale de centrales pilotables en Europe, qui avait notablement augmenté entre 2000 et 2012, a un peu baissé entre 2012 et 2017, suite à une diminution des marges de sécurité et d’un recours accru à l’effacement de la consommation des industriels électro-intensifs. Le gestionnaire du réseau européen ENTSO-E s’en est ému dans son Winter-Outlook 2019/202025 en raison de la menace pesant ainsi sur la sécurité de l’alimentation électrique en Europe en cas d’hiver très froid.

Cette évolution des capacités pilotables européennes doit enfin être interprétée à la lumière de ses nouvelles interconnexions qui lui permettent à la fois de refouler ses excédents aléatoires toujours plus loin et de sécuriser son alimentation grâce à la construction de nouvelles centrales à charbon et à gaz dans des pays qui ne dépendent pas de la taxe carbone sur les énergies fossiles23.

 

Chapitre 4 - L’éolien et le solaire photovoltaïque « cannibalisent » les centrales pilotables qui leur sont associées !

Si en EU 28 le total des capacités pilotables a en fait augmenté en même temps que celui des capacités non-pilotables d’éolien et de solaire photovoltaïque, ce n’est pas le cas dans tous les pays d’Europe, dont certains ont diminué leurs capacités de pilotables (tableau 4). Par le jeu des importations-exportations d’électricité, ils ont eu recours à la mutualisation, en s’appuyant sur les capacités pilotables de leurs voisins pour gérer leur éolien et leur solaire. Cas entre autres de l’Italie, du Royaume-Uni, qui profitent du nucléaire français, et de l’Autriche qui profite du charbon allemand.

L’Espagne a dû par contre développer fortement ses capacités en centrales pilotables, en l’occurrence à gaz. Ses connections vers l’Europe, via la France, ont eu jusqu’à présent une puissance insuffisante pour pouvoir compter sur les centrales pilotables de ses voisins.

 

 

Pays

Pilotable 2010

Pilotable 2020

Eolien+PV 2010

Eolien+PV 2020

Allemagne

100, 3

112

  43,2

107,6

Autriche

  20

 16,4

    1

    4,5

Danemark

   8,9

   8,7

    3,8

    7,1

Finlande

 14,8

 14,4

    0,2

    2,2

France

115,9

107,5

   0,2

  24,9

Espagne

  67,5

  74

 23,9

  32,9

Italie

  96,5

  78,1

   9,3

 15,1

Irlande

   6,7

   7,3

   1,6

   1,9

Pologne

  31,9

 36,4

   1,3

   3,8

Royaume-Uni

  77 (2011)

 62 (2018)

 11 (2011)

 43 (2018)

Norvège

  31,3

 30

   0,5

     3

Tableau 4 : évolution des puissances en centrales pilotables et non pilotables entre 2010 et 2020, en GW, pour quelques pays européens. Noter que pour le Royaume-Uni les dates sont 2011 et 2018. Source ENTSO-E.

Le Danemark est le plus bel exemple de ce jeu de l’importation-exportation d’électricité. Ce pays a la plus forte proportion d’électricité éolienne au monde dans son mix électrique. Son fleuron Vestas, n°1 mondial des fabricants d’éoliennes, a produit 5 % du PIB danois en 2018.

En 2018 le Danemark était importateur de 15% de sa consommation d’électricité, et exportateur de  31% de sa production.

Année après année, la courbe de ses exportations d’électricité épouse celle de sa production d’électricité éolienne. Quand le vent souffle suffisamment, il exporte de l’électricité vers ses voisins nordiques, permettant à ceux-ci de garder de l’eau dans leurs centrales hydroélectriques. Par vent insuffisant, il en importe de l’hydroélectricité (Norvège) ou de l’électricité nucléaire (Suède), ou même de l’électricité produite par des combustibles fossiles (Allemagne). Ce qui ne l’empêche pas d’avoir recours à des centrales à combustibles fossiles et à biomasse et d’avoir ainsi une « empreinte carbone » de sa production d’électricité non négligeable (figure 10, chapitre 6).

Ce n’est en fait que grâce à l’intensité de ces échanges au sein du réseau électrique nordique, dans lequel la production danoise ne représente que 7%,  que le Danemark a pu accroître considérablement la proportion d’éolien dans son mix électrique sans faire croître la puissance de ses centrales pilotables, et même en la diminuant un peu,  puisqu’il a utilisé les centrales pilotables de ses voisins pour compenser les fluctuations de son éolien. Il a ainsi acquis une image injustifiée de « vitrine de l’énergie renouvelable ». Image qu’il paye d’ailleurs du douteux privilège d’avoir le prix de l’électricité pour les ménages le plus cher d’Europe, partagé avec l’Allemagne (figure 13, chapitre 9).

En 2011 le président de Vestas attirait l’attention sur l’importance pour le Danemark de la vitrine mondiale que représentait son système électrique, et demandait au gouvernement de reconsidérer les nouvelles normes censées mieux protéger les riverains des risques que leur faisaient courir ces éoliennes, au prétexte qu’elles affaibliraient l’industrie éolienne danoise1. Soit en somme de sacrifier la santé de ces riverains à l’économie !

Une comparaison intéressante est celle du Danemark avec l’Irlande. Il s’agit de pays ayant des populations et des consommations d’électricité voisines, mais dont l’un, le Danemark, est très connecté avec les pays voisins, tandis que l’Irlande l’est beaucoup moins. L’Irlande, ne pouvant comme lui aller solliciter ailleurs en Europe des centrales pilotables, a dû installer des centrales à gaz, pour ne pouvoir obtenir cependant qu’une augmentation modérée de ses ElRi.

La France a un peu diminué sa puissance de centrales pilotables et augmenté sa puissance d’ElRi. Mais elle a ainsi diminué ses marges de sécurité et s’est mise ainsi en danger de ne plus pouvoir produire assez d’électricité lors d’un hiver très froid et peu venté.

Il convient cependant de rappeler que le remplacement de l’usine d’enrichissement d’uranium G. Besse 1 (arrêtée définitivement en 2012), par G. Besse 2 lui a fait économiser la production des 3 réacteurs du Tricastin qui étaient affectés à G. Besse 1 puisque cette dernière, qui utilisait la technique d’enrichissement par diffusion gazeuse, réclamait une puissance de 3000 MW contre 50 fois moins pour la technologie par centrifugation de G. Besse 2. Cette réduction significative de la consommation de l’industrie nucléaire au profit des consommateurs français reste d’autant moins connue du grand public que le gouvernement français et les médias de l’époque ont eu en quelque sorte honte de la mentionner, peut-être de peur d’apparaître dire du bien du nucléaire, et que RTE publie ses statistiques de consommation nette « hors soutirage du secteur de l’énergie ».

Les ElRi, si elles étaient les seules sources d’électricité en Europe, de par leurs variations incessantes et aléatoires de puissance, ne seraient tout simplement nulle part utilisables telles quelles en Europe. Non seulement leur profil de puissance ne coïnciderait jamais avec celui de la consommation, mais il serait impossible de gérer, non seulement les « pannes de vent », du fait de la faiblesse des puissances garanties, mais aussi les énormes puissances générées lors des jours de vent fort et de fort ensoleillement, sauf à écrêter ces énormes puissances par une mise à l’arrêt et la déconnection d’une très grande partie des éoliennes et des panneaux solaires, ou encore à utiliser ces excès de puissance électrique pour autre chose que l’alimentation électrique des consommateurs, par exemple production d’hydrogène par électrolyse, production d’eau chaude…, mais encore faudrait-il que cela soit physiquement faisable à grande échelle et   économiquement viable, ce qui est loin d’être actuellement le cas (chapitre 5).

Sans aller jusqu’à ces extrêmes, le taux de pénétration croissant de l’éolien et du solaire photovoltaïque dans le mix électrique européen pose déjà de gros problèmes aux centrales pilotables qui sont pourtant nécessaires à leur fonctionnement (figures 6 et 7).

 

         Figure 6 : comparaison pour les premiers jours de février 2020 de la consommation française d’électricité ( en haut)  avec les productions qu’auraient eu l’éolien + le PV dans les mêmes conditions climatiques, mais avec les capacités installées prévues pour 2035 par la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) de 2021 (en bas) . Courtoisie JP Pervès

La figure 6 montre pour la France à quoi ressemblerait le profil des fluctuations de la puissance cumulée d’éolien et de solaire photovoltaïque en France en 2035, si les prévisions de la programmation annuelle de l’énergie (PPE) pour cette date étaient alors effectives et si les conditions météorologiques étaient celles observées entre le 1 et le 12 Février 2020, et le compare au profil de la consommation. Les deux profils bien sûr ne coïncident pas, et l’ampleur de la fluctuation de puissance de l’ensemble éolien + solaire PV est bien supérieure à celle de la consommation.

La figure 7 montre le profil des variations de puissances qui seraient imposées dans ces conditions aux centrales pilotables pour qu’elles puissent ajuster la production totale d’électricité à la consommation. L’importance et la rapidité de ces variations de puissance seraient bien supérieures aux compensations des fluctuations de la consommation, puisqu’elles seraient également obligées de compenser les variations de puissance des ElRi pour faire cet ajustement. La nécessité de compenser l’intermittence de ces ElRi leur impose aussi de produire d’une façon de plus en plus chaotique.

           

  Figure 7 : comparaison des variations de la consommation française d’électricité dans les  conditions climatiques de  10 jours de février 2019 (en haut) courtoisie Jean-Pierre Pervès avec celles imposées à  la production des centrales pilotables pour ajuster alors production et consommation, dans l’hypothèse de puissances installées d’éolien et de solaire PV telles que prévues pour Février 2035.

Au fur et à mesure de la progression des ElRi, celles-ci cannibalisent donc de manière croissante et chaotique les centrales pilotables en Europe et cela a pour celles-ci trois conséquences néfastes :

- A consommation totale d’électricité constante, ce qui est le cas en Europe depuis dix ans (figure 2), elles doivent produire moins pour laisser place à la production des ElRi, car celle-ci a priorité sur les réseaux de par les lois européennes (chapitres 9 et 10). Autrement dit, leur facteur de charge se dégrade sans cesse, bien qu’elles soient indispensables au fonctionnement des ElRi.

- Conservant les mêmes charges fixes mais produisant de moins en moins, elles sont de moins en moins rentables, sauf à augmenter leur coût de production par kWh produit. On les subventionne donc indirectement, par exemple en créant des marchés de capacités, qui valorisent leur aptitude à produire de la puissance aux heures les plus critiques ! Ces subventions sont payées par le contribuable ou le consommateur. 

- Les fluctuations de puissance nécessaires pour adapter la production des centrales pilotables à celles des ElRi en plus de celles de la consommation croissent avec le développement de celles-ci. Elles diminuent le rendement énergétique global des centrales pilotables, dont la puissance totale doit cependant être conservée pour faire face aux défaillances des ElRi. Cet exercice impose aussi des gradients de puissance de plus en plus considérables et pose des problèmes d’usure des matériels et de sûreté. Pour les centrales à combustibles fossiles, cela entraîne des émissions de CO2 et de pollutions atmosphériques accrues par kWh produit, un rendement plus faible se traduisant par une consommation plus grande de combustibles pour une même quantité d’électricité produite.

Ces problèmes, dégradation du facteur de charge, augmentation du coût de production, et usure plus rapide des centrales pilotables, conséquences du développement de l’éolien et du photovoltaïque, sont très peu abordés lors des débats publics.

Les centrales pilotables sont indispensables au maintien de la fréquence du réseau. En diminuer le nombre fait courir de grands risques à la stabilité de celui-ci. Pendant la forte baisse de consommation d’électricité entraînée par la crise du coronavirus, on en a vu les prémisses. Alors que les ElRi, prioritaires sur les réseaux, ont conservé leur production, il a été nécessaire de baisser corrélativement dans des proportions très importantes celles des centrales pilotables2,3 et donc leur efficacité dans la stabilisation du réseau.

Ainsi seules les centrales pilotables ont eu à supporter la perte de revenus liée à la baisse de la consommation, puisque les productions des non-pilotables sont rémunérées à des prix fixés par des contrats de longue durée (voir chapitres 9 et 10).

L’impossibilité de se passer des centrales pilotables implique que, si l’Europe voulait renoncer aux centrales nucléaires, il faudrait remplacer celles-ci par des centrales à combustibles fossiles d’une même puissance totale. Cela au prix d’une dépendance croissante à ces combustibles fossiles , dont elle est de plus en plus dépourvue (chapitre 7), d’un accroissement de ses émissions de CO2, mais aussi d’un accroissement d’une dangereuse pollution atmosphérique qui n’est pas prise en compte dans les bilans écologiques. Ceux-ci ne tiennent pas compte non plus de l’augmentation des émissions de CO2 et des pollutions par kWh produit par des centrales fonctionnant en régime partiel.

Chapitre 5 - Le stockage massif de l’électricité sera-t-il un jour une solution à l’intermittence ?

Une solution théorique pour pallier l’intermittence de l’éolien et du solaire photovoltaïque serait (chapitres 2 et 3), de pouvoir stocker l’électricité qu’ils produisent quand elle est excédentaire, puis la déstocker quand elle fait défaut. Il ne s’agit là que de théorie. Dans l’état actuel des techniques, les méthodes pour stocker l’électricité dans les quantités souhaitables pour pouvoir faire de l’éolien et du solaire photovoltaïque les seules sources d’électricité à l’échelle de l’Europe n’existent pas. Aucune solution réaliste au problème du stockage n’est actuellement en vue.

Trois grandeurs caractérisent un stockage d’électricité :

1-la puissance maximale du déstockage : Elle doit être au moins égale à la puissance maximale consommée par le système électrique dans lequel le stockage s’insère, afin de pouvoir faire face à une rupture totale d’approvisionnement. Il s’agit bien ici de déstockage et non de stockage, car la puissance de stockage n’est pas forcément égale à celle de déstockage. La principale Station de transfert d’énergie par pompage (STEP) de France, Grand Maison, a par exemple une puissance maximale de déstockage (turbinage) de 1790 MW, mais une puissance maximale de stockage (pompage) de 1160 MW,

2-la quantité maximale stockable,

3-le rendement électrique du cycle stockage-déstockage, c’est-à-dire le rapport entre la quantité d’électricité récupérable et la quantité stockée.

Peut-on concevoir des stockages d’électricité dont l’ensemble permettrait de pallier en toutes circonstances les fréquentes défaillances de l’éolien et du solaire photovoltaïque, si ces derniers étaient utilisés seuls pour produire l’électricité consommée en Europe ?

La puissance garantie totale de l’éolien et du solaire photovoltaïque, même à l’échelle de l’Europe tout entière, est presque nulle. L’ordre de grandeur de la puissance totale de déstockage devrait donc être la puissance électrique totale des centrales pilotables qui garantissent actuellement la puissance de la consommation quand l’éolien et le solaire PV sont défaillants soit environ 750 GW (chapitre 3, tableau 3).

A l’heure actuelle la puissance totale des stockages dits stationnaires, c’est-à-dire non embarqués sur des véhicules, n’est en Europe que d’environ 50 GW.

Ces stockages se substitueraient en fait aux centrales pilotables. Comme ces dernières, ils devraient être capables de suivi de charge, c’est-à-dire de s’adapter immédiatement à la demande en toutes circonstances. Cela implique de pouvoir supporter des gradients énormes de puissance, au stockage comme au déstockage, à l’exemple des variations montrées sur la figure 7.

La quantité d’électricité maximale à stocker, c’est-à-dire la capacité maximale des stockages doit être de l’ordre de grandeur de la consommation d’électricité lors de ces périodes où la puissance disponible d’éolien et de solaire photovoltaïque est quasi nulle et la consommation d’électricité très forte. Cela correspond à des situations ayant lieu dans la majeure partie de l’Europe en hiver. Cette quantité maximale stockable doit aussi être entièrement disponible à ces moments-là.

La consommation d’électricité en Europe des 28 est actuellement de l’ordre de 3000 TWh par an (figure 2), soit un peu plus de 8 TWh par jour. Il ne s’agit là que d’une moyenne sur l’année et lors d’une journée d’hiver très froide, il peut s’agir de 15 TWh. C’est donc l’ordre de grandeur de la quantité qu’il faut pouvoir déstocker lors d’un seul jour sans vent et très peu ensoleillé. Pour tenir compte des rendements courants d’un cycle stockage-déstockage, cela correspond à une capacité de stockage de 20 TWh. Nous faisons bien sûr ici l’hypothèse extrême que le pays est alimenté en temps normal uniquement par de l’éolien et du solaire photovoltaïque.

Les pannes quasi totales de vent et de soleil peuvent durer plus d’une semaine certains hivers où de puissants anticyclones sont installés sur une très grande partie de l’Europe. Un exemple récent est la période de dix jours du 16 au 26 Janvier 2019 : la production d’électricité éolienne et de solaire PV a été particulièrement faible et les éoliennes pratiquement partout à l’arrêt, le temps brumeux et l’ensoleillement très réduit. Il serait donc sage de pouvoir disposer de 200 TWh. Il faudra aussi que ces stockages soient pleins avant les périodes critiques et anticiper longtemps à l’avance celles-ci pour avoir le temps de les remplir, la météo ne pouvant guère prévoir ces périodes au-delà de 10 à 15 jours. Cela peut conduire, pour une meilleure sécurité, à vouloir des volumes de stockage bien supérieurs à ceux indiqués ici.

On ne sait malheureusement pas actuellement stocker l’électricité en tant que telle, sauf dans ce qu’on appelle des condensateurs. Cependant même les condensateurs ayant les plus fortes capacités de stockage, les supercondensateurs, ne peuvent stocker que des quantités négligeables par rapport aux besoins. Pour être complet il existe aussi quelques systèmes de stockage direct au moyen de circuits supraconducteurs, mais également de très faible capacité, et de coûts exorbitants. Ces méthodes ne peuvent donc être utilisées que pour des tâches de stabilisation du réseau à des échelles de temps très courtes (secondes à minutes).

Pour stocker l’électricité en quantités beaucoup plus grandes, il faut la transformer en une autre forme d’énergie, stockable dans la durée cette fois, puis pouvoir déstocker cette énergie en la transformant en électricité. Il existe un très grand nombre de méthodes théoriquement possibles1,2. Peu d’entre elles approchent les possibilités suffisantes pour ce qui nous préoccupe ici. Elles sont actuellement au nombre de trois. Ce sont :

1-La transformation de l’électricité en énergie électrochimique stockée dans des batteries, puis transformée à la demande en électricité.

Les quantités ainsi stockables sont très limitées, environ 200 Wh par kg de batterie pour les meilleures batteries industrielles actuelles, les batteries lithium-ion. Leur coût d’investissement est également très élevé environ 200 Euros par kWh stockable3 soit 40 000 euros par tonne.

Leur puissance maximale est de l’ordre de 500 W/kg.

La perte d’énergie du cycle stockage-déstockage est de l’ordre de 20 %.

Ces faibles capacités de stockage pour un coût très élevé entraînent que les batteries ne peuvent être qu’un moyen de stockage journalier qui a vocation à se charger-décharger une ou plusieurs fois dans la journée, mais pas à elles seules un moyen de stockage massif de l’électricité préservé sur de longues durées.

 200 TWh de stockage serait l’ordre de grandeur nécessaire pour pallier en toutes circonstances l’intermittence de l’éolien et du solaire photovoltaïque s’ils étaient utilisés seuls comme source d’électricité en Europe. Il faudrait pour cela disposer d’un milliard de tonnes de batteries en état de marche, à renouveler tous les quinze ans environ, cette durée étant la durée de vie moyenne de ces batteries. Se pose alors le problème de la disponibilité des matières premières nécessaires (lithium et cobalt par exemple) et de leur coût d’accès. Mais également du prix des batteries, environ 40 000 euros par tonne, soit au total 40 000 milliards d’euros, ce qui représente près de 3 fois le produit intérieur brut annuel de l’EU 28.

La puissance maximale ne serait pas ici un facteur limitant, 1 milliard de tonnes de ces batteries étant capables de fournir 500 TW, alors que l’ordre de grandeur de la puissance totale à fournir ne serait que de 750 GW.

Si les voitures électriques à batteries se développent en Europe, leurs batteries pourraient, disent certains, réguler des électricités intermittentes. C’est l’objet d’un débat passionné actuellement. Le nombre de véhicules particuliers en circulation en Europe est de l’ordre de 300 millions. Supposons qu’ils soient tous électriques et munis d’une batterie d’une capacité moyenne utilisable de 30 kWh. La capacité totale de stockage serait donc de l’ordre de 9 TWh. On peut effectivement imaginer qu’une partie de ce stockage puisse être utilisée pour cette régulation. Ce n’est pas négligeable, mais le compte n’y est pas, et cela de très loin. D’autant plus qu’en cas de panne durable de vent et de soleil on ne pourra pas les recharger. Qui aurait le civisme de vider sa batterie sur le réseau avec la crainte de ne pouvoir la recharger le lendemain. Car c’est précisément pour résoudre ces périodes de pénurie qu’on compte vider les batteries des particuliers.

Ce n’est donc pas une solution à elle seule pour passer 10 jours de panne. On peut se demander cependant s’il ne serait pas possible pour cela de les associer à d’autres modes de stockage.

2-L’utilisation d’air comprimé dans des réservoirs géologiques souterrains (CAES)

Ces réservoirs doivent être situés à des profondeurs suffisantes, de l’ordre de 500 à 1000 mètres, pour supporter sans dommages des pressions d’air de 50 à 100 bars. L’air comprimé fait tourner par décompression des turbines à air entraînant des alternateurs électriques pour produire de l’électricité à la demande. Il faut le porter à des températures élevées en brûlant du gaz naturel dont on injecte les gaz de combustion dans la turbine. La perte d’énergie de ces « Compressed Air Energy Storages (CAES) à gaz4 dans un cycle stockage-déstockage est dans les réalisations actuelles au minimum de 45 % mais pourrait, dit-on, être réduite à 30 % dans l’avenir, avec des techniques dites « adiabatiques », ou encore « isothermes » n’utilisant pas de gaz, mais en récupérant la chaleur dégagée par l’étape de compression de l’air pour le réchauffer. On évite aussi de cette façon le rejet de gaz carbonique (CO2) dû à la combustion du gaz naturel. Il existe à l’heure actuelle quelques CAES en fonctionnement, mais seulement à gaz. Toutefois l’utilisation des CAES ne semble pas pouvoir être généralisée : Il est difficile de trouver ou de créer des cavités souterraines, ou encore d’exploiter des roches poreuses, permettant de stocker de très grands volumes d’air à la profondeur adéquate. La complexité technologique, le coût, et les rendements énergétiques pour l’instant trop faibles explique aussi le peu de réalisations.

4- l’utilisation de l’eau dans les stations de transfert d’énergie par pompage (STEP)

Les STEP sont faites de deux grands réservoirs d’eau, des lacs de barrage, à des altitudes aussi différentes que possible (chapitre 3). La perte d’électricité au cours du cycle stockage-déstockage est de l’ordre de 20 %.

C’est actuellement la méthode-reine pour stocker à bas coûts de grandes quantités d’électricité. Le coût d’investissement par kWh stocké n’est environ dans ce cas en Europe que de l’ordre de 0,1 à 0,2 euros 3.

La limitation est ici dans les capacités totales de stockage envisageables de cette façon :

D’après l’International Hydropower Association (IHA) les STEP (pumped hydropower storage, PHS) assuraient en 2018, avec 161 GW de puissance totale et au maximum 9 TWh de stockage, 94 % de la puissance de déstockage et 99 % de la capacité de stockage de l’électricité à l’échelle mondiale.

En Europe des 28, il s’agit de 47,4 GW pouvant fournir un maximum de 1 TWh5.  Il s’agit d’une goutte d’eau dans la mer par rapport aux capacités de stockage qui seraient nécessaires pour faire face aux défaillances durables de la fourniture d’électricité par l’éolien et le solaire photovoltaïque.

Le temps de vidange total des STEP européennes supposées initialement pleines est de l’ordre de la journée, comme on peut le calculer en divisant leur capacité totale par leur puissance totale. Si les pannes de vent et de soleil durent plus de la journée, il devient donc impossible de les remplir pour reconstituer le stockage.

Les STEP sont des ouvrages prenant une place considérable, et, au-delà des quelques projets déjà programmés qui représentent environ 10 GW de puissance supplémentaire, il paraît difficile d’en construire encore en EU 28, pour des raisons géographiques et/ou d’acceptabilité sociale, mais aussi de contraintes financières. La possibilité d’en construire en bord de mer est activement promue par l’ingénieur français François LEMPERIERE 6,7, la mer étant alors utilisée comme réservoir inférieur. Les faibles dénivelées envisageables, de l’ordre de la centaine de mètres, et corrélativement l’importance des surfaces ennoyées qui seraient alors nécessaires pour le réservoir supérieur, les problèmes de pollution des nappes phréatiques qui en résulteraient, font qu’il n’y a pas actuellement de réalisations industrielles dans ce domaine. Celles-ci ne mèneraient en tout état de cause qu’à des puissances et capacités tout à fait insuffisantes. Un pilote mis en service dans l’île d’Okinawa au Japon en 1997 a été démantelé8 en 2016 parce qu’il n’était pas économique. Un projet en Guadeloupe est toujours au stade de l’étude.

Une autre manière d’utiliser l’eau en cas de panne prolongée de vent serait alors de vider les barrages hydroélectriques de leurs réserves d’eau. Il s’agit là encore de possibilités insuffisantes, environ 90 GW de puissance hydroélectrique pilotable et au maximum 25 TWh de stockage disponibles en EU 28, alors qu’il en faudrait 8 fois plus. Il s’agit aussi d’un fusil à un coup, car il faudrait ensuite au moins deux ans pour reconstituer ces réserves qui dépendent de la pluviométrie annuelle. De plus, les pannes de vent prolongées se produisent surtout au milieu de l’hiver, quand la fonte des neiges n’a pas encore alimenté les réserves d’altitude, qui se situent alors au plus bas de l’année.

Les meilleures méthodes de stockage actuelles sont donc très insuffisantes pour résoudre le problème posé.

Un stockage « chimique » par utilisation d’hydrogène électrolytique est-il possible ?

Fréquemment, autorités et médias invoquent comme méthode du futur pour le stockage des électricités intermittentes la production d’hydrogène par électrolyse de l’eau, puis son utilisation dans des centrales brûlant cet hydrogène, et dans des piles à combustibles : C’est le power-to-power (P2P). Une variante est l’utilisation de méthane (CH4) qui serait produit à partir de cet hydrogène, par réaction dite de Sabatier avec du gaz carbonique (CO2) venu de l’industrie. Ce méthane serait alors utilisé dans des turbines à gaz à cycles combinés (CCGT)9.

Bien que de telles installations soient techniquement réalisables, le rendement énergétique global du cycle stockage-déstockage est par nature faible, la perte d’électricité étant ici de l’ordre de 70 % avec l’hydrogène, de 80 % avec le méthane10. Malgré de nombreux pilotes, comme par exemple en France le projet Myrte installé en Corse dans l’objectif d’évaluer les possibilités de l’hydrogène pour réguler l’intermittence du solaire PV, les projets Grhyd d’Engie à Dunkerque et Jupiter 1000 du consortium GRT gaz à Fos-sur-Mer ou encore le projet d’Uniper à Pritzwalk en Allemagne, tous quatre consacrés à cette production d’hydrogène « vert » par électrolyse de l’eau avec de l’électricité « renouvelable », il n’existe toujours pas en Europe de réalisations industrielles de P2P de grande ampleur.

Si le P2P utilisé seul est irréaliste, son association avec d’autres modes de stockage le serait-elle ? En France, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’environnement (ADEME) l’affirme11, mais au prix d’hypothèses héroïques12. Selon une étude très récente d’Henri PRÉVOT (communication personnelle), son association avec un stockage par batteries utilisant celles des futures voitures électriques serait à terme lointain potentiellement réalisable pour produire à partir d’éolien et de solaire l‘électricité dont la France a besoin, à un prix « raisonnable » de l’ordre de 130 euros actuels par MWh, soit environ 60 % de plus qu’avec une production nucléaire.

Comme le fait remarquer Henri PRÉVOT, ce calcul, s’il a le mérite de cerner quantitativement  les possibilités, ne tient pas compte des coûts collatéraux et des contraintes physiques qu’un tel système implique : contraintes liées à la stabilité du réseau, qui ne serait plus assurée par l’inertie des machines de production tournantes ; contraintes imposées par l’approvisionnement et les coûts en matières premières importées ; contraintes imposées à l’environnement et aux populations par la multiplication des éoliennes et des panneaux solaires sur le territoire ; contraintes pour la société obligée de marcher en quelque sorte « au pas de l’oie » pour suivre les rythmes imposés par un tel système afin qu’il puisse fonctionner. Encore faudra-il que tous les véhicules particuliers d’Europe soient électriques, ce qui peut prendre un bon moment, et obtenir le consentement des propriétaires de ces véhicules ! On peut bien sûr imaginer utiliser des batteries récupérées sur des véhicules en fin de vie, mais cela ne change guère la nature du problème.

Le P2P, même associé à d’autres types de stockages, ne semble donc pas pouvoir être implémenté en Europe en volumes de stockage suffisants dans un avenir prévisible.

Vouloir utiliser de l’hydrogène produit par électrolyse pour réguler les électricités renouvelables intermittentes (ElRi) est pour l’instant irréaliste. La très faible efficacité du P2P est un lourd handicap économique, d’autant plus que les électrolyseurs fonctionneraient par intermittence, au gré des sautes de vent et de l’ensoleillement. C’est aussi un lourd handicap écologique, car si l’électricité consommée par l’électrolyse devait être fournie par des éoliennes ou des panneaux solaires il faudrait en installer 3 à 4 fois plus pour compenser les pertes et fournir la même quantité d’électricité au consommateur. Trois à quatre plus d’espace deviendrait inhabitable (chapitre 14).

Quelle serait la surface d’éoliennes nécessaire si l’on voulait utiliser uniquement cette source d’électricité en Europe en l’assistant seulement avec un stockage d’hydrogène électrolytique ou de méthane produit par réaction de cet hydrogène avec du CO2 industriel ?

La puissance effective moyenne des éoliennes terrestres est en Europe de l’ordre d’un peu plus de 2 MW par km2 de surface occupée (chapitre14). Ce qui représente environ 20 GWh de productible par km2 et par an. Pour obtenir les 3300 TWh de la production annuelle actuelle d’électricité de l’EU 28 uniquement avec des éoliennes terrestres, il faudrait donc occuper environ 165 000 km2. Il serait nécessaire d’en produire initialement 3 à 4 fois plus, si la consommation était fournie uniquement par des éoliennes assistées par des stockages d’hydrogène ou de méthane, pour compenser les pertes d’électricité. La place occupée serait alors de 500 000 à 650 000 km2, soit de l’ordre de la surface totale de la France. Le quadruple de cette surface serait rendu inhabitable en y incorporant les indispensables distances de sécurité, soit la moitié environ de la surface de l’Europe des 28. Il deviendrait impossible de ne pas être encerclé par des éoliennes géantes partout en Europe.

Il faudrait aussi consommer 3 à 4 fois plus de matériaux de base dont les éoliennes sont déjà particulièrement gourmandes, 10 à 15 fois plus que le nucléaire par kWh d’électricité produite pendant leur durée de vie (chapitre 11), sans compter les matériaux de base nécessaires à toute la chaîne industrielle à créer. Une grande partie de ces matériaux étant produits hors d’Europe, leur chaîne d’approvisionnement serait très dépendante de l’étranger. Un bel exemple des dégâts que peuvent produire une grande dépendance de l’étranger pour une chaîne vitale d’approvisionnement (médicaments), est celui de la crise du coronavirus.

Il s’agit là d’une hypothèse extrême car l’éolien ne sera jamais utilisé seul en Europe. Mais cette importance de l’emprise physique et écologique de l’éolien sur l’environnement, ainsi que de ses nuisances, préoccupera-t-elle enfin un jour nos dirigeants, qui semblent très peu s’en soucier actuellement ? Alors que le nucléaire, s’il était conservé, pourrait pendant les creux de consommation, alimenter des stockages qui pourraient être beaucoup moins importants pour optimiser sa puissance installée, sans avoir besoin du concours d’une électricité intermittente, et sans massacrer l’environnement.

