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vendredi 28 juillet 2017

Intermittence et CO2



Intermittence et évolution du CO2 

Des effets de l'augmentation des EnR intermittentes sur les émissions de CO2 : 
Comparaison France/Allemagne 
 
Jean Pierre Riou
 
Allemagne

La quantité exacte d'équivalent CO2 d'un parc de production d'électricité peut s'évaluer grâce aux différents coefficients d’émission propres aux unités de production de chaque filière.
Ces coefficients pouvant également varier avec l’âge de chaque unité ainsi que ses régimes de fonctionnement, une même unité étant en effet infiniment plus polluante lorsqu’elle ne fonctionne pas à son régime optimum.

RTE (Réseau de transport d’électricité) donne une moyenne de ces ratios sur son site http://www.rte-france.com/fr/eco2mix/eco2mix-co2

Bien qu’insuffisante pour quantifier exactement les émissions réelles de CO2,  la quantité d’électricité produite par chaque filière reste un indicateur majeur de l’évolution d’un système électrique. Et malgré l’approximation de ce seul critère, il permet de prendre la mesure de l’efficacité d’une politique énergétique au vu de l’évolution des filières les plus émettrices.

Les émissions évitées par l’évolution technologique des centrales d’une même filière relevant d'un autre domaine, susceptible d'ailleurs de fausser les conclusions d'une analyse.

C’est pourquoi, en prenant arbitrairement le coefficient moyen de 0,4 tonne de CO2 par MWh produit à partir du gaz, de 0,7 pour le fioul, 1 pour charbon/lignite (le lignite étant plus émetteur encore que le charbon) et 0,98 pour la biomasse, le calcul des émissions à partir de la production de chaque filière reste un indicateur pertinent de l’efficacité du remplacement d’une filière par une autre. 

Permettant au graphique ci-dessous de montrer que les émissions allemande sont en augmentation depuis 2002 (cadres grisés pour 2002 et 2016), notamment en raison des 47 TWh de biomasse en 2016 (en bas, en vert), contre 4 TWh en 2002.

(D’après Energy Charts)
Parallèlement, la production de charbon/lignite est en diminution, celle de gaz, en augmentation.

Mais malgré une augmentation de la production depuis 2002, liée aux excédents intermittents, alors que les besoins de la consommation sont constants, le MWh allemand affiche, selon ce calcul, 0,54 t CO2 en 2002 et 0,55 en 2016 (avec une production 2002 de 498 TWh (net) et 542 TWh en 2016).

L'envolée des exportations
Il apparaît en effet sur le graphique ci dessus, que les exportations, en violet en bas augmentent chaque année parallèlement à l’augmentation de la production aléatoire éolien/photovoltaïque.
Ces mêmes exportations variant rapidement en fonction de la production solaire ou éolienne, tandis que l’Allemagne importe de l’électricité lorsque soleil et vent ne sont pas au rendez vous, ainsi que cela apparait sur le graphique ci-dessous.

(Source Energy Charts)


La biomasse en question
Certaines analyses tentent de minimiser l’impact de la biomasse, sur les émissions de CO2, à leur sujet, deux remarques s’imposent :
1° L’aspect bénéfique évoqué sur la capture de CO2 qui serait ainsi permise est largement réfutée par des analyses récentes, et la destruction des forêts primaires, ainsi remplacées par le "bois énergie" de piètre qualité est condamné par les Nations Unies.

2° Quand bien même la biomasse n’émettrait pas de CO2, l’intégration de sa production au sein des "énergies renouvelables" (EnR) tend à conférer des capacités imméritées à celles d'entre elle qui sont intermittentes (EnRi), alors que la biomasse ne relève bien souvent que d'une alimentation différente des même centrales thermiques pilotables, c'est à dire à production garantie.

 
France

Le parc de production électrique français a la spécificité d’être décarboné à plus de 90% alors qu’il ne dispose que de 25,4 GW hydrauliques sur les 130,8 GW de puissance totale.
Les centrales thermiques sont en effet réduites au strict minimum, avec 21,8 GW, grâce au fonctionnement unique au monde de notre parc nucléaire (63 GW) qui assure la base, mais également la ½ base en suivant au plus près les besoins de la consommation, aussi bien au fil des saisons que dans son rythme journalier, comme le montre le graphique ci-dessous.
 (Source : analyse J.P.Hulot d’après données consolidées RTE)

Il est aisé de comprendre que toute augmentation de l’intermittence de production par l’injection accrue d’énergies aléatoires comme le solaire ou l'éolien, demandera d’avantage de moyens thermiques pour leur ajustement avec les besoins de la consommation.

