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mardi 17 décembre 2019

Quand le passé devrait guider notre avenir


Chronique d'un conflit ordinaire

Jean Pierre Riou
 
Où il apparaît que le recours au gaz, rendu incontournable par le développement des énergies renouvelables intermittentes, a vocation à déstabiliser l’équilibre géostratégique mondial avec d’autant plus de certitude que ses réserves sont appelées à s’épuiser.
Il est évident que les réseaux sociaux feront partie des moyens permettant de déstabiliser un régime.
 
L'escalade en méditerranée orientale
Les découvertes en 2009 et 2010 d’importants gisements d’hydrocarbures dans les fonds marins de méditerranée orientale ont contribué à déstabiliser la région.
Les perspectives de manne pétrolière ont notamment exacerbé les tensions tribales libyennes, ainsi que l’analyse l’Institut des relations internationales et stratégiques (IRIS) [1].
En janvier 2019, le Forum de la Méditerranée [2] s’est efforcé d’exclure la Turquie de l’exploitation de ces ressources.
Décidée de jouer avec le feu et provoquant la colère de l’Europe, la Turquie a néanmoins entrepris des forages illégaux [3].

En réaction à ce passage en force, le Conseil européen à adopté, début novembre, un cadre de mesures [4] permettant de sanctionner ces activités illégales de forage.
Fin novembre, un accord turco-Libyen [5] de délimitation maritime, partageait l’exploitation entre les deux protagonistes et évinçait la Grèce et Chypre de leurs droits.
La tension est montée d’un cran le 6 décembre, avec l’expulsion de Grèce [6]de l’ambassadeur libyen.

Le recours aux armes
Le 16 décembre, Ankara  renforçait son bras de fer [7] et revendiquait ses droits en faisant atterrir un drone armé de l’armée turque dans le nord de l’île de Chypre*.
Selon Zone Militaire [8], ce drone tactique Bayraktar TB2, pourrait être armé de missiles anti-char UMTAS.
Le même jour, le Parlement d’Ankara avait entériné les accords turco libyens et le président Erdogan montrait sa détermination en annonçant l'engagement des soldats turcs [9] dans la guerre civile libyenne.
Le lendemain même, Washington répondait en levant l'embargo sur les ventes d'armes américaines à Chypre, et le ministère turc se déclarait prêt à répondre militairement [10] à cette dangereuse escalade. 

Les conséquences d'un durcissement éventuel du conflit sont d'autant plus inquiétantes qu'Ankara vient tout juste d'annoncer sa menace de fermer les bases de l'Otan en Turquie et de renforcer ses liens avec Moscou en achetant les systèmes de défense russes S400 malgré l'opposition de Washington qui les considère incompatibles avec l'armement de l'Otan [11].

*La République Turque de Chypre du Nord (RTCN) [12] est issue de l’invasion par l’armée turque du nord de Chypre, voilà plus de 40 ans.
République qui n’est reconnue, depuis, que par la Turquie.

Les leçons d’un passé récent
Les conséquences potentielles d’un conflit de ce type doivent être évaluées à la lumière de l’imbroglio du conflit syrien. Et le rôle des enjeux concernant l’acheminement du plus gros gisement de gaz au monde, le gisement irano-qatari de South Pars.
Malgré le caractère religieux des rivalités en présence, le Qatar affichait une volonté géopolitique de construire un gazoduc « sunnite » destiné à approvisionner l’Europe par voie terrestre, afin d’éviter la surveillance étroite des méthaniers par l’Iran au passage du détroit d’Ormuz, ainsi que l’expliquait David Rigoulet-Roze [13], chercheur rattaché à l’Institut d’Analyse Stratégique (IFAS). TV5Monde, qui rapporte cette analyse, révèle que lors de la Conférence de Doha (2012), le Qatar aurait signé un protocole avec l’opposition syrienne, qui garantissait le passage du gazoduc dans la Syrie de l’après Bachar el-Hassad. Ce dernier avait en effet avait opté pour le « gazoduc chiite » destiné à acheminer le gaz jusqu’au port syrien de Tartous d’où les méthaniers auraient pu s’approvisionner.  
L’option qatari, qui représentait pour l’Europe une alternative à une trop grande dépendance du gaz russe, avait le soutient des Occidentaux, États-Unis et France en tête.
Mais le soutien armé de la Russie a permis de maintenir au pouvoir le gouvernement de Bachar el-Hassad, malgré les 3 milliards de dollars qataris destinés à armer les rebelles syriens, selon le Financial Times [14], ainsi que les frappes françaises [15] et américaines.

Il ne faudrait certes pas voir dans cette explication la seule cause d’un conflit beaucoup plus complexe. Toujours selon David Rigoulet-Roze « Le pipeline est une variable importante, qui s'inscrit dans un ensemble et qui n'est pas le déterminant essentiel, mais qui n'est pas non plus un déterminant mineur »
L’audition devant le Sénat [16] d’Alain Juillet, président du Club des Directeurs de Sécurité des Entreprises (CDSE) n’en reste pas moins convaincante quant à l’importance de cette « variable ».

Quand la Russie se tourne de l’Asie
La « Chronique d’un suicide collectif » [17] avait évoqué les raisons de l’éviction de TOTAL de ses droits d’exploitation de ce fabuleux gisement.
C’est la Chine qui a tiré les marrons du feu, en remplaçant TOTAL[18], après que les pressions américaines aient contraint ce dernier à abandonner son contrat iranien à 5 milliards d’euros.
L’explosion économique de pays émergents comme la Chine rebat les cartes des équilibres géopolitiques. En se rapprochant d’elle, la Russie « renforcera  sa capacité à servir de passerelle entre l'Asie et l'Europe et fournira à Moscou un levier d'influence supplémentaire », ainsi que le remarquent les analystes de l’Institut Montaigne [19] qui considèrent que leurs liens sont amenés à se resserrer, quelle que soit l’évolution des rapports sino-américains ou russo-américains,
L’inauguration du gazoduc géant « Power of Sibéria » [20] a constitué, ce 2 décembre 2019, une étape supplémentaire de ce rapprochement.