Cette question de l’espace et des matières premières consommées est d’ailleurs soigneusement éludée par tous les scénarios qui fleurissent actuellement autour du mythe « 100% d’électricité renouvelable, c’est possible et cela coûte presque rien». Cela montre bien à quel point leurs auteurs ignorent tout autant les contingences matérielles que les personnes habitant les espaces qu’ils veulent coloniser. Cette attitude devient scandaleuse quand elle est celle d’organismes publics supposés politiquement neutres et soucieux du bien public.

Malgré ses efforts considérables dans ce domaine, même l’Allemagne n’a toujours pas réussi à mettre en place le P2P de manière significative. Elle ne compte de toute évidence pas non plus là-dessus, mais sur le gaz russe, dans sa politique énergétique à long terme : le gazoduc Nord Stream 1 a été installé en 2010 dans 1a Mer Baltique, et le gazoduc Nord Stream 2 sera probablement bientôt achevé, malgré l’opposition tenace des Etats-Unis13 mais aussi de nombreux pays européens, pour acheminer le gaz venant de Russie qui alimentera ses centrales pilotables à gaz, provoquant ainsi de très importantes émissions de gaz à effet de serre !

Le Fraunhofer Institute, grande institution de recherche allemande, étudie en ce moment des scénarios qui prévoient d’augmenter encore en Allemagne de manière considérable la puissance installée d’éolien et de solaire photovoltaïque et celle de ses interconnections avec les pays voisins, qui lui serviront alors d’exutoire de son électricité excédentaire pendant les périodes bien ventées et ensoleillées. Certains de ces scénarios prévoient en même temps d’augmenter de 30 à 158 GW la puissance en centrales pilotables à gaz14.

La civilisation hydrogène

Tout cela ne veut pas dire que la production d’hydrogène électrolytique n’a aucun intérêt.

La production mondiale d’hydrogène est d’environ 75 millions de tonnes par an. Il est utilisé pour produire l’ammoniac qui est la base des engrais ammoniaqués, en raffinerie pour se débarrasser du soufre contenu dans le pétrole brut et en pétrochimie pour fabriquer les matières plastiques. On cherche maintenant à l’utiliser comme « carburant » pour alimenter des véhicules équipés de piles à combustibles, ou mélangé au gaz naturel pour en augmenter la capacité calorifique, ou encore pour remplacer le charbon comme source d’énergie et agent réducteur dans la fabrication de la fonte et de l’acier15.

L’hydrogène est produit actuellement à partir du gaz naturel (CH4) par une technique appelée reformage à la vapeur, où l’on fait réagir de la vapeur d’eau sur du méthane à 1000 °C pour produire de l’hydrogène et du gaz carbonique.

Mais le reformage à la vapeur s’accompagne de la production d’importantes quantités de CO2, à peu près 9 kg par kg d’hydrogène produit, soit environ 10 fois plus que par la combustion d’un kg de carburant pétrolier, pour un pouvoir calorifique seulement 3 fois supérieur.

Certains proposent donc de produire de l’hydrogène « décarboné » à partir du gaz naturel avec une technique utilisée depuis longtemps pour produire du noir de carbone industriel : il s’agit de la pyrolyse (craquage thermique en l’absence d’oxygène) du méthane à très haute température, qui dissocie le méthane (CH4) en carbone et en hydrogène, sans produire de CO2. Cette technique est actuellement étudiée entre autres par la compagnie BASF en Allemagne. Le carbone formé est solide (noir de carbone) et peut donc être stocké, et commercialisé dans la limite des demandes du marché. L’hydrogène est sous forme gazeuse et peut être stocké après compression. Cependant, la molécule CH4 est particulièrement stable et il faut atteindre des températures de l’ordre de 1400 °C pour la décomposer avec un rendement proche de 100% en un temps suffisamment court. On utilise une torche à plasma électrique. Des molécules intermédiaires dans la réaction sont en même temps produites en petites quantités, dont il faut débarrasser l’hydrogène.

Pour pyrolyser ce méthane sans que la source d’électricité nécessaire ne produise de CO2, et que l’hydrogène produit puisse ainsi être vraiment qualifié de vert, il faut aussi que cette source ne soit pas un combustible fossile, mais une source de production décarbonée comme le nucléaire ou les ElRi.

Le méthane ne pourra venir que du gaz naturel, dont il est le constituant principal. Les quantités de méthane productible à partir de déchets agricoles (biométhane) ou le méthane produit par pyrolyse du bois ou de déchets organiques seraient insuffisantes. Ce sont aussi des gaz déjà réputés « verts » (même si on peut en discuter, chapitre 3) qui sont directement utilisables comme tels. Les transformer en un hydrogène beaucoup plus difficile à stocker et à utiliser avec une perte de rendement et des coûts supplémentaires à la clé serait à l’évidence un mauvais calcul.

Ce procédé de fabrication d’hydrogène demanderait moins d’énergie que celui par électrolyse de l’eau et même moins que la technique de reformage à la vapeur. C’est toutefois à confirmer. Le rendement d’un P2P utilisant ce procédé ne serait guère plus attractif qu’en passant par l’électrolyse, car ce n’est pas l’étape de l’électrolyse qui consomme le plus d’énergie dans le P2P.

Les grands producteurs de gaz naturel ont bien compris l’intérêt de ce procédé pour « verdir » le gaz naturel et donc le rendre plus acceptable par les climatologues, quitte à gaspiller beaucoup d’énergie. Les pays très gros émetteurs soucieux de « décarboner » leur énergie, au moins en apparence, comme l’Allemagne et le Japon, l’ont compris aussi. Encore faudrait-il que l’électricité alimentant la torche à plasma soit décarbonée, ce qui n’est pas leur cas.

L’Europe devrait de toutes façons importer la majeure partie de ce gaz naturel (chapitre 7), ou de l’hydrogène produit par d’autres. Elle se mettrait ainsi sous la dépendance de pays étrangers.

Dans cette perspective du déclin à terme de la production mondiale de gaz naturel, et en particulier de celui déjà en cours de la production européenne, la production d’hydrogène par électrolyse de l’eau peut paraître d’autant plus séduisante que cet hydrogène pourrait être « vert » si l’électricité utilisée était une électricité décarbonée, éolienne, photovoltaïque ou nucléaire.

Un journaliste à succès, Jeremy Rifkin, a défendu dans un best-seller16 l’idée que l’hydrogène « vert » remplacerait bientôt le pétrole comme principale source d’énergie de l’humanité, fondant ainsi l’économie hydrogène et même la « civilisation hydrogène ». Dans cet esprit semble-t-il, le gouvernement français vient d’élaborer un « plan hydrogène » qui vise à développer une filière industrielle d’électrolyseurs pour produire de l’hydrogène électrolytique, et une autre de piles à combustible afin de l’utiliser dans les moyens lourds de transport, poids lourds, trains, bateaux et même avions. Beaucoup de pays de l’Union européenne ont des plans similaires. Il y a là un effet de mode, personne ne voulant être en reste.

 L’hydrogène vert restera certes utile pour la chimie industrielle et la fabrication des engrais. L’utiliser comme source de chaleur et/ou agent réducteur pour l’industrie à la place du gaz naturel, ou, dans le cas de la fabrication de la fonte et de l’acier, du charbon dont environ 15 % de la production mondiale sont ainsi utilisés, est envisageable bien qu’il n’y en ait pas encore de véritable démonstration.

Mais l’hydrogène vert, tout comme l’hydrogène « gris » produit à partir du gaz naturel, serait peu approprié et même dangereux dans d’autres domaines. Nous avons vu le très mauvais rendement, 25 à 30 %, de son utilisation pour le stockage de l’électricité. Une même quantité d’électricité permet de faire trois fois plus de km avec une voiture à batterie qu’avec une voiture utilisant de l’hydrogène produit par électrolyse de l’eau et alimentant une pile à combustible17. L’hydrogène qu’il soit vert ou gris gaspillerait donc énormément d’énergie dans les domaines de la production d’électricité et des transports.

L’hydrogène n’est disponible à l’état natif qu’en très petites quantités. Il doit être fabriqué à l’aide d’une source d’énergie à partir de molécules très hydrogénées, méthane ou eau. Il ne peut donc pas être en lui-même une source d’énergie mais seulement le vecteur d’une autre énergie, et le bilan de son utilisation est alors non pas une production, mais une consommation supplémentaire d’énergie. L’hydrogène est un gaz peu dense qui occupe à pression atmosphérique un très grand volume, 11, 2 m3 par kg. Il faut pour l’utiliser d’abord le comprimer sous forte pression ou le liquéfier à très basse température, ou encore l’adsorber sur des métaux sous forme d’hydrures métalliques. Cela consomme aussi de l’énergie.

L’hydrogène est aussi un explosif puissant, pouvant détonner à faible teneur dans l’atmosphère. Il fuit très facilement de ses conduites et de ses réservoirs, parce que sa molécule est très petite. Il a déjà provoqué de nombreux accidents, en particulier lors de son transport en camions-citernes, et récemment dans une station-service en Norvège18. En 2019, un réservoir d’hydrogène a explosé en Corée du Sud19. Même si les industriels arrivent tant bien que mal à maîtriser ce problème, qu’en sera-t-il du consommateur moyen ?

Le pétrole est quant à lui un liquide natif. Il est donc facilement manipulable et stockable. Il demande peu d’énergie pour être transformé en carburants.

Les plans hydrogène sont inspirés par les rêves de l’Ecologie politique, qu’enfourchent très volontiers les industriels car ils peuvent ainsi développer toute une coûteuse machinerie copieusement subventionnée, avec la bénédiction de citoyens très ignorants de la question. Il s’agit de produire cet hydrogène à partir des excédents d’électricité qui seraient produits en Europe par les éoliennes par vent fort, impossibles à utiliser pour alimenter la consommation d’électricité si l’éolien connaît le développement massif qu’ils préconisent.

Peut-on vraiment ainsi remplacer les carburants pétroliers utilisés en France pour la mobilité par de l’hydrogène utilisés dans des voitures, des bateaux, et même des avions à hydrogène ? La consommation de carburants routiers en France est de l’ordre de 40 millions de tonnes par an, d’un contenu énergétique de 480 TWh. Le rendement du puits à la roue de l’hydrogène électrolytique étant un peu inférieur à celui des carburants pétroliers, il faudrait donc produire environ 500 TWh d’électricité, et donc à peu près doubler la production actuelle d’électricité ! L’éolien produisant actuellement environ 35 TWh, c’est par environ 15 qu’il faudrait multiplier la puissance actuelle d’éoliennes en France, en affectant celles-ci uniquement à la production d’hydrogène électrolytique ! Ces calculs recoupent ceux de Jean-Marc JANCOVICI 20 et de Michel GAY21. Mais si ce sont les quantités d’électricité excédentaires produites par vent fort qui servent à la production d’hydrogène, il faut encore multiplier par 3 ou 4 cette puissance d’éoliennes. C’est entre 200 000 et 400 000 éoliennes selon leur puissance qu’il faudrait alors installer en France pour ce seul usage ! On retrouve là le problème de l’énorme occupation d’espace par les éoliennes, que médias et élus éludent constamment dans leur grande majorité.

Il est donc peu probable que l’on utilise l’hydrogène pour les transports, sauf peut-être pour des applications de niches : locomotives à hydrogène pour remplacer les locomotives diesel par exemple. Encore faut-il que ce soit plus économique en France par exemple que la simple électrification des lignes et des locomotives.

Le projet d’avion à hydrogène proposé par Airbus vient pour ces raisons d’être fortement contesté par les chercheurs de l’Atelier d’écologie politique de Toulouse (Atecopol)22

L’hydrogène comme source d’énergie finale est très loin d’avoir les qualités, la facilité d’usage et la disponibilité des carburants pétroliers. Seul avantage sur ceux-ci sa combustion n’émet pas de gaz carbonique et de polluants atmosphériques dangereux. Encore faut-il que sa production n’en émette pas non plus.

 Pour certains la civilisation hydrogène n’est qu’utopie 23, 24, 25 !

Aucun des objectifs affichés dans les plans « hydrogène » européens n’a fait l’objet de la création d’une réelle filière industrielle à ce jour. Il n’y a pas non plus actuellement de modèle économique pour utiliser de l’hydrogène électrolytique « vert ». Le coût de cet hydrogène électrolytique serait en effet actuellement environ 4 fois supérieur à celui de l’hydrogène produit par réformage à la vapeur (vaporéformage) utilisant le gaz naturel comme matière première 26. Pour minimiser les coûts, il vaudrait d’ailleurs beaucoup mieux le produire avec de l’électricité nucléaire 27, source décarbonée d’électricité disponible en continu à la demande, qu’avec des excédents aléatoires d’ElRi, comme le propose l’Ecologie politique. Avec l’énorme avantage d’éviter pour des raisons écologiques, économiques et plus généralement humaines de gaspiller les très grandes surfaces au sol qui seraient affectées à cette production.

Le risque est grand que les plans hydrogène en Europe ne se transforment subrepticement en des plans hydrogène produit à partir de gaz naturel importé, ou hydrogène produit hors d’Europe.

Il est toujours possible d’imaginer par une « expérience de pensée », qu’avec les progrès des techniques on remplacera un jour nos centrales pilotables par de gigantesques stockages-déstockages d’électricité qui permettraient d’ajuster sans problèmes les productions fatales de l’éolien et du solaire PV à la demande d’électricité. En supposant que la consommation d’électricité diminue, ce qui demanderait de très grosses dépenses d’économie d’énergie, notamment dans le bâtiment, à ajouter aux dépenses de production et de stockage d’électricité, ce qui est rarement fait dans les études publiées, que le procédé P2P soit maîtrisé à l’échelle industrielle, que les populations acceptent la multiplication d’éoliennes sur terre ou en mer et de panneaux photovoltaïques au sol,  que la stabilité du réseau puissent être préservée avec très peu de machines de production tournantes? Les propriétaires des voitures électriques encore à construire accepteraient-ils que le réseau puise de l’électricité dans leurs batteries au gré des fluctuations de l’éolien et du solaire PV ?

En réalité, ce jour n’arrivera pas demain, ni sans doute au cours des 30 ans qui viennent, et peut-être même jamais, alors que c’est aujourd’hui que nous devons faire face aux défis énergétiques et climatiques. L’Europe des 28 n’envisage d’ailleurs qu’une progression d’environ 10 % de la puissance de ses stockages stationnaires d’électricité d’ici 2030, soit environ 5 GW alors qu’il en faudrait 700 de plus.

Ces réalisations auraient aussi des coûts d’investissement et d’exploitation très élevés qui, comme ceux des centrales pilotables actuellement, s’ajouteraient à ceux de l’éolien et du solaire PV.

Chapitre 6 - Le développement de l’éolien et du solaire photovoltaïque rend inefficace le combat de l’Europe contre le réchauffement climatique.

Les Européens sont de plus en plus nombreux à être préoccupés par le réchauffement climatique dont ils constatent l’aggravation depuis quelques années. L’urgence climatique appelle à la nécessité grandissante d’agir pour endiguer ce phénomène. Les climatologues attribuent ce réchauffement à l’augmentation de la teneur en gaz à effet de serre (GES) dans l’atmosphère due pour une très large part au gaz carbonique (CO2) émis par les activités humaines.

C’est encore un mantra de l’écologie politique que de prétendre que l’éolien et le solaire photovoltaïque sont indispensables pour faire face à cette urgence climatique, en faisant décroître les émissions de CO2 de la production d’électricité en Europe. Mantra que les gouvernements, les élus et les groupes financiers internationaux qui veulent le développement de l’éolien et du solaire photovoltaïque quoi qu’il en coûte aux Européens, s’empressent bien sûr de faire diffuser largement par les médias.        

L’obsession de l’Ecologie politique est en réalité d’éliminer le nucléaire civil en Europe à l’aide de l’éolien et du solaire photovoltaïque. Le souci du climat passe très largement après cette obsession chez ses militants, même si certains d’entre eux commencent à réaliser qu’un réchauffement du climat produira beaucoup plus de dégâts humains et matériels que ne pourra jamais en faire le nucléaire civil. S’affichant « écologistes », ils ne peuvent pas se soustraire, sous peine d’apostasie, aux obligations décrétées par leurs maîtres à penser.

Ces maîtres à penser se sont attachés avec obstination pendant des années à convaincre l’opinion que le nucléaire civil était une menace bien plus importante pour le climat que l’éolien et le solaire photovoltaïque. Ceux-ci, tout comme le nucléaire, ne produisant que de l’électricité, il fallait donc tout d’abord persuader les Européens que l’électricité nucléaire contribue énormément plus aux émissions de CO2 de la production d’électricité que ces derniers1. C’est largement réussi au moins en France, qui concentre les attaques les plus violentes parce qu’elle est le pays européen le mieux doté en réacteurs nucléaires. Un sondage récent 2,3 montre  qu’une forte majorité de Français est actuellement persuadée que le nucléaire contribue au réchauffement climatique par ses émissions de CO2. Les plus nombreux à le croire étant d’ailleurs les plus jeunes et les femmes, c’est-à-dire ceux qui ont en moyenne le moins d’expérience concrète dans les domaines techniques ! Presque les deux tiers (63 %) des jeunes de 18–25 ans penseraient actuellement que les centrales nucléaires dégagent « beaucoup » de gaz à effet de serre, et 20 % « un peu ».

Si une compréhension insuffisante des dossiers techniques joue ici sans doute un rôle, peut-être faut-il aussi incriminer un biais cognitif : Les jeunes et les femmes sont aussi les catégories sociales les plus motivées et mobilisées – en parole au moins – pour la cause écologique. Comme statistiquement elles pensent aussi déjà que le nucléaire est mauvais pour d’autres raisons – bombes, accidents et déchets par exemple – elles ne peuvent accepter que le nucléaire puisse ne pas l’être sur un sujet qui leur tient tant à cœur, l’environnement. En psychologie cela s’appelle l’effet halo 4.

Un tel résultat, qui est si manifestement à l’opposé de la réalité observée, n’a pu être obtenu que par une manipulation continuelle de l’opinion utilisant les médias et les réseaux sociaux, et cela à l’échelle mondiale. Il est très probable que les résultats du sondage ci-dessus seraient à peu près les mêmes dans la plupart des pays produisant une part significative de leur électricité avec le nucléaire, ou ne voulant pas développer le nucléaire.                                                                                          

Comme il est quand même difficile d’arriver à faire croire que la fission de l’uranium utilisé dans les centrales nucléaires produit du gaz carbonique, puisque la fission nucléaire n’est pas une réaction chimique mettant en œuvre du carbone et de l’oxygène, la désinformation s’est concentrée sur les émissions de CO2 pendant le cycle de vie de ces centrales : extraction de l’uranium et fabrication du « combustible » nucléaire, phase de construction (notamment du fait des grandes quantités de béton et du ferraillage5démantèlement des centrales nucléaires, gestion des déchets. Dans les discussions sur les réseaux sociaux, de nombreux intervenants semblent intimement persuadés que ce cycle de vie est très générateur de gaz carbonique, contrairement à l’éolien, malgré les chiffres affichés par les organismes officiels, accusés bien sûr de mentir parce qu’ils sont soi-disant au service du lobby nucléaire. Pourtant même en France l’ADEME6, peu connue pour son amour du nucléaire, mais beaucoup plus pour son soutien immodéré à l’éolien et au solaire PV, dit aussi qu’il n’en est rien.

Greenpeace, une ONG7 qui se positionne constamment sur le thème de la « défense de l’environnement » a même prétendu que quand les réacteurs nucléaires sont à l’arrêt, il faut produire de l’électricité avec des combustibles fossiles et que cela démontre à quel point, par ricochet, les émissions de CO2 du nucléaire sont de ce fait importantes1. Si l’on comprend bien, quand l’Allemagne aura fermé tous ses réacteurs nucléaires, ce seront encore eux qui seront responsables des émissions de gaz carbonique de la production d’électricité allemande ! Greenpeace semble avoir de nombreux intérêts financiers dans les industries des énergies renouvelables et en particulier de l’éolien via ses filiales 8. Ceci explique peut-être son soutien constant à l’éolien, et son dénigrement tout aussi constant du nucléaire, sans s’embarrasser de la véracité de ses propos.

Le GIEC9, instance de l’ONU10, qui a établi sa crédibilité dans les domaines du suivi du réchauffement climatique et de ses causes, a d’ailleurs évalué les émissions de CO2, en grammes/ kWh d’électricité produite des principales sources d’électricité. Les médianes sont de 12 grammes pour le nucléaire, de 11 grammes pour l’éolien terrestre, et de 48 grammes pour le solaire photovoltaïque. Il s’agit là des émissions de CO2 calculées en « Analyse du cycle de vie (ACV) » c’est-à-dire depuis l’extraction des matériaux nécessaires jusqu’au démantèlement des installations, gestion des déchets comprise.

Les émissions du nucléaire et de l’éolien sont donc en médianes mondiales très voisines, celles du photovoltaïque étant notablement plus importantes.

En France, les émissions du nucléaire sont sensiblement inférieures à la médiane mondiale, officiellement seulement de 6 grammes par kWh produit 11,12 mais en fait de l’ordre de 4 grammes par kWh13,14 maintenant que ce pays utilise l’ultracentrifugation, une méthode 50 fois moins consommatrice d’électricité que la méthode par diffusion gazeuse utilisée auparavant, pour enrichir son uranium. Cette électricité est aussi principalement d’origine nucléaire, donc décarbonée, et non en majorité carbonée, parce que principalement produite avec des combustibles fossiles, comme dans les autres grands pays nucléarisés (USA, Chine, Russie, Japon …).

Le remplacement total du nucléaire par de l’éolien en France, même s’il était possible, ne produirait donc aucun résultat significatif pour lutter contre le réchauffement climatique, ainsi que l’a confessé en 2019 sans équivoque lors d’un congrès de France énergie éolienne (chapitre 15) Madame Meynier Millefert, rapporteure de la Commission d’enquête sur l’éolien de l’Assemblée Nationale. Et son remplacement par du solaire photovoltaïque augmenterait sensiblement les émissions. Ce n’est pas forcément vrai pour d’autres pays que la France, dans lesquels l’éolien et le solaire photovoltaïque peuvent faire baisser, dans certaines limites toutefois, la consommation de combustibles fossiles utilisés pour produire de l’électricité. L’exemple allemand est là pour nous rappeler ces limites. Si le développement de l’éolien et du solaire photovoltaïque a pu un peu faire diminuer les émissions de CO2 de ses centrales à combustibles fossiles, le résultat est clairement très insuffisant (figure 8)

                                    

Figure  8 : les émissions de CO2 du mix électrique des pays européens ne sont pas corrélées à l’importance des ElRi dans ce mix. Un exemple particulièrement frappant est ici celui de l’Allemagne, dont la proportion d’ElRi dans le mix électrique a  très fortement augmenté de 2000 à 2017, tandis que les émissions de CO2 de ce mix diminuaient à peine ! Sources: International Energy Agency (IEA), et European Environment Agency (EEA)

Les émissions de CO2 annuelles de la production d’électricité sont encore en Allemagne 8 fois supérieures à celles de la France par kWh d’électricité produit ! L’Allemagne ne pourra pas de cette façon rompre avec son addiction aux combustibles fossiles pour sa production d’électricité.

Cela aura pour elle deux conséquences :

1-Des émissions de CO2 qu’il lui sera impossible de réduire à un niveau acceptable.

2-Une dépendance croissante à d’autres pays pour son approvisionnement en combustibles fossiles.

La figure 9 montre quelle est la situation pour 15 pays d’Europe de l’Ouest plus la Pologne. Elle représente les émissions de CO2 en grammes par kWh en fonction des proportions d’ElRi dans le mix électrique. De façon surprenante pour quelqu’un qui est persuadé que l’usage des ElRi fait diminuer les émissions de CO2 de la production d’électricité pour la plupart de ces pays, plus grande est la proportion d’ElRi dans leur mix électrique, plus grandes sont les émissions de CO2 du kWh d’électricité produite.

 


Figure 9.  Sources : Agence européenne de l’environnement, Eurostat

Emissions de CO2 de l’électricité produite, en grammes par kWh, en fonction de la proportion en % d’ElRi dans le mix de production  électrique pour 16 pays d’Europe de l’Ouest et pour la Pologne, pour l’année 2017. La tendance pour ces pays, sauf pour 4 d’entre eux, est une augmentation des émissions de CO2 avec la proportion d’ElRi.

Ce diagramme traduit en fait avant tout que les ElRi ne peuvent se passer de centrales pilotables pour être mises en euvre, et que leur production ne peut qu’être minoritaire dans un mix électrique. Les émissions de CO2 de ce mix dépendent donc surtout de la nature des centrales pilotables utilisées.

Seuls les pays n’utilisant que peu ou pas les centrales à combustibles fossiles dans leur mix de production électrique ont des émissions de CO2 de ce mix inférieur à 100 gCO2/kWh. Ces pays étaient en Europe au nombre de 5 en 2017: La Norvège, qui n’utilise pratiquement que de l’hydroélectricité, la Suède et la Suisse, qui utilisent pour l’essentiel un mix hydroélectricité/nucléaire, la France, qui utilise aussi principalement un mix nucléaire/hydroélectricité mais aussi environ 10 % de combustibles fossiles et l’Autriche, qui utilise à 60 % de l’hydroélectricité, et  20 % de combustibles fossiles, en majorité du gaz naturel. Il faudra sans doute bientôt ajouter la Finlande déjà proche des valeurs d’émissions de ces cinq champions, et qui a décidé d’augmenter la part du nucléaire dans son mix électrique.

 Il faudrait aussi ajouter, en Europe au sens large, l’Islande, dont les émissions de CO2 de la production d’électricité sont pratiquement nulles, parce qu’elle utilise essentiellement  l’hydraulique  et la géothermie profonde, dont elle a des ressources considérables par habitant, pour produire son électricité. 

Tous ces pays n’ont pas besoin d’éolien et de solaire photovoltaïque, qui ne peuvent que renchérir le coût de leur mix de production électrique, si le but de leur utilisation n’est que de faire baisser les émissions de CO2 de celui-ci.

Les autres pays portés sur ce diagramme sont pour la plupart contraints par des possibilités hydroélectriques insuffisantes et pour des raisons historiques ou par choix, des ressources en électricité nucléaire nulles ou insuffisantes. Tous ont développé en quantités variables de l’éolien et du solaire photovoltaïque, mais, du fait du caractère non-pilotable de ceux-ci, il leur faut quand même  continuer à produire avec des combustibles fossiles une grande partie de leur électricité. L’Allemagne, championne d’Europe de la quantité d’électricité éolienne et photovoltaïque produite par pays, et érigée pour cela en modèle par l’Ecologie politique, est aussi championne d’Europe de la quantité totale de CO2 produite par l’électricité.

Des singularités sur la figure 9 sont la Pologne, dominée à 85 % par le charbon, les Pays-Bas qui utilisent le gaz à 50 % et le charbon à 25 %, le Danemark qui par le jeu de l’import-export, s’appuie sur l’hydroélectricité (et le nucléaire) de ses voisins scandinaves pour compenser sa très forte production d’éolien, mais doit utiliser quand même 30 % de combustibles fossiles. Il y a aussi la Suède  qui arrive, grâce à son abondante hydroélectricité et à son nucléaire, à compenser environ 10 % d’éolien sans devoir pour autant brûler de combustibles fossiles.

 

L’importance des émissions de CO2 de tous ces pays est évidemment bien mieux corrélée à la proportion des combustibles fossiles (et à leur nature, charbon ou gaz) dans leur mix de production électrique qu’à celle des ElRi (figure 10). 

                      

Figure 10 : Emissions de CO2 du mix de production électrique 2017 de 16 pays d’Europe de l’Ouest en fonction du % des combustibles fossiles dans ce mix. Les écarts d’émissions de CO2 pour une même proportion de combustibles fossiles viennent essentiellement de la nature des combustibles utilisés, charbon ou gaz.

L’utilisation du gaz naturel à la place du charbon, en particulier avec des turbines à gaz à cycles combinés (CCGT) dont les rendements énergétiques sont très élevés, de l’ordre de 50 à 60 %, permet d’abaisser très sensiblement les émissions de CO2/kWh du mix électrique. En effet les émissions de gaz carbonique (CO2) du gaz sont dans ces conditions environ deux fois plus faibles que celles du charbon par kWh produit. Les émissions des Pays-Bas sont pour cette raison bien plus faibles que  celle de la Pologne, et celles du Royaume-Uni bien plus faibles que celles de l’Allemagne. Cette transition vers le gaz a été beaucoup plus efficace que l’augmentation de la proportion d’éolien dans le mix électrique ayant eu lieu en même temps. Il faudrait cependant prendre en compte, ce qui n’est pas fait actuellement,  les émissions de méthane induites par l’utilisation du gaz, essentiellement les fuites lors de l’exploitation de ses gisements et de son transport, dont les satellites découvrent maintenant qu’elles pourraient être bien plus importantes qu’initialement annoncées15. Ces émissions ne sont pas comptabilisées dans l’estimation des performances climatiques des mix électriques.

Le méthane (CH4), qui est le constituant principal de ce gaz, a un effet de serre par unité de masse 80 fois supérieur à celui du gaz carbonique à échéance de 20 ans. Il n’est donc pas évident que l’utilisation du gaz à la place du  charbon, si elle a effectivement fait baisser les émissions de CO2 des mix électriques, soit une si bonne affaire que çà pour le climat. Il y a à ce sujet un débat, mais qui est encore trop peu documenté et reste donc à trancher.

L’addiction aux combustibles fossiles dans la production d’électricité diminuera les possibilités de décarboner à l’aide de l’électricité les principaux secteurs émetteurs de CO2, qui sont les transports et l’habitat.

Par exemple, le développement du transport électrique (automobiles, deux-roues, camions, trains) ne peut vraiment faire diminuer les émissions de CO2 du transport que si :

1-L’électricité utilisée n’est pas produite avec une forte proportion de combustibles fossiles, comme dans la majorité des pays européens actuellement.

2-La fabrication des batteries, très consommatrice d’électricité, se fait dans un pays où l’électricité est décarbonée.

Le développement des véhicules électriques et la fabrication de leurs batteries dans les pays où l’électricité est déjà très largement décarbonée, France, Norvège, Suède, Suisse, dans une moindre mesure l’Autriche, est donc un moyen efficace de faire baisser les émissions de CO2 dues au transport dans ces pays, mais guère en Allemagne, en Irlande, aux Pays- Bas ou en Pologne.

Quant à l’habitat, le chauffage direct par des radiateurs électriques, déjà largement développé en France, ou mieux avec des pompes à chaleur (PAC), récupérant la chaleur solaire stockée dans les sols et l’air à l’aide d’électricité décarbonée permettrait aussi de diminuer considérablement l’usage de combustibles fossiles, et donc les émissions de CO2.

La proportion d’hydroélectricité qu’il est possible d’atteindre dans les mix électriques est un facteur très important de diminution des émissions de CO2 de la production d’électricité. Seuls deux pays en Europe ont des ressources hydrauliques par habitant suffisantes pour que l’hydroélectricité soit prépondérante dans leur mix : la Norvège, où elle représente presque 100 % du mix, et l’Autriche, où elle atteint 60 %. Pour les autres, seule l’énergie nucléaire permettra de décarboner suffisamment le mix électrique.

L’hostilité au nucléaire en l’absence de ressources hydrauliques suffisantes entraînera donc globalement en Europe un accroissement de l’usage des combustibles fossiles dans la production d’électricité, quelle que soit l’importance de son développement en renouvelables. Chaque réacteur nucléaire que l’on fermera devra en effet être peu ou prou remplacé ailleurs par des centrales thermiques à flamme (combustibles fossiles et biomasse) pour une puissance totale équivalente. Même si le développement des ElRi fera diminuer le facteur de charge de ces centrales, leurs émissions de CO2 n’en seront que faiblement diminuées. D’autant plus que, fonctionnant dans de mauvaises conditions, leur rendement sera affaibli et leur production de CO2 et de polluants atmosphériques par kWh produit sera corrélativement augmentée. Cette addiction aux centrales à combustibles fossiles constituera alors en Europe un handicap durable dans la lutte contre le réchauffement climatique.

Pour supprimer le nucléaire en France, la question n’est pas de savoir si l’on est pour ou contre, mais par quel combustible fossile il faudrait le remplacer, gaz et/ou charbon. Même en utilisant au maximum l’éolien et le solaire photovoltaïque, cela conduirait inexorablement la France à une situation à l’allemande.