Le graphique ci-dessous représente la production électrique du mois de janvier 2016, dans laquelle la production solaire/éolienne a été multipliée par 10 ainsi que le préconise le scénario Ademe.


(Source : analyse F.M.Bréon d’après données consolidées RTE )

Il apparaît en effet sur ce graphique que même avec 10 fois plus d’éoliennes, quand il n’y a pas de vent ni de soleil, c’est l’intégralité des moyens pilotables qui doit demeurer disponible, et qu’on ne peut pas espérer fermer le moindre réacteur grâce à des moyens susceptibles d'interrompre leur production. 
Et s'il apparaît sur ce graphique que la production dépasserait largement les besoins de la consommation, au mêmes moments d'ailleurs qu'en Allemagne.
Et que toute l'Europe ne peut se permettre d'exporter au même moment.

Il apparait surtout que l’amplitude de ces variations  demandera d’avantage de moyens thermiques pour maintenir instantanément l’équilibre du réseau électrique.

Et que, par là même, les émissions de CO2 augmenteront

Le développement d'énergies intermittente en France ne saurait permettre de fermer le moindre réacteur, mais surtout, ne saurait diminuer les émissions de CO2, déjà réduites à la portion congrue de 19 Mt en 2014 (avant d'augmenter les 2 années suivantes malgré le développement des EnRi).

La Commission de régulation de l'énergie (CRE) vient de publier la prévision des surcoûts des énergies renouvelables pour ces 5 prochaines années.



"Rattraper son retard en matière d'énergies renouvelables" saurait il justifier les milliards d'argent public engagés.


samedi 1 juillet 2017

Acoustique des parcs éoliens



Problématique acoustique des centrales éoliennes en France

Jean Pierre Riou

Les contrôles acoustiques des centrales éoliennes en France se réfèrent au projet de norme AFNOR Pr NF S31 114 dans sa version provisoire de juillet 2011 telle que mentionnée dans l’arrêté ICPE éolien 2980 du 26 aout 2011.

Caractéristiques de la norme
Toute norme repose sur le consensus entre les différents intérêts représentés au sein de la commission chargée de la rédiger.
Après mise à l'enquête publique du projet de norme, ce projet devient norme française après avoir impérativement été signée par le Directeur général de l’AFNOR.
A défaut d'avoir satisfait à l'enquête publique et que ne soit apposée cette signature, aucun texte réglementaire ne peut y faire référence.

La rédaction provisoire de ce projet de norme comportait une modification de la notion d'émergence telle qu'elle est retenue dans le code de la santé publique, c'est à dire la caractérisation de l'apparition d'un bruit particulier par dessus le bruit résiduel (ou bruit de fond).

Le projet de norme visait à classer par vitesse de vent, et indépendamment du temps, les niveaux de bruit et à moyenner cette intrusion sonore sur une longue période au sein d'un "indicateur d'émergence", en y intégrant les incertitudes de mesurage (et de calcul).
Le Syndicat des énergies renouvelables (SER) avait d’ailleurs tenté, sans succès, d’intégrer cette modification de la notion d’émergence dans le texte même de l’arrêté, en proposant un amendement en ce sens lors de la réunion du Conseil supérieur de l’Énergie chargé de se prononcer sur le projet de texte de l’arrêté, le 8 août 2011.
(Source Ministère de l'Environnement, de l’Énergie et de la Mer)
A partir de 2011, les intérêts des riverains ont également été représentés au sein de la commission AFNOR 31 114, notamment par des acousticiens, qui se sont élevés contre cette interprétation jugée biaisée de la définition de l'émergence, qui existe depuis 1996 (norme NF S31 010).
Les différences considérables de résultats selon les méthodes de mesurage utilisées ont naturellement prolongé les débats, qui avaient d'ailleurs débuté de façon officieuse, puisque aucun groupe de travail légal n'avait été lancé par l'AFNOR lors de leur première phase.