L’impuissance de l’Occident
 Ce rapprochement sino-russe se situe dans un contexte de sanctions occidentales vis-à-vis des 2 partenaires.
A propos de la Crimée pour la Russie, et de la guerre commerciale avec les États-Unis pour la Chine.
Le Conseil européen a prorogé jusqu’au 15 mars 2020 [21] les sanctions contre la Russie liées à son annexion illégale de la Crimée
La partie économique de ces sanctions vise notamment son secteur bancaire, ses compagnies énergétiques et ses entreprises de défense.
Non seulement la bascule vers l’Est et l’intégration asiatique de la Russie la protège de la menace des conséquences de telles sanctions futures, mais le formidable débouché chinois de son gaz lui confère un puissant levier diplomatique à travers notre propre approvisionnement.

Le bloc de l’Est
Malgré tous ses efforts en ce sens, l’Occident n’avait pas réussi davantage à évincer le président syrien que son homologue turc.
Car tous 2 ont pu compter sur un appui sans faille de Moscou.
Et le gazoduc géant « Turkish Stream », dont l’inauguration est prévue le 8 janvier 2020 [22], renforce encore leurs liens.
Notons que la Chambre des représentants des États-Unis vient de décider la mise en place de sanctions [23], aussi bien envers les entreprises concernées par ce gazoduc turc que contre celles du gazoduc allemand Nord Stream 2, pour la raison que ce dernier affaiblit la position de l’Ukraine et renforce encore davantage la dépendance de l’Europe à la Russie.

Vers une déstabilisation
L’escalade des tensions en méditerranée orientale doit faire craindre des tentatives de déstabilisation de la région, identiques à celles qui ont armé les rebelles syriens, malgré la protection militaire de la France [24].
Et on ne peut ignorer que les réseaux sociaux peuvent en être le cheval de Troie.
Le Times [25] et Bloomberg [26] ont notamment évoqué le rôle de la Russie dans le mouvement des gilets jaunes, via des centaines de comptes Tweeter propageant des informations fausses.
Selon le Courrier International [27], les russes pourraient tenter, par cette méthode, d’amplifier les divisions ethniques, ainsi qu’entre politiques et travailleurs.

Le propos n’est pas de donner le moindre crédit à une quelconque paranoïa complotiste relative à l’origine des conflits qui ébranlent la France depuis un an.
Mais de ne pas occulter le fait que nous avons-nous même armé les rebelles syriens [28] qui « préparaient leur démocratie » et de savoir que les réseaux sociaux font partie des armes les plus redoutables.
Quelle que soit, par ailleurs, la légitimité de la France d'être intervenue.

Il importe de prendre conscience de la gravité extrême des enjeux de l’équilibre mondial, dans un contexte de raréfaction des ressources fossiles et d’explosion de leur consommation.
Ces enjeux sont autrement plus déterminants que lors des premiers chocs pétroliers qui avaient incité la France à se doter d’un parc nucléaire en à peine 20 ans.

Et il convient de se défier des contes de fées qui reposent sur des systèmes qui s’obstinent à ne pas fonctionner [29].
Car il est dangereux que l’opinion publique puisse se tromper de risque et en faire courir un plus grand encore par l'incitation des politiques à réduire notre parc nucléaire au bénéfice d’une production renouvelable intermittente, dont on connaît parfaitement le lien avec la dépendance au gaz et le chaos qui succède à l'embrasement des conflits.





vendredi 13 décembre 2019

Le conflit franco-allemand


 
Le sous-sol allemand recèle les plus grosses réserves prouvées de charbon d’Europe, mais l’envolée prévisible du prix du carbone impose au pays de trouver une alternative.
La France ne dispose d’aucune énergie fossile et a joué la carte du nucléaire en raison du coût infime de l’uranium. La 4ème génération de réacteurs laisse entrevoir plusieurs siècles de carburant disponible.
La disponibilité et le coût de l’énergie sont les facteurs clé de toute stratégie de compétitivité. Pour autant, la pression de l’opinion est susceptible d’amener le politique à jouer contre son camp.

Énergie et climat
La 25ème Conférence des parties sur le climat (Cop 25) s’est ouverte, ce 2 décembre, dans un climat morose à Madrid.
Le rapport de septembre [1] de Global Carbon Project vient de révéler que la consommation énergétique mondiale augmente plus vite que la décarbonation de son énergie.
Éloignant toujours plus les pays signataires du respect des Accords de Paris (Cop 21).
En effet, malgré la légère réduction des émissions de l’Union européenne (-2,1%), les émissions mondiales ont continué d’augmenter, avec + 2,1% en 2018.
Notamment en Chine (+ 2,3%), aux États-Unis (+ 2,8%), en Inde (+ 8,1%) et + 1,7% pour le reste du monde.
Toujours selon ce rapport, le gaz est le grand gagnant des efforts de décarbonation de l’énergie, avec une progression de 2,6% chaque année depuis 2013, dont  +9,4% en Chine.
Plus surprenante est l’augmentation, en 2018, de l’usage du pétrole, de 1,3% aux US et 1% en Europe, où le pic de consommation était pourtant réputé dépassé depuis quelques années.
Ces tendances sont confirmées par les estimations 2019 de Enerdata.
Symbole du combat pour le climat, les éoliennes connaissent l’année la plus noire de leur histoire [2] dans une Allemagne qui voit ses ambitions climatiques s’éloigner de sa portée.

Le retour du nucléaire

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