La France a actuellement les émissions de CO2 par kWh d’électricité produite les plus faibles parmi les dix plus grands producteurs mondiaux d’électricité16 parce qu’elle utilise essentiellement le nucléaire et l’hydraulique pour cette production.  

L’utilisation croissante de l’éolien et du solaire photovoltaïque ne peuvent que dégrader cette situation française exceptionnellement favorable. Il vaudrait beaucoup mieux pour le climat que ces grands pays producteurs adoptent le mix électrique actuel de la France, plutôt que de développer les ElRi17. Pourtant, c’est à l’imitation d’un de ces pays dont l’électricité est très productrice de CO2, l’Allemagne, que l’Ecologie politique pousse sans arrêt la France. Son mantra le plus absurde, ou le plus comique pour qui préfère en rire, est que la France est « en retard » sur l’Allemagne en ce qui concerne la lutte contre le réchauffement climatique, et que ce retard est dû à l’insuffisance de ses efforts par rapport à l’Allemagne pour développer l’éolien et le solaire photovoltaïque. Il faut avoir un sacré toupet pour le prétendre, ou être aveugle ou inconscient. Mais qui n’a pas entendu ce mantra, relayé sans cesse par tous les moyens possibles d’information ?

Pour qui veut bien observer les faits plutôt que de réciter des mantras, la France est en fait non pas en retard mais très en avance sur l’Allemagne pour les émissions de CO2 de sa production d’électricité.

L’Allemagne est d’ailleurs le pays dont le mix de production électrique produit la plus grande quantité de CO2 en Europe, plus encore que la Pologne, qui certes a la proportion la plus élevée de centrales à charbon dans son mix électrique, mais a une production totale d’électricité bien plus faible que l’Allemagne. La Pologne a d’ailleurs tiré les leçons de sa situation, puisqu’elle a décidé de renoncer à un fort développement de l’éolien terrestre et projette la construction de réacteurs nucléaires.

Pourtant la Commission européenne a toujours été pleine de mansuétude pour l’Allemagne : Elle ne lui a jamais fermement demandé de diminuer rapidement les émissions de CO2 de sa production d’électricité pour les amener au niveau de celles de la France. L’Ecologie politique, si elle réclame sans arrêt la fermeture immédiate des centrales nucléaires françaises n’a jamais réclamé la fermeture immédiate des centrales à charbon allemandes. Ce n’est que depuis peu qu’elle s’en préoccupe, sans véritable conviction semble-t-il puisqu’elle se contente des déclarations allemandes comme quoi elles seront fermées en 2038.

Ces centrales à charbon sont en outre dangereuses pour la santé publique non seulement en Allemagne, mais aussi dans les pays voisins dont la France (chapitre 7).

La Commission européenne a fixé par ses directives aux Etats membres des objectifs de diminution d’émissions de CO2 en pourcentages et non en valeur absolue. Elle leur a aussi fixé des objectifs de proportions d’énergies renouvelables dans leur mix énergétique- ce qui dans la pratique revient à développer fortement l’éolien et le solaire photovoltaïque. Elle a ainsi feint de croire que le développement de ces derniers conduirait à des diminutions significatives de leurs émissions de CO2. Cette méthode hypocrite, téléguidée par l’Ecologie politique, est à la source de l’échec patent de la politique énergétique de l’Europe, et en particulier de son incapacité à faire diminuer rapidement ses émissions de CO2.

Le choix de l’Allemagne de s’appuyer sur le charbon est en fait ancien. Le charbon a été la source de son remarquable développement économique à partir de 1850. L’industrie et les syndicats du charbon sont encore à l’heure actuelle très puissants en Allemagne, même si les dernières mines souterraines de charbon de bonne qualité, la houille (hard coal), viennent d’être fermées. La diminution de la production des mines souterraines allemandes s’est accompagnée de fortes importations de houille. Celles-ci étaient d’environ 45 millions de tonnes en 2018 après être passées par un maximum d’environ 60 millions de tonnes en 2014. D’autre part les immenses exploitations à ciel ouvert de lignite, charbon de très mauvaise qualité et très polluant, sont toujours là. Pour exploiter ce lignite, 167 millions de tonnes extraites en 2018, l’Allemagne aurait rasé 136 villages et déporté ainsi presque 120 000 personnes depuis 198018. Les nappes phréatiques, pour mettre hors d’eau les exploitations et laver le lignite, ont été pompées et polluées sur des milliers de km2. Le nucléaire, bien que 23 GW de centrales aient été construites à la même époque qu’en France, a souffert constamment dans l’opinion d’une très mauvaise image, créée et entretenue pendant la guerre froide par l’Union soviétique.

L’un de nous se souvient encore d’une conversation à ce sujet il y a bien des années avec de brillants étudiants allemands dans le cadre d’une « Ecole d’été » à La Rochelle. A sa question de savoir pourquoi ils préféraient le charbon au nucléaire, alors que leurs centrales nucléaires n’avaient pas fait de morts, tandis que le charbon avait provoqué tant de morts chez eux, dans les mines, mais encore bien plus du fait de la pollution atmosphérique associée, et maintenant affectait le climat avec ses énormes productions de CO2, ils ont répondu : « Nous sommes habitués depuis longtemps au charbon, et on ne parle jamais chez nous de ses dangers. Le nucléaire est encore trop récent, et on nous en dit constamment du mal ».

Le gouvernement allemand a planifié, dit-il depuis des années, de fermer ses centrales à charbon en 2038, mais ce sera bien trop tard 19. En l’absence de nucléaire, il lui faudra les remplacer par des centrales à gaz, qui ne valent sans doute guère mieux que les centrales à charbon pour le climat. Ce gaz serait à long terme, selon le gouvernement allemand, du gaz «vert», c’est-à-dire du biogaz issu de la biomasse ou de l’hydrogène « vert »produit par électrolyse de l’eau avec de l’électricité « verte », éolienne et solaire PV.  Compte-tenu des limites naturelles de la ressource en biomasse (chapitre 3), et du coût très élevé de production de cet hydrogène vert (chapitre 4), ce gaz du futur sera beaucoup plus vraisemblablement du gaz russe. D’ailleurs des gazoducs nécessaires, Nord Stream 1 est en fonctionnement depuis déjà 2010 et Nord Stream 2 pourrait être bientôt disponible, si les Etats-Unis lèvent leur veto actuel à son sujet. L’Allemagne aura alors des émissions de CO2 de sa production d’électricité qui auront sensiblement baissé, mais pas suffisamment, et sera devenue dépendante presqu’exclusivement du gaz russe 20.

Cette politique est aussi défendue par la majorité du Parlement Européen, qui vient de déclarer des projets gaziers éligibles aux investissements européens, malgré le principe de neutralité carbone inscrit dans le Green Deal21.

L’Allemagne, comme la France (celle-ci contre l’avis de ses plus hautes instances scientifiques22), consacre tous ses efforts à la dénucléarisation de sa production électrique, ce qui ne peut avoir aucun effet positif pour le climat. Elle ne consacre par contre que peu d’efforts à la diminution des émissions de CO2 de l’habitat et des transports. En réalité l’Allemagne ne se préoccupe guère du climat, tout en essayant de faire croire le contraire.

La taxe carbone

Dans les pays développés, il est question d’appliquer une taxe carbone pour encourager la décarbonation de l’énergie. En Europe, la Suède l’a fait et semble bien s’en porter. Mais les autres pays renâclent. La méthode utilisée pour réduire les émissions de CO2 a jusqu’ici été essentiellement celle de quotas d’émissions imposés à l’industrie. Un marché boursier de ces quotas a été créé avec cette intention : une entreprise vertueuse, c’est-à-dire produisant moins que les quotas lui étant attribués, peut sur ce marché les vendre à des entreprises produisant au-dessus de leurs quotas, et qui auront bien sûr à cœur, pour réduire le coût d’achat de ces quotas, de faire des efforts pour diminuer leurs émissions. Outre que ce système ne peut pas fonctionner pour le secteur des transports et de l’habitat, qui sont les principaux émetteurs de CO2, la générosité avec laquelle ces quotas ont été attribués ces dernières années par les pouvoirs publics sous la pression des lobbys l’a rendu très peu efficace.

La taxe carbone semble avoir bien peu de chances d’être un jour appliquée à l’échelle européenne, car les pays fortement émetteurs comme l’Allemagne ou la Pologne s’efforceront de l’éviter, pour ne pas compromettre leur compétitivité. L’application d’une telle taxe aux importations aux frontières de l’Europe a encore moins de chance d’être créée, du fait des rétorsions des pays dont l’Europe dépend pour ces importations, mais vers lesquels elle exporte également.

La France a créé il y a déjà longtemps une taxe carbone, sous forme d’une taxe sur les produits énergétiques et en particulier sur les carburants, dont la forme actuelle est la Taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE). Son montant a été augmenté en Octobre 2018. Une partie de cette augmentation a été justifiée au nom de la défense du climat spécifiquement pour financer l’éolien et le solaire photovoltaïque (chapitre 9), ce qui est hypocrite puisqu’ils ne servent à rien en France pour diminuer ses émissions de CO2. Sa création, qui a fait augmenter le prix des carburants à la pompe, a été l’étincelle provoquant le mouvement populaire dit des « gilets jaunes ». Son application a été particulièrement maladroite, les produits de cette taxe supplémentaire n’étant pas redistribués équitablement aux ménages.

L’éolien, comme le solaire photovoltaïque, sont de toute évidence en France, Norvège, Suède et Suisse, pays dont la production d’électricité est déjà très ou même totalement décarbonée, des leurres dans la lutte contre le réchauffement climatique, coûtant très cher à leurs citoyens (chapitres 9 et 10). Ailleurs en Europe, l’effet produit par leur usage est marginal : les diminutions des émissions de CO2 de la production d’électricité y sont beaucoup plus dues au remplacement progressif des centrales à charbon par des centrales à gaz. Cette méthode conduit à une addiction durable de ces pays aux combustibles fossiles, de plus en plus au gaz, dont les réserves européennes sont en cours d’épuisement, et donc à une dépendance croissante au gaz importé (chapitre 7).

Chapitre 7 - L’addiction de l’Europe aux combustibles fossiles met en danger non seulement le climat, mais aussi sa sécurité énergétique.

Le choix fait par l’Allemagne des combustibles fossiles plutôt que du nucléaire est un gros handicap pour atteindre les objectifs climatiques qu’elle a annoncés lors de la COP 21 à Paris en 2015. Il en est de même pour tous les pays qui en Europe font les mêmes choix que l’Allemagne.

Ce choix diminue l’intérêt climatique du développement des voitures électriques, du fait d’une électricité insuffisamment décarbonée non seulement pour les alimenter mais aussi pour les fabriquer, ainsi que leurs batteries. Il diminue aussi l’intérêt climatique de l’utilisation de l’électricité dans l’habitat, alors qu’en France l’électricité produite étant déjà très décarbonée peut être utilisée pour l’ensemble des utilisations domestiques, y compris le chauffage, sans nuire au climat.

Mais ce choix des combustibles fossiles plutôt que du nucléaire entraînera aussi à court terme pour l’Europe dans son ensemble de grands dangers pour sa sécurité énergétique.

Les débats sur l’énergie sont presqu’uniquement consacrés à l’électricité, électricités renouvelables contre nucléaire. L’électricité ne représente qu’environ le quart de l’énergie finale1 consommée par les Européens, l’essentiel étant fourni par les combustibles fossiles, pour le transport, le chauffage, l’industrie …

                     

Figure 11 : comparaison entre les variations de 1972 à 2011 de la consommation mondiale de pétrole, d’énergie et de celles de la richesse mondiale (PDB), lissées sur 3 ans. Courtoisie : G.Giraud et Z.Kahraman

La figure 11 montre que le taux de variation du Produit Domestique Brut (PDB) mondial et celui de la consommation d’énergie sont étroitement couplés. On y observe aussi les ralentissements conjoints de la croissance du PDB de la planète et de la croissance de la consommation d’énergie sur la période considérée. Cette tendance est toujours à l’œuvre, et la consommation de pétrole en est le principal déterminant.

Y-a-t-il réellement une relation de cause à effet entre ces deux grandeurs, et si oui, où est la poule et où est l’œuf ? En d’autres termes, est-ce une restriction de l’offre d’énergie qui provoque la crise économique, ou est-ce la crise économique qui entraîne une diminution de la demande ?

Les trois premières crises furent indiscutablement liées à une restriction de l’offre : il s’agit d’abord des « chocs pétroliers » de 1973 et 1979, dus aux restrictions d’approvisionnement imposées par les pays du Golfe. En 1990 la première guerre d’Irak a entraîné ces restrictions. Pour 2007, date du début de la crise économique dite des « subprimes », la question est âprement discutée. A partir de 2003 le prix du pétrole a rapidement augmenté suite à une insuffisance de l’offre, celle-ci ayant été provoquée par l’insuffisance des investissements dans l’exploration et la production du pétrole, pour cause de prix antérieurement trop bas. Il est alors probable que ce soit cette augmentation trop rapide des prix à partir de 2003, en diminuant de ce fait les revenus réels des consommateurs qui étaient alors aux Etats-Unis face à une montagne de dettes immobilières, qui a provoqué cette crise économique. En effet la chute de la consommation pétrolière, mais aussi de l’énergie, faute d’une autre source pour pallier l’insuffisance de pétrole, précède le début de la crise économique et non l’inverse.

En 2020, c’est indiscutablement la crise économique due au coronavirus qui a provoqué une forte diminution de la demande en énergie, faisant ainsi baisser considérablement les prix.

La figure 12 montre quelles ont été de 1981 à 2015 les productions et les consommations de combustibles fossiles des pays de l’Europe des 28, à laquelle a appartenu le Royaume-Uni jusqu’à 2020. A ces pays nous avons ajouté la Norvège, seul pays européen ayant encore une forte production de pétrole et de gaz. Les combustibles fossiles représentent les trois quarts de l’approvisionnement de cet ensemble en énergie primaire1.    

Les quantités d’énergie sont ici mesurées en tonne-équivalent-pétrole (tep). En toute rigueur, il faudrait utiliser le joule (J), unité d’énergie du Système international d’unités de mesure (SI), ou à la rigueur le wattheure, qui vaut 3600 joules. Mais il s’agit là d’unités très petites. Dans les échanges internationaux on a d’abord utilisé la tonne-équivalent charbon (tec), soit le pouvoir calorifique inférieur (PCI) de la combustion d’une tonne de charbon. Celle-ci étant très variable, d’environ 10 à 40 GJ par tonne selon la qualité du charbon (du lignite à l’anthracite), une valeur de 29,3 gigajoules (GJ), qui correspond à 7 gigacalories (une calorie = 4,185 joules) a été retenue.

Le pétrole étant devenu après 1965 la principale source d’énergie dans les pays industriels, l’unité de mesure devint la tonne-équivalent-pétrole, soit le PCI de la combustion d’une tonne de pétrole. Ce PCI étant aussi variable d’un pétrole à l’autre, d’environ 40 à 44 GJ par tonne, on a pris ici une valeur de 10 gigacalories, soit 41,85 GJ pour une tep, ou encore 11,63 MWh (un MWh = 3,6 GJ).

Les productions de combustibles fossiles (partie gauche de la figure) sont passées par un maximum (pic) en 2000 pour le pétrole et 2004 pour le gaz naturel et leur déclin a été ensuite important, en particulier pour le pétrole. Le charbon n’a fait pratiquement que décliner pendant cette période. Ces phénomènes sont dus à un épuisement rapide des réserves en combustibles fossiles de l’Europe, c’est-à-dire des quantités qui en sont économiquement exploitables.

           


Figure 12: EU 28 + Norvège: à gauche la production de combustibles fossiles, à droite leur consommation de 1981 à 2015, en millions de tonnes-équivalent-pétrole (Mtep). Données de la BP statistical review.

Sur la période considérée les productions n’ont jamais couvert les consommations (partie droite de la figure). Les déficits, et ainsi la dépendance à d’autres pays, ont toujours été très importants.

L’EU 28 est actuellement le premier importateur mondial de pétrole.

L’Europe ne pourra pas indéfiniment combler ces déficits par des importations. La diminution des productions que l’on y observe est un phénomène inévitable : les combustibles fossiles sont des stocks qui ne se renouvellent pas à l’échelle de temps humaine. Leur exploitation massive actuelle les épuise rapidement. La diminution des réserves touche à des degrés divers les pays producteurs dans le monde. Nombre d’entre eux ont déjà connu leurs pics de production, au point que les prévisions à l’échelle mondiale indiquent que le pic de production de l’ensemble des combustibles fossiles, en énergie rendue disponible pour les consommateurs 2, pourrait avoir lieu d’ici 10 à 15 ans. Le pétrole serait le premier à connaître son pic de production mondiale, probablement avant 2025 3,4,5,6. La concentration des réserves restantes dans un nombre toujours plus restreint de pays exportateurs réduit les pays européens à une dépendance de plus en plus risquée principalement, pour le charbon, de l’Australie, des Etats-Unis, de l’Indonésie et de la Russie, pour le gaz et le pétrole conventionnel, du Moyen-Orient et de la Russie, pour le pétrole lourd, du Canada et du Venezuela. Ces pays ne seront peut-être plus très longtemps disposés à fournir les pays européens, pour des raisons politiques et surtout commerciales (vente au mieux offrant, Chine plutôt qu’Europe entre autres), mais aussi tout simplement parce qu’ils auront de plus en plus intérêt à garder leurs réserves restantes pour leur propre usage.

Une diminution de la production pétrolière due à une difficulté durable d’approvisionnement pour une cause politique sur fond d’épuisement des réserves, aura des conséquences quasi immédiates sur la croissance mondiale, comme le laisse prévoir la figure 11. En effet les transports, indispensables à la marche de l’économie, sont propulsés à 98 % par les carburants pétroliers. Et les difficultés actuelles du passage aux véhicules électriques illustrent le fait qu’il faudra du temps pour remplacer ces carburants.

Parmi les grands ensembles géopolitiques, l’Europe sera la première affectée !

Elle risque de l’être doublement : - d’une part par la diminution des quantités de pétrole dont elle pourra disposer. Si elle devait ne plus pouvoir compter que sur sa production actuelle, la figure 12 nous indique que son PIB devrait être divisé par 4, et dans le futur par bien plus étant donné le déclin très rapide de sa production !

 - d’autre part par la faillite de pays producteurs proches dont l’économie repose sur le pétrole, et dont les habitants chercheront à gagner l’Europe.

Il faut aussi anticiper le déclin du gaz, qui pourrait connaître son pic mondial 10 à 20 ans après celui du pétrole.

Pour faire face à cette situation, on peut essayer comme l’exige de nous l’Ecologie politique de réduire rapidement notre consommation d’énergie. Qui n’a entendu ce mantra : « La meilleure énergie est celle que l’on ne consomme pas !

Pour réduire notre consommation, il y a deux méthodes :

1-Diminuer la quantité d’énergie nécessaire à la production et à l’utilisation d’une même quantité de biens et de services. C’est l’augmentation de l’efficacité énergétique.

2-Diminuer la consommation de biens et de services matériels par habitant, par choix ou par obligation, et du même coup diminuer la consommation d’énergie qui sert à les produire et à les utiliser. C’est la sobriété énergétique.

On distingue l’énergie primaire, captée de sources naturelles, pétrole, charbon, gaz, uranium, énergie cinétique de l’eau et du vent, énergie solaire, de l’énergie finale, part de l’énergie primaire qui arrive aux consommateurs après diverses pertes, sous forme de produits énergétiques qu’il peut utiliser et qui lui sont facturés, carburants, sacs de charbon, gaz de ville, granulés de bois, électricité…L’énergie finale est une notion comptable, qui ne préjuge pas de l’utilisation qui sera faite de ces produits énergétiques.

L’énergie qui sert réellement à faire une action désirée, par exemple l’énergie mécanique disponible aux roues d’un véhicule ou aux hélices d‘un bateau, ou la chaleur dégagée par une chaudière domestique, est appelée énergie utile. Elle est le plus souvent inférieure, parfois de beaucoup, à l’énergie finale. Le rendement de la transformation d’un carburant (énergie finale) en énergie mécanique transmise aux roues d’un véhicule à moteur thermique (énergie utile) n’est par exemple que d’environ 25 % sur un trajet moyen ! Le rendement de la transformation de l’électricité en énergie mécanique transmise aux roues d’un véhicule d’un véhicule électrique à batterie est d’environ 80 %. Par contre, la quantité d’énergie utile fournie sous forme de chaleur par une pompe à chaleur électrique récupérant la chaleur du sol peut être de 4 à 5 fois supérieure à la quantité d’électricité (énergie finale) qui la fait fonctionner.

Augmenter l’efficacité énergétique, c’est augmenter le rendement énergétique des multiples « convertisseurs » d’une forme d’énergie dans une autre tout au long de la chaîne qui va de l’extraction de matières premières énergétiques à la production, la commercialisation, mais aussi à l’utilisation de biens et de services matériels.

L’augmentation de l’efficacité énergétique est un processus lent et les progrès importants dans une filière industrielle ont lieu surtout au début. A l’échelle mondiale, ces progrès sont actuellement de l’ordre du % par an. Mais comme ils font aussi diminuer les coûts de production des biens et des services, ils sont contrariés par ce qu’on appelle l’effet rebond ou encore l’effet Jevons : quand l’efficacité énergétique augmente, les consommateurs achètent plus ces biens et services nouveaux et plus efficaces mais aussi les emploient plus intensément parce que ceux-ci sont devenus moins chers à utiliser, si bien que la consommation globale d’énergie diminue bien moins rapidement que n’augmente l’efficacité énergétique.

Quid de la sobriété énergétique dans les pays européens ?

Le tableau 6 montre quelle a été l’évolution de la consommation d’énergie finale de l’Europe des 28 de 2001 à 2017 : pendant cette période, la population de l’EU 28 est passée de 488 à 511 millions d’habitants, tandis que sa consommation d’énergie finale passait de 1154 à 1060 Mtep. La consommation d’énergie finale est donc passée d’environ 2,36 à 2,07 tep par habitant pendant cette période, ce qui représente une décroissance de 12% en 16 ans.

C’est le bilan d’une réduction dans certains pays et d’une augmentation dans d’autres, donc d’une

réduction des écarts entre consommations par habitant en Europe des 28.

Pays

Consommation

2001, Mtep

Consommation

2017, Mtep

%population

Europe, 2017

tep/hab.

2011

tep/hab.

2017

Variations

%

EU-28

1154

1059,9

100

 2,36

2,07

-12,3

Luxembourg

3,7

3,6

0,3

 8,4

6,12

-27

Finlande

24,9

24,5

2,3

 4,78

4,46

-6,7

Suède

34,4

32,3

3

 3,86

3,23

-16,3

Autriche

25,1

26,2

2,5

3,1

2,99

-3,5

Belgique

38,1

32,9

3,1

4,02

2,90

-27,8

Pays-Bas

51,4

45

4,2

3,8

2,63

-30,8

Allemagne

223,6

204,6

19,3

2,71

2,48

-8,5

Danemark

15,1

13,9

1,3

3,35

2,41

-28

Irlande

11,2

10,7

1

2,89

2,25

-22,1

France

161

141

13,3

2,62

2,11

-19,5

Italie

126

113,6

10,7

2,21

1,88

-14,9

Royaume-Uni

154,1

121,2

11,4

2,43

1,84

-24,3

Hongrie

16,9

18

1,7

1,66

1,83

+10

Pologne

56,2

69,2

6,5

1,47

1,82

+23,8

Espagne

83,9

79,4

7,5

2,05

1,71

-16,6

Croatie

5,5

6,8

0,6

1,28

1,63

+27,3

Grèce

19,3

16,1

1,5

1,8

1,49

-17,2

Portugal

18,2

15,3

1,4

1,75

1,48

-15,4

Bulgarie

9,1

9,7

0,9

1,14

1,37

+20,2

Roumanie

23,2

22,9

2,2

1,05

1,16

+10,5

 

 Tableau 6 : Energie finale, divers pays de l’EU 28 : - Consommations en 2001 et 2017, en  Mtep :

- % de la consommation 2017 dans la consommation d’énergie finale de l’EU 28 - Consommation en tep par habitant en 2001 et 2017. Variations de la consommation finale d’énergie, en % de la consommation 2001. Classement par ordre décroissant de la consommation finale 2017 par habitant. Source Wikipedia https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89nergie_en_Europe et Banque mondiale.

Les consommations les plus faibles s’expliquent entre autres par un moindre développement économique, en particulier dans les pays de l’ancien bloc soviétique, une moins grande industrialisation, mais aussi dans les pays du Sud par des besoins de chauffage plus faibles. En effet le chauffage représente de l’ordre de 30 % de la consommation d’énergie dans les pays froids.

La palme de la réduction revient aux pays du Bénélux (Belgique, Pays-Bas, Luxembourg), au Danemark et au Royaume-Uni. La France, avec 19,5 % de réduction fait mieux que l’Allemagne, 8,5%.

La réduction moyenne de la consommation finale d’énergie en EU 28 doit peu à l’efficacité énergétique, et bien plus à la sobriété énergétique. Mais celle-ci est-elle une sobriété forcée ou choisie ?

La réponse à cette question se trouve selon nous figure 12 : Cette réduction de consommation va de pair avec la diminution de la consommation d’énergie en Europe, principalement de pétrole, ce qui entraîne un appauvrissement matériel de la plupart des pays européens. Elle est provoquée par un ralentissement de la disponibilité d’énergie, due à des facteurs principalement externes (exogènes) aux économies des pays de l’Union Européenne, qui n’a pas été voulue par les consommateurs ni même par les Etats. Pourtant cet appauvrissement ne se traduit pas en termes monétaires, car le produit domestique brut, même si ses variations épousent étroitement les variations de la consommation d’énergie a quand même en moyenne augmenté. Certains parlent pour expliquer cette observation d’un découplage croissant entre consommation d’énergie et PIB, autrement dit, une unité de consommation d’énergie permet de produire de plus en plus de richesses matérielles, résultat d’une augmentation de l’efficacité énergétique. Mais c’est confondre unité monétaire et quantité de biens et services matériels qu’elle peut acheter. En ces temps de covid19 quels sont les biens et les richesses produites par l’Europe qui peuvent expliquer les centaines de milliards d’euros apparaissant comme par magie ?  

Ce découplage traduit en fait une dévaluation progressive, en termes de pouvoir d’achat réel de biens et de services matériels, des principales unités monétaires, comme le dollar ou l’euro.

Jusqu’où peut aller une réduction de la consommation d’énergie par habitant sans entraîner des conséquences sur les acquis essentiels dus à la disponibilité d’énergie ? Peut-on sans dommages consommer comme un fakir ? Il est possible de s’en faire une idée grâce au graphique de la figure 13, qui représente l’espérance de vie par pays en fonction de la consommation d’énergie finale par habitant.

Ces données datent de 1999, car nous n’avons pas pu nous procurer de données plus récentes sur les consommations d’énergie finale hors pays de l’OCDE. Or c’est bien l’énergie finale, celle qui est mise à la disposition des consommateurs, qu’il faut prendre en compte, le reste étant perdu dans les convertisseurs d’une forme d’énergie dans une autre.

20 ans après les espérances de vie se sont améliorées un peu partout de quelques années, et les consommations d’énergie finale ont augmenté. Mais les grandes tendances sont restées les mêmes : l’espérance de vie croît d’abord très rapidement jusqu’à environ une tep d’énergie finale par habitant, puis croît moins vite jusqu’à environ 3 tep par habitant, stagne puis diminue légèrement ensuite.

Les Nations-Unies ont créé un indice de développement humain (IDH) allant de 0 à 10 qui tient compte outre l’espérance de vie, d’autres critères, revenu brut par habitant, qualité du système scolaire, et nombre d’années de scolarisation effective. L’image obtenue est pratiquement identique à celle de la figure 17, ce qui montre que le développement et le bien-être des sociétés humaines augmentent d’abord très vite en fonction de la quantité d’énergie consommée, jusque vers une certaine valeur, en tep, d’énergie finale par habitant, et de plus en plus lentement ensuite.


 Figure17 : Espérance de vie moyenne dans différents pays du monde en fonction de la consommation d’énergie finale par habitant. La corrélation est évidente jusqu’à environ 1 tep par habitant. Les femmes ont une espérance de vie nettement supérieure à celle des hommes. La Russie est le pays très en dessous de la courbe moyenne, avec une espérance de vie pour les hommes de 62 ans et 74 ans pour les femmes malgré une consommation d’énergie finale de 3 tep par habitant. En 2017, cette espérance de vie était devenue de 66 ans pour les hommes et 77 ans pour les femmes.

Source Durand, B., 2007: Energie et environnement, les risques et les enjeux d’une crise annoncée . EDP Sciences.

La figure 18 montre quelles sont les espérances de vie des femmes et des hommes dans les pays de l’EU 28 en fonction de la consommation finale d’énergie par habitant. On observe là aussi une espérance de vie moyenne plus faible de quelques années pour les hommes que pour les femmes. 


              

Figure 18 : Espérance de vie en EU28 en 2017: A gauche les femmes, à droite les hommes. L’espérance de vie des femmes est plus grande que celle des hommes pour tous les pays. Les ronds noirs représentent les pays d’Europe de l’Est intégrés progressivement à l’EU 28 après la fin de leur dépendance à l’Union soviétique. Leur espérance de vie et leur consommation d’énergie finale sont plus faibles que pour les autres pays, et l’écart d’espérance de vie entre hommes et femmes y est plus grand.

Il y a deux groupes bien distincts : le premier est celui des pays d’Europe de l’Est qui ont connu la domination soviétique avant de rejoindre l’Union Européenne. Le deuxième est celui des pays qui n’ont pas connu cette domination, exception faite de l’Allemagne qui l’a connue dans sa partie Est.

Le premier groupe a une espérance de vie moyenne plus faible, et une différence entre hommes et femmes plus marquée que le deuxième, comme c’est encore le cas en Russie, Biélorussie et Ukraine. Il s’agit là d’un héritage de leur passé, qui n’a pas encore eu le temps de s’effacer. L’espérance de vie y décroît rapidement avec la consommation d’énergie finale.

Le deuxième comprend les pays de l’Europe de l’Ouest et du Sud. L’espérance de vie n’y varie apparemment pas en fonction de la consommation d’énergie. Cependant, si l’on exclut Malte, le Luxembourg, et la Finlande pays peu peuplés et ayant des activités très spécifiques, tourisme, très peu de véhicules pour Malte, métallurgie pour le Luxembourg, industrie papetière et dépenses de chauffage pour la Finlande, et si l’on rejoint le point moyen de l’ensemble restant à celui des pays de l’Est, la tendance est une diminution rapide de l’espérance de vie avec la consommation d’énergie finale. Ce qui pourrait s’expliquer par des dépenses de santé de plus en plus faibles, ainsi qu’une qualité d’alimentation et des conditions de vie de plus en plus mauvaises.

Les citoyens d’Europe de l’Ouest se trouvent actuellement pour la plupart proches de la zone optimum. Une augmentation de leur consommation d’énergie finale n’augmentera plus guère leur l’espérance de vie et leur bien-être. Mais si l’on considère attentivement la figure 13, une diminution par 2 de la consommation d’énergie finale, comme il est si souvent préconisé, pourrait bien avoir des effets très négatifs selon ces critères.

Cette relation est peu précise, car il y a une marge non négligeable d’incertitude sur ces données, mais cela mérite réflexion : Contrairement au mantra bien connu, l’énergie la meilleure n’est pas toujours celle que l’on ne consomme pas !

Pour garantir le niveau de vie et la santé des citoyens européens, il est cependant beaucoup plus sûr de chercher rapidement à remplacer les combustibles fossiles par d’autres sources d’énergie que de compter sur la sobriété énergétique.

 

Les alternatives aux combustibles fossiles comme sources pilotables de production d’électricité sont l’hydroélectricité, la biomasse et le nucléaire. L’hydrogène, souvent évoqué, n’est pas une source d’énergie puisqu’il n’en existe pas à l’état natif dans la nature sous forme de gisements économiquement exploitables. Ce n’est qu’un vecteur d’autres énergies. Les grandes difficultés et le coût exorbitant, tant économique qu’environnemental, de passer par l’hydrogène productible à partir de l’éolien et du solaire photovoltaïque pour produire de l’électricité rendent cette perspective illusoire (chapitre 5).