Les travaux de la commission S30J éolien ont été interrompus à la demande de la Direction générale de la prévention des risques (DGPR) en janvier 2017 et le projet de norme abandonné au profit d'un projet de guide de mesurage.
La rédaction en a été confiée au Centre d'étude et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema), organisme d’État, qui évite ainsi la nécessité de recherche d’un consensus entre tous les acteurs, notamment les associations de riverains. 
Cette démarche avait été dénoncée dans une lettre ouverte, le jour même de cette décision.

Selon un article d’Actu Environnement « Deux méthodes d’analyse de l’émergence sonore sont encore en discussion à ce jour : une approche statistique basée sur une observation des niveaux sonores de long terme, telle que décrite dans l’actuel projet de norme et une méthode basée sur une approche “instantanée”, qui suppose le respect des exigences “à tout instant” »

Et c’est bien là, en effet,  le fond du problème !
D’un côté le besoin des exploitants, à partir de mesurages complexes, de comprendre comment brider leurs machines pour éviter de dépasser les seuils réglementaires, quels que soient les régimes de vent et les conditions météorologiques, de l’autre, les associations de riverains qui souhaitent que ces prévisions s’accompagnent d’un réel respect de la réglementation.
La première méthode, statistique et de long terme, étant prédictive, la seconde établissant un constat.
Le constat met en évidence la validité de la prédiction, en aucun cas la prédiction ne peut remplacer le constat.
Les riverains n’ont d’ailleurs pas à se mêler de la façon dont les exploitants parviennent à prévoir. Seule, la rigueur du constat, en cas de dépassement des valeurs réglementaires, leur importe.

Et c’est pourquoi ces deux méthodes d’analyse doivent impérativement coexister : celle de constat pour garantir la protection des riverains, l’approche statistique de long terme permettant aux exploitants de brider leurs machines de façon à respecter la méthode de constat.

La difficile maîtrise de la problématique
Contrairement à ce qui semble ressortir de l’article, la filière professionnelle a les plus grandes difficultés à prévoir le bruit d’une centrale éolienne, notamment en raison d’interactions imprévisibles entre éoliennes qui créent épisodiquement des zones de bruit accru, des battements liés aux corrélations/décorrélations de phase, ou dont les turbulences accroissent les émissions sonores. 
Une inversion de température ou la survenue de givre pouvant également entrainer un accroissement considérable de l’impact sonore du bruit éolien sur les riverains.

Pilotage automatique des éoliennes
En évoquant des systèmes interactifs entre les machines et les données acoustiques, l’article d’Actu Environnement fait allusion au système IEAR qui permet à l’exploitant d’optimiser sa production en assurant le bridage minimum permettant, en temps réel, de rester au plus près des seuils limites réglementaires.
La filière éolienne reconnait pourtant que les réglementations du bruit éolien sont généralement fondées sur l’acceptation du fait qu’un nombre significatif de riverains sera dérangé lorsque les seuils autorisés sont pleinement employés (voir document Vestas page 16).
Un tel système interactif impliquera l’augmentation de la durée de ces périodes de gène, tout en dissuadant le riverain de se plaindre puisqu’à priori le seuil réglementaire ne sera pas dépassé.

La dispense du code de la santé publique
Ce seuil réglementaire, autorisé ainsi sur de longues périodes, même nocturnes, a été porté, rappelons le, à 35 décibels au lieu des 30 décibels inscrits dans le code de la santé publique prévus dans le projet de texte, notamment à la demande du Syndicat des énergies renouvelables, dans les conditions décrites par la Sénatrice A.C. Loisier dans sa question au gouvernement.

L’insuffisance des critères de gène retenus
De nombreux critères de gène ne sont pas pris en compte en France (voir 2° partie de http://lemontchampot.blogspot.fr/2017/05/effets-sanitaires-des-eoliennes.html).
Les publications scientifiques récentes (depuis 2011 notamment) ont amené de nombreux pays à réglementer les bruits de basse fréquence des éoliennes, et même leurs infrasons (pris en compte au Danemark à partir de 10 Hz depuis 2011), tandis que la réglementation britannique est en cours de modification pour y proscrire les modulations d’amplitude excessives.
De nombreux riverains regrettent amèrement l’intrusion de ces machines dans leur environnement sonore.
L’Académie de médecine vient de considérer que ces éoliennes perturbaient le sommeil dans un rayon de 1,5 km.

Malgré les efforts indéniables de la filière professionnelle, il est difficile de se contenter de l'affirmation que la problématique acoustique des centrales éoliennes en France serait résolue.