L’hydroélectricité et la biomasse ont des possibilités trop limitées (Chapitre 3).

Reste le nucléaire. L’OECD publie régulièrement son « Livre rouge » sur les ressources, la production et la consommation d’uranium 7. D’autres font aussi des évaluations 8,9.  Il apparaît qu’avec les types de centrales actuels, les réserves connues pourraient ne pas suffire très au-delà de ce siècle si le rythme de consommation s’accroît comme cela semble devoir être le cas, avec les développements actuels en Chine10, en Inde, en Russie et aux Etats-Unis.

Comme cela a été longtemps le cas pour les combustibles fossiles, les progrès des techniques de son exploration, qui a pour l’essentiel cessé depuis plusieurs décennies, permettront très probablement de découvrir de nouvelles réserves. Signalons pour mémoire l’intérêt croissant pour l’extraction de l’uranium de l’eau de mer, qui en contient environ 3 mg /m3. Cela donnerait en théorie accès à de très grandes quantités d’uranium, mais dans la pratique, ce serait très difficile et très consommateur d’énergie. Cela n’a guère d’intérêt pour un pays comme la France qui dispose de stocks d’uranium considérables. Cependant, la Chine et l’Arabie Saoudite semblent s’y intéresser11.

Mais surtout le nucléaire a quatre atouts pour l’avenir qui ne sont encore que très peu ou pas exploités : les réacteurs à neutrons rapides (par opposition aux réacteurs actuels qui sont à neutrons thermiques), l’utilisation de la chaleur perdue, les réacteurs utilisant le thorium 232 et les SMR (Small Modular Reactors).

- La filière actuelle des réacteurs à neutrons rapides est celle des réacteurs refroidis au sodium. Ils rendent possible l’utilisation de l’uranium 238, bien plus abondant que l’uranium 235 actuellement utilisé pour produire l’énergie, qui ne constitue que 0,7 % de l’uranium naturel 12.

Les stocks d’uranium 238 dont l’Europe dispose déjà sur son sol du fait de sa production d’électricité nucléaire passée représenteraient alors de l’ordre d’un millier d’années de production possible d’électricité au rythme actuel, et pour la France seule environ 7000 ans.

La France a su la première construire et exploiter de 1973 à 2010 un prototype préindustriel de cette filière, Phénix. Celui-ci a fourni de l’électricité au réseau national jusqu’à son arrêt. Le premier exemplaire industriel, Superphénix, de 1240 MW électriques (MWe), a été fermé en 1997 par décision du gouvernement Jospin sous la pression de ses alliés écologistes. La Russie a pris le relais et quelques exemplaires y fonctionnent depuis des années, dont un récent, le BN (Beloiarsk Nuclear power plant) 800, de 880 MWe. Ce BN 800 a reçu le Power Award 2016 de la meilleure centrale au monde par la presse spécialisée américaine13. La Chine, qui exploite depuis 2011 le CEFR (China Experimental Fast Reactor) de 20 MWe s’est lancée dans un projet de réacteur de puissance de 600 MWe.  En Inde le prototype de réacteur de 500 MWe, le PFBR (Prototype Fast Breeder Reactor), est sur le point de démarrer. Les écologistes du gouvernement Jospin ont réussi l’exploit de faire perdre à la France non seulement 50 ans de travail et le leadership mondial dans ce domaine, mais aussi 60 milliards d’euros ! Et depuis peu, toujours sous la pression de l’Ecologie politique, l’arrêt du développement du réacteur Astrid a scellé l’arrêt des recherches en France sur cette filière !

-Le deuxième atout est l’utilisation de la chaleur actuellement inutilisée produite en quantités considérables par les réacteurs nucléaires, pour les deux-tiers environ de l’énergie initialement produite, grâce à des centrales dites à chaleur et électricité combinées, en anglais combined heat and power plants (CHP), comme le fait par exemple couramment le Danemark avec ses centrales à combustibles fossiles et à biomasse. Cette chaleur pourrait servir en particulier à l’alimentation de réseaux de chaleur urbain pour les grandes villes, comme vient de le faire la Russie pour Saint-Pétersbourg et comme va le faire la Chine à grande échelle pour remplacer le charbon dans le chauffage urbain14. La Finlande l’envisage aussi. Cette technique n’aurait pas un fort impact sur le climat comme l’ont les CHP danoises. En fait nombre de réacteurs nucléaires dans le monde sur les 441 en exploitation fonctionnent déjà ainsi, en Europe surtout dans les pays d’Europe de l’Est, mais aussi en Suisse. On pourrait alimenter en chauffage des grandes villes comme Paris en transportant cette chaleur sur 100 kilomètres avec moins de 2% de perte de chaleur15. Il s’agirait là d’une augmentation très sensible de l’efficacité énergétique.

Peut-être serait-il plus judicieux d’envisager des réacteurs dédiés uniquement à la production de chaleur, à des températures plus basses que celles utilisées pour la production d’électricité, plus petits et plus simples et donc moins coûteux à construire que des CHP ?

- Le troisième atout est l’utilisation du thorium 232. La recherche en a montré la possibilité. Le thorium est de l’ordre de trois fois plus abondant que l’uranium dans la nature, et se trouve en particulier dans les monazites, minéraux que l’on trouve entre autres dans les sables noirs d’origine volcanique formant des plages dans de nombreux pays du globe. Il n’y a pas encore de filière industrielle de son utilisation. Cela n’a guère d’intérêt pour l’instant en France et plus généralement en Europe, où la filière uranium est mature et suffit pour très longtemps. Cela peut en avoir en Inde qui a de très grandes ressources en thorium.

- Le quatrième atout est le développement en cours des Small Modular Reactors (SMR).

Les recherches sont maintenant foisonnantes sur la technologie des réacteurs nucléaires. De nombreux pays projettent de construire des petits réacteurs modulaires (SMR)16, plus faciles à construire en série, donc moins coûteux par MW de puissance que les puissants réacteurs actuels.

Leur faible puissance leur permettrait de disposer d’une sécurité « passive », c’est-à-dire d’être refroidis naturellement, sans l’intervention d’un moyen extérieur, et de faire la démonstration de leur sûreté intrinsèque.

La construction navale a déjà dans quelques pays l’expérience de ces petits réacteurs, avec ceux installés sur des sous-marins et des porte-avions, ainsi que sur des brise-glace russes en Arctique.

En Europe, le Royaume-Uni avec Rolls-Royce17 et la France avec le consortium de développement Nuward18 viennent de se lancer dans cette entreprise. Aux Etats-Unis le SMR Nuscale, petit réacteur modulaire de 60 MW, vient d’obtenir le feu vert de l’Autorité de sûreté américaine, la Nuclear Regulatory Commission (NRC) 19.

On pourrait ainsi concevoir des SMR surgénérateurs, des SMR utilisant le thorium, des SMR pour réseaux de chaleur, pour le dessalement de l’eau de mer… Du fait de cette sûreté intrinsèque et de leur petite taille, ces réacteurs pourraient être installés plus près des villes, comme le sont actuellement les centrales à combustibles fossiles, ou sur des navires dédiés alimentant des villes de bord de mer dans des pays ou des régions manquant d’électricité, comme le fait déjà la Russie avec ses SMR embarqués sur l’Akademik Lomonosov. On est loin cependant d’avoir atteint le stade de l’industrialisation et encore plus du modèle économique viable qui en permettrait la généralisation.

Si les SMR à neutrons thermiques sont déjà largement développés dans le monde, où ils sont utilisés dans des navires et des engins spatiaux, il n’y a pas encore de réalisation de SMR à neutrons rapides. Son développement nécessiterait de la R&D qui a été arrêtée récemment en France, alors que ce type de réacteurs serait effectivement la clé pour maîtriser complètement la combustion de tout l’uranium disponible, donc permettrait de minimiser drastiquement les déchets et d’économiser la ressource énergétique…. Un espoir est cependant le projet européen ESFR SMART20 lancé en 2017, mais qui n’est pour l’instant qu’un projet « papier ».

Encore faut-il que ces innovations aient lieu rapidement et qu’elles apaisent les craintes des Européens sur la sûreté nucléaire et le traitement sécurisé des déchets, bien que ces craintes soient très largement fantasmées et entretenues à dessein. Actuellement plus on est ignorant sur le nucléaire plus on agite le chiffon rouge des déchets et de la sûreté. Que sont les morts de l’industrie nucléaire en Europe, en comparaison des dizaines de milliers de morts annuelles des combustibles fossiles et de la chimie (chapitre 8) ?

La R&D nucléaire nécessite une vision de politique énergétique que seuls les grands pays nucléarisés peuvent porter, actuellement la Russie, la Chine, le Royaume-Uni, les Etats-Unis, le Canada et même le Japon. Mais la France est sortie de la course qu’elle faisait encore en tête il y a une dizaine d’années.

Dans ce contexte il paraît vital pour l’Europe d’accentuer la recherche dans les technologies nucléaires, car contrairement à l’éolien et au solaire photovoltaïque associés aux combustibles fossiles, ces recherches sont porteuses d’un avenir énergétique. L’attentisme actuel des dirigeants européens dans ce domaine, pour ne pas dire la procrastination, est à cet égard très inquiétant. Ne serait-ce pas de l’opposition pure et simple liée à l’ignorance, un mal profond, et à l’absence de pouvoir fort et clairvoyant ?

Les incertitudes sur leur approvisionnement futur en combustibles fossiles, la prise de conscience progressive de leurs dangers pour le climat et pour la santé publique (chapitre 8), font que beaucoup de pays nouvellement industrialisés ou « émergents » dans le monde construisent ou prévoient de construire des réacteurs nucléaires, mais peu parmi les pays riches du Vieux Monde, ceux de l’OCDE21.

L’engagement concret du Royaume-Uni, avec la construction en cours de deux EPR à Hinkley Point et le projet de construction de deux autres réacteurs à Sizewell, et l’engagement politique conjoint des Démocrates et de Républicains en faveur du nucléaire aux Etats-Unis22 semblent cependant annoncer un renversement de tendance.

La Chine et l’Inde ont maintenant pris résolument ce chemin.

Bizarrement, les dirigeants de la France, pays qui a déjà fait l’effort que veulent maintenant entreprendre ces pays, grignotent sans arrêt depuis plus de dix ans cet acquis stratégique, sans en donner la moindre justification logique. Où sont les successeurs des hommes politiques des décennies passées qui s’appuyant sur les scientifiques et les technologues, visaient la souveraineté en matière énergétique et le rayonnement scientifique ?

La France est passée au second rang de toutes les ambitions et suit les injonctions de l’Allemagne dans un pas de deux très dangereux prétendument au nom des valeurs européennes. Ce faisant elle s’affaiblit politiquement, industriellement, scientifiquement.

Quatre réacteurs sont malgré tout en construction en Europe de l’Ouest, trois autres sont prévus, et une dizaine de réacteurs sont en projet en Europe de l’Est23. Condamné par la Cour d’Appel des Pays-Bas, pour « inaction climatique », l’Etat néerlandais vient de revoir sa stratégie énergétique et d’envisager un plan de relance nucléaire, au lieu de la sortie de celui-ci initialement prévue24.

Mais la Commission européenne et le Parlement européen, soutenus par un groupe de pays minoritaires en nombre mais très actifs, cherchent au contraire à décourager25 les projets de construction. Car on le voit de plus en plus clairement, le projet qu’ils veulent absolument faire aboutir, pour le compte de puissants intérêts politiques et financiers, est de couvrir l’Europe d’éoliennes et de panneaux solaires subventionnés (chapitre 9) et de compenser leur intermittence avec du gaz ou de l’hydrogène prétendument « verts ». L’alibi de ce projet est la défense du climat. C’est illusoire, en fait mensonger. En plus du casse-tête insoluble de l’intermittence, l’entêtement de cette fuite en avant crée toute une cascade d’autres casse-têtes, et d’énormes dépenses financées par d’énormes subventions, ce qui compromet d’autant plus la « transition énergétique ».

C’est aussi un pari très audacieux sur la pérennité de l’approvisionnement en gaz de l’Europe.

Chapitre 8 - Refuser de prendre en compte objectivement la mortalité associée à chaque source d’électricité, c’est accepter de laisser tuer !

« L’esprit public est ainsi fait, qu’il s’apitoie aisément sur cent hommes frappés ensemble par un cataclysme sensationnel et pas du tout sur le même nombre atteint en détail ». Louis de Launay, La conquête minérale,1908.

Pour choisir les sources d’énergie de l’avenir, bien connaître les risques de leur mise en œuvre pour la santé publique devrait être essentiel pour une société démocratique et son gouvernement. La Commission européenne a fait étudier dès 1991 cette question par un programme de recherche d’envergure, le programme External Costs of Energy (ExternE), dont les principales conclusions ont été publiées au début des années 20001. De nombreuses autres études, non seulement pour l’Europe, mais pour le reste du monde, ont été faites ensuite. En ce qui concerne l’électricité, il ressort de tous ces travaux que, malgré l’accident majeur de Tchernobyl, le nucléaire civil est l’énergie qui a jusqu’à présent provoqué, par TWh d’électricité produite, le moins de morts immédiates et de morts prématurées de toutes les sources de production d’électricité, moins même que déjà l’éolien et le solaire PV. On trouvera dans Masse 20182 une analyse de ces études.

Sur la base des connaissances ainsi acquises, James Conca3 a publié en 2018 une estimation à l’échelle de la planète de la mortalité pour 1000 TWh d’électricité produite (tableau 5).

Source d’énergie

      Nombre de morts pour 1000 TWh produits

Charbon

                         100 000 (41 %)

Fuel

                            36 000 (4%)

Biomasse

                            24 000 (2%)

Gaz

                              4 000 (22 %)

Hydro

                              1400 (16%)

Solaire PV sur toit

                                 440 (<1%)

Eolien terrestre

                                 150 (2%)

Nucléaire

                                   90 (11%)

 Tableau 5: Mortalité entraînée (morts immédiates + morts différées) par mode de production d’électricité pour 1000 TWh d’électricité produite. D’après Conca3, 2018. Le charbon entraînerait par année moyenne environ 1100 fois plus de morts que le nucléaire par unité de production d’électricité. Entre parenthèses, part en % du mode de production dans la production d’électricité mondiale en 2018. La valeur indiquée pour le nucléaire inclut les conséquences de Tchernobyl et Fukushima, telles que rapportées par l’United Nations Scientific Committee on the Effects of Atomic Radiation (UNSCEAR).

D’après cette estimation l’utilisation du charbon ferait  à l’échelle mondiale environ 1100 fois plus de morts que le nucléaire pour une même quantité d’électricité produite.

Dans ces statistiques, la proportion de morts directes (immédiates ou dans les quelques mois suivant l’accident) imputables sans équivoque à des accidents, des explosions ou des incendies dans des centrales électriques, aussi impressionnants qu’ils puissent être, n’est que de l’ordre de 0,5 % du total. Il s’agit surtout de ruptures de barrages hydroélectriques, qui ont été causes à elles seules de plus de morts directes que tout l’ensemble de l’industrie nucléaire. Ensuite viennent les explosions et les incendies dans des centrales à gaz, puis la construction et la maintenance des éoliennes4 et des panneaux solaires installés sur des toits, qui font essentiellement des morts directes. En ce qui concerne les centrales nucléaires, il y a en a eu très peu. L’accident de Tchernobyl a fait 31 morts directes dans les intervenants sur le site dans les 4 mois suivant l’accident du fait de doses reçues de radioactivité trop élevées 5. Celui de Fukushima n’a fait aucune mort directe du fait de la radioactivité 6.

Il faut cependant dans les deux cas ajouter pour les intervenants quelques morts sur les lieux des accidents dues à d’autres causes que la radioactivité.

La mortalité liée à la production d’électricité est donc à 99,5 % une mortalité différée, et il s’agit principalement des conséquences dans la population de la pollution atmosphérique créée par la combustion des combustibles fossiles, en premier lieu le charbon mais aussi, à proportion de leur usage, du fuel, de la biomasse et du gaz brûlés dans des centrales électriques. Les principaux dangers de cette pollution sont les oxydes d’azote et de soufre et les particules ultrafines provenant de la combustion. Le nucléaire civil a aussi provoqué des morts différées dans les populations, mais elles sont beaucoup moins nombreuses au prorata de la quantité d’électricité produite, conséquences de Tchernobyl et Fukushima comprises, que celles dues aux combustibles fossiles comme le montre le tableau de Conca.

Ces mortalités différées ne peuvent bien sûr pas être identifiées comme telles sur le terrain, où il est impossible de les distinguer a priori des mortalités imputables à d’autres causes puisqu’elles ont lieu après leur cause, le plus souvent des dizaines d’années après. Elles ne peuvent qu’être estimées d’après des relations doses/effets établies : - soit par des études épidémiologiques, c’est-à-dire des comparaisons directes sur le long terme de la mortalité  dans des cohortes exposées (à la pollution, à la radioactivité…) avec la mortalité dans des cohortes non exposées de composition aussi proche que possible de celle des cohortes exposées - soit par des extrapolations linéaires lorsque les effets sont connus à fortes doses, mais indiscernables par l’épidémiologie aux faibles niveaux d’expositions environnementaux, ce qui est le cas de l’essentiel des expositions aux rayonnements ionisants (la radioactivité).

Le résultat des observations ou des extrapolations peut s’exprimer soit par un excès de fatalités observées, soit par l’estimation d’une perte moyenne d’espérance de vie, autrement dit par nombre d’années de vie perdues dans une cohorte exposée, par rapport à une cohorte de composition comparable, mais non exposée. Le lecteur sera sans doute très surpris d’apprendre que cette perte moyenne d’espérance de vie est en définitive faible, de l’ordre de quelques semaines à quelques mois pour une espérance de vie à la naissance de 80 ans, aussi bien pour la radioactivité que pour la pollution atmosphérique. Mais pour une petite proportion des personnes affectées, elle peut être de plusieurs années. On trouvera dans Durand 20187 une comparaison des relations doses/effets pour la pollution atmosphérique et pour la radioactivité, et les calculs de mortalité différée qui en découlent.

Il faut cependant prendre en compte le coût sanitaire et social que représentent les maladies graves mais non léthales, asthmes, bronchites chroniques, maladies cardio-vasculaires, associées à la pollution atmosphérique ordinaire. On n’observe pas de maladies graves non léthales associées à la radioactivité aux doses reçues dans la vie courante.

Comment la relation doses/effets utilisée pour le nucléaire a-t-elle été établie ?

La dose de radioactivité reçue par un organisme s’exprime en gray, en l’honneur de Louis Harold Gray (1905-1965), physicien britannique qui fut un précurseur dans l’étude des effets biologiques de la radioactivité. Un gray (Gy) vaut 1 joule/kg. L’unité de dose dite « efficace », c’est-à-dire celle qui affecte réellement l’organisme, s’exprime en sievert (Sv), en l’honneur du physicien suédois Rolf Sievert (1896-1966) qui a fortement contribué à rationaliser l’étude des effets des rayonnements ionisants sur les organismes. Elle s’exprime également en joule/kg.

Les observations faites entre autres sur les survivants d’Hiroshima et de Nagasaki ont conduit les médecins du nucléaire à estimer qu’une dose efficace de 1 Sv reçue dans l’année a pour effet d’augmenter de 5% le risque de cancer mortel au long terme chez l’homme et appliquent une règle de proportionnalité pour les doses inférieures, jusqu’à 100 mSv.  De telles doses ne peuvent être reçues que très exceptionnellement par un petit nombre de personnes, à l’occasion d’accidents graves. En France les doses efficaces reçues du fait de l’environnement naturel ordinaire sont dues aux rayonnements telluriques associés à l’uranium, au thorium et à leurs descendants radioactifs, radon 222 en particulier, et au potassium 40, ainsi qu’aux rayonnements cosmiques. Elles varient pour l’essentiel des habitants, selon l’Institut de recherche sur la sûreté nucléaire (IRSN), entre 0,7 et 2,8 millisieverts (mSv) par an selon le lieu d’habitation. En règle générale, les valeurs les plus faibles sont reçues dans les basses plaines calcaires et les valeurs les plus hautes dans les montagnes granitiques. Si l’on applique la règle de proportionnalité ci-dessus, soit 5/ 100 000 par mSv, le risque supplémentaire d’avoir à long terme un cancer mortel dû à cette radioactivité naturelle serait donc, selon son lieu de vie, compris entre 3,5/100 000 et 14 /100 000.

La mortalité différée déduite de cette relation de proportionnalité prolongée jusqu’à des doses infimes de radioactivité, appelée la relation linéaire sans seuil (RLSS), est donc très faible pour la radioactivité naturelle. Elle est également indiscernable car d’une part les cancers provoqués par la radioactivité ne sont pas distinguables des cancers provoqués par d’autres causes, ils n’ont pas de « signature », d’autre part la probabilité de mourir d’un cancer est actuellement en France de l’ordre de 26 %, soit 26 000 pour 100 000 habitants. La probabilité maximale calculée comme ci-dessus de mourir d’un cancer qui serait dû à la radioactivité naturelle est d’environ 2000 fois plus faible !

Vouloir déterminer une mortalité par cancer dû à la radioactivité dans une mortalité si importante, c’est comme vouloir chercher un signal acoustique très faible dans le vacarme d’une boîte de nuit. Dans de nombreux pays des études épidémiologiques montrent qu’à d’aussi faibles doses et même à des doses 10 fois plus élevées, la radioactivité naturelle n’a pas d’effets identifiables sur l’homme. La RLSS malgré des décades de recherche épidémiologique reste à ce jour invérifiable aux faibles doses de radioactivité.

De plus, l’application de la RLSS conduit à la notion de « dose collective » : Elle implique qu’une dose de radioactivité donnée entraînera la même probabilité de morts prématurées dans une population qui la reçoit quelle que soit la taille de cette population :100 sieverts reçus dans l’année entraîneront le même risque global pour une population de 100 personnes recevant 1 Sv par personne, soit à long terme une mortalité prématurée de 5 individus, que pour une population de 100 000 personnes recevant 1mSv par personne.

Une analogie permet de comprendre le caractère très peu probable d’une telle déduction : si une personne boit d’un trait un litre d’alcool pur, il est fort probable qu’il en mourra rapidement. Mais si mille personnes boivent chacune d’un trait un millilitre d’alcool pur, il est fort peu probable qu’un seul n’en meure. En effet, l’organisme, s’il ne résiste pas à une dose très forte absorbée rapidement, dispose de mécanismes de défense et de réparation pour des doses absorbées faibles, même répétées pendant longtemps.

Pour des raisons de même nature, il est très probable que les effets de la radioactivité aux faibles doses soient bien inférieurs à ce que prédit la RLSS.

Cela n’empêche pas certaines associations de prétendre, et même d’enseigner aux enfants, que la radioactivité est dangereuse dès le premier becquerel (Bq). Un becquerel, cela correspond à la désintégration d’un atome radioactif par seconde. Quand on sait que le corps humain et les organismes végétaux et animaux, ainsi que les matériaux organiques comme le bois qui nous entourent ou encore notre alimentation, émettent environ 100 Bq /kg, que les matériaux de construction de nos maisons, les sols et les roches sur lesquelles nous marchons sont également radioactifs à des degrés divers, une telle affirmation a de quoi faire sourire. Ces associations pratiquent la désinformation très classique en Ecologie politique qui consiste à entretenir en permanence la confusion entre danger et risque. Ce n’est pas parce qu’un danger existe que l’on en est automatiquement victime. Beaucoup longent des bords de falaise, ce qui est dangereux, très peu en tombent.

Cette confusion volontairement entretenue convainc beaucoup de gens non rompus à cette dialectique, y compris des scientifiques. Car on ne peut démontrer par la seule logique qu’un danger, même imaginaire, n’existe pas. Les Gaulois, dit-on, craignaient constamment que le ciel leur tombe sur la tête. Ce danger existe peut-être, qui sait ? Mais à l’expérience, une personne sensée est en droit de penser que le risque qu’il se concrétise est infiniment faible.

Les médecins de médecine nucléaire connaissent précisément les doses que reçoivent leurs patients lors des radiothérapies, et les suivent dans le temps : Ils confirment qu’à faible dose, en-dessous d’environ 100 mSv de dose effective reçue pendant le traitement, ils ne constatent pas d’effets, même de long terme8. Cette moyenne recouvre cependant des situations différentes: cette limite est plus faible pour les enfants, et certaines personnes sont plus sensibles que d’autres. 20 mSv, à titre de précaution, est une valeur bien adaptée.

En dessous de 100 mSv, cette règle de proportionnalité de 5% par Sv sert en fait de guide « administratif » pour minimiser le plus possible à titre de précaution les risques dans les installations nucléaires et les hôpitaux, ou dans les entreprises qui utilisent pour des raisons diverses des rayonnements ionisants. L’Académie de médecine a rappelé très explicitement9, qu’elle n’a pas de sens pour évaluer les conséquences de l’irradiation d’une population provoquée par un accident nucléaire ou tout autre accident impliquant des rayonnements ionisants, et ne doit surtout pas être utilisée pour cela.

L’opinion est constamment inquiète au sujet des risques provoqués par les centrales nucléaires parce que son inquiétude est constamment entretenue, alors qu’elle ne l’est pas en ce qui concerne les risques de même nature entraînés par les examens radiologiques auxquels elle est pourtant bien plus exposée.

L’estimation du nombre de morts attribuées à la radioactivité lors des deux grands accidents de centrales nucléaires résulte donc d’un calcul et non d’une observation de terrain, et la diminution moyenne d’espérance de vie correspondante est faible. Ce calcul est fait sur la base de la RLSS, qui conduit pour Tchnernobyl à une prévision de l’ordre de quelques milliers de morts différées par cancer au total des 50 ans suivant l’accident. Elle inclut la mortalité différée d’enfants et d’adolescents ayant reçu des doses trop importantes d’iode 131 à la thyroïde, dont une vingtaine sont déjà morts. Pour Fukushima, la mortalité prédite est insignifiante.

Cela n’est jamais expliqué clairement par les médias, qui n’expliquent pas non plus qu’aux faibles doses de radioactivité reçues, cas de la très grande majorité des personnes ayant été affectées par ces accidents, ce calcul surestime probablement de beaucoup le risque réel encouru.

Bien au contraire, ces médias ne font jamais de pédagogie dans ce domaine, et dans leur écrasante majorité publient sans le moindre esprit critique les valeurs les plus fantaisistes et les plus dramatiques. Cette irresponsabilité, voire même immoralité, s’abrite derrière le bouclier de la liberté de la presse, et de ce fait n’est jamais sanctionnée. Pourtant elle a eu de graves conséquences humaines.

Très peu de gens, faute justement d’informations objectives données par ces médias, le réalisent.

Ces observations surprendront le lecteur, car ce n’est pas du tout ce qu’il entend ou lit couramment. Dans le monde entier l’opinion, abreuvée par un déferlement continu de déclarations anxiogènes depuis deux générations, croit encore dur comme fer que le nucléaire est la plus dangereuse des sources d’électricité, du fait du caractère spectaculaire des deux accidents affectant les populations qu’il a provoqués, et de la dangerosité de la radioactivité présentée comme extrême. Ces convictions commencent cependant à être ébranlées par la révélation progressive des effets sur la santé de la pollution atmosphérique provoquée par les combustibles fossiles, en particulier par le charbon dont on voit de plus en plus clairement l’importance des dégâts sanitaires en particulier en Chine et en Inde.

Elles le sont aussi par l’observation que la zone d’exclusion de Tchernobyl, dont les médias n’avaient eu de cesse de faire croire qu’elle était devenue mortelle pour l’éternité, est en fait devenue une zone refuge pour la faune sauvage, qui y prospère maintenant.

La réalité sanitaire, et la prise de conscience que le nucléaire est un atout précieux dans la lutte contre le réchauffement climatique, amènent de plus en plus d’écologistes antinucléaires de la première heure, à en souhaiter maintenant le développement10.

En Europe, la prise de conscience des dangers de la pollution atmosphérique créée par les centrales à combustibles fossiles reste encore très timide. Quelques études bien médiatisées ont récemment alerté l’opinion sur le cas des centrales à charbon : Une étude d’un groupe d’associations environnementales11, a estimé à 23 000 le nombre de morts prématurées  provoquées chaque année en Europe par les grosses centrales à charbon européennes, en particulier les centrales allemandes. Aux Etats-Unis, dans un article très documenté de 2011, une équipe de médecins de la Harvard Medical School, a alerté la communauté scientifique internationale sur la dangerosité de la pollution provoquée par les centrales à charbon12.

Pourquoi alors l’opinion publique est-elle encore si terrifiée par le nucléaire et ne s’inquiète pas vraiment d’autres sources d’électricité bien plus dangereuses dans les faits ? Pourquoi perdure cet écart considérable entre ce qu’elle croit et ce qu’en disent les études médicales ?

Il y a tout d’abord le caractère impressionnant des deux seuls accidents du nucléaire civil ayant affecté les populations avoisinantes, Tchernobyl et Fukushima, tandis que la pollution atmosphérique tue sans bruit tous les jours, à petit feu si l’on ose dire. Or l’opinion réagit d’abord émotionnellement, et submergée par un flot incessant d’informations contradictoires, ne peut jamais prendre le temps de la réflexion. Par exemple, les élus et les représentants des cultes sont tenus par l’opinion publique d’aller en urgence honorer les morts d’un accident spectaculaire ayant fait une dizaine de morts immédiates, surtout s’il s’agit d’enfants, mais pas de commémorer chaque année les victimes des accidents de la route, qui tuent des milliers d’enfants par an en Europe.

C’est aussi la conséquence d’un biais cognitif, c’est-à-dire un écart entre ressenti ou convictions et faits avérés. Les biais cognitifs sont fréquents dans tous les domaines. Parce qu’ils sont instinctifs, ils sont très difficiles à combattre par la communication scientifique. Ils sont même présents chez des scientifiques qui ne sont pas spécialistes des questions traitées. A risque égal et même très supérieur, les dangers familiers, compréhensibles, sont instinctivement beaucoup mieux acceptés que ceux qui le sont moins. Les dangers très médiatisés sont beaucoup moins acceptés que ceux qui ne le sont pas. Les médias, téléguidés par l’Ecologie politique, ont dans leur très grande majorité saturé la communication publique et formaté l’opinion pendant des dizaines d’années, en commémorant chaque année les accidents de Tchernobyl et Fukushima, et en attisant à dessein la peur de la radioactivité parce qu’elle était « vendeuse ». Ainsi s’est forgée une représentation collective des dangers du nucléaire propice à la circulation de « fake news » et aux manipulations de l’opinion13. Les médias n’ont jamais voulu prendre le temps et la place nécessaire pour commenter vraiment, et encore moins commémorer, les accidents pourtant très nombreux dus aux combustibles fossiles, dont certains pourtant bien plus meurtriers14, ni jusqu’aux années récentes pour commenter les dégâts de la pollution atmosphérique.

De leur côté, à de rares exceptions près, les politiques accordent une place excessive à cette opinion formatée pour prendre leurs décisions, parce qu’il s’agit de leurs électeurs. Ce n’est donc plus le politique qui guide l’opinion, mais l’opinion qui guide le politique, même lorsque ce dernier sait parfaitement que cette opinion repose sur des bases fausses. Cet engrenage menace de plus en plus la stabilité des pays démocratiques (chapitre 16). Il ne concerne pas uniquement le nucléaire, mais tous les sujets dits « de société ».

Cette peur de la radioactivité constamment entretenue a engendré de l’anxiété voire des comportements à risque dans la population. Ainsi des milliers d’avortements préventifs ont été ainsi provoqués en Europe après Tchernobyl, de par la crainte créée chez les femmes de la naissance d’enfants anormaux par des articles de presse alarmants totalement injustifiés par les faits observés.

Elle a aussi conduit les autorités à décider sur la base de la RLSS des évacuations massives et brutales induisant en fait une mortalité indirecte très supérieure à celle due à la radioactivité tant lors de l’accident de Tchernobyl que de celui de Fukushima15.

C’est une nouvelle illustration des dangers très réels de l’application d’une norme « administrative » élaborée sur des critères idéologiques.

Tant que la raison ne l’emportera pas sur l’émotion, il en sera encore de même s’il se produit un nouvel accident.

Il faut pourtant bien admettre que la pollution atmosphérique continuelle produite par les centrales électriques à combustibles fossiles et à biomasse a tué énormément plus que la radioactivé émise lors des 2 accidents majeurs du nucléaire et en comprendre les conséquences.

Selon les gisements d’où provient le charbon, sa combustion peut aussi être une source d’éléments dangereux, arsenic et fluor, mercure et autres métaux lourds, ainsi que d’éléments radioactifs uranium et, thorium et leur descendants 16,17.

 Se basant sur les données des médecins anglais Markandya et Wilkinson 200718, les américains Karecha et Hansen 201319 ont ainsi estimé que le nucléaire civil aurait évité, là où il a été utilisé pour remplacer l’électricité produite par des centrales à combustibles fossiles, un nombre de morts prématurées d’environ 1,8 millions à l’échelle mondiale (280 000 rien que pour la France), et qu’il en évitera encore dans les pays qui continueront à l’utiliser. Le nucléaire aurait donc déjà permis d’épargner des centaines de fois plus de vies qu’il n’en a détruites !

Un article très récent de chercheurs de l’Université de Berkeley vient de confirmer ce point de vue 20, 21.

L’absence de reconnaissance de ces faits au sein de l’Europe contribue puissamment à faire perdurer l’utilisation des combustibles fossiles pour la production d’électricité, en particulier dans les pays comme l’Allemagne, où la peur du nucléaire a été systématiquement attisée depuis la deuxième guerre mondiale.

 Cette non-prise en compte des morts des combustibles fossiles est implicite dans la politique énergétique actuelle de l’Europe : La Commission européenne, par sa politique de développement de l’éolien et du solaire PV, favorise en fait les combustibles fossiles et les pays qui les utilisent au détriment du nucléaire malgré les faits constatés il y déjà vingt ans par le projet ExternE qu’elle a pourtant elle-même init.

Cette politique a donc déjà beaucoup tué et continuera encore longtemps à tuer. 

Chapitre 9 - Le vent et le soleil sont gratuits, mais l’électricité éolienne et l’électricité photovoltaïque sont chères

Un des mantras favoris des promoteurs de l’éolien et du solaire photovoltaïque est « le vent et le soleil sont gratuits », laissant entendre par que le charbon, le gaz ou l’uranium ne le sont pas, mais aussi de ce fait que l’électricité éolienne et l’électricité solaire photovoltaïque ne peuvent pas être chères !

Ce mantra d’apparent bon sens est en réalité d’une grande absurdité : car toutes les sources naturelles d’énergie sont gratuites. Comme le vent et le soleil, le pétrole, le charbon, le gaz et l‘uranium dans leurs gisements nous sont donnés à titre gratuit par la nature. Ce qui coûte cher, c’est le travail nécessaire pour aller les chercher, puis les mettre en œuvre. Le vent et le soleil ne coûtent certes rien. Mais les éoliennes et les panneaux qui vont les chercher ont un coût, et donc l’électricité qu’ils produisent.

A ces coûts il faut ajouter, pour les ressources fossiles ou minérales (dont certaines rares, voir chapitres 6 et 10), les redevances exigées par les pays qui en disposent dans leur sous-sol, et pour le vent et le soleil les droits à verser aux propriétaires des terrains.

Une fois tout pris en compte l’éolien et le solaire PV ont tout d’abord produit une électricité dont le coût de production était beaucoup plus élevé que celui de l’électricité produite par les principaux types de centrales électriques pilotables actuellement en fonctionnement, qu’elles soient à charbon ou à gaz, nucléaires, ou encore hydroélectriques. Avec le temps, ces prix se sont significativement rapprochés. Mais parce qu’ils ne sont pas pilotables, leur usage entraîne d’importants coûts induits pour le mix électrique dans lequel ils s’insèrent (chapitre 10). Il en résulte non seulement que le coût de ce mix est bien supérieur à leurs coûts de production, mais aussi qu’il le restera, aussi bas que puisse devenir ces coûts.

C’est bien parce qu’elle était confrontée à ces évidences que, pour en promouvoir le développement, l’Europe a décidé une politique de subventions à laquelle elle n’a toujours pas mis fin. La méthode initialement suivie a été celle de l’obligation d’achat assortie de tarifs de rachat (en anglais feed-in tariffs): celle-ci a consisté à garantir aux producteurs d’un pays le rachat de leur électricité à un tarif leur permettant d’avoir un retour très avantageux sur capitaux investis, et cela par contrat d’une durée de 15 à 20 ans. Ce tarif de rachat étant le même pour tout le pays.

Les « investisseurs » internationaux se sont alors rués sur cette aubaine, d’autant plus que de telles opportunités sur des périodes aussi longues étaient rares, et le sont toujours. L’Europe a aussi fixé par des directives successives des objectifs de croissance des proportions d’énergies renouvelables- dans la pratique essentiellement éolien et solaire photovoltaïque - dans le mix énergétique de ses pays membres.

En même temps l’Europe décidait de créer un marché concurrentiel de l’électricité, et donc de mettre fin aux monopoles nationaux, tel en France celui d’EDF, en expliquant que cela en ferait baisser les prix pour le consommateur.

Une situation ubuesque1 a donc été ainsi créée :  de l’électricité non-subventionnée d’électricité, celle produite par les centrales pilotables, est dans ce système concurrencée sur ce marché prétendument concurrentiel par de l’électricité subventionnée, celle produite par des centrales non-pilotables, éolien et solaire photovoltaïque. Ces dernières ont de plus du fait de l’obligation d’achat une priorité d’accès sur le réseau électrique. En effet, de cette obligation d’achat découle que toute la production d’éolien et de solaire photovoltaïque doit être achetée à leurs producteurs avant d’acheter l’électricité produite par d’autres sources !

En réalité cette politique, contrairement aux annonces initiales de ses responsables, a fait augmenter considérablement le coût de l‘électricité, et donc le prix de l’électricité pour les ménages mais aussi pour l’industrie, dans tous les pays où l’éolien et le solaire photovoltaïque ont été fortement développés. Il s’agit là d’un des grands échecs de la politique énergétique européenne et l’Europe aura maintenant bien du mal à se sortir de ce mauvais pas, d’autant plus qu’elle persiste obstinément dans cette voie.

Le prix de l’électricité se détermine actuellement en Europe sur des marchés boursiers spécialisés qui obéissent en principe à la loi de l’offre et de la demande, ainsi qu’à la spéculation. En ce qui concerne l’éolien et le solaire photovoltaïque, la différence entre le tarif de rachat, fixé par contrat à une valeur qui est la même partout dans un pays, et le prix de marché qui lui est en moyenne sur l’année très inférieur, est remboursée au producteur pour toute la durée du contrat, 15 à 20 ans. Les modalités de ce remboursement diffèrent selon les pays.

En France par exemple, le paiement des sommes ainsi engagées par contrat a été assuré jusqu’en 2017 par la principale compagnie d’électricité du pays, Electricité de France (EDF), dont l’Etat français est le principal actionnaire. EDF se remboursait ensuite avec une taxe sur la consommation d’électricité appelée Contribution au service public de l’électricité (CSPE) dont une part seulement finançait les ElRi, le montant étant fixé chaque année par la Commission de régulation de l’énergie (CRE). Cette part a cependant augmenté très rapidement avec le développement des ElRi jusqu’à en représenter plus de la moitié. La CSPE atteignait en 2017en y ajoutant la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), 27 Euros par MWh, soit presque autant à elle seule que le coût de production de l’électricité nucléaire, soit 32 Euros par MWh ! Le gouvernement ne souhaitant pas pour raisons électorales augmenter le prix de l’électricité trop rapidement, le montant de la CSPE a été toujours insuffisant pendant cette période pour couvrir la totalité des dépenses de rachat par EDF des productions nationales d’éolien et de solaire photovoltaïque. L’Etat français a contracté ainsi auprès d’EDF une dette qu’il n’a toujours pas remboursée complètement.

A partir de 2016, cette taxe a été plafonnée et versée directement au budget de l’Etat. S’y est substituée pour financer les ElRi une taxe sur les combustibles fossiles qui abonde un Compte d’affectation spécial « transition énergétique » (CASTE) du budget de l’Etat. Mais la CSPE n’a pas été supprimée pour autant ! C’est donc maintenant double peine pour le consommateur/contribuable français !

Cette taxe est hypocrite, puisqu’au lieu de financer des actions de réduction des émissions de CO2, elle sert essentiellement à financer de l’éolien et du solaire photovoltaïque, qui ne peuvent pas en France faire diminuer significativement les émissions de CO2 de l’électricité (chapitre 6).

Ce système de tarif de rachat ayant conduit en Europe à des rémunérations des producteurs jugées à l’expérience excessives, un système jugé plus concurrentiel d’appel d‘offres a été ensuite progressivement mis en place. L’appel d’offres est organisé par les Etats, qui délimitent les secteurs à exploiter, fixent la puissance à installer, et donnent le cahier des charges. Ils attribuent ensuite en principe les contrats aux promoteurs demandant la plus faible valeur de rémunération par MWh produit. Si le prix de marché est inférieur à cette valeur, l’Etat lui verse la différence. Si le prix de marché est supérieur, c’est le promoteur qui verse la différence à l’Etat. Ce système a fait l’objet de nombreuses dérogations ou détournements. En France par exemple, ce système d’appel d’offres, moins favorable au producteur que l’obligation d’achat, n’est devenu obligatoire pour l’éolien que pour les parcs d’au moins six machines et d’une puissance supérieure à 18 MW. La méthode de l’obligation d’achat, plus favorable, a ainsi été conservée pour les parcs terrestres d’au plus 6 machines et de moins de 18 MW ! Ce qui a permis à des promoteurs par des montages artificiels mais légaux de diviser en parcelles d’au plus 6 machines des parcs éoliens ayant en fait un nombre d’éoliennes plus important !

Le développement de l’éolien et du solaire photovoltaïque partout en Europe conduit à la mise sur le marché de quantités impressionnantes d’électricité lors des courtes périodes où le vent souffle fort et le soleil est très présent. Cela conduit de plus en plus à des prix négatifs sur le marché spot, celui où les courtiers (traders) achètent et vendent au jour le jour l’électricité : Ces courtiers « font leur marché » selon l’« ordre de mérite » de la source d’électricité, en achetant d’abord jusqu’à épuisement les quantités disponibles d’électricité dont le coût marginal est le plus faible. Or ce coût marginal, le coût de production d’un MWh supplémentaire d’électricité, croît avec le coût d’accès de l’énergie primaire qui sert à le fabriquer. Pour l’éolien et le solaire photovoltaïque, ce coût est très faible, puisque le vent et le soleil ne coûtent rien par eux-mêmes. Viennent ensuite, le nucléaire, le charbon, puis le gaz, dont les matières premières doivent d’abord être extraites du sous-sol, élaborées puis transportées jusqu’au lieu de production.

Les courtiers achètent donc en priorité l’éolien et le solaire photovoltaïque dont le coût marginal est faible et quand l’offre de ceux-ci est très abondante, par bon vent et bon soleil, les prix de l’électricité baissent considérablement sur le marché. Les centrales nucléaires, à charbon et à gaz ne peuvent se permettre d’arrêter leur production à chaque coup de vent, car leur remise en route prendrait du temps et coûterait cher. Il leur faut produire quand même un minimum. Cette offre excessive par rapport à la demande des consommateurs conduit à ce que certains producteurs d’électricité pilotables, du fait de ces prix négatifs, payent pour écouler leur production. Prix négatifs que l’on observe de plus en plus souvent en Europe au fur et à mesure du développement des ElRi, particulièrement en Allemagne du fait de sa forte capacité installée d’ElRi.

Ces faibles prix de marché sont très insuffisants pour rémunérer les coûts d’investissement et de maintenance pour l’éolien et le solaire photovoltaïque, qui ne peuvent donc plus se passer de subventions. Ils découragent aussi les investissements dans la construction ou le remplacement des centrales pilotables, pourtant indispensables au fonctionnement global de ce système.

En somme, les ElRi scient non seulement la branche sur laquelle ils sont assis, mais aussi celle sur laquelle sont assises les centrales pilotables !

Ce n’est pas pour autant que les consommateurs profitent des bas prix de marché, puisque l’électricité éolienne et photovoltaïque sont payées à leurs producteurs par des tarifs de rachat garantis par contrat ! La différence entre ces tarifs de rachat et les prix de marché est remboursée aux producteurs par des taxes sur la consommation d’électricité ou des impôts, qui sont paradoxalement d’autant plus forts que le vent est fort et le soleil généreux.

Ces producteurs n’ont d’ailleurs aucune incitation à produire moins, bien au contraire, puisqu’ils sont assurés de pouvoir écouler toute leur production à des tarifs garantis et très supérieurs au prix moyen de marché. Certains pays les payent pour écrêter leur production, c’est-à-dire pour produire moins, quand elle fait trop baisser les prix de marché 2 ! C’est le cas de la France où, passé un nombre d’heures en prix négatifs, ils peuvent percevoir une fraction, 1/3 environ, de leur rémunération s’ils arrêtent leurs éoliennes.

 

A l’inverse, quand il y a peu de vent ou de soleil, il peut y avoir du fait d’une insuffisance des autres moyens de production des tarifs très élevés sur le marché spot. Les producteurs d’éolien et de solaire photovoltaïque produisant alors peu, ils sont peu rémunérés.

Avec le développement de l’éolien et du solaire photovoltaïque en Europe, les durées de bas prix de marché avec par moment des prix négatifs vont en augmentant. L’éolien et le solaire photovoltaïque créent donc eux-mêmes les conditions d’une décroissance de leur   rentabilité, qui est compensée par une augmentation des taxes sur la consommation d’électricité et des impôts3.

L’éolien et le solaire photovoltaïque ne pourront donc jamais subsister sans subventions, à moins bien sûr que ses promoteurs n’arrivent à convaincre les gouvernements de faire augmenter par une méthode ou une autre les prix de l’électricité sur les marchés suffisamment pour qu’ils puissent se passer de ces subventions.

Ce serait alors une véritable « trahison des clercs » de la part des dirigeants européens, qui imposeraient aux citoyens de l’Europe des prix très élevés de l’électricité sans justification autre qu’idéologique.

Une bonne démonstration de la perversité de ce système est ce qui vient de se passer avec la forte chute de la demande d’électricité liée à la crise sanitaire de la Covid-19 : la production d’électricité éolienne et solaire photovoltaïque a été suffisante pour fournir une partie plus grande que d’habitude de la demande, et leurs producteurs n’ont pas souffert de cette crise puisque leurs revenus étaient garantis. Mais les charges sur les consommateurs /contribuables ont augmenté via les taxes et les impôts servant à cela. Par contre les producteurs d’électricité pilotables ont vu leur production, et donc leurs revenus, chuter considérablement.

Cette diminution très importante de la part des électricités pilotables dans le mix électrique a fait aussi courir des risques accrus de déstabilisation de la fréquence du réseau, que seules les centrales pilotables par l’inertie de leurs puissants alternateurs sont capables de stabiliser.

 Il faut ajouter à ces tarifs de rachat, déjà la plupart du temps bien supérieurs aux prix de marché, les coûts qui découlent pour des raisons physiques de l’insertion de l’éolien et du solaire photovoltaïque dans le réseau électrique (chapitre 10) :

-          les coûts dus au développement et au renforcement rendus indispensables de ce réseau, payés par des taxes sur la consommation.

-          les coûts des subventions devenues nécessaires à la survie des centrales pilotables, dont la production, à consommation d’électricité à peu près constante à l’heure actuelle en Europe, doit laisser la place à celle de l’éolien et du solaire, et dont la rentabilité est par conséquent ainsi affectée.

S’ajoutent encore :

       -   les coûts pour le contribuable des détaxations fiscales, des subventions déguisées, des études préalables, des travaux d’aménagement et des cadeaux de bienvenue payés par les Etats et les collectivités territoriales…, dont même Sherlock Holmes n’arriverait pas à connaître les montants exacts4.

       -  les coûts liés à l’augmentation du coût de la vie résultant de la répercussion de l’augmentation du prix de l’électricité sur les prix des biens et des services consommés par chacun, et à la perte de compétitivité de l’Europe à l’international du fait de prix trop élevés de son électricité.

Un bilan exact est devenu impossible à faire, mais les dépenses supplémentaires pour les ménages et pour l’industrie induites par le développement de l’éolien et du solaire photovoltaïque en Europe sont de manière évidente très largement supérieures au seul coût de leur production.

Prétendre que le coût de l’électricité produite par l’éolien et le solaire est devenue compétitif avec celui de l’électricité des centrales pilotables est un gros mensonge, un de plus, par omission.

Sans le soutien constant des centrales pilotables cette électricité, aussi bas que devienne son coût de production, ne pourra fournir pratiquement aucun service aux consommateurs et n’aura donc pas de valeur marchande.

La complexité et l’opacité du système mis en place par la puissance publique pour favoriser le développement massif de l’éolien et du solaire photovoltaïque en Europe, tout comme les voies de l’économie et du financement de l’éolien et du solaire photovoltaïque, sont devenues impénétrables.

En France par exemple, le montant des dépenses publiques qui lui sont consacrées a largement échappé au contrôle parlementaire. Certains députés et sénateurs s’en sont émus, et ont pris l’initiative de les faire évaluer par la Commission des finances 5. Il en ressort qu’entre 2000 et 2028, les dépenses publiques déjà faites ou engagées par contrat entre ces dates se situeront entre 70 et 90 milliards d’euros 2019 environ.

La Cour des comptes a de son côté évalué à 121 milliards d’euros 2019 les sommes déjà engagées par les contrats signés avant fin 2017 et qui devront être payées par le consommateur et/ou le contribuable d’ici 2046 6, pour une production correspondante d’éolien et de solaire de l’ordre de 10 % de la production française d’électricité. L’intervalle de temps recouvre en partie celui considéré par la Commission des finances. Les dépenses engagées entre 2018 et 2028 selon la Commission des finances devraient être ajoutées à celles antérieures à 2018 identifiées par la Cour des Comptes, soit environ 40 milliards supplémentaires. Environ 160 milliards d’euros seront donc engagés d’ici 2028, pour une production annuelle intermittente espérée de l’ordre de 18 % de la production totale d’électricité en France. Les dirigeants français ne semblent pas avoir l’intention de s’en tenir là !

La Cour des Comptes a aussi évalué à 80 milliards d’euros 2019 le coût de construction total des 58 réacteurs nucléaires mis en œuvre entre 1970 et 2000 qui ont produit jusqu’à ces dernières ces dernières années 75 % de l’électricité en France. EDF a intégralement remboursé les emprunts contractés pour cette construction grâce à la vente d’une électricité parmi les moins chères du marché.

 Le coût de la maintenance de ce parc, le « grand carénage », qui consiste en une rénovation approfondie des réacteurs et des améliorations de sûreté dites « post Fukushima », pour en prolonger de 20 ans la durée de fonctionnement, est estimé à 45 milliards par EDF !

 Les investissements jusqu’en 2028 dans l’éolien et le solaire photovoltaïque vont donc être largement supérieurs à ceux qui ont été consentis pour la réalisation et la rénovation du parc nucléaire français, pour produire annuellement 4 fois moins d’une électricité inutile et intermittente !

Une Commission d’enquête de l’Assemblée Nationale a été mise en place sous la présidence du député Julien AUBERT. Elle vient de remettre son rapport 7, qui confirme l’énormité des sommes engagées et leur très faible efficacité. Elles ne recouvrent pourtant pas totalement le coût des dommages faits ainsi à l’économie, puisqu’il ne s’agit là que des dépenses publiques.

L’Allemagne, selon une étude de l’Université de Düsseldorf 8, aura dépensé en réalité pour sa « transition énergétique », l’Energiewende, consacrée aux deux-tiers environ au développement de l’éolien et du solaire photovoltaïque, 520 milliards d’euros d’ici 2025 soit en moyenne environ 20 milliards par an.

Les dépenses annuelles publiques et privées de la France n’en sont probablement déjà plus très loin et vont rapidement être comparables, si son gouvernement persiste comme il est fort probable dans sa folie de vouloir l’imiter. Il en sera de même dans les autres pays européens.

Contrairement à ce que clament sans arrêt promoteurs de l’éolien et du photovoltaïque, « investisseurs », gouvernements, Commission et Parlement européens, politiques dans leur majorité, ONG environnementales, les sommes ainsi prélevées ne sont pas affectées à des actions utiles pour le climat puisque l’éolien et le solaire PV sont inutiles dans tous les pays d’Europe où le mix électrique est déjà très décarboné, France, Norvège, Suède, Suisse, et d’un intérêt marginal dans les autres.

Cette production d’électricité, alors qu’elle est inutile et sans bénéfice avéré pour le climat, fait peser une lourde charge sur les consommateurs et les contribuables.

Le nombre de ménages en état de précarité énergétique augmente ainsi en Europe car cette charge pèse sur un produit de première nécessité proportionnellement à sa consommation, et non par un impôt dégressif. Elle est donc socialement injuste.

Chapitre 10 - Aussi bas que soit leur coût de production, les électricités renouvelables intermittentes (ElRi) font automatiquement grimper le prix de l’électricité en Europe.

Pour des raisons physiques un mix électrique comprenant de l’éolien et du solaire photovoltaïque a un coût de production toujours plus élevé qu’un mix électrique n’en comprenant pas.

La consommation d’électricité n’augmente plus en Europe depuis dix ans (figure 2).

Les éoliennes et les panneaux solaires s‘ajoutent aux centrales pilotables existantes dont on ne peut pour autant se passer (chapitres 3 et 4). Cela entraîne des coûts d’investissement accrus pour produire la même quantité d’électricité !

S’ajoutent à ces coûts :

- Ceux dus au développement des réseaux d’électricité : éoliennes et panneaux solaires sont des installations supplémentaires qu’il faut raccorder aux réseaux existants. Il faut aussi augmenter la capacité de transport de ces réseaux : l’éolien et le solaire PV se caractérisent par d’énormes variations de puissance autour de leur puissance moyenne.  Dimensionner les réseaux en puissance de sorte qu’ils puissent supporter les puissances maximales prévisibles par les jours bien ventés et bien ensoleillés est obligatoire. En Allemagne, des milliers de km de nouvelles lignes à haute tension sont en cours d’installation entre les parcs éoliens en mer de la Baltique et la Bavière, où se trouvent les industries susceptibles d’utiliser l’électricité ainsi produite. 

Ce développement des réseaux, tant en longueur qu’en puissance est financé par des taxes spécifiques sur la consommation d’électricité. Du fait de l’insertion croissante des ElRi dans le mix électrique des pays européens, mais aussi de la Turquie et du Maghreb, et de l’interconnexion croissante des réseaux nationaux de tous ces pays, le renforcement et l’allongement des réseaux devient aussi de plus en plus nécessaire à cette échelle. L’ENTSO-E, qui gère tout cet ensemble, a estimé entre 100 et 150 milliards d’euros les sommes à investir en première urgence1.

-Les coûts des subventions devenues nécessaires à la survie des centrales pilotables, dont la production, à consommation d’électricité à peu près constante à l’heure actuelle en Europe, doit laisser la place à celle de l’éolien et du solaire, et dont la rentabilité est  ainsi affectée : Que ces centrales pilotables fonctionnent ou pas, leurs charges fixes (intérêts des capitaux investis, salaires, coûts de maintenance...) restent à peu près les mêmes : pour le nucléaire par exemple, ils représentent environ 80 % des coûts de production. Les 20 % restants sont le coût des pastilles d'uranium enrichi consommées. La rentabilité des centrales pilotables diminue donc, obligeant des centrales pilotables à fermer prématurément en Europe, en particulier en Allemagne des centrales à gaz, dont certaines toutes neuves. Ce sont en effet les dernières par ordre de mérite, et donc les moins sollicitées. Il faut les subventionner d’une façon ou d’une autre pour leur éviter leur faillite2. En France par exemple, la centrale à gaz de Landivisiau dont la construction vient d’être décidée sera subventionnée. Les sommes correspondantes sont payées par le consommateur par une augmentation de sa facture d’électricité ou par le contribuable par une augmentation de ses impôts !

Tout cela fait fortement augmenter directement ou indirectement, le coût de production du mix électrique et en conséquence le prix de l’électricité : En Europe, tous les pays ayant développé les ElRi ont fait ainsi augmenter le prix de l’électricité pour les ménages à peu près proportionnellement à la puissance (capacité) installée d’ElRi par habitant3, comme le montrent (figure 13) les exemples de 16 pays d’Europe.        


  Figure 13 : dans ces 16 pays européens, le prix de l’électricité pour les ménages était en 2017 pratiquement proportionnel à la capacité installée par habitant d’éolien et de solaire photovoltaïque.

Une comparaison instructive est celle de l’Allemagne avec la France (figure 14) :

-          En Allemagne, de 2000 à 2014 le prix de l’électricité pour les ménages a plus que doublé jusqu’à une proportion de 14 % d’ElRi dans le mix. Il s’est ensuite stabilisé, parce que l’Allemagne a dérivé une partie des charges créées par les ElRi sur d’autres postes que l’électricité. La France la rattrape maintenant à grands pas, avec une augmentation de prix de 50% depuis 2007, date du « Grenelle de l’Environnement » qui a sanctuarisé l’éolien et le solaire photovoltaïque. Ces augmentations sont corrélées à celles des ElRi dans le mix électrique, comme elles l’ont été en Allemagne jusqu’en 2014 ! La décision de plafonner la CSPE en 2016 et de financer les ElRi par des taxes sur les combustibles fossiles (chapitre 8) ralentira la hausse du prix de l’électricité, mais entraînera des hausses supplémentaires sur le prix des carburants.

-          Les ménages et les petites et moyennes entreprises (PME) ont plus souffert que les gros industriels : ceux qui consomment énormément d’électricité (les « électro-intensifs »), et ceux qui sont soumis à la concurrence internationale, ont été exonérés d’une grande partie des subventions aux ElRi, ou favorisé par le jeu de « grilles tarifaires » surtout en Allemagne, mais aussi en France. L’industrie consommant à peu près deux fois plus d’électricité que les ménages, les surcoûts totaux supportés par l’industrie sont quand même de l’ordre de grandeur que les surcoûts totaux payé par les ménages et les PME.

Tous les pays ayant fortement augmenté leur puissance d’ElRi ont soigneusement gardé la même puissance de centrales pilotables (chapitre 3). L’Allemagne a fermé des centrales nucléaires, mais elle a conservé ses centrales à charbon. Elle a aussi construit des centrales à gaz et quelques centrales à biomasse, de manière à ce que la puissance totale de centrales pilotables dont elle dispose ne change pas, et même augmente 4 !

 Figure 14 :-A gauche : Augmentation du prix de l’électricité pour les ménages en Allemagne de 2000 à 2017. Ce prix augmente jusqu’en 2014 quasi linéairement en fonction des proportions d’ElRi dans le mix électrique jusqu’à environ doubler. Après 2014, ces coûts n’augmentent plus parce que l’Allemagne rémunère les dépenses supplémentaires par des taxes qui ne portent plus sur la consommation d’électricité. - A droite : Augmentation du prix de l’électricité pour les ménages en France de 2000 à 2017. Dès 2007, date à laquelle le développement des ElRi a été décidé par le « Grenelle de l’Environnement », ce prix a augmenté, de 50 % en 10 ans en fonction de la proportion d’ElRi dans le mix électrique A partir de 2016, le développement supplémentaire des ElRi est financé par des taxes sur la consommation de combustibles fossiles.                                                                 

Le développement des énergies renouvelables, en fait essentiellement de l’éolien et du solaire photovoltaïque, coûtera aux Allemands, en dépenses cumulées jusqu’en 2025, 520 milliards d’euros (chapitre 10) 5, soit environ 20 milliards d’euros par an en moyenne. Mais l’histoire ne se terminera pas en 2025. Certains estiment que cela pourrait coûter au bout du compte aux citoyens allemands de l’ordre de trois mille milliards d’euros 6

 Depuis le Grenelle de l’environnement7 en 2007, la France est sur la trajectoire ruineuse de l’Allemagne, sans la moindre contrepartie.

 L’Angleterre veut-elle également s’engager sur cette voie ? Le 11 octobre 2020, le Sunday Telegraph a annoncé la publication d’une étude économique du plan de développement éolien de B. Johnson 8.  Cette étude de l’économiste Gordon Hugues intitulée Wind Power Economics : Rhetoric and Reality, prédit un coût de 27 milliards de livres par an (29,7 milliards d’euros) et un doublement du coût de l’électricité pour les ménages, ce qui est voisin ce qui a été observé en Allemagne- Cela fera-t-il réfléchir Monsieur Johnson ?

L’effort gigantesque de l’Allemagne, qui clamait urbi et orbi faire ainsi diminuer les émissions de CO2 de sa production électrique, n’a produit qu’un résultat très médiocre (figure 8). Par quelle aberration la France veut-elle en faire autant ? Ces folles dépenses pour un si médiocre résultat, et les dégâts environnementaux (chapitre 14) liés en particulier à l’éolien conduisent de plus en plus d’Allemands à critiquer cette politique, et pour certains à réclamer un moratoire sur la fermeture des centrales nucléaires encore en fonctionnement9,10, ou même la construction de nouvelles centrales nucléaires.

Mais cela n’empêche pas les dirigeants allemands de s’entêter11.

La nécessité de conserver les centrales pilotables entraîne que, aussi bas que deviennent un jour les coûts de production de l’éolien et du solaire PV, le coût du mix électrique augmentera forcément plus vite avec eux que sans eux, car leur coût s’ajoutera à celui des centrales pilotables qui restent indispensables. Prétendre que la baisse de leurs coûts de production avec le temps les rend compétitifs avec ceux des centrales pilotables est particulièrement et volontairement trompeur, car l’éolien et le solaire PV ne rendent pas les mêmes services et ne leur sont pas substituables. En réalité, ils ne sont que les parasites des centrales pilotables. Celles-ci leur permettent d’exister sans qu’ils ne payent ni les investissements de ces centrales, ni les surcoûts d’exploitation qu’ils leur causent, ni le développement et le renforcement nécessaire des réseaux électriques. Une comparaison imagée est celle de deux voitures, l’une pilotable que vous pouvez démarrer et arrêter vous-même, et l’autre ne pouvant démarrer qu’avec suffisamment de vent, et démarrant même la nuit pendant votre sommeil. De nombreuses dispositions seraient alors nécessaires pour conférer à cette « voiture à vent » la moindre utilité. C’est pourtant bien le même niveau de dispositions qu’il faut prendre avec la production éolienne, pour des raisons strictement identiques, mais sans que cela empêche ses admirateurs d’en comparer le prix du MWh avec celui d’un MWh pilotable.

Si la diminution du coût de production de l’électricité et du photovoltaïque les rendent compétitives avec les électricités produites par les centrales pilotables, comme tous les médias le répètent à l’envie en Europe, pourquoi ne supprime-t-on pas leurs coûteuses subventions ?

Et si dans un futur indéterminé il devient possible de remplacer ces centrales pilotables par des stockages de masse de l’électricité, ces stockages auront un coût qui sera encore supérieur à celui des centrales pilotables qu’ils remplaceront.

Sans centrales pilotables ou sans stockages pour les assister, la valeur marchande des électricités produites par l’éolien et le solaire photovoltaïque est en réalité nulle, puisqu’elles sont inutilisables telles quelles par le consommateur pour cause d’intermittence. Qui serait en effet assez fou pour acheter une électricité qu’il ne peut pas utiliser ? Le coût de l’éolien et du solaire photovoltaïque s’ajoute à celui de ces indispensables centrales pilotables ou de ces stockages et fait grimper le prix de l’électricité, comme on le vérifie partout en Europe.

Chapitre 11 - Les déchets de l’éolien et du solaire photovoltaïque sont bien plus abondants que ceux du nucléaire et s’y ajoutent.

Pour produire de l’électricité, il faut, c’est l’évidence, d’abord construire des centrales électriques. Cette construction et celle des infrastructures qui sont nécessaires à leur fonctionnement, comme par exemple les lignes électriques acheminant l’électricité produite, mobilisent de grandes quantités de matières premières, qui devront d’abord être extraites du sous-sol, ce qui produira de grandes quantités de déchets d’exploitation. Elles seront ensuite transformées pour devenir les matériaux de construction. Ceux-ci deviendront, lors du démantèlement des centrales en fin de vie, des déchets de démantèlement. Une partie pourra en être recyclée, c’est-à-dire réintroduite dans le cycle de production dont ils sont issus, ou utilisée pour d’autres usages, mais le reste, les déchets ultimes, finira dans une décharge ou un stockage.

Les quantités de matériaux nécessaires à la construction des centrales éoliennes et photovoltaïques sont à comparer à celles nécessaires à la construction des centrales nucléaires. Si l’éolien et le photovoltaïque sont destinés comme on nous l’annonce à remplacer dans l’avenir en Europe le nucléaire, une réflexion à ce sujet est nécessaire.

Eolien, photovoltaïque et nucléaire ont en commun d’être de grands consommateurs de matériaux de base : béton, acier, aluminium, cuivre étant les principaux. Des analystes ont évalué les quantités de ces matériaux consommés par MW de puissance installée. Mais c’est par unité de production d’électricité que cette comparaison doit être faite : le nucléaire produit par exemple en France environ 3,6 fois plus d’électricité par MW nominal que l’éolien. C’est presque 5 fois plus en Allemagne, où l’éolien a un facteur de charge moins important qu’en France, mais le nucléaire un facteur de charge de l’ordre de 90 % parce qu’il y est utilisé en base et non en suivi de charge ! De plus une centrale nucléaire est maintenant prévue pour une durée de 60 ans, sinon 80 ans comme aux Etats-Unis, tandis qu’une éolienne construite aujourd’hui aura une durée de vie de l’ordre de 20 ans. Il faudra donc construire successivement 3 éoliennes pour atteindre les 60 ans. Il faut donc multiplier sa consommation de matériaux par MW par un facteur de 10 à 15 pour comparer sa consommation par MWh avec celle du nucléaire ! Pour le solaire photovoltaïque, dont le facteur de charge moyen est en Europe environ la moitié de celui de l’éolien et la durée de vie moyenne un peu supérieure, il faut la multiplier par un facteur d’environ 15 à 20 !

Les résultats de ces comparaisons par quantité d’électricité produite sont assez dispersés, mais il ressort très clairement1,2,3 que l’éolien et le solaire photovoltaïque consomment considérablement plus de ces matières premières de base par MWh produit que le nucléaire, à l’exception toutefois, en ce qui concerne seulement le béton, du photovoltaïque installé sur les toits, qui ne consomme bien sûr que peu de béton (figure 15). 

 

                      

Figure 15 :  quantités moyennes de béton, d’acier, d’aluminium et de cuivre utilisés pour produire un MWh d’électricité par différents moyens, en kg/MWh : de gauche à droite : nucléaire gaz, fuel, charbon, éolien terrestre, éolien en mer, photovoltaïque de toit, photovoltaïque de ferme, hydroélectricité. La consommation de l’éolien et du solaire est globalement bien plus élevée que celle des autres sources d’électricité. D’après Olivier Vidal (1).

Ces matières premières de base sont largement recyclées 4, mais pour l’instant encore c’est moins le cas pour l’éolien que pour le nucléaire : Béton et ferraillage des socles des éoliennes ne sont pas en général retiré du sol. De plus en plus cependant, il semble y avoir une volonté que les législations évoluent en Europe pour améliorer cette situation, mais les actes ne suivent pas, sous la pression des lobbys.

Nucléaire, éolien et solaire utilisent aussi une large variété de métaux dits critiques pour lesquels se pose la question de leur disponibilité à l’échelle mondiale 5.

Il s’agit entre autres des terres rares, utilisées entre autres dans les aimants permanents des génératrices d’électricité. Les éoliennes en mer utilisent environ 200 kg de néodyme et de dysprosium par MW installé, à renouveler deux fois sur une durée de 60 ans, soit 600 kg, et environ 10g par MWh produit. Ces terres rares, si elles ne sont par elles-mêmes ni particulièrement toxiques chimiquement ni radioactives, ni même très rares, sont souvent associées dans leurs minerais à des éléments radioactifs, thorium, uranium et leurs descendants, et isolées avec des produits chimiques agressifs. Leur exploitation produit donc des déchets ultimes sous forme de quantités importantes de déchets toxiques ou radioactifs, et, parce que ceux-ci sont mal gérés, ils posent de graves problèmes sanitaires, en particulier dans le principal pays producteur actuel, la Chine 6,7.

Nucléaire, éolien et solaire photovoltaïque consomment aussi des matériaux qui leur sont spécifiques.

Pour le nucléaire, il s’agit de l’uranium à raison d’environ 20g/MWh. Les déchets de l’utilisation de l’uranium, mais aussi des matériaux « contaminés », sont radioactifs et doivent faire l’objet d’une gestion attentive. Seule une très petite partie est potentiellement dangereuse et constitue des déchets ultimes, gérés en France par l’ANDRA8 sur un petit nombre de sites inaccessibles au public.

Pour l’éolien il s’agit des matériaux composites carbonés utilisés pour la fabrication des pales, de l’ordre de 10 tonnes par MW, à renouveler trois fois sur une période de 60 ans, soit 30 tonnes. Ce qui fait environ 250 g de composites par MWh produit. Ces matériaux composites ne peuvent pas être recyclés actuellement, et tant qu’on ne saura pas le faire il faut les brûler ce qui produit outre du CO2 des molécules très toxiques comme des dioxines9, ou les enfouir dans des décharges. De plus en plus, ils sont exportés vers des pays pauvres acceptant de les accueillir pour un peu d’argent 10. 

Pour les panneaux photovoltaïques, il s’agit des matériaux actifs des cellules photovoltaïques, silicium (encore 90 % des panneaux actuels) ou encore tellurure de cadmium11. Le silicium, contrairement à une opinion répandue, n’est pas produit à partir du sable des plages, mais à partir de silice extraite de rares filons de quartz très pur. Le tellure et cadmium sont des éléments toxiques. Le tellure est un des éléments les plus rares de l’écorce terrestre.

S’y ajoutent de petites quantités d’autres éléments Il y a aussi les métaux des électrodes et les connections. Les éléments toxiques sont intimement liés à leur support et ne peuvent en être séparés que par des techniques délicates et coûteuses. Leur recyclage est donc difficile. Il est à l’heure actuelle très insuffisant 12. Cela pose un problème de gestion des déchets des panneaux voltaïques à l’échelle européenne, car ils s’accumulent actuellement rapidement avec les éléments dangereux qu’ils contiennent.

En définitive l’éolien et le solaire sont, par MWh d’électricité produite, beaucoup plus consommateurs que le nucléaire en matériaux de base et en éléments critiques. Ils sont bien plus producteurs de déchets, aussi bien lors de l’exploitation de leurs matières premières que lors de leur démantèlement.

Quant aux déchets ultimes, qui ne peuvent être ni recyclés, ni réutilisés, il est bien difficile pour l’instant de se faire une opinion claire, tant en ce qui concerne leur quantité que leur toxicité :

En l’état actuel, les déchets ultimes du nucléaire sont définis avec précision, très peu importants en volume, et soigneusement gérés, mais l’opinion publique en a peur étant donnée le déferlement incessant des déclarations anxiogènes au sujet du nucléaire (chapitre 8) dans les médias.

Il est aussi sans arrêt question dans les médias des progrès du recyclage des déchets produits par le démantèlement de l’éolien et du solaire photovoltaïque, mais jusqu’à présent on ne peut que constater leur accumulation. Leurs déchets ultimes sont donc mal définis. Sont-ils plus ou moins potentiellement dangereux que ceux du nucléaire ? Cette question n’a jamais fait l’objet d’un débat public. Pourtant ils contiennent des éléments toxiques dont la durée de vie, contrairement à celle des éléments radioactifs, est infinie, et leur gestion est très floue.

Les coûts, par MWh d’électricité produit pendant leur durée de vie, du démantèlement des éoliennes et des panneaux solaires et de celui des réacteurs nucléaires sont pour l’instant difficilement comparables. Mais les données disponibles ne sont pas en faveur de l’éolien.

Aux Etats-Unis, le réacteur Maine Yankee, un réacteur de 900 MW qui est le frère jumeau des réacteurs à eau pressurisée (REP) français les plus anciens, a été démantelé et « mis au gazon ». Le coût est estimé à environ 500 millions d’euros en ajoutant au coût du démantèlement celui de la construction d’un stockage de combustibles usés13. Si l’on admet une durée de vie de 60 ans pour un réacteur de ce type, il produira environ 380 TWh ce qui met le coût du démantèlement à environ 1,3 euro par MWh produit.

Il y a une expérience certaine du démantèlement dans le monde, puisque plus de 90 réacteurs nucléaires sont déjà en cours de démantèlement. Les Etats-Unis, avec 35 réacteurs en cours de démantèlement, sont les plus expérimentés. Ils ont évalué ce coût entre 300 et 400 millions de dollars (250 à 300 millions d’Euros) en moyenne par réacteur14 (actuellement 95 réacteurs en fonctionnement pour 97 GW de puissance totale, soit environ 1 GW par réacteur). En Europe, les estimations sont plus dispersées, mais en moyenne d’environ un milliard d’euros par GW, soit un peu du double du réacteur de Maine-Yankee.

Les Allemands vont devoir démanteler avant terme 36 réacteurs nucléaires d’une puissance totale de 23 GW et stocker les déchets ultimes de ce démantèlement. Ils n’ont pas annoncé clairement le coût de ce démantèlement, mais ce coût ne les a pas dissuadés.

Pour l’éolien, les premières factures de démantèlement font apparaître des coûts bien plus élevés. C’est ainsi que le démantèlement d’une éolienne terrestre Nordex de 2,5 MW, produisant sur une durée de vie de 20 ans environ 100 GWh, a généré des coûts, après déduction du prix de vente des matériaux de récupération (environ 80 000 euros), de l’ordre de 400 000 euros, soit 4 euros par MWh produit15, sans même enlever le socle de béton au-delà de 1 mètre de profondeur. On ne sait pas non plus ce qui a été fait des pales.

Les évaluations de Février 200216 de l’Office Franco-Allemand pour la Transition Energétique (OFATE), sont de 100 000 euros par MW de dépenses à envisager pour les 4000 MW d’éoliennes qu’il faudrait démanteler en Allemagne d’ici la fin 2020, mais avec la réglementation actuellement en vigueur. Celle-ci ne prévoit pas encore l’enlèvement des socles et l’élimination des pales, ce qui augmenterait notablement ces coûts, alors que ce sera très probablement exigé bientôt. On trouve des valeurs du même ordre pour la France dans un document du collectif Energie-Vérité17, toujours sans enlever les socles ni éliminer les pales. De telles sommes sont, bien plus élevées que celles demandées actuellement en garantie en France aux constructeurs, 50 000 euros par mât. Qui paiera la différence ? Les propriétaires de terrains, qui seront en principe devenus les responsables des installations à la fin de leur bail emphythéotique18 ? Les contribuables, via les communes ?

Un arrêté du 22 juin 2020 (https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000042056014) a cependant un peu augmenté les garanties financières ainsi que les exigences du démantèlement du socle en béton et du recyclage. Il impose aussi 55% de recyclage sur le rotor à partir de 2025. Ce qu’on ne sait toujours pas faire !

Face à de telles dépenses, la disparition de responsables solvables ne risque-t-elle par d’entraîner la multiplication d’éoliennes abandonnées, qui rouilleront sur place comme c’est déjà le cas dans certains Etats des Etats-Unis ? Nous assisterions alors en Europe à une multiplication de ces nouvelles friches industrielles. es risques sont d’autant plus grands que les parcs éoliens sont très souvent créés par des sociétés qui revendent ces parcs une fois construits à de grands groupes internationaux, de plus en plus chinois ou japonais 19,20. Les propriétaires de terrains seront aux prises avec ces grands groupes lors du démantèlement.

Ces coûts diminueront sans doute avec l’expérience acquise, aussi bien pour l’éolien et le solaire photovoltaïque que pour le nucléaire. Mais il est très douteux au vu de ces premières données que, par MWh produit, le coût de démantèlement de l’éolien descende en dessous de celui du nucléaire, surtout si se développent les réacteurs à neutrons rapides, qui devraient produire beaucoup moins de déchets ultimes que les réacteurs actuels par MWh d’électricité produite19.

 Si les électricités éolienne et solaire photovoltaïque sont un jour stockées grâce à la production d’hydrogène ou de méthane « verts » (chapitre 5), étant donné le faible rendement énergétique de ces procédés, il faudra 3 à 4 fois plus d’éoliennes ou de panneaux solaires par MWh d’électricité fournie au consommateur (voir chapitre 4), ce qui produira d’autant plus de déchets. Pour produire ainsi un MWh d’électricité, il faudra donc de l’ordre de 50 fois plus de matières premières et donc de déchets qu’avec des centrales pilotables auxquels il faudra ajouter les déchets dus à l’extraction des matières premières.  Il faudra de plus ajouter les déchets de la chaîne industrielle de production de l’hydrogène ou du méthane.

Les déchets de l’éolien, du solaire photovoltaïque et des gaz « verts » s’ajouteront de toutes façons, en l’absence de stockages, à ceux du nucléaire et des autres types de centrales pilotables qui les assistent.

Car le remplacement des centrales nucléaires ne peut se faire qu’avec d’autres centrales pilotables, à charbon et à gaz comme en a l’Allemagne.

Qu’en est -il des déchets des centrales à charbon et à gaz ? L’examen de la figure 15 montre que la quantité par MWh de matériaux de base consommés, et donc des déchets correspondants, est voisine de ce qu’elle est pour le nucléaire. Mais charbon et gaz produisent aussi de grandes quantités de déchets sous forme de CO2, de méthane et de polluants atmosphériques dangereux, et en ce qui concerne le charbon, de déchets solides, les cendres de sa combustion, qui représentent en tonnage environ 15 % en moyenne des quantités brûlées. Ces cendres contiennent des quantités notables de métaux lourds toxiques, et même souvent de l’uranium et ses descendants radioactifs, au point qu’une compagnie a prétendu en extraire en Chine de façon rentable 20 !

Même si des efforts sont faits par les constructeurs de centrales pour en diminuer les quantités, il en restera assez pour polluer sans contrôle l’atmosphère et les sols partout sur la planète.

La représentation collective, fruit de la désinformation incessante et voulue de l’opinion par des politiques et des industriels avec l’aide des médias qu’ils contrôlent, ne veut connaître que les dangers du nucléaire et très peu ceux des autres modes de production d’électricité, en fait bien plus importants. Il en est de même des déchets, où cette représentation collective ne veut connaître que les dangers des déchets du nucléaire, qui sont pourtant moins bien importants par MWh produit que ceux de ces autres modes.

Le problème de la dépendance de l’Europe et plus généralement des pays de l’OCDE aux matières premières nécessaires à la transition énergétique tant vantée de toutes parts est rarement évoqué. La figure 16 l’illustre : elle représente la part de la Chine dans la production actuelle d’un certain nombre de matières premières stratégiques.


Figure 16: part de la production de la Chine dans la production mondiale de matières premières stratégiques. MI= minerai, ME= métal. En gris hachuré celles qui sont nécessaires à la « Transition énergétique » européenne. L’argent, indispensable pourtant actuellement au solaire photovoltaïque, ne figure pas sur ce diagramme. Courtoisie Patrice Christmann.

En Angleterre est apparue au 18ème siècle la « civilisation industrielle ». Depuis, l’Europe a consommé une très grande part des ressources stratégiques disponibles sur son sol. Il est très douteux qu’elle puisse produire elle-même les quantités considérables de matières premières nécessaires à sa transition énergétique annoncée, qui est en fait un développement massif de l’éolien et du solaire photovoltaïque. Elle devra donc les importer, alors qu’elles vont faire de plus en plus l’objet d’une compétition à l’échelle planétaire pour s’en assurer la possession. Cette difficulté majeure n’a visiblement pas été anticipée, ni peut-être même initialement imaginée, par les militants de cette «transition». Le nucléaire, bien moins gourmand par MWh produit en matières premières que l’éolien et le solaire PV, a ici sur eux un avantage considérable.

Chapitre 12- Le cas de l'éolien en mer

 Si l’opposition à l’éolien terrestre commence à se développer chez certains de nos élus, il ne faut sans doute pas y voir là le résultat d’une prise de conscience, sauf chez quelques-uns d’entre eux, mais celui de l’opposition croissante des riverains de ces éoliennes. Car ces riverains sont aussi des électeurs.

Les projets de parcs éoliens en mer font en revanche l’objet des sollicitudes de la très grande majorité des élus locaux concernés. Elles n’ont pas de riverains proches susceptibles de se plaindre, sauf ceux qui se trouvent sur le trajet des lignes à haute tension qui en sortent. Les pêcheurs sont peu nombreux et les faunes marines et aviaires ne votent pas. Ces parcs apporteraient des redevances bienvenues aux communes. Certains opposants à l’éolien terrestre les voient d’un œil favorable, car ils espèrent que ce sera la part du feu, et qu’il y aura ainsi moins d’éoliennes construites à terre.

Tous pensent qu’en mer, les vents sont plus puissants et plus réguliers. Plus puissants en moyenne, oui, et c’est pourquoi le facteur de charge de l’éolien en mer est en moyenne supérieur à celui de l’éolien à terre. Plus réguliers, non, car le vent n’est pas freiné autant en mer qu’à terre. Les fluctuations de puissance de l’électricité produite sont en fait plus brutales en mer qu’à terre1, imposant ainsi des gradients de puissance encore plus considérables aux centrales pilotables qui compensent leur intermittence.

Avec l’éolien en mer, il s’agit essentiellement de mettre la poussière sous le tapis. Car il ne résout aucun des problèmes rencontrés avec l’éolien terrestre, et même les aggrave. En particulier son coût d’investissement ne peut être que beaucoup plus important que celui de l’éolien terrestre non seulement par unité de puissance nominale, mais aussi par kWh produit.

Le parc éolien en mer de Dunkerque, a fait l’objet de l’appel d’offres le plus récent en France. Sa puissance nominale serait de 600 MW. Son facteur de charge, du fait de sa situation près de la Mer du Nord, devrait pouvoir atteindre 40 % dans la meilleure des hypothèses, ce qui correspond à un productible annuel d’électricité sur le réseau, en tenant compte des pertes et des arrêts pour maintenance, d’un peu moins de 2 TWh, soit environ 3,3 GWh par MW installé. L’investissement correspondant serait, selon les documents transmis à la Commission européenne, de 2 milliards d’euros. Il faudrait y ajouter environ 400 millions d’euros pour le raccordement au réseau à très haute tension2, à la charge des consommateurs d’électricité.

Les éoliennes marines ont une durée de vie limitée à 20 ans, en particulier à cause de la corrosion marine. Sur 60 ans, durée de vie minimale prévue pour les réacteurs nucléaires à construire, elles seraient à renouveler deux fois. Il faudra donc débourser au total en investissement environ 5 milliards d’euros, car tout ne sera pas à renouveler, en particulier les liaisons électriques.

Comparons avec l’EPR de Flamanville, dont on peut espérer que le coût d’investissement se stabilisera entre 12 ou 13 milliards d’euros. L’EPR a une puissance nominale de 1650 MW et produira sur ces 60 ans environ 660 TWh d’électricité, tandis que le parc éolien de Dunkerque, avec un investissement total de 5 milliards d’euros ne produira sur ces 60 ans qu’environ 120 TWh.

Par TWh produit, le coût d’investissement de l’EPR de Flamanville, malgré ses invraisemblables déboires, serait donc d’environ 2 fois inférieur à celui du parc éolien de Dunkerque, 3 fois si l’EPR dure comme il est anticipé 80 ans et non 60.

Les EPR suivants coûteront moins cher, de l’ordre de 8 milliards d’euros et non 12 ou plus, à l’instar des deux EPR déjà construits en Chine : un pays qui a su conserver l’ensemble de sa filière nucléaire pendant que les politiques laissaient les compétences françaises s’affaiblir.

Le parc de Dunkerque sera situé dans une zone où la vitesse moyenne du vent est supérieure à ce qu’elle est dans les autres régions françaises où le gouvernement veut faire installer des parcs éoliens en mer, et par conséquent sa production d’électricité par MW installé sera notablement supérieure.

Par TWh d’électricité produite, le coût d’investissement moyen des futurs parcs éoliens en mer français cumulé sur cette durée de 60 ans sera de l’ordre d’au moins 4 fois supérieur à celui des futurs EPR. Mais pour produire une électricité non pilotable, donc nécessitant le soutien de ces EPR pour être utilisable.

Pour les parcs installés dans les zones bien ventées d’Europe du Nord, cela ne sera au mieux que trois fois.

Les problèmes considérables que ces parcs causent à la faune marine et aviaire, ainsi qu’aux utilisateurs de l’espace marin, cristallisent de très fortes oppositions. Ils sont dénoncés par les naturalistes, mais encore plus vigoureusement par les pêcheurs. Ces énormes installations, en modifiant la circulation et la distribution des sédiments marins, risquent de déstabiliser les littoraux fragiles et d’affecter les habitats de la faune marine. Les pollutions sont beaucoup plus difficiles à maîtriser en mer qu’à terre : détergents utilisés pour nettoyer les éoliennes, fuites de liquides de lubrification, réchauffement par les eaux de refroidissement des transformateurs , fuites d’hexafluorure de soufre, puissant gaz à effet de serre, utilisé comme isolant dans ces transformateurs3, métaux utilisés dans les anodes sacrificielles pour lutter contre la corrosion marine4, pollutions par la circulation des bateaux et hélicoptères de maintenance ...

Des interrogations se font jour sur d’éventuelles nuisances causées aux hommes et aux animaux, en particulier par les champs électromagnétiques, par les lignes électriques en mer à haute et très haute tension raccordant les éoliennes à la station d’atterrage située sur le rivage, puis la ligne souterraine à très haute tension raccordant à terre cette station d’atterrage au réseau à très haute tension. Ce débat est loin d’être clos5.

L’installation d’un parc éolien en mer nécessite, par kWh d’électricité, encore plus de matériaux que pour un parc éolien à terre.

A l’heure actuelle, pour chaque parc éolien prévu existe une association de défense6, qui lutte pied à pied contre ces éoliennes inutiles, ruineuses et problématiques pour l’environnement.

 

Chapitre 13 - L’éolien et le solaire photovoltaïque détruisent en Europe plus d’emplois qu’ils n’en créent.

Un autre mantra des promoteurs de l’éolien et du solaire photovoltaïque est que leur développement créera de nombreux emplois dont l’Europe a cruellement besoin. Un recul suffisant permet de voir ce qu’il en est exactement.

Dans leur grande majorité, les pays européens n’ont pas d’industrie de construction d’éoliennes, et les riverains de l’éolien terrestre le constatent : il faut certes des techniciens pour construire les centrales éoliennes, mais ils viennent pour beaucoup de l’étranger, et, une fois qu’ils sont partis, très peu d’emplois sont créés sur place parce que les éoliennes sont pilotées à distance. Si les retombées financières versées aux municipalités et les « travaux annexes compensatoires » financés par les promoteurs permettent de faire quelques travaux d’intérêt général, les éoliennes terrestres enrichissent surtout quelques agriculteurs qui louent leur terrain, sans création d’emploi sur place. Les milieux ruraux, mais aussi le littoral pour l’éolien marin, deviennent des terres de colonisation pour les entreprises de l’éolien, sans aucun avantage durable pour l’emploi. Bien sûr il y a des créations d’emplois, sous forme d’états-majors et de techniciens de sièges sociaux dans quelques villes pour la gestion du système, ou d’emplois de dockers dans quelques ports pour le déchargement des grands éléments constitutifs de ces éoliennes : embases, mâts, génératrices, rotors. Mais s’il n’y a pas de filière industrielle de l’éolien dans un pays, les matériels sont importés d’autres pays : Allemagne, Danemark, Espagne et Chine. Le coût d’investissement de l’éolien est aux deux-tiers au moins celui de ce matériel importé ! Les sommes correspondantes, n’étant pas dépensées dans le pays, ne peuvent donc plus créer d’activité économique génératrice d’emploi. En revanche, elles en créent dans les pays des constructeurs. Les consommateurs des pays non-constructeurs subventionnent donc de l’activité industrielle à l’étranger.

Cela vaut aussi pour le solaire photovoltaïque, dont les panneaux proviennent maintenant de Chine, qui n’a besoin de personnel que lors de son installation, mais de très peu pour la maintenance sur place.

En outre, l’augmentation du coût de l’électricité qui en résulte affaiblit le dynamisme économique et donc l’emploi.

En Europe, les pays constructeurs d’éoliennes, Allemagne, Danemark et l’Espagne1, ont dans la phase de développement initiale de l’éolien créé des emplois. L’opposition croissante des populations et le coût considérable des subventions à l’éolien pour les budgets publics ont ralenti cette expansion. Les marchés intérieurs ont commencé pour la plupart d’être saturés 2. Ceux encore peu saturés comme celui de la France font donc l’objet d’une prospection agressive.

Des faillites ont commencé à se produire, dont celle en 2019 de Senvion en Allemagne3. La crise est maintenant profonde chez Enercon, principal fabricant allemand. Mais d’autres fabricants sont en difficulté, comme Vestas, Nordex, Siemens4.

Le solaire photovoltaïque a connu quelques années avant la même histoire avec l’intervention d’un autre joueur, la Chine. Les industries européennes de panneaux solaires se sont effondrées, à quelques exceptions de niche près. C’est ainsi qu’entre autres Q-Cells et Solarhybrid ont fait faillite en Allemagne5. Photowatt en France a été placé en redressement judiciaire. Une partie de ses actifs a été alors rachetée par une filiale d’EDF énergies nouvelles6, ce qui est une nationalisation qui ne veut pas dire son nom.

La Chine est devenue de loin le principal fournisseur de l’Europe en panneaux solaires, fabriqués avec une énergie tirée principalement du charbon !

La Chine pourrait bien prochainement être aussi son principal fournisseur d’éoliennes ! Car la Chine, après l’avoir fait pour le solaire photovoltaïque, se taille maintenant la part du lion sur le marché mondial de l’éolien, avec 5 entreprises chinoises parmi les 10 plus importantes au monde, dont le géant Goldwin, 2ème fabricant mondial d’éoliennes, dont le matériel a commencé sa percée en France7,8.

Les faillites ont déjà détruit en Europe par dizaines de milliers les emplois qui avaient été créés pendant la phase d’expansion de l’éolien et du solaire PV.

En Allemagne la presse parle maintenant de « trou sans fond» ou de « grand gâchis » au sujet des énergies renouvelables9. 

De nombreuses études économiques ont été faites dans divers pays européens sur les emplois « verts » promis en abondance par l’Ecologie politique.

Elles confirment que l’éolien et le solaire photovoltaïque détruisent maintenant plus d’emplois qu’ils n’en créent en Europe 10,11,12,13.

Chapitre 14 - L’éolien tant terrestre que marin massacre les espaces naturels en Europe

Un des problèmes que rencontrent actuellement les sociétés industrielles est l’artificialisation croissante de leur territoire par l’habitat, les industries, les voies de transport, les commerces de masse et les parcs d’attraction. La place consacrée à l’agriculture, mais aussi aux espaces naturels de plus en plus indispensables à la « respiration » de ces sociétés, est ainsi de plus en plus restreinte. Cette artificialisation a aussi pour conséquence une diminution de la biodiversité, par diminution de la variété, ainsi que des surfaces, des biotopes nécessaires à l’existence des espèces végétales et animales.

Les promoteurs de l’éolien terrestre le décrivent comme très peu consommateur d’espace. Pour le « démontrer », ils calculent la surface occupée au sol par une éolienne terrestre actuelle, soit environ 2000 m2   avec la surface empierrée de grutage, et la multiplient par le nombre d’éoliennes sur le territoire. L’emprise au sol des éoliennes proprement dites, actuellement de l’ordre de quelques dizaines de milliers d’hectares en Europe, est minime prétendent-ils car on peut cultiver entre les éoliennes.

Ce n’est que le premier niveau de l’espace gaspillé par l’éolien. Car s’ajoute la surface consommée et polluée par l’arasement des terres pour permettre la circulation des engins lors de la construction, par les chemins et voies d’accès et par les tranchées nécessaires au passage des câbles électriques sur des kilomètres.

Les éoliennes ayant une durée d’exploitation de l’ordre de 20 ans, elles sont progressivement remplacées sur les mêmes lieux par des éoliennes plus puissantes, c’est ce qu’on appelle le « repowering ». Les socles actuels ne peuvent pas recevoir les nouvelles éoliennes, qui sont construites sur de nouveaux socles plus massifs à côté des premiers. Ceux-ci sont simplement, après en avoir récupéré la virole d’ancrage, rabotés sur un mètre de profondeur dans la plupart des pays. Ils restent pour l’essentiel en terre.

En cas de faillite de l’exploitant les surfaces occupées par les éoliennes deviendront les nouvelles friches industrielles.

Il y a aussi la surface rendue inhabitable par un parc éolien, qui ne peut plus non plus être considérée comme une zone naturelle. Une règle de pouce est que l’on peut installer de l’ordre de 10 MW de puissance nominale d’éolien par km2. En effet une distance minimale de l’ordre de quelques centaines de mètres, croissante avec la puissance nominale, doit être respectée entre les éoliennes pour qu’elles ne perdent pas de puissance effective en se coupant le vent » les unes les autres, soit par km2, 5 éoliennes de 2 MW de puissance nominale, mais seulement 2 de 5 MW. 10 MW, c’est à peu près la puissance moyenne installée dans les parcs éoliens courants.

 Compte tenu du facteur de charge moyen de l’éolien terrestre en France, cela signifie par km2 une puissance électrique effective fournie de l’ordre de 2,3 MW (ou encore 2,3 W/m2) et un productible moyen d’électricité d’environ 20 GWh1.

Mais cette surface inhabitable atteint jusqu’à 4 km2 si l’on y intègre la distance de sécurité minimale par rapport aux habitations les plus proches qui est retenue en France, pour l’instant de 500 m. Elle est trop faible, car cette proximité entraîne des nuisances et pose des problèmes sanitaires dont se plaignent avec de plus en plus de force les riverains 2,3.

S’ils étaient enfin écoutés, cette distance devrait logiquement augmenter, malgré l’opposition farouche des promoteurs de l’éolien. Mais les projets d’augmentation sont abandonnés sous la pression des lobbies partout en Europe.

Une moyenne de 3 km2 est rendue inhabitable en France par parc de 10 MW suivant les critères actuels. La puissance d’éolien terrestre dont le gouvernement français veut disposer d’ici 2028 est de 34 000 MW. La surface rendue ainsi inhabitable sera donc de 11600 km2, soit la surface de deux départements français de taille moyenne. Elle quadruplerait si, pour protéger correctement les riverains des nuisances, les distances de sécurité étaient augmentées comme il conviendrait.

En ce qui concerne le solaire photovoltaïque, les meilleures réalisations actuelles, telles que la centrale de Cestas près de Bordeaux, permettent d’installer environ 15 MWc par km2 de surface occupée. Le Gouvernement français veut disposer 44 GWc de fermes solaires photovoltaïques d’ici 2028. La surface occupée sera donc au minimum de 2900 km2.

Le solaire n’a pas de fondations lourdes comme l’éolien et peut donc libérer complètement en fin de vie le terrain occupé si cela est souhaité. Il défigure beaucoup moins les paysages et crée moins de nuisances à ses riverains. Mais la surface occupée par les panneaux solaires occulte bien évidemment la lumière solaire, empêchant ainsi les végétaux, et les animaux qui s’en nourrissent, de subsister.

Il est instructif de comparer ces surfaces à celles occupées par les centrales pilotables. En France, ces centrales sont essentiellement des centrales nucléaires. La centrale du Blayais en Gironde, de puissance 3,6 GW, occupe environ 2 km2 avec ses bâtiments de service et produit bon an mal an 24 TWh d’électricité, soit un facteur de charge de 76 %. En Gironde, le facteur de charge moyen de l’éolien terrestre est d’environ 17 %. Pour produire 24 TWh d’éolien en Gironde il faudrait une puissance d’éoliennes d’environ 16 GW, et rendre ainsi inhabitable, mais aussi défigurer, une surface d’environ 3200 km2, soit plus de la moitié du département ! Cela pour produire une électricité inutilisable sans le secours de centrales pilotables comme celle du Blayais !

En ce qui concerne le solaire PV, dont le facteur de charge est de l’ordre de 14 % en Gironde, il faudrait occuper une surface de «seulement» 1600 km2, à condition cependant que les centrales installées soient aussi efficaces de celle de Cestas. En ce cas, il ne serait pas question de cultiver entre les panneaux solaires !

Sous l’aiguillon des promoteurs fleurissent les scénarios autour du mythe « 100 % d’électricités renouvelables en Europe en 2050, c’est possible et çà ne coûtera pas cher ». L’ordre de grandeur de la puissance d’éolien qui est prévu par ces scénarios atteint pour certains d’entre eux 100 000 MW rien qu’en France, ce qui reviendrait donc à rendre inhabitable une surface équivalente à celle de 6 départements moyens, mais 24 départements si les élus se décidaient enfin à protéger réellement les riverains de ces énormes machines.          

Un autre niveau d’occupation de l’espace est à prendre en compte. C’est celui correspondant à l’espace de visibilité des éoliennes. Les éoliennes atteignent maintenant des hauteurs avec pales de 200 mètres et plus, et sont visibles de très loin dans les espaces ruraux faiblement vallonnés où elles sont généralement implantées, de préférence sur les hauteurs où les vents sont plus forts. Elles sont équipées de flash lumineux fonctionnant jour et nuit pour les signaler en permanence aux avions qui les survolent.

100 000 MW d’éoliennes en France signifierait 50 000 éoliennes de 2 MW, une en moyenne pour 10 km2 du territoire français habitable. Si elles étaient réparties également sur le territoire, chaque Français se trouverait à moins de trois kilomètres d’une éolienne géante, mais ce n’est qu’une moyenne. Les éoliennes s’accumulent de préférence dans les territoires ruraux les mieux ventés, où les Français se trouvent littéralement encagés. Certaines régions, comme les Hauts-de-France, le Grand Est ou le Nord-Est de la Charente-Maritime, commencent à réaliser le désastre, mais aussi beaucoup de villages un peu partout en France. Ce désastre n’en est pourtant qu’à ses prémisses, avec actuellement environ 8000 éoliennes implantées en France. Il s’agit déjà d’une véritable colonisation des territoires ruraux.

Une étude de 20184 fait l’hypothèse d’un total de 25 000 éoliennes terrestres d’une puissance moyenne de 2,5 MW installées en France d’ici 2030-2035. Elle identifie un « cercle de vive sensibilité » à l’éolien d’environ 7 km2 en moyenne par éolienne, en clair un cercle de diamètre 3 km à l’intérieur duquel les habitants se sentiraient vivement affectés par la présence de cette éolienne. Près de la moitié des territoires ruraux de la France serait alors incluse dans ces cercles de vive sensibilité.

Facteur aggravant, selon une étude récente de chercheurs américains5, du fait d’une interaction croissante avec la circulation atmosphérique, l’occupation à grande échelle de l’espace par les éoliennes pourrait avoir comme résultat une diminution de leur facteur de charge global dans des proportions importantes. La puissance électrique moyenne au km2 occupé pourrait en France être ainsi divisée par deux ou même plus, et la surface rendue inhabitable multipliée dans les mêmes proportions pour produire la même quantité d’électricité.

Pour l’éolien en mer, les projets actuels du gouvernement français sont d’environ 6 GW installés d’ici 2028, par parc d’environ 500 MW. Chacun de ces parcs occuperait environ 100 km2 du domaine maritime, ce qui fait 1200 km2 au total. Surface qu’il faut à peu près doubler pour des raisons de sécurité maritime. Ces surfaces, toujours pour raison de sécurité, sont maintenant interdites à la pêche et à la plaisance partout en Europe. Or, du fait des particularités des côtes françaises, où les fonds marins descendent généralement très vite avec la distance au rivage, ces parcs éoliens ne peuvent être installés qu’à petite distance des côtes, là où l’espace est le plus précieux parce qu’il est le lieu privilégié d’un grand nombre d’activités : pêche, nautisme, tourisme.

Pour éviter une partie de ces problèmes, mais aussi pour récupérer des vents plus favorables au large, des éoliennes « flottantes » à une distance plus importante des côtes seraient à la manière des plates-formes pétrolières installées sur de gigantesques barges flottantes arrimées au fond par des câbles. Mais qu’en sera-t-il de leur modèle économique? Sera-t-il moins catastrophique que celui de l’éolien en mer6 ? Qu’arrivera-t-il si les câbles d’arrimages se rompent par forte tempête?

L’association professionnelle WindEurope prétend avoir été mandatée par la Commission européenne pour construire 450 GW de parcs éoliens au large des côtes européennes, dont 57 GW au large des côtes françaises7, au nom bien sûr de la défense du climat et de l’environnement. Cela représente l’installation d’environ 1000 parcs de la taille de ceux qui sont déjà en activité, soit environ 100 000 km2 de surface à proximité du littoral interdite à toute autre activité, surface à doubler pour raison de sécurité ! Cela pour un coût d’investissement sur 60 ans d’environ 5000 milliards, équivalent à celui de 700 EPR futurs. Ces parcs éoliens produiraient sur ces 60 ans 5 fois moins d’électricité que ces EPR ! De surcroît cette électricité intermittente n’aurait aucune valeur sans centrales pilotables associées !

Vous croyez rêver ? Eh bien non.

Un autre aspect très préoccupant de l’occupation de l’espace par l’éolien est qu’il cherche à coloniser, aussi bien à terre qu’en mer, les Parcs Naturels et les zones Natura 2000 que l’on a pourtant eu tant de mal à créer en Europe, et qui sont indispensables à la « respiration » de notre société industrielle, mais aussi à la protection de notre biodiversité. La raison en est simple : il s’agit de zones où il n’y a pas beaucoup d’électeurs, alors qu’ailleurs les nuages électoraux commencent à s’accumuler sur l’éolien.

L’éolien, aussi bien à terre qu’en mer, est devenu en Europe une redoutable machine à massacrer l’environnement. C’est aussi la colonisation des espaces ruraux et littoraux par le capitalisme vert, dont le vecteur idéologique est l’écologie politique.

Chapitre 15 – L’éolien et le solaire photovoltaïque sont-ils des énergies renouvelables ?

Cette question va en faire sursauter plus d’un, tant cela est contraire à la représentation collective actuelle, et même va-t-elle sans doute heurter la « sensibilité écologique » de beaucoup.

Nous vous proposons ici d’y réfléchir un peu ensemble !

Par énergie renouvelable, on entend une énergie dont le flux est indéfiniment renouvelé au cours du temps par la nature, et qui donc ne manquera jamais à l’homme, dans la limite cependant des quantités récupérables des énergies véhiculées par ces flux.

Le vent et le soleil sont incontestablement renouvelables à l’échelle humaine, si on se limite à cette définition théorique.

Encore faut-il pouvoir les mettre en œuvre, et cela nécessite non seulement de pouvoir fabriquer des éoliennes et des panneaux solaires, mais aussi de disposer de centrales pilotables, ou un jour lointain peut-être de stockages massifs d’électricité, pour gérer leur intermittence.

Une centrale éolienne ou photovoltaïque nécessite pour sa construction des quantités très importantes de matériaux par MWh d’électricité produite, dont certains sont stratégiques ou rares (chapitre 11). L’électricité éolienne ou solaire ne peut guère aider à les extraire et à les façonner. Ces matériaux, même s’ils sont partiellement recyclables, ne sont pas éternellement durables. L’éolien ne peut donc pas perdurer au-delà de la disponibilité de ces matériaux à un prix économiquement acceptable. Il en est de même du solaire PV. Les stockages également demanderont de grandes quantités de matériaux. L’Europe n’est pas capable d’en produire des quantités suffisantes, et doit déjà les importer. Le développement de l’éolien et du solaire PV accentueront ce déficit. La crise du coronavirus a montré l’importance de ne pas dépendre de l’étranger pour des questions stratégiques.

Il y a cependant une raison plus immédiate à ce caractère non renouvelable : c’est l’intermittence de l’éolien et du solaire PV, qui contraint l’utilisateur à mixer l’électricité produite avec celle de centrales pilotables. Celles-ci utilisent, hors hydraulique et biomasse certes renouvelables mais aux possibilités limitées, des combustibles fossiles ou nucléaires. Et cela durera tant que l’on ne saura pas stocker l’électricité de façon massive, ce qui ne sera peut-être jamais le cas (chapitre 5).

La question centrale est celle-ci : combien de temps encore pourrons-nous disposer de combustibles fossiles ou de nucléaire pour alimenter les centrales pilotables ?

En ce qui concerne les combustibles fossiles, l’insouciance semble être la règle en Europe. Pourquoi se soucier de substances dont les réserves sont, tous les médias vous le disent, très importantes. Le bas prix du pétrole en 2020 n’en est-il pas une démonstration ?

Les médias commettent à ce sujet une erreur fondamentale et tenace : tout comme la vitesse d’une voiture est réglée non par le volume de son réservoir, mais par la vitesse d’injection des carburants par son carburateur, la marche de l’économie n’est pas réglée par le volume des réserves de combustibles fossiles, mais par la vitesse à laquelle on peut les extraire pour en faire des produits énergétiques ! Cette vitesse de production ne peut que décliner quand on ne découvre plus assez de réserves pour renouveler les réserves exploitées, ce qui est le cas depuis 40 ans pour le pétrole1. Ce déclin entraînera le déclin progressif de toutes les activités qui en dépendent étroitement, même s’il peut être ralenti par une meilleure efficacité d’utilisation.

En Europe ce déclin est manifeste et rapide. A l’échelle mondiale les réserves de combustibles fossiles sont devenues insuffisantes pour garantir une croissance de l’économie au-delà d’une ou deux décades1 ! Le premier à décliner sera le pétrole, vers 2025. Ensuite viendra le gaz naturel, vers 2035-2040. Pour le charbon la date du déclin est plus difficile à anticiper. La production de la Chine, 50 % de la production mondiale, stagne depuis quelques années de sorte que pour maintenir son économie en croissance ce pays importe déjà massivement du charbon australien et indonésien. La production de charbon semble déjà proche de son déclin !

L’éolien et le solaire photovoltaïque assistés par des centrales à charbon et à gaz, comme c’est le cas en Allemagne, ne seront pas plus renouvelables que le charbon et le gaz !

Pour le nucléaire, on s’accorde pour dire qu’au rythme actuel de consommation, avec les réserves  connues et les types de centrales actuels, il n’irait pas beaucoup au-delà de ce siècle. Cependant, comme cela a été longtemps le cas pour les combustibles fossiles, les progrès des techniques de son exploration mettront très probablement à jour de nouvelles réserves.

Il a cependant plus d‘atouts, détaillés chapitre 7, que les combustibles fossiles : - le premier est le développement des réacteurs à neutrons rapides, qui permettraient de multiplier par au moins 50 les réserves actuelles d’uranium, grâce à l’utilisation de l’uranium 2382 - le deuxième est la possibilité d’utiliser la chaleur produite en quantités considérables par les réacteurs nucléaires, et actuellement perdue- Le troisième est l’utilisation du thorium, trois fois plus abondant que l’uranium- Le quatrième est le développement de petits réacteurs (SMR) plus versatiles que les gros réacteurs actuels.

Lors du débat public du printemps 2018 sur la programmation pluriannuelle de l’énergie PPE) en France3, des fonctionnaires du Ministère de la transition énergétique et solidaire qui l’avaient organisé ont reconnu à mots couverts que l’éolien et le solaire photovoltaïque français ne serviraient à rien pour faire face à l’urgence climatique. Le président de la Commission de Régulation de l’Energie (CRE), Monsieur CARENCO, l’a de son côté reconnu explicitement 4 lors d’une audition devant la Commission AUBERT de l’Assemblée Nationale 5, ainsi que Madame MEYNIER-MILLEFERT, rapporteure de cette commission, lors d’un congrès de France Energie Eolienne6.

Saluons l’honnêteté et le courage de ces personnes. Les médias publics n’ont pas souhaité, c’est bien dommage, faire connaître leurs déclarations.

Il leur reste cependant à faire comprendre, et ce ne sera pas facile, que l’éolien et le solaire photovoltaïque ne servent non plus à rien pour fermer des réacteurs nucléaires, puisque leur puissance totale est indispensable pour faire face aux pannes de vent, et que pour fermer ces réacteurs, il faudra construire en France une puissance équivalente de centrales à combustibles fossiles.

Le Ministère a immédiatement créé un nouveau slogan : l’éolien (et le solaire photovoltaïque) nous sont indispensables pour diversifier nos sources d’électricité et ainsi sécuriser notre avenir énergétique, ce qui a été traduit par les médias sous la forme « il ne faut pas mettre tous ses œufs dans le même panier ».

Les arguments ci-dessus montrent qu’il s’agit d’un slogan trompeur de plus, propagé cette fois très rapidement par nos médias nationaux, et même d’un abus de confiance. Il est justifié par ses auteurs par une diminution du risque de rupture de l’approvisionnement électrique du fait d’un défaut générique de nos réacteurs nucléaires qui forcerait à les arrêter en même temps ! Une diversification n’aurait en effet d’intérêt que si elle amenait un bien pour les consommateurs, sécurité d’alimentation électrique renforcée, ou diminution du prix de l’électricité pour les consommateurs. C’est exactement l’inverse qui se produit avec une augmentation de la part des ElRi dans le mix électrique d’un pays : le risque que toutes les centrales pilotables d’un pays tombent en panne en même temps du fait d’un risque générique n’existe qu’en « expérience de pensée », y compris pour les centrales nucléaires françaises. Par contre, il est certain que fréquemment en hiver, un anticyclone s’installera sur une grande partie de l’Europe, avec comme conséquence des jours très froids et un manque généralisé de vent et de soleil, comme observé dix jours d’affilée en Janvier 2019. Augmenter leur part dans le mix électrique crée des risques supplémentaires au lieu de les diminuer. Selon la formule piquante de Jean-Marc JANCOVICI, « remplacer une jambe en bon état par une jambe de bois c’est de la diversification, mais çà n’améliore pas la qualité de la marche.

L’éolien et le solaire photovoltaïque ne sont pas plus renouvelables que les électricités produites par les centrales pilotables qui leur sont indispensables, nucléaires ou à combustibles fossiles.

Remplacer des moyens pilotables par des moyens intermittents dont la puissance garantie est très faible réduit la sécurité d’alimentation des Français sur le court terme et encore plus sur le long terme, et les encourage ainsi à acheter dès maintenant des batteries et des groupes électrogènes, pour se prémunir contre les pannes de courant7.

 Cela fait aussi automatiquement grimper le prix de l’électricité (chapitres 9 et 10).

 

Chapitre 16 - L’éolien et le solaire photovoltaïque ne peuvent pas assurer l’autonomie électrique d’un territoire, et encore moins créer des territoires à « énergie positive »

Un des nombreux mantras de leurs promoteurs est d’affirmer avec assurance que l’éolien et le solaire photovoltaïque peuvent assurer l’autonomie énergétique d’un territoire, et même créer des « territoires à énergie positive », c’est-à-dire des territoires produisant plus d’énergie qu’ils n’en consomment. C’est le Credo de la Présidente actuelle de la Région Occitanie en France, ou encore celui du Danemark et de certains Länder allemands.

Il y a effectivement des territoires à énergie positive dans le monde. C’est le cas par exemple de l’Arabie Saoudite, qui produit beaucoup plus de pétrole qu’elle n’en consomme, et peut produire avec lui non seulement toutes les autres formes d’énergie dont elle a besoin, mais de plus alimenter son budget avec le produit de ses ventes à l’exportation. Le département de l’Ardèche en France, peu peuplé et peu industrialisé, est aussi à énergie positive car sa production électrique excédentaire, grâce à ses réacteurs nucléaires installés le long du Rhône, compense largement ses besoins importés sous forme d’autres énergies (pétrole et gaz). Mais l’Occitanie, le Danemark ou l’Allemagne ?

Un des vices les plus redoutables des discussions actuelles sur l’énergie est la confusion qui est faite, voire sciemment entretenue, entre énergie et électricité.

L’électricité n’est qu’une des formes de l’énergie : elle ne représente en Europe qu’une partie de l’énergie dont elle a besoin. Une part bien plus grande de cette énergie lui est fournie par les combustibles fossiles, et en particulier le pétrole sous forme de carburants. Et pourtant les débats publics ne portent pratiquement que sur l’électricité, renouvelable contre nucléaire, et ignorent les combustibles fossiles. Nos responsables politiques au plus haut niveau, et même nos ministres de l’environnement qui ont maintenant en charge l’énergie, semblent totalement ignorer que l’énergie dont nous avons besoin n’est pas la seule électricité.

Un territoire, cela a une surface, des habitants et des ressources en énergie. Quand on parle de territoire autonome en énergie, de quel territoire parle-t-on ?

Pour de nombreux Européens, la douce vision qui s’impose alors à l’esprit est celle d’un joli village installé sur une commune de quelques dizaines de km2, alimenté en électricité uniquement par de belles éoliennes tournant lentement dans le soleil couchant et des panneaux solaires sur les toits de toutes les maisons. Malheureusement les belles éoliennes ne l’alimenteront en électricité que quand il y aura suffisamment de vent, et encore de manière très irrégulière. Les panneaux solaires ne l’alimenteront pas la nuit, et guère les soirs et les matins, et les journées froides d’hiver. C’est une situation analogue à celle décrite au chapitre 3 pour un ménage ayant décidé de ne plus dépendre de l’électricité du réseau. Il faudra donc à ce village s’équiper également d’un groupe électrogène et/ou d’un stockage d’électricité ou... faire appel pour la majeure partie de leurs   besoins en électricité au réseau public alimenté par des moyens pilotables !

On retrouve là le mythe soigneusement entretenu et de ce fait indéracinable dans l’opinion de l’éolien et du solaire photovoltaïque « énergies locales », alors que les producteurs savent pourtant fort bien qu’elles sont évacuées pour l’essentiel par les réseaux de distribution d’électricité fort loin de leur lieu de production1.

Les quelques centaines d’habitants de ce village sont-ils capables de fabriquer ces éoliennes, ces panneaux solaires, ce groupe électrogène ou ce stockage, et même de les entretenir ? Y a-t-il aussi sur cette petite surface les matières premières, les usines pour ces fabrications, et dans ce village les compétences nécessaires ? S’ils ont besoin d’électricité, c’est qu’ils ont des appareils électriques, appareils ménagers, télévisions, ordinateurs, smartphones etc…qui leur paraissent indispensables. Comment vont-ils les fabriquer et les entretenir, produire des programmes de télévision, des logiciels ? Tout cela n’est qu’illusion du « small is beautiful » ou du « small is democratic » orchestré par des idéologues.

Ce n’est pas tout : ces habitants ont bien sûr des véhicules, qui leur servent dans la vie de tous les jours à transporter les personnes, les biens de consommation et les matériaux. Construiront-ils eux-mêmes ces véhicules ? Extrairont-ils de leur sous-sol le pétrole nécessaire, construiront-t-ils la raffinerie pour transformer ce pétrole en carburants et auront-ils les compétences pour cela ? Ils peuvent bien sûr produire des biocarburants, mais sur quelle surface de leur petit territoire sans empiéter gravement sur les surfaces nécessaires à leur alimentation.

Ils ont aussi besoin d’eau saine et de soins de santé. Comment purifieront-ils leur eau ? Fabriqueront-ils leurs médicaments, et pourront-ils former les médecins, les chirurgiens et les spécialistes nécessaires pour les guérir de leurs maux ?

 C’est de la complémentarité qu’est née la coopération, et l’optimisation des spécialités au sein de cette coopération qui facilite l’organisation économique et sociale indispensable à l’évolution de toute société. Cette valorisation des spécialités est pertinente au niveau individuel, comme à celui des territoires.

 Avec les appellations creuses et racoleuses des « circuits courts » « économies solidaires » « production locale », ou autres « participations citoyennes », c’est une régression technologique et une récession économique qu’appelle de ses vœux l’écologisme politique de façon à peine voilée.

Bien sûr, ces habitants peuvent se passer de tout cela, mais ils n’auront alors plus besoin d’éoliennes ni de panneaux photovoltaïques, puisqu’ils n’auront plus besoin d’électricité. Il leur faudra revenir à la traction animale pour les transports, boire l’eau du puits et utiliser les plantes pour se soigner. Cette situation prévalait encore au 18ème siècle, quand l’espérance de vie moyenne à la naissance était de l’ordre de 25 ans. Cette situation ne s’est considérablement améliorée qu’à partir de la Révolution Industrielle, quand l’homme a su utiliser progressivement à son profit l’énergie chimique des combustibles fossiles, charbon, puis pétrole, puis gaz et maintenant l’énergie nucléaire.

Cette caricature illustre le fait que plus un territoire est grand, plus il a de chances de pouvoir être autonome en énergie, parce que la probabilité qu’il possède les ressources énergétiques suffisantes est plus grande. Encore faut-il que sa population soit suffisamment éduquée pour que toutes les spécialités nécessaires s’y trouvent, mais aussi qu’il ne soit pas trop densément peuplé pour que sa consommation en énergie et matières premières ne devienne pas supérieure à ses ressources. Des pays comme le Canada, la Russie, l’Australie sont de ce point de vue très favorisés, mais pas pour l’éternité car ils finiront comme les autres par épuiser leurs ressources. Ce n’est pas le cas de l’Europe, qui consomme bien plus d’énergie qu’elle n’en produit à partir des ressources de son sol et de son sous-sol, et doit importer la plus grande partie du pétrole, du gaz, du charbon et de l’uranium qu’elle consomme (chapitre 7). Cependant trois pays peu peuplés, la Norvège, la Suède et la Suisse tirent déjà bien mieux que d’autres leur épingle du jeu. La Norvège parce que ses ressources en hydroélectricité, en pétrole et en gaz par habitant sont considérables, les deux autres parce qu’ils ont des ressources hydroélectriques importantes qu’ils complètent par de l’électricité nucléaire. Ces trois pays produisent une électricité pratiquement complètement décarbonée, et pourraient s’il y avait urgence utiliser cette électricité dans d’autres secteurs économiques, comme le chauffage dans l’habitat, et les transports grâce aux véhicules électriques. La France pourrait aussi en faire autant. Elle a par habitant bien moins de ressources en hydroélectricité que ces pays, mais elle a plus de nucléaire.

Ces notions d’autonomie énergétique et de territoire à énergie positive grâce essentiellement à l’éolien et au solaire photovoltaïque sont en fait des leurres qui parlent à l’imagination, flattent les élus locaux, mais n’ont de rationalité ni technique ni économique. Ce ne sont que des illusions. C’est le syndrome de Robinson Crusoé, tout seul sur son île. Curieusement, ceux qui rêvent de cette autonomie, c’est-à-dire ceux qui croient pouvoir ne dépendre de personne, sont les premiers à célébrer la communauté des hommes et la démocratie.

 

Chapitre 17- Les méthodes de la désinformation

“La propagande est en  démocratie ce qu’est la matraque dans un état totalitaire.  Noam Chomsky, 1995 in Media Control: The Spectacular Achievements of Propaganda

 

Pourquoi les Européens sont-ils pour l’instant si mal informés sur l’éolien et le solaire photovoltaïque ?

L’information existe pourtant, comme en témoignent les nombreuses références citées dans cet ouvrage ! Encore faudrait-il que chacun ait l’envie de se saisir de ce sujet qui n’est pas simple et en tirer les conclusions qui s’imposent quant à ses choix et ses comportements.

Or un discours simpliste et trompeur, incessamment répété par les médias a été confectionné à l’intention des Européens par une puissante convergence d’intérêts politiques et financiers entre des activistes de l’Ecologie politique, des ONG dites « environnementales » ayant un accès privilégié aux grands moyens d’information, des élus en quête d’électeurs et de subventions, des industriels ayant besoin de nouveaux marchés, et des spéculateurs internationaux qui voient dans l’éolien et le solaire photovoltaïque une très bonne affaire qui leur permet de profiter de l’effet d’aubaine des subventions publiques.

De façon à première vue surprenante s’est ainsi scellée une alliance que l’on aurait pu croire contre nature entre une Ecologie politique qui se prétend résolument anticapitaliste et le capitalisme financier qu’elle dit vouloir combattre1. Ces capitalistes « verts » sont subventionnés par les tarifs de rachat de l’électricité qui leur permettent des retours sur investissements à deux chiffres garantis par contrats sur des durées de 15 à 20 ans.

Pour servir tous ces intérêts, une mode de l’éolien et du solaire PV a en même temps été lancée avec le support des grands médias nationaux et internationaux en s’appuyant sur des éléments de langage vantant la pureté du vent et du soleil et des slogans gratifiants sans cesse répétés pendant des années par les militants de l’Ecologie politique et leurs alliés: « L’éolien et le solaire photovoltaïque, c’est bon pour la planète et c’est gratuit. Avec eux, nous allons sauver notre planète du désastre qui la guette ». Cette mode a créé une représentation collective à l’échelle mondiale, en particulier chez ceux qui sont loin de la réalité du terrain et peu familiers des sciences et des techniques, une « pensée unique » qui devant les critiques qu’on ose lui faire prend hélas de plus en plus la forme d’un terrorisme intellectuel institutionnel.

Profondément influencés par cette désinformation très efficace, les Européens sont devenus pour beaucoup demandeurs d’éolien et de solaire PV sans du tout comprendre les conséquences économiques, humaines et environnementales qu’auraient leur développement massif.

En 1928, Edward BERNAYS, un neveu américain du père de la psychanalyse Sigmund FREUD, a fait paraître un petit ouvrage intitulé Propaganda, comment manipuler l’opinion en démocratie 2. Edward BERNAYS fait le constat qu’en démocratie, on ne peut rien faire contre l’opinion. Si un parti politique veut gagner les élections, si un industriel ou un commerçant veut mieux vendre ses produits, ou si une secte veut gagner des adhérents, il lui faut façonner l’opinion pour qu’elle adhère à ses projets.

Edward BERNAYS expose les principes de base à suivre pour cela : Ils reposent principalement sur la manipulation de l’inconscient, de l’émotion et de l’ignorance des personnes visées. Le message «utile», martelé par tous les moyens possibles d’information, est réduit à des mantras, slogans ou images. Par cette répétition ils retiennent de façon durable l’attention du lecteur ou de l’auditeur et créent chez lui un réflexe pavlovien3 qui annihile ses capacités de réflexion. Qui n’a remarqué en ce qui concerne l’éolien et le photovoltaïque les images fugaces d’éoliennes et de panneaux solaires qui apparaissent à propos de tout et de rien à la télévision ?

Mais, il est encore plus important de faire diffuser ces messages de désinformation grâce à des « faiseurs d’opinion », en France les « communicants » ou chez les Anglo-Saxons les «spin doctors». Ces « hommes de l’ombre » expérimentés savent utiliser efficacement cette tendance irrépressible de l’opinion et en particulier de la jeunesse à réagir d’abord émotionnellement et à suivre instinctivement l’avis des personnalités qu’elle aime, qu’elle admire ou qui la font rêver. Ces personnalités dites d’influence sont des leaders politiques, syndicaux ou religieux, mais encore plus celles dont on parle, que l’on invite constamment à la télévision, ou que l’on voit dans les magazines « grand public ». Ce sont les « people »: politiciens charismatiques, représentants d’ONG ayant pignon sur rue, chanteurs, acteurs, présentateurs de télévision, photographes et cinéastes célèbres, journalistes à la mode, sportifs de haut niveau, créateurs de mode, jeunes ou même très jeunes pour entraîner la jeunesse, promesse de futurs clients, adhérents ou électeurs . Il y a aussi maintenant sur les réseaux sociaux ceux que l’on appelle les « influenceurs ».

Ces personnes agissent de manière consciente ou inconsciente en faveur de l’idée ou du produit à défendre. Tout cela nécessite évidemment le concours actif des médias.

Edward BERNAYS donne l’exemple du velours, de plus en plus démodé en son temps aux Etats-Unis : Grâce à des faiseurs d’opinion s’appuyant sur des créateurs de mode parisiens, les fabricants ont réussi à renverser cette tendance et à faire porter à nouveau du velours aux élégantes américaines.

Les méthodes modernes de « communication » et de « marketing » dérivent de ces principes, et ont depuis énormément gagné en efficacité. La télévision, puis Internet en ont démultiplié la puissance et la rapidité. Ces médias ont été massivement utilisés pour promouvoir l’éolien et le solaire photovoltaïque en Europe.

Que ces méthodes soient appliquées pour vendre du rêve, des parfums, des produits de luxe ou de beauté, ou encore du velours, des tapis, des aspirateurs, c’est de la responsabilité des industriels qui les fabriquent. Tant pis pour ceux qui tombent dans le panneau. Elles peuvent cependant si on le désire être appliquées à l’insu mais au bénéfice des consommateurs4.

Mais que ces méthodes soient utilisées au détriment des consommateurs par les Etats dans un domaine aussi vital pour nos sociétés que l’énergie, c’est très préoccupant.

Une situation dangereuse pour la démocratie s’est ainsi créée : l’opinion, manipulée sans cesse par des intérêts contradictoires et réagissant surtout émotionnellement est devenue incapable de discerner le vrai du faux dans le déferlement incessant de « fake news » que leur assènent les médias et les réseaux sociaux. Victimes des monstres médiatiques qu’ils ont tant contribué à créer, les dirigeants européens ne contrôlent plus cette situation, étant eux-mêmes devenus, pour des raisons électorales, de plus en plus soumis aux modes créées ainsi dans l’opinion publique, et incapables de veiller à l’honnêteté et à l’objectivité de l’information5.

La soumission collective de l’opinion à la mode de l’éolien et du solaire photovoltaïque obtenue ainsi par des intérêts économiques et politiques puissants n’a pas seulement atteint nos dirigeants. Elle a aussi gagné les grands industriels de l’énergie. En France les principaux énergéticiens EDF, Engie, Total participent activement à cette « trahison des clercs ». Dans leur cas, ce n’est pas par ignorance, mais pour répondre aux « attentes » de l’opinion et à celles de leur actionnaire majoritaire qui est ici l’Etat, et surtout pour capter le plus possible de la manne des subventions octroyées par les pouvoirs publics. Le Président de la Compagnie Total a clairement résumé cette équation pour expliquer les investissements de son entreprise dans les renouvelables en déclarant ce qui est durable, c’est ce qui est rentable6 ! Il serait illusoire de chercher d’autres motivations.

L'affaiblissement que l’on constate année après année de la culture scientifique de la population européenne et de ses élus, a aussi des conséquences graves : Les politiques, qui prennent les décisions, se révèlent de plus en plus incapables d’assimiler ce que leur disent les scientifiques, alors que jamais dans l’histoire de l’humanité la marche des sociétés n’a autant dépendu des sciences et des technologies. Un fossé se creuse ainsi entre « politiques » et « scientifiques ».

En France, cette situation appelle un débat national sur l’énergie dont les conclusions ne soient pas écrites avant le débat comme c’est devenu la règle. Il faut qu’il soit animé par des scientifiques spécialistes de ces questions et non par des commissaires politiques, et qu’il soit encadré par de grandes institutions scientifiques, l’Académie des sciences, l’Académie des technologies et le Collège de France. L’ensemble des facettes de la problématique, pour toutes les filières, doit être abordé sous l’angle de l’analyse du cycle de vie. Les questions posées dans cet ouvrage, pour lesquelles les citoyens ont le droit de connaître la réponse des scientifiques, ne doivent plus être sans cesse éludées par la puissance publique.

 

Conclusion - L’éolien et le solaire photovoltaïque en Europe :

                             Des Européens dupés, mais contents

 « D’abord, un vœu de vérité : Oui, nous souhaiter en 2019 de ne pas oublier qu’on ne bâtit rien sur des mensonges ou des ambiguïtés ». Vœux de Nouvel An du Président MACRON aux Français pour 2019.

« Il est plus facile de duper les gens que de les convaincre qu’ils ont été dupés ». Attribué à Mark TWAIN, 1906.

« Contrairement à ce qu’on pourrait croire, réussir à tout gâcher n’est pas une réussite, mais un échec ». Philippe GELUCK, Le Chat, t.16.

Nous l’avons expliqué tout au long de cet ouvrage : l’éolien et le solaire photovoltaïque n’ont pas du tout les vertus qui leur sont attribuées par la majorité de l’opinion.

L’Europe, où la consommation d’électricité stagne depuis déjà dix ans, n’a pas de réel besoin de leur électricité, d’autant plus que de leur intermittence, c'est-à-dire de leur dépendance à la météo et non à la volonté des hommes, et de leurs énormes besoins en ressources minérales, découlent de graves défauts qui les disqualifient :

- Ce sont des leurres dans la lutte contre le réchauffement climatique, notamment pour les quelques pays européens qui produisent déjà de l’électricité très décarbonée grâce au nucléaire et/ou l’hydroélectricité.

- Ils mettent en danger la stabilité des réseaux électriques européens 1

- Ils ne peuvent être mis en œuvre que grâce aux énormes privilèges qui leur sont accordés, priorité d’accès aux réseaux électriques et subventions publiques sans contrepartie. Paradoxalement, plus ils se développent et plus ils coûtent cher en impôts, subventions et aides des collectivités. L’arrêt des subventions signifierait leur fin !

- Très coûteux pour les ménages, ils génèrent une précarité énergétique croissante pour les plus pauvres d’entre eux dans les pays qui les développent massivement. Ils pénalisent aussi l’industrie, qui perd ainsi de la compétitivité2.  

  - Dans les pays où leurs matériels sont majoritairement importés, cas de presque tous les pays européens dont la France, ils pénalisent la balance commerciale et détruisent plus d’emplois qu’ils n’en créent.

- Leur développement massif, surtout en ce qui concerne l’éolien, à terre comme en mer, a un impact fortement négatif sur l’environnement, la biodiversité3, ainsi que sur la santé, le patrimoine immobilier et le cadre architectural et paysager des riverains.

-Ils ne permettent pas de se passer de centrales pilotables, qu’elles soient nucléaires, à charbon ou à gaz, dont la puissance totale doit être conservée pour faire face aux périodes sans vent et peu ensoleillées.

- Ils sont très grands consommateurs de matières premières et très grands producteurs de déchets.

Pourquoi cette énorme différence entre l’imaginaire collectif et la réalité ?

C’est qu’à force d’images subliminales, de mantras, de slogans trompeurs, d’informations biaisées et de discours stéréotypés gratifiants et d’apparent bon sens, dont le fleuve puissant a été sans cesse alimenté par beaucoup de politiques et par les médias depuis des années, un réflexe pavlovien4 a été créé chez beaucoup d’Européens, en particulier chez ceux dont les connaissances scientifiques et techniques sont les plus faibles ou les moins bien assimilées. Les moyens utilisés pour les « informer », ceux de la publicité et du marketing, demandent de gros moyens financiers et un accès aux médias que n’ont pas les opposants à l’éolien et au solaire photovoltaïque, qui sont surtout des associations de bénévoles ne pouvant compter que sur de maigres cotisations. Une majorité d’Européens croit donc actuellement de bonne foi que sans eux, il n’y a point de salut : c’est grâce à eux que le monde va faire face à l’urgence climatique et sauver ainsi la planète et l’humanité. Les habitants aisés des villes qui n’en supportent pas directement les inconvénients et ne se soucient pas trop de payer bien plus cher leur électricité et leurs carburants, sont les plus « demandeurs », en particulier d’éolien, sans aller toutefois jusqu’à exiger que l’on en installe devant chez eux.  Pour certains, c’est une véritable ferveur religieuse qui s’est emparée d’eux.

Grâce à ce battage médiatique de tous les instants, les promoteurs de l’éolien et du solaire photovoltaïque ont « convaincu » l’opinion publique et les élus de les soutenir, tandis qu’ils profitaient en retour d’une image flatteuse chez les « défenseurs de la nature » les plus naïfs, et surtout d’une impressionnante manne financière sans craindre de crise économique puisqu’il s’agit de subventions permanentes garanties par contrat portant la signature de l’Etat.

En somme, les Européens sont dupés, mais contents !

Mantras, slogans mensongers et désinformation, subventions … ne sont pas dus au hasard. Ils sont liés à de puissants intérêts financiers et industriels alliés à l’Ecologie « politique ». Ces intérêts ont instauré une formidable pression politico-médiatique en faveur de l’éolien et du solaire photovoltaïque non seulement au niveau de l’Europe tout entière mais aussi des autres pays riches. ». Le « Mécanisme de développement propre (MDP) »instauré par le protocole de Kyoto a aussi permis de drainer des milliards de dollars pour financer ces électricités renouvelables intermittentes (ElRi) dans les pays « en développement » afin de générer des droits à polluer par ceux qui les finançaient5.

Mais en même temps se sont créés de forts appétits pour les subventions généreusement dispensées, entraînant en Europe comme le montrent des enquêtes des services d’investigation sur la corruption6 et sur le crime organisé7, une corruption croissante qui peut faire craindre l’installation généralisée de systèmes mafieux pour récupérer ces subventions, comme cela est déjà le cas en Italie8, et récemment en Grèce9. Certains accusent aussi les industries concernées d’atteintes aux droits de l’homme10,11.

L’Ecologie politique a peut-être ainsi fait avancer ses idées, mais parce qu’elle s’est laissé instrumentaliser par ces puissants intérêts, elle a une très forte responsabilité dans cette situation, par sa désinformation et son intimidation incessantes. Un film produit en 2020 par Jeff GIBBS et Michael MOORE12 sur le cas des Etats-Unis montre clairement que l’Ecologie politique y est maintenant devenue à la fois l’alibi vert et l’alliée du capitalisme financier international, avec l’aide de puissantes associations se prétendant environnementales.

Les gouvernements successifs des pays européens lui ont emboîté le pas. La raison en est simple : leur base électorale est devenue fragile. Ayant constaté les progrès de l’Ecologie politique dans l’opinion, ils cherchent à en séduire les électeurs.

Mais presque tous les partis politiques ont fait de même, d’autant plus que dans la période récente ils n’ont pas cessé de se fragmenter en chapelles rivales, qui cherchent à attirer des électeurs supplémentaires pour, croient-elles, prendre ainsi le dessus sur leurs concurrentes. Il y a aussi la pression incessante du très actif lobby des énergies renouvelables, et des élus locaux puissamment appâtés par les retombées financières.

Les soutiens parlementaires des gouvernements européens sont tout aussi coupables. Ceux-ci ont en effet décidé, dans un but purement électoral, d’offrir un boulevard à l’éolien et au solaire photovoltaïque en les subventionnant lourdement, alors même que les sciences physiques montrent leur peu d’intérêt réel en Europe au regard des objectifs climatiques qu’elle affiche, et même leur totale inutilité dans les pays suffisamment bien pourvus en nucléaire et/ou en hydroélectricité. Quantité d’acteurs de cette mascarade ont profité financièrement de cet effet d’aubaine. Le discours destiné à convaincre l’opinion virevolte autour d’épithètes inattendus et variés vantant le caractère local, citoyen ou participatif de ces sources d’énergies qui ne coûtent rien et rapportent gros et dont chaque MWh produit est réputé éviter une quantité impressionnante de CO2 et permettre d’alimenter un nombre tout aussi impressionnant de foyers. Nous avons vu ce qu’il en était réellement ! Un tel discours fait rêver, mais ne résiste pas à l’examen des faits !

Comme l’a très bien dit le Président français Emmanuel MACRON lors de ses vœux aux Français pour 2019, « On ne bâtit rien sur le mensonge et l’ambiguïté ». Même si cela prendra du temps, l’Ecologie politique va finir par se discréditer quand les Européens prendront mieux conscience de ses abus. Il lui sera bien sûr facile de dire comme d’habitude que c’est parce qu’elle n’a pas encore eu les pleins pouvoirs : c’est donc la faute des autres, de ses ennemis, du lobby nucléaire parce que c’est là son obsession, mais aussi de ceux de ses adeptes dont la foi en elle a été insuffisante, on connaît la chanson. Chanson d’autant plus cocasse que le fameux lobby nucléaire est essentiellement contrôlé par les Etats et n’a jamais créé aucun milliardaire, alors que ce sont des groupes financiers internationaux et des individus déjà fortunés qui, avec peu de risques, s’enrichissent rapidement avec l’éolien et le solaire photovoltaïque.

Il serait beaucoup plus sage pour l’Ecologie politique de revenir à la sincérité et de reconnaître les faits, plutôt que de les nier ou de les déformer systématiquement. Et aussi de renoncer à son alliance incestueuse avec le capitalisme financier international. Cela lui permettrait d’être rejointe par beaucoup d’autres qui se soucient en réalité bien plus qu’elle de la planète, mais beaucoup moins de prendre le pouvoir, et que choquent sa manipulation incessante de l’opinion. Il deviendrait ainsi possible de travailler à des solutions rationnelles et réalistes aux problèmes énergétiques et environnementaux que rencontre l’Europe.

Il y a pourtant des aspects positifs à toute cette agitation, car elle entraîne beaucoup de réflexions sur l’énergie et l’environnement. Les innovations qui en ont résulté sont déjà substantielles. Mais c’est très loin d’être suffisant. Un considérable effort de recherche est à faire en Europe dans ces domaines, ce qui demande la participation de très nombreux chercheurs et ingénieurs. Or, en France tout du moins, les seules subventions publiques directes (car il y en a aussi beaucoup d’indirectes) aux industriels de l’éolien et du solaire photovoltaïque ont été en 2019 deux fois supérieures aux sommes allouées par le gouvernement français au Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS) qui irrigue toute la recherche publique française !

Tout comme leur alimentation est nécessaire à la survie des hommes, l’énergie l’est à la survie des sociétés industrielles. Car elle est indispensable pour faire fonctionner les machines qui transforment et déplacent la matière bien plus efficacement que les hommes, et donc pour produire les biens et les services que ces sociétés consomment.

C’est l’énergie tirée des combustibles fossiles qui depuis la Révolution Industrielle au 18ème siècle a permis les formidables progrès économiques et sociaux des sociétés industrielles dites « démocratiques » : abondance alimentaire et matérielle, santé, temps et conditions de travail, loisirs, chemin vers l’égalité des sexes, abolition de l’esclavage …), en leur fournissant l’essentiel de l’énergie nécessaire. Et c’est au cours des années qui ont suivi la deuxième guerre mondiale, les « 30 glorieuses », que les Européens ont acquis lessentiel des avantages économiques et sociaux dont ils jouissent actuellement, en premier lieu grâce au pétrole.

Une pénurie énergétique sévère provoquerait la fin des sociétés industrielles, tout comme une famine prolongée peut faire disparaître une population.

 Or les réserves de combustibles fossiles, en premier lieu le pétrole, qui fournissent encore à l’heure actuelle 80 % de l’approvisionnement énergétique mondial, sont menacées d’épuisement progressif avant le milieu de ce siècle13 (chapitre 7). Les productions de l’Europe sont déjà en déclin rapide, et sont maintenant très loin de suffire à ses besoins. Le même déclin menace aussi les ressources des pays extérieurs qui l’approvisionnent aujourd’hui. La question du remplacement des combustibles fossiles par d’autres sources d’énergie est donc la plus importante que l’Europe ait à résoudre, et cela très rapidement, étant donné la grande inertie de la mise en place des systèmes industriels nécessaires pour ce faire.  Les compagnies pétro-gazières et charbonnières ont aussi tout intérêt à chercher dès à présent activement une alternative pérenne de reconversion. Mais, n’est-ce pas, pourquoi se fatiguer pour l’instant à chercher autre chose que ces ElRi subventionnées, financées à fonds perdus par les consommateurs d’électricité et maintenant de carburants, dans lesquelles ces compagnies ont bien sûr déjà investi ?

L’Europe aura un besoin impératif d’énergie pour survivre, et elle ne pourra évidemment pas se contenter de sources d’électricité dont la production intermittente, commandée par la nature et non par l’homme, est décorrélée des besoins humains. Le développement à marche forcée des électricités intermittentes, éolienne et solaire photovoltaïque, n’est donc pas pour elle la bonne carte à jouer.

Elle aura aussi besoin d’électricité propre. Pour un industriel, une électricité propre est une électricité abondante, bon marché et dont la production est très fiable. Elle en aura d’autant plus besoin que l’économie numérique consomme déjà 10 % de la production mondiale et croit très rapidement, et demande une électricité particulièrement propre de ce point de vue. Pour un écologiste, une électricité propre est une électricité dont la production émet très peu de CO2 et respecte le plus possible l’environnement. Il est évident que l’électricité nucléaire est de ces deux points de vue pourtant bien différents, très supérieure aux électricités éolienne et photovoltaïque.

Il est évident que pour remplacer les combustibles fossiles et par là en même temps lutter réellement contre le réchauffement climatique, ce n’est pas en Europe sur la production d’électricité, c’est sur les transports et l’habitat qu’il aurait fallu faire porter en priorité l’effort. Car ce sont les secteurs d’activité qui utilisent le plus les combustibles fossiles et qui sont donc dans la plupart des pays européens, en particulier ceux dont le mix électrique est basé sur l’hydroélectricité et/ou le nucléaire, bien plus émetteurs de CO2 que l’électricité. La politique actuelle de la Commission Européenne, qui veut faire diminuer la production d’électricité nucléaire pour faire place à l’éolien et au solaire photovoltaïque au prétexte de combattre le réchauffement climatique, est profondément hypocrite car elle est sans aucune utilité pour la défense du climat : Elle ne fait que remplacer une électricité décarbonée par une électricité qui l’est moins qu’elle. Elle est à contre-emploi parce qu’elle gaspille des sommes très importantes qui ne peuvent ainsi plus être utilisées pour des actions efficaces dans les secteurs les plus émetteurs, habitat et transport. Elle ne permet même pas en elle-même d’éliminer les réacteurs nucléaires en Europe, ce qui est pourtant son but non avoué, sauf à les remplacer par d’autres centrales pilotables pour pouvoir faire face aux sévères pannes de vent et à l’absence de soleil. Celles-ci ne pourraient guère être qu’à charbon ou à gaz, comme se le permet l’Allemagne avec la bénédiction de l’Europe ! Ce qui aboutira à un résultat très négatif pour le climat, à l’opposé de celui qui est soi-disant souhaité !

Bien au contraire le nucléaire, parce qu’il n’a pas besoin comme le solaire et le photovoltaïque d’être assisté en permanence par un doublon de centrales pilotables, peut fournir de grandes quantités d’électricité à un prix bien moins important qu’un mix électrique contenant de fortes proportions d’éolien et de solaire photovoltaïque. Parce qu’il n’émet au cours de son cycle de vie pratiquement pas de CO2, il serait d’une aide puissante pour remplacer les combustibles fossiles dans beaucoup de leurs usages sans pour autant altérer le climat, alors que c’est hors de portée de l’éolien et du solaire photovoltaïque.

Par contre les énergies renouvelables autres que l’éolien et le solaire photovoltaïque  peuvent jouer un rôle utile:  bien entendu l’hydroélectricité - électricité vraiment renouvelable - mais malheureusement à peu près au bout de ses possibilités en Europe, mais aussi celles avec lesquelles on peut produire directement de la chaleur : chaleur solaire accumulée dans les sols et récupérée par géothermie de surface et pompes à chaleur (PAC), géothermie profonde, chaleur produite par des chauffe-eaux solaire14. Et encore biomasse, sous forme de bois de feu, de biocarburants ou de biogaz, mais en prenant garde à ce que ces productions ne dégradent pas les terres agricoles et n’engendrent pas une déforestation.

Les sommes ainsi gaspillées pour l’éolien, mais aussi pour le solaire photovoltaïque, ne le sont certainement pas pour la défense du climat. Mais en ce qui concerne l’éolien, elles ne le sont pas non plus pour le développement des milieux ruraux, comme on l’entend dire parfois. Le coût d’une éolienne, c’est actuellement environ 1,5 million d’euros par MW de puissance nominale. Avec l’argent ainsi gaspillé pour un seul «parc» de 10 MW, il y aurait donc eu de quoi créer dans les déserts médicaux 10 maisons médicales complètement aménagées, employant chacune une vingtaine de personnes hautement qualifiées !

S’il y a un exemple à ne surtout pas imiter en Europe, c’est justement celui que nous recommande l’Ecologie politique, celui de l’Allemagne, dont les émissions de CO2 de la production électrique sont encore actuellement 8 fois supérieures à celle de la France ou de la Suède par kWh produit, parce qu’elle est obligée d’utiliser du charbon et du gaz pour gérer l’intermittence de son éolien et de son solaire photovoltaïque , dont la puissance installée est pourtant déjà supérieure à celle de sa puissance pilotable.

 Ce charbon et ce gaz sont aussi responsables d’une importante mortalité prématurée en Europe. Ce sera encore très longtemps le cas, car elle persiste obstinément dans cette politique !

Il y a bien longtemps, c’était avant Tchernobyl, l’un de nous rendait visite à un collègue allemand de l’Université de Technologie de Clausthal. Celle-ci est nichée dans les Montagnes du Harz, qui dominent les basses plaines de l’Allemagne du Nord. Elle est proche de la frontière de l’ex-Allemagne de l’Est. La discussion est venue sur l’évolution du climat, dont s’inquiétaient déjà les climatologues. Ce collègue allemand lui a fait part bien entendu de son hostilité au nucléaire. Ce serait dommage que Paris, du fait du réchauffement climatique, disparaisse un jour sous les eaux, lui fut-il répondu, mais dans ce cas les plaines d’Allemagne du Nord seront aussi inondées et le Harz deviendra une île. Il serait donc bien, même pour les Allemands, que ceux-ci arrêtent de brûler du charbon.

Les Allemands ont cru pouvoir résoudre leur dilemme en misant sur les électricités renouvelables. Ils ont déjà dépensé des centaines de milliards d’euros, et en dépenseront encore des milliers de milliards s’ils persistent dans cette voie. Mais, et cela concerne tous les Européens et pas seulement les Allemands, ils ont dû accepter pour cela des progrès trop lents et très insuffisants dans la diminution des émissions de CO2 de leur production d’électricité. Ils ont aussi accepté avec la construction des gazoducs Nord Stream 1 et Nord Stream 2 sous la houlette de Gazprom15, compagnie qui est la première compagnie gazière mondiale, de devenir les fourriers du gaz russe en Europe. Une société de droit allemand, mais filiale à 100 % de Gazprom, Gazprom Germania, a été créée afin de faire de l’Allemagne la plateforme européenne du gaz d’ici 2035.  Gazprom Germania est cependant propriétaire à 100% des actifs du groupe en Europe16.

Elle vend du gaz, en particulier du gaz russe, en Europe, mais aussi partout dans le monde, l’Allemagne bénéficiant de tarifs avantageux. Cela malgré l’opposition de nombreux pays européens qui considèrent que cette situation privilégie l’économie de l’Allemagne au détriment de celles de ses partenaires européens17.

C’est du point de vue du climat et de la sécurité énergétique européenne une impasse, dont les Allemands ne veulent toujours pas tirer les conséquences. Ils cherchent au contraire à y entraîner l’Europe avec eux : quand on a fait une erreur technologique, il faut bien sûr inciter vos voisins à faire la même afin de reste concurrentiel. C’est en ce sens que l’Allemagne agit constamment et avec succès à Bruxelles.

La politique énergétique actuelle de l’Europe n’est pas à la mesure des difficultés à venir. Car il n’y a pas de véritable politique commune aux pays qui la constituent dans ce domaine, pour des raisons historiques et de conflits d’intérêts industriels, mais aussi par une absence de vision commune pour l’avenir.

Le véritable choix que l’Europe peut faire pour décarboner son économie est en réalité entre gaz naturel importé et nucléaire. Il n’est quand même pas difficile de comprendre que le nucléaire sera plus efficace que le gaz naturel pour cela.

Le choix du gaz naturel est la voie allemande. Il est nuisible pour le climat. Eolien et solaire en sont des compléments possibles, très coûteux, sans réel intérêt pour le climat et très dommageables pour l’environnement. C’est aussi le cheval de Troie de la Russie, d’où viendrait une grande partie de ce gaz naturel, car l’Europe n’en a plus guère.

Le choix du nucléaire est ce qu’on pouvait encore appeler jusqu’à ces dernières années la voie française. Le nucléaire est en fait beaucoup moins problématique pour le climat et l’environnement, et bien moins coûteux, que le gaz naturel associé à l’éolien et au solaire. Il est beaucoup plus durable, surtout si se développent les réacteurs surgénérateurs, comme maintenant en Russie, Chine et Inde, et la filière thorium. Il ne compromet pas la sécurité énergétique de l’Europe et lui assure au contraire un avenir et un maximum d’indépendance énergétique. Mais il demande la poursuite d’un important effort de recherche pour en surmonter les problèmes encore mal résolus.

Une troisième voie, nous clame-t-on, va s’ouvrir car un jour le problème lancinant de l’intermittence sera résolu par la réalisation de moyens de stockage massifs de l’électricité pour y faire face, permettant ainsi de faire jouer un rôle majeur à l’éolien et au solaire photovoltaïque dans l’approvisionnement électrique européen. Toutefois ces moyens de stockage devraient  être suffisamment économiques, puissants et volumineux pour faire face à une période prolongée dépourvue de vent et de soleil, telle qu’en est régulièrement victime l’Europe et particulièrement l’Allemagne, où on l’appelle « dunkelflaute », littéralement le « marasme de l’obscurité ». Mais cela se ferait au détriment de l’environnement, l’Europe étant alors couverte d’un bout à l’autre d’éoliennes géantes et de panneaux solaires. Cela s’accompagnerait aussi d’une consommation considérable de matières premières importées, notamment produites en Chine, pays avec lequel les relations politiques sont difficiles et pourraient le devenir encore plus. L’électricité deviendrait aussi très coûteuse, parce que le coût de ces puissants stockages s’ajouterait au coût des électricités éolienne et solaire. Tout comme le coût des centrales pilotables qui assistent actuellement en permanence l’éolien et le solaire photovoltaïque s’ajoute au coût de ceux-ci. Avec comme résultat un prix de l’électricité pour les ménages bien plus élevé avec eux que sans eux. Mais de toutes façons ce jour où le volume, la puissance et le coût de ces stockages auront atteint les bons ordres de grandeur, tout comme l’Arlésienne18, que l’on espère toujours et qui n’arrive jamais, n’est sûrement pas pour demain. Par contre l’augmentation régulière des taxes sur l’électricité et maintenant sur les carburants accompagnant les déploiements de l’éolien et du solaire PV s’observe dès maintenant.

Les pays européens sont profondément divisés sur les choix en matière de production électrique, pour des raisons prétendument écologiques mais en réalité surtout dictées par leur passé énergétique et par les intérêts industriels et financiers maintenant attachés au développement de l’éolien et du solaire photovoltaïque, ainsi qu’aux industries du charbon et du gaz qui les assistent dans la plupart des pays d’Europe :

- neuf pays de l’Union européenne se disent pour l’instant hostiles au nucléaire et misent en fait pour l’avenir, quoiqu’ils en disent, sur le gaz naturel importé : Allemagne, Autriche, Danemark, Grèce, Espagne, Irlande, Italie, Luxembourg, Portugal.

 - treize pays souhaitent clairement garder ou développer le nucléaire : les huit pays de l’ex-Bloc soviétique, qui craignent la mainmise de la Russie sur l’approvisionnement énergétique européen, ainsi que la Croatie, la Finlande, le Royaume-Uni, la Slovénie et la Suède.

- trois pays n’ont pas besoin du nucléaire, la Norvège, qui a bien assez d’électricité avec son hydroélectricité, ou ne peuvent pas en avoir du fait de leur trop petite taille, étant donné la puissance des réacteurs actuels, Chypre et Malte. Mais ils seraient logiquement des clients potentiels pour des SMR.

- quatre pays sont irrésolus, Belgique, France, Pays-Bas, Suisse. Cependant, alors que leur Parlement envisageait en 1994 une sortie du nucléaire, les Pays-Bas viennent très récemment de s’orienter clairement vers le nucléaire19. La Belgique de son côté envisage de plus en plus le remplacement de son nucléaire par du gaz, et un référendum en Suisse a acté que les centrales nucléaires actuelles ne seraient plus remplacées une fois hors service.

Le cas de la France est surréaliste : pays le plus nucléarisé d’Europe, il a de ce fait un avantage comparatif très substantiel dans ce domaine sur les autres pays européens. Mais il est sans cesse poussé par l’Ecologie politique et les nombreux médias qui la soutiennent, par la multitude des rentiers de l’éolien et du solaire photovoltaïque et par la Commission et le Parlement européens à renoncer à ce qui fait sa force pour rejoindre le camp du gaz naturel importé emmené par l’Allemagne. C’est en tout cas ce que ses gouvernements successifs semblent s’efforcer de faire depuis plus de dix ans maintenant. Au point que certains se demandent s’il ne pourrait pas s’agir là de faire augmenter le plus vite possible le prix de l’électricité en France pour permettre à l’Allemagne de garder une compétitivité dans ce domaine avec son éolien, son solaire photovoltaïque et son gaz russe importé, quoiqu’il en coûte aux Français et au climat !

Les pays d’Europe dont le mix électrique est déjà décarboné et le restera grâce à l’hydroélectricité et/ou le nucléaire, ont pourtant bien plus que les autres des raisons d’être optimistes pour l’avenir. Ils pourront en effet ainsi produire pratiquement sans CO2 et à coût raisonnable l’énergie pour couvrir l’essentiel des besoins de presque tous les secteurs de l’économie en développant leur production nucléaire, et cela pour très longtemps s’ils construisent enfin des surgénérateurs comme le font actuellement les Russes, les Chinois et les Indiens. Mais cet atout considérable sera anéanti si l’Europe ne change pas radicalement les orientations actuelles de sa politique énergétique, qui consiste essentiellement à promouvoir l’éolien et le solaire photovoltaïque, c’est-à-dire en pratique le gaz importé, tout en entravant le plus possible le développement du nucléaire, c’est-à-dire en poussant par des lois absurdes et autres moyens juridiques sans justification technique ni économique les pays européens à suivre le choix de l’Allemagne. En compromettant aussi sa rentabilité par le suivi de charge de l’éolien et du solaire photovoltaïque qui lui est imposé.

Un changement de politique énergétique en Europe doit avoir lieu avant que l’éolien l’ait défigurée pour produire à grand gaspillage d’argent public et du consommateur de l’électricité largement inutile, et qu’avec le solaire photovoltaïque il ait fait diminuer inutilement la production d’électricité nucléaire, faisant ainsi prendre à l’Europe du retard dans la lutte contre le réchauffement climatique. Il faut donc faire vite !

Certains prétendent qu’il y a bien assez de place en Europe pour les centaines de milliers de km2 d’éoliennes et de panneaux solaires qui seraient nécessaires à un approvisionnement en électricité par ces moyens. Mais ce sont aussi ceux-là qui nous parlent de biodiversité, défendent un mode de vie bucolique, se présentent comme les sauveurs de l’humanité, alors qu’ils se comportent de fait en alliés objectifs de ce capitalisme vert qu’ils ont tant contribué à créer.

Nous ne sommes pas a priori pronucléaires, nous l’avons dit dans l’avant-propos, mais nous avons fait les comptes : nous avons constaté que la production d’électricité nucléaire est jusqu'à présent de toutes les méthodes de production d’électricité la plus respectueuse de la santé publique et de l’environnement, à l’opposé de ce qu’en disent ses détracteurs. Mais il faut que la recherche dans ce domaine permette de mettre en place rapidement un «nouveau nucléaire», plus versatile que les énormes réacteurs actuels, et doté de sécurités éliminant tout risque pour les populations voisines.

Nous disons qu’atteindre 100 % d’éolien et de solaire photovoltaïque dans la production européenne d’électricité est un mythe dans l’état actuel des techniques, sans qu’aucune solution soit en vue. La publicité en leur faveur est devenue un harcèlement de tous les jours, organisé par des «investisseurs » avides de subventions publiques et des politiciens carriéristes. Le prix à payer pour cette politique est déjà énorme : en coûts pour les consommateurs, en fiabilité et en sécurité de notre approvisionnement électrique et même énergétique, en quantité de matières premières importées et de déchets mal maîtrisés, en perte de biodiversité, en consommation d’espace aussi bien à terre qu’en mer, en nuisances pour les riverains, en difficultés pour les professions de la mer.

Et ce qui nous met en colère plus que tout, c’est le silence ou alors la désinformation des  «clercs» et des médias sur tous ces enjeux.

Il est navrant de constater que le développement inconsidéré des ElRi ne semble plus en France connaître aucune limite, du fait de l’attrait de leurs retombées financières pour les élus locaux, dont la responsabilité dans ce désastre est ainsi très importante, alors que ces retombées ne représentent qu’une petite partie des sommes prises dans la poche de leurs électeurs pour les financer20,21. Cela pour une électricité qui ne leur sert à rien !

Chaque commune rêve désormais aux miettes qu’elle pourrait s’approprier, au nom de la « valorisation de son territoire », en gonflant plus encore ce surcoût, dans un contexte duquel tout débat rationnel est dorénavant exclus. 

Nous savons ce que penseront instinctivement beaucoup des lecteurs de cet ouvrage : ce que disons ici ne peut pas être vrai ! Tous ces clercs, tous ces médias qui nous vantent sans arrêt l’éolien et le solaire photovoltaïque ne peuvent pas se tromper à ce point ! Nous leur répondons par avance :  lisez attentivement les références proposées, creusez vraiment le sujet, enquêtez comme nous l’avons fait, soyez logique, utilisez votre bon sens et votre esprit critique, prenez le temps de réfléchir par vous-même plutôt que par médias et mantras interposés… Ensuite vous jugerez !

 

Annexe :  Quelques compléments sur les éoliennes

La figure 1 montre les caractéristiques principales d’une éolienne puissante telle qu’on en utilise de plus en plus en mer : puissance développée en fonction de la vitesse du vent, et power coefficient, c'est-à-dire la proportion de la puissance mécanique du vent qui est récupérée en fonction de cette vitesse. On y a rajouté en tirets l’augmentation de la puissance mécanique du vent entrant dans le rotor.


                                     

Figure 1 : Eolienne E-126 de la marque Enercon, de puissance nominale 7580 kW (7,58 MW) et de 127m de diamètre de rotor. La courbe en tirets est celle de la puissance du vent traversant le rotor en fonction de la vitesse du vent, la courbe avec des ronds celle de la puissance récupérée par l’éolienne et la courbe avec des carrés (power coefficient) celle de la proportion de la puissance du vent qui est récupérée. La puissance effective de l’éolienne atteint sa puissance nominale pour un vent d’une vitesse de 16m/s (57,6 km/h). Elle récupère alors environ 25 % de la puissance du vent. Le maintien à la puissance nominale au-dessus de 16 m/s se fait par variation de l’incidence des pales (pitch control), et donc de la prise au vent.

Elle est arrêtée à 25 m/s (90 km/h) pour des raisons de sécurité matérielle, alors qu’elle ne récupère plus que 5 % de la puissance du vent. Son rendement énergétique devient donc nul. L’arrêt se fait par sa mise en drapeau et serrage d’un frein de sécurité.

Pour calculer le rendement énergétique annuel net de l’éolienne, c’est-à-dire la proportion de l’énergie mécanique du vent entrant qui est transformée en électricité réellement mise sur le réseau électrique au cours d’une année de fonctionnement, il faut associer la variation de puissance en fonction de la vitesse du vent à la distribution des vitesses de vent pendant l’année sur le site d’implantation. C’est à connaître cette distribution que servent les mâts de mesure. On utilise souvent dans les calculs une approximation sous forme d’une courbe dite de Weibull, comme indiqué sur la figure 2.

                                            

Figure 2 : Exemple de distribution des vitesses du vent et de son approximation par une courbe de Weibull. Source: The Swiss Wind Power Data Website https://wind-data.ch/tools/weibull.php?lng=en

Sur cet exemple, on constate par comparaison avec la figure 1 qu’avec cette distribution des vitesses de vent le facteur de charge de cette éolienne est d’environ 15 %, et son rendement énergétique moyen d’environ 25 %.

Le rendement énergétique net d’une éolienne est en moyenne de l’ordre de 25 à 30 % sur la gamme habituelle des vitesses de vent habituelles où elle fonctionne. Ce rendement ne doit bien sûr pas être confondu avec le facteur de charge annuel décrit au chapitre 1, qui rappelons-le est le rapport entre la quantité totale d’électricité produite dans l’année par une éolienne et celle qu’elle aurait produite si elle avait fonctionné toute l’année à sa puissance maximale (nominale).

Le plus important est d’évaluer la quantité productible annuelle d’électricité, qui déterminera la rentabilité financière de l’éolienne : on voit qu’elle est maximale avec cette éolienne Enercon si la vitesse du vent reste comprise toute l’année entre 50 et 90 km/h environ. De telles situations n‘existent pas dans la pratique en Europe, où cette vitesse n’atteint que quelques dizaines de jours par an plus de 50 km/h et moins de 90 km/h.

 

 

 

 

 